Chapitre 13 : Prophétesse

Par où devait-elle commencer ? Hum … Par le début … Dit comme cela, c’était assez spécial … Mais il fallait un commencement à cette histoire. Ses yeux posés sur Personne, elle lui fit un léger sourire amusé, prenant finalement la parole :

« Ce qui t’intéresse … est mon histoire … Nullement celle d’Arceus, n’est-ce pas ? »

« … … … Toutes vos histoires sont intéressantes, Déusia. » annonça t-il calmement.

« Cela ne sert à rien de me flatter de la sorte même si tu es sérieux. »

Alors elle allait commencer … Tout cela se passait bien avant aujourd’hui … Oh ce n’était pas forcément si loin que ça … Environ une quarantaine ou cinquantaine d’années … Bref, à l’échelle de ce monde et des légendaires, c’était récent, très récent …. Bien plus que récent que ne pouvait le croire les trois adolescents. Elle-même en ce temps là possédait encore un visage une peau … « humaine », non pas d’une blancheur nacrée …. Elle ? Elle ne portait pas encore ces horribles fils qui pendaient de son corps.

« Qu’ils semblent tous heureux et heureuses … ou presque. »

Elle se trouvait là, debout au bord d’un précipice. Elle se trouvait là … à plus de mille mètres du sol. Elle se trouvait là, observant les quelques pokémons légendaires qui s’y trouvaient. Les trois oiseaux légendaires et Lugia. Le Manaphy et son fils Phione …

« Ces comportements sont typiques de pokémon terriens … et non-uniques comme nous. »

« Absurde, n’est-ce pas ? » murmura une voix derrière elle, une ombre sortant du sol. Quelques secondes s’écoulèrent puis deux failles apparurent derrière elle, comme pour l’entourer tandis que Déusia reprenait la parole :

« Chacun voit l’idiotie à sa façon. Ce sont les êtres considérés comme les plus fous qui ont permis au peuple humain d’évoluer dans les sciences. Seuls ceux qui ne veulent pas que le monde change n’ont aucun mérite à exister. »

« Héhéhé … Quelles belles paroles … Ce genre de pensées est ce qui est perturbant chez toi … Comme tes idéaux. Vouloir que les pokémons légendaires célestes et terrestres soient réunis dans ce monde, partageant l’existence des humains et des pokémons … normaux. Quelle idée stupide venant de ta part. Le pire dans cette histoire est que tu y crois dur comme fer, n’est-ce pas ? » annonça une seconde voix mais cette fois-ci masculine. Le décor semblait se distordre devant Déusia, les yeux dorés de la femme ne semblant guère apeurée par la situation.

« Peut-être car le mode de pensée des pokémons légendaires change peu à peu ? » répliqua t-elle sèchement. « Vous trois … êtes les seuls à ne pas accepter le changement. Vous êtes comme les nobliaux des anciens temps de ce monde. Vous ne voulez pas perdre vos privilèges de pokémon légendaires et célestes. Regardez pourtant autour de vous. Même Elugabeth et Hosor ont décidé de se prêter à ce jeu horrible. Observez donc les liens familiaux qui unissent Lugia à Artikodin, Sulfura et Electhor … Et ceux d’un maître à ses élèves reconnaissants …. Ho-oh à Entei, Suicune et Raikou. Vous voyez, eux sont déjà prêts à vivre … normalement. »

« Tsss ! Foutaises ! Quand nous possédons des pouvoirs incommensurables, il est inutile de se mettre au même niveau que ceux n’ayant rien ! » annonça la troisième voix, encore masculine.

Elle ne répondit pas, plongeant dans un mutisme bien particulier. Les trois ombres disparurent les unes après les autres, deux dans des failles, la troisième dans le sol. Les problèmes … ne pouvaient que devenir plus importants avec ce genre de personnes. Pourtant, tout le monde … Même le reste … Tous acceptaient peu à peu cette idée. Pourquoi alors ? Pourquoi ne pas vouloir une telle chose ?

« Car les dragons légendaires sont des êtres vaniteux, stupides et imbus d’eux-mêmes. »

Tous … ou presque … C’était ainsi qu’elle voyait la chose car elle savait que ce n’était pas totalement vrai. Sinon … Pourquoi fallait-il que … deux dragons soient frère et sœur ? Cela avait été le premier pas d’Arceus … La première étape de son rapprochement avec les humains et les pokémons. Créer une véritable famille de légendaires … Et après … Il y avait bien eut le père et le fils … Oui … Arceus changeait peu à peu …

« Vous vouliez me voir, Arceus ? »

Quelques années plus tard, elle avait eut la mauvaise surprise d’être convoquée par la déesse elle-même. Celle-ci était debout, les trois dragons légendaires à genoux derrière elle. Elle semblait si fatiguée … si las … comme si tous les maux de la planète s’étaient abattus sur elle.

« Tu es bannie de cette planète. Tu seras exilée dans l’espace. »

Elle n’avait même pas cherché à répliquer ou à argumenter. Lorsqu’elle avait vu le sourire des trois dragons légendaires derrière Arceus, elle avait tout de suite compris ce qui s’était passé réellement. Sans un mot, elle s’était laissé emmener au même moment où une adolescente aux cheveux grises, vêtue de vêtement orange et brun avec des morceaux de métal sur certaines parties du corps. Elle courait vers la déesse avec un grand sourire aux lèvres, semblant comme folle de joie de la voir.

Projetée dans l’espace … Cela avait été son sort … Un bien triste sort quand on y réfléchissait … Mais elle survivait … Et Arceus était venue la voir, lui ramenant une jeune fille étrangement habillée … qui devait avoir à peine une dizaine d’années. Sa geôlière. Elle avait haussé un sourcil en apercevant la petite demoiselle. Elle avait d’abord pensé à une blague de la part d’Arceus mais en lisant dans son regard, elle comprenait à quel point elle était sérieuse. Trop sérieuse pour que cela soit inutile … ou non-calculé.

« Pure folie … Vous savez que ces sentiments opposés vous emmènent à votre perte. » avait-elle dit tout simplement alors qu’Arceus avait poussé légèrement la jeune fille aux cheveux blonds en direction de cette femme à la peau devenue complètement blanche.

« Et si tel est le cas … Est-ce que tu serais là pour m’arrêter ? »

« … … … Non. Je ne perdrai pas mon temps à cela. Et vous savez aussi bien que moi que malgré le fait que je peux être plus puissante pendant quelques instants. Vous avez fait l’idiotie de les écouter … alors que vous êtes sur le point de l’implosion psychologique. Si vous n’avez plus rien à faire ici, j’aimerai bien « éduquer » ma gardienne. »

« J’ai déjà pris toutes mes précautions pour ce jour, Déusia. »

Elle avait été surprise d’apprendre cela … jusqu’au moment où la séparation s’était produite. Juchée sur un rocher qui tournoyait comme un satellite autour de la planète, elle avait regardé les événements … Cette Arceus privée d’une partie de son âme … Cette même partie qui n’était plus rien … qu’un enfant … Un enfant qui n’avait qu’une idée en tête … Tuer Arceus … sans savoir réellement pourquoi … Retrouver … l’élu … sans savoir réellement pourquoi … Cet élu … Ah ! Elle avait été surprise … agréablement surprise encore une fois de l’ingéniosité de la déesse sur ce coup.

Et pendant des années … et des années … encore … Elle était restée là … étudiant les humains, les pokémons et cette planète de loin. Il n’avait pas été difficile de convaincre Jéwaly … car visiblement, la jeune fille n’avait pas été réellement là pour servir de gardienne … Ou alors si … Mais nullement dans ce sens. Et maintenant … Maintenant … A l’heure actuelle, elle ne faisait plus rien. Elle ne bougeait pas de cette place et Jéwaly non plus.

Elle avait terminé de parler, regardant les trois adolescents. Alors que les deux filles restaient là à l’écouter, le garçon aux cheveux noirs semblait songeur, comme réfléchissant à quelque chose. Il semblait vouloir mettre de l’ordre à ses idées sans y arriver. Elle voulut lire ses pensées mais elle remarqua que Crusaé tentait de le faire de son côté. Hum … Visiblement, malgré les apparences, il y en avait une qui semblait plus inquiète que cela.

« … … … Est-ce que j’étais prévu à l’avance ? » demanda finalement l’adolescent.

« Tu étais « l’élu » d’Arceus. Il est donc normal que tu sois prévu à l’avance. »

« Ce n’est pas ça que je veux savoir, mademoiselle Déusia ! »

Il ne voulait pas s’emporter mais c’était bien plus difficile que prévu. Il n’avait rien appris … ou presque … Simplement que les pokémons légendaires avaient déjà réfléchit à cette idée de famille … de relations … sociales … entre eux … voir avec les humains et les pokémons ! Et aussi que cette Arceus … La précédente … semblait être tiraillée par deux sentiments !

« Si … l’ancienne Arceus est une combinaison de Crusaé et de celle qui se trouve … ailleurs, comment se fait-il que les deux parties fusionnées ne semblent pas correspondre à l’idée que je me fais de l’ancienne Arceus ? L’une est plutôt caractérielle, très caractérielle même tandis que l’autre est … »

Il retrouva ses deux lèvres scellées par le psychisme, Crusaé ayant claqué des doigts en rougissant un peu. Non mais … Même si c’était une insulte plutôt gentille, elle n’allait pas se laisser faire. Pourtant, Déusia lui répondit comme si cela ne la gênait pas :

« Car chaque partie est différente en soi … Crusaé est la partie humaine d’Arceus … Elle est celle qui développe ses sentiments et évolue … avec les personnes autour d’elle. Quand à celle qui se prétend être Arceus actuellement, elle est la partie qui n’évolue pas … qui veut que le monde soit sous le joug des légendaires. Ensembles, ces deux entités ont fermé Arceus, celle que je connaissais auparavant. Voilà, tu sais tout … ou presque … J’ai été exilée sans autre raison que celle d’avoir déplu à trois personnes. Maintenant que tu connais cette raison, tu peux partir … et n’oublie pas d’emmener tes deux amies. »

Et bien, comme ça, ça, c’était dit. Ils n’étaient vraiment pas les bienvenus ici. Il retrouva l’usage de la parole et s’apprêtait à parler pour trouver des arguments. Néanmoins, il dût reconnaître qu’il n’en avait aucun. Il ne voyait pas … Il ne voyait pas quoi dire … Pourtant, en regardant Déusia … Il sentait que ce n’était pas tout. Une femme capable de faire craindre Arceus ? Le terme de déesse était inappropriée si elle était touchable … Cela voulait dire que Déusia était plus importante …. beaucoup plus même.

« Peut-être est-ce le cas, Luculos ? Néanmoins, tu as de la visite. »

Il sursauta en entendant son nom réel. La première fois qu’elle l’utilisait. Il se retourna pour apercevoir trois petites filles qui devaient avoir huit à dix ans au maximum. Derrière chacune d’elles, deux longues queues grises étaient présentes. Les deux queues se terminaient en trois branches, un rubis trônant à l’intersection de celles-ci. D’après leurs regards, elles ne semblaient pas amicales, loin de là.