Epilogue : Légende

ShiroiRyu
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Epilogue : Légende

« Hein ? » s’écrièrent les enfants en chœur, choqués par les dernières paroles de la vieille femme. Celle-ci avait perdu son sourire alors qu’une petite fille s’était relevée du sol :

« Madame ! Ce n’est pas possible ! Et elle où la jolie fin où ils sont heureux et eurent beaucoup d’enfants ? Comme dans toutes les autres histoires ? »

« Il n’y a pas de telle fin, ma petite. Cette histoire s’est terminée ainsi. » murmura la personne d’un certain âge avec lenteur, ses yeux argentés fixant la petite personne qui s’était adressée à elle. Ce n’était pas … toujours ce que l’on désirait. La vérité était triste … bien triste …

« Mais mais mais … Et Raikoso ? Et Rayquaza ? Qu’est-ce qui s’est passé avec eux ? » questionna un garçon un peu plus âgé que la majorité des autres.

« Allons bon … Il est l’heure pour vous de rentrer. Il est si tard … et demain, vous avez école, n’est-ce pas ? Il sera lundi alors bon … Vous devriez rentrer chez … »

« ON VEUT SAVOIR ! » hurlèrent les enfants une nouvelle fois en chœur, la vieille femme faisant un petit tic nerveux. Et bien … Ils avaient de la force.

Pourquoi ces enfants voulaient-ils que ça soit différent ? On ne pouvait pas se battre contre la vérité … On pouvait la dissimuler … la cacher … la voiler … Mais la renier était une chose horrible. Elle en savait quelque chose à ce sujet. Elle s’était arrêté à ce moment dans l’histoire pour ne pas les attrister plus mais … Puisqu’il en était ainsi …

« Le corps de Raikoso ne fut jamais retrouvé. » reprit-elle, ne prononçant que cette phrase.

« Mais … Mais … Mais … Et Rayquaza ? Le seigneur de la montagne est devenu quoi ? Enfin la jolie dame dont vous parliez. »

« Depuis ce jour, nous n’avons plus jamais entendu les cris dans la montagne. Le mont Elyeus est devenu définitivement silencieux. »

La vieille femme déglutit, l’effarement commençant à lire sur les visages des enfants. Les plus jeunes filles avaient déjà quelques larmes aux yeux. L’un des garçons s’adressa à la personne âgée d’une voix chevrotante :

« Et … Et … Euh … Si … Si … C’est parce que Raikoso n’a pas été trouvé … Il est peut-être pas mort ? Hein ? C’est peut-être possible, ça ! »

« Sais-tu ce que représente cette ligne rouge que tu peux apercevoir sur la montagne ? » demanda la vieille femme, désignant du doigt le mont Elyeus et la ligne qui semblait le couper en deux. Une ligne rouge qui brillait malgré la distance. « Cette ligne représente l’ascension mais aussi la chute de Raikoso. Après celle-ci, il est dit que le divin Arceus a transformé son sang en cristaux parcourus de multiples rubis. Cette barrière de cristal est impossible à briser mais sert de preuve aux nombreuses personnes qui voudraient prendre le risque d’escalader la montagne à nouveau. »

« Alors … Raikoso est vraiment mort ? Car si on a plus de sang … On peut plus vivre. »

« … … … Son corps a disparu ainsi que celui de Rayquaza. » reprit la vieille femme.

« Mais … Mais … Mais … Et le village alors ? Et puis, Sarah ? Qu’est-ce qu’ils ont dit ? Car Raikoso était quelqu’un d’important non ? »

Quelqu’un d’important non ? C’était plus que ça. Beaucoup plus … Raikoso avait été la personne qui avait permis au village de survivre et de rester ce qu’il était … Oui … Raikoso, par son absence de relations avec le village à ses débuts puis à sa fin … Avec les nombreuses pierres qu’il ramenait de la montagne … Avec cette mentalité qui faisait de lui un homme intègre et désintéressé … Il avait fait bien plus que ne pouvait le croire ces enfants.

« Madame … Madame ? Vous êtes fatiguée ? Et il est arrivé quoi à Sarah ? » demanda une jeune fille en secouant légèrement son bras pour la faire sortir de sa torpeur.

« Hein ? Que ? Quoi ? Ah … Sarah. La jeune femme n’a pas cru à la mort de Raikoso. Même si celui-ci n’est jamais redescendu de la montagne, elle a toujours pensé qu’il avait survécu et qu’il était heureux au sommet de la montagne avec Rayquaza. Il avait fait son choix et elle était heureuse pour lui. Elle n’a jamais trouvé l’amour et n’a jamais pensé à un autre homme. Pourtant, elle fut souvent courtisée mais sa … beauté flétrit avec le temps et peu à peu, les gens l’oublièrent puisqu’elle n’avait rien d’exceptionnel. Elle a continué de croire au retour de Raikoso jusqu’au bout mais en même temps, elle aurait aimé qu’ils ne se séparent pas en se disputant. C’est bien quelque chose qu’elle regrette amèrement. »

« Sarah … Elle continue de croire en Raikoso. C’est beau l’amour ! Mais c’est dommage qu’il aime quelqu’un d’autre … Je suis un peu triste pour elle. » chuchota une jeune fille.

« Oh … Il n’y a pas de raison d’être triste pour elle. Sarah était heureuse tant que Raikoso était heureux. Néanmoins, malgré tout ce qu’elle a pensé depuis la dernière fois où elle l’a vu, elle s’est toujours demandé … s’il lui pardonnait. »

Pendant qu’elle parlait aux enfants, la vieille dame remarqua qu’une personne s’était arrêtée pour les observer. Une femme aux longs cheveux verts comme ses yeux. Elle portait une robe blanche aux épaules nues et malgré les regards des hommes sur elle, nul ne semblait vouloir l’approcher. Elle était là, immobile et fixe.

« Allez … Il est temps pour vous de partir. Il commence à se faire tard. » annonça la vieille femme alors que les enfants demandaient :

« Dites … Vous nous raconterez une autre histoire demain ? »

« Ah … Cela … On verra les enfants. Soyez sages, c’est le plus important. »

« D’accord ! A demain ! » répondirent les enfants avant de s’éloigner les uns après les autres.

Elle les regarda partir, un sourire aux lèvres. Pourtant, elle ne semblait pas vouloir quitter son banc. Ses yeux argentés et fatigués par l’âge se tournèrent vers la jeune femme aux cheveux verts. Celle-ci semblait un peu gênée par quelque chose, comme si elle n’osait pas s’approcher d’elle. Finalement, au bout de longues minutes alors qu’il n’y avait plus personne autour d’eux, la femme en robe blanche s’approcha d’elle.

« Madame Sarah ? » dit la jeune femme avec lenteur et appréhension.

« Mademoiselle Sarah. Je ne me suis jamais mariée de toute mon existence et je ne le regrette pas … du moins pas de cette façon bien entendu. »

« Ah ! Euh … Je suis … vraiment … désolée. » reprit la jeune femme, passant une main dans ses cheveux verts, détournant le regard en même temps.

« Je ne pense pas que vous ayez attendu toutes ces années pour venir simplement me saluer de la sorte, n’est-ce pas ? » murmura Sarah, un sourire aux lèvres, comme amusée par la situation. La jeune femme parut surprise, disant aussitôt :

« Je … Vous étiez au courant, n’est-ce pas ? Que … Enfin … »

« Que cela fait cinquante ans, une fois par année, que vous vous tenez devant moi en espérant réussir à m’adresser la parole. Cinquante ans … et aucun changement. Savez-vous ce que la jeune femme nommée Sarah de la légende a espéré jusqu’à la fin de sa vie ? »

« Que … Que … L’homme qu’elle aimait soit heureux … là où qu’il soit. » dit la jeune femme aux cheveux verts, un peu tremblante.

« C’est exact. Que puis-je faire pour vous ? Car une question vous taraude, n’est-ce pas ? »

« … … … Je … ne sais pas trop par où commencer. Il m’a fallu tellement d‘années pour n’arrive qu’à ce résultat mais … Je voulais … Je voulais … y arriver. »

« Savez-vous ce que … J’ai décidé de croire pendant des années ? Par rapport à Raikoso ? Qu’il était toujours vivant … Qu’il était toujours là-haut, au sommet de la montagne et que même … Si il ne pouvait pas en redescendre … Qu’il continue de vivre et qu’il soit toujours le même. C’est la seule chose qui m’importe … depuis le début … Comment dois-je vous appeler … mademoiselle ? »

Elle pouvait l’appeler comme elle le désirait. Elle ne portait pas de nom pour … le village. Elle était simplement une inconnue qui ne passait qu’une fois par an. La vieille femme garda le sourire qui la caractérisait, semblant réfléchir avant de chuchoter :

« Est-ce qu’il est possible … de répondre à mes espoirs ? Est-ce que … Raikoso … est vivant ? J’ai besoin de savoir … vraiment besoin. »

« Il n’est plus … vivant … Pas de la façon des humains … Après ce qui s’est passé, son corps n’aurait été d’aucune utilité … Mais Arceus est intervenu. »

« Arceus … L’Arceus de la légende ? Comment cela ? » demanda la vieille femme aux cheveux gris comme ses yeux, étonnée, chose rare à son âge.

« Lui-même en personne. Ou elle. Nul ne le sait, moi-même, je n’en sais rien. Il semblerait que le dieu soit assez strict dans ses paroles. Alors que je pensais qu’il fallait que le corps en entier de Raikoso atteigne le sommet. Néanmoins, ce n’était pas les paroles exactes d’Arceus qui voulait simplement que Raikoso atteigne le sommet. Dès l’instant où ses doigts foulèrent celui-ci, alors … Tout était terminé. J’ai cru disparaître … emportant avec moi l’être que j’ai observé depuis des années sans même pouvoir lui adresser la parole. »

« Qu’est-ce que … Raikoso est devenu alors ? Quelqu’un … comme vous ? »
La jeune femme hocha la tête positivement. En réponse à cela, la vieille dame poussa un profond soupir de soulagement. Pour la première fois depuis longtemps, elle était soulagée … très soulagée même. Elle resta muette pendant de longs moments jusqu’à ce que la jeune femme tente de dire quelque chose sans y arriver. Cette femme aux cheveux verts … Elle était magnifique … n’est-ce-pas ?

« Je ne pensais pas que vous seriez aussi … intimidée par le simple fait de discuter avec moi. C’est bien différent de ce à quoi on s’attend en vous voyant. »

« Je … Malgré tout ce temps qui s’est écoulé, je ne suis pas encore habituée … Et puis, j’ai l’impression de vous faire du mal. » murmura la jeune femme aux cheveux verts avec tristesse, baissant les yeux pour ne plus regarder la vieille dame.

« Me faire du mal ? Tiens donc … Et pourquoi cela ? Qu’est-ce qui vous pousse à croire une telle chose ? Ai-je l’air de souffrir ? »

« Mais … Mais … Mais … Je vous ai retiré Raikoso ! Je suis la seule responsable de votre malheur ! Je suis celle qui … qui … vous a tout pris. Vous auriez pu être heureuse avec lui et vivre paisiblement … Mais … Parce que je me suis attachée à lui et parce que je suis devenue humaine … Parce que j’étais la source de sa haine comme le mont Elyeus … »

« Ai-je l’air malheureuse à l’heure actuelle ? Je savais depuis le début ce qui se passait … Mais je n’ai cherché que son bonheur … et qu’il soit … sauf. J’ai peut-être eut des paroles très dures … vers la fin mais après ce que j’avais appris … Son bras droit, sa fatigue, toutes ces choses, il se tuait à petit feu pour réussir à vous atteindre. Mais il a réussi. Et c’est cela le plus important. Je suis heureuse que son objectif soit enfin accomplit après tout ce temps. Ah … Oui … Je suis vraiment heureuse. »

Alors pourquoi sentait-elle cette pointe de tristesse dans les yeux fatigués de la vieille femme ? Pourquoi est-ce qu’elle avait mal au cœur en la regardant ? Sarah … mentait … Elle mentait délibérément … tout en disant la vérité. Elle pensait sincèrement au bonheur de Raikoso depuis le début … Elle n’était pas jalouse d’elle … de lui avoir retiré la seule personne qu’elle aimait … Ce n’était pas ça …

« Je ne suis qu’une pauvre femme … puérile … dans le fond. Je ne pense pas aux autres avant moi. » murmura l’être d’un âge avancé avec lenteur.
Puis soudainement, la femme aux cheveux verts comprit. Elle venait … de comprendre ce qui se passait avec Sarah. Des larmes commencèrent à parcourir ses yeux avant qu’elle ne s’avance vers la vieille femme, la serrant longuement dans ses bras en sanglotant. Qu’est-ce qui se passait avec elle ? Sarah lui tapota délicatement le dos en murmurant :

« Allons bon … Qu’est-ce-cela veut dire ? Pourquoi de tels sanglots ? »

« Pardon … Pardon … Madame Sarah … Pardon … »

« Mais je vous ai déjà pardonné … Il n’y a pas besoin de se mettre dans un tel état. »

« Rai… Raikoso … Raikoso … » tenta de balbutier la jeune femme.

« Oui ? Qu’est-ce qu’il y a avec lui, ma petite demoiselle ? »

« Raikoso … Raikoso … ne vous … pardonne … ne vous pardonne pas … Car … Car vous n’avez rien à vous pardonné. C’est … C’est ce que je voulais vous dire … Raikoso … Raikoso ne vous en a jamais voulu … Pour lui … La dispute n’a jamais existé. Mais si … De votre côté, vous pensiez que c’était de sa faute, il vous demander de l’excuser. »

« Allons … Pourquoi ? » dit Sarah alors que la jeune femme quittait ses bras, essuyant ses larmes. Pourquoi quoi ? Pourquoi ? La vieille femme commença à pleurer à son tour, reprenant la parole : « Depuis … Le jour où … J’ai vu cette ligne rouge … et l’absence de corps de Raikoso … Je n’ai plus pleuré et maintenant … Maintenant, on … On m’annonce cela. Merci … Merci … Rayquaza. »

« Je … Vous n’avez pas à me remercier, je … Je voulais simplement vous le dire depuis le début mais je n’ai jamais réussi avant aujourd’hui. C’est la première fois … que j’ai entendu cette histoire en entier. Avant … Je ne tombais jamais au bon moment … Il semblerait. Je ne savais même pas avant cette semaine qu’il y avait une telle histoire sur … Raikoso et moi. »

Pour toute réponse, la vieille femme essuya ses larmes, faisant un léger sourire à la demoiselle aux cheveux verts. Enfin … Elle se releva du banc sur lequel elle était assise depuis tellement de temps. Elle passa une main dans les longs cheveux verts de la jeune femme avant de caresser le sommet de son crâne bien qu’elle était plus grande qu’elle.

« Raikoso a … vraiment très bon goût. Si on m’avait dit … qu’un jour, je verrai une telle chose de mes propres yeux. Ah … »

« Où allait-vous donc ? Je … pensais que vous vouliez discuter encore un peu. » demanda la jeune femme, un peu étonnée en voyant Sarah qui s’éloignait.

« Allons-bon … Il se fait tard et n’est-il pas temps de rentrer ? Quelqu’un vous attends, n’est-ce pas ? Il ne faut pas se faire trop désirer. »

« Je … Je … Je vous promets de revenir vous voir quand je le peux. Je descends pour combattre … ma peur des autres. Je … Un jour, moi et Raikoso, nous pourrons peut-être alors … vivre comme tout le monde. »

« Ah … C’est une bonne chose, c’est une bonne chose. Au revoir, ma petite demoiselle. »

« Vous ne voulez pas que je vous raccompagne ? » demanda avec timidité la jeune femme.
Sarah fit un petit geste pour dire que ce n’était guère important. Elle la salua d’un second geste, s’éloignant sous le regard de la femme qui avait été autrefois le seigneur de la montagne Elyeus. Ah … Et est-ce que des personnes tentaient d’arriver au sommet à nouveau ? Non … Car Rayquaza n’était pas capturable … Quelqu’un avait déjà pris son cœur depuis longtemps.

Enfin, après plusieurs longues minutes de marche, elle était arrivé jusqu’à la demeure qui était restée la sienne depuis tellement de temps. Cet endroit qu’elle ne voulait jamais quitter. Elle pénétra dans la maisonnette avec lenteur, refermant derrière elle avant de se diriger vers chambre, dans le noir le plus profond. Un modeste habitat où elle avait vécu sans même s’intéresser aux promesses de ces personnes riches juste pour l’épouser.
Elle n’avait pas faim … La nuit tomba au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Assise sur le canapé, elle gardait un sourire aux lèvres. Enfin … Après tout ce temps passé … Enfin son cœur était soulagé … Soulagé de savoir qu’elle n’avait plus aucun regret … Raikoso était vivant … vivant à jamais … et il était heureux … Et il lui avait pardonné, c’était le plus important à ses yeux.

« La vie est bien faite … quand elle le désire. »

Elle se releva de son canapé, passant devant la fenêtre qui menait à son jardin. Un jardin dont une bonne partie n’était plus travaillé depuis longtemps … L’âge avait fait son office. Mais elle gardait le sourire … Elle se dirigea vers sa chambre, tirant les rideaux pour cacher la lumière de la lune avant de fermer la porte derrière elle.
Depuis des années … De longues années … Elle avait attendu ce moment … Ce jour où elle saurait la vérité. Et maintenant qu’il était arrivé, elle pouvait se reposer. Elle s’emmitoufla dans ses couvertures, gardant son sourire jusqu’au bout. Son cœur était en paix … Et ses yeux se fermèrent pour ne plus jamais se rouvrir. La seule personne qui avait connu le secret de la légende de la montagne Elyeus s’était éteinte à jamais.

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