Epilogue : Son apparence

ShiroiRyu
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Epilogue : Son apparence

« Madame Elyséa … Madame Elyséa … Vous ne voulez vraiment pas bouger ? »

« Non, non … Loa … Je suis désolée mais non, je ne compte pas bouger. »

« Mais … Depuis que nous sommes tout petits, vous n’avez pas fait ne serait-ce qu’un mouvement. Regardez, même le lierre qui pousse sur le rocher est en train de grimper sur vos jambes ! Vous ne l’avez même pas remarqué ! »

« Hmmm ? Oh oui … C’est vrai. » murmura la femme aux cheveux blancs, portant la belle robe dans laquelle elle s’était présentée une dernière fois à Kéran.

« Dites … Vous pouvez encore me parler de Kéran ? »

« De ton frère ? Tu le connais bien mieux que moi, non ? » chuchota Elyséa, faisant un faible sourire. Elle faisait exprès de ne pas bien comprendre les propos de l’adolescente aux cheveux violets, digne héritière des pouvoirs d’Hyathéna. Un garçon pour Katérina, une fille pour Hyathéna … C’était tout ce qu’il y avait de plus logique.

« Non, non ! Je veux parler de VOTRE Kéran. »

« Ah … Mon Kéran … Je pourrai en dire tellement … Depuis son enfance … Mais j’étais morte, il était vivant … Il est mort … Je suis « vivante » … »

« Non, ma mère m’a dit que vous étiez morte et que vous n’avez pas voulu devenir vivante. Est-ce que c’est pour ça que vous êtes restée morte ? Pour que vous puissiez l’attendre ? »

« Sais-tu ce qui est le plus horrible lorsque l’on vit bien que l’on soit mort ? »

« Non … Quoi donc ? » demanda l’adolescente avant de s’asseoir à côté d’elle.

« Réfléchis un peu … Tu as continué de grandir mais moi ? »

« Vous êtes restée la même pendant toutes ces années. Vous n’avez pas pris une seule ride. »

« Cela fait maintenant vingt ans que les évènements concernant cette gelée se sont terminés. Vingt longues années … Katérina était plus jeune que moi … Maintenant, elle a le double de mon âge ou presque … Et cela va continuer ainsi. »

« Et moi, j’ai bientôt votre âge, c’est ça ? » murmura Loa.

« D’ici quelques années, oui … Alors, est-ce que tu imagines ce qui va se passer ? Je vais vous voir grandir, vieillir … et mourir. Moi, de mon côté, je resterai la même, inlassablement … Sans jamais m’arrêter, sans jamais m’interrompre … Rien du tout. »

« Ca doit être triste … »

« Plus que triste, oui … Tu ferais mieux de retourner auprès des autres. Ca serait la meilleure des choses à faire. Ne reviens plus, d’accord ? »

« Je reviendrai si j’en ai envie mais je m’en vais maintenant. Bonne journée. »

Bonne vie … pour elle. Elle … de son côté, allait rester la même. Elle allait rester au même endroit et ne plus bouger. C’était aussi simple et triste que cela. Ailleurs, au beau milieu des dragons, trois femmes et deux hommes étaient présents.

« Si je m’attendais à ta visite … Iyasminé. Où sont donc tes enfants ? »

« A cause du voyage, j’ai préféré ne pas les prendre. Ils sont encore si jeunes par rapport aux vôtres. Mais, tu sais, je ne suis pas venue pour cela. »

« Je m’en doute. Tu m’as signalé que c’était normalement assez important et que cela concernait Elyséa. Ne me dit pas que tu as des nouvelles de Kéran ? »

« Non non … Malheureusement mais … Je pensais qu’après tout ce temps … Je devais vous donner ceci. » déclara la jolie jeune femme aux cheveux auburn, Zénark discutant pendant ce temps avec Hodan de tout et de rien.

Ceci ? Cela ressemblait tout simplement à un imposant bocal … dans lequel se trouvait une poudre verte ? Katérina vint le prendre entre ses mains, Hyathéna disant :

« C’est bien ce que je pense ? Mais pourquoi … Est-ce que cela concerne Elyséa ? Tu sais pourtant pertinemment sa réponse à ce sujet non ? »

« Ne le lui donnez pas maintenant … Nous ne savons pas quand est-ce… ou s’il reviendra … Peut-être dans des années … dans des décennies ou des siècles ? Mais lorsque ça sera le cas, je pense qu’il faudra lui donner ceci. S’ils le désirent. »

« Je note, je note … Je vois. D’accord, aucun problème, je transmettrai le message. »

« Merci beaucoup … Ah … Quand j’ai su ce que cela ferait, j’ai préféré en garder une quantité assez importante … pour eux deux. Est-ce que tu crois que je peux aller la voir ? Après toutes ces années, je n’ai jamais … osé la rencontrer. »

« Fais donc … Fais donc, il n’y a aucun problème pour moi. Pas du tout même. » répondit la femme aux cheveux argentés, celle aux cheveux violets lui indiquant un chemin à suivre. Zénark signala qu’il restait ici pendant qu’elle allait discuter avec Elyséa.

Une rapide discussion, où la femme assise sur son rocher prenait des nouvelles du Dominion Naturel, d’Iyasminé et de Zénark … mais aussi de leurs enfants. Puis vint le moment du départ … Celui où elle devait retourner là-bas, auprès du Dominion Naturel. En vingt ans, le Dominion Naturel était maintenant l’une des rares organisations encore présentes. Les Doctes ne portaient plus un tel nom après tout et quant à l’Antre des Artisans, en vue du conflit interne causé par les nombreux marchands, autant dire qu’il n’existe plus.

« Elyséa … Un jour, si … Si Kéran revient … Rend visite à Katérina ou alors à ses descendants, d’accord ? »

« Ça ne te fait pas peur … de ne pas me voir vieillir ? »

« Pas du tout. Tu restes la même personne et inversement, qu’importe l’apparence que j’ai non ? Tu ne crois pas que c’est plus juste ? »

« Je ne sais pas … Je ne vous verrai bientôt plus. Tu as bien grandie … Tu es devenue une belle femme … Et moi, je suis resté la même. »

« Si tu as peur de la non-vie, ne t’en fait pas. Quand Kéran sera de retour, retournes-voir Katérina ou ses descendants, d’accord ? »

« D’accord, je le ferai … puisque tu sembles plus que motivée à cela. »

« Alors, je te dis … Adieu … Elyséa. J’espère que tu seras heureuse. Et regarde donc le monde autour de toi. Regarde le changement grâce à toi et à Kéran. J’espère qu’il retrouvera la splendeur d’antan … Celle de ton époque, avant que toute cette histoire n’ait commencée. »

« Je ne sais pas si cela arrivera un jour … mais je l’espère aussi. »

« Au revoir, Elyséa. » déclara la femme aux cheveux rouges avant de s’éloigner de celle assise sur son rocher. C’était bien la dernière fois qu’elle verrait Iyasminé … La dernière fois … Trente nouvelles années s’écoulèrent et c’était maintenant un couple de personnes âgées qui s’approchaient d’elle. La verdure, le soleil, le ciel, toutes ces choses … La nature avait fini par reprendre ses droits.

« Katérina. Hodan. Le temps a passé. »

« Mais tu es … toujours resté la même. Nous venions d’annoncer qu’Hyathéna nous a quittés récemment. Même si cela semble être si jeune, elle a bien vécu …. »

« Je vois … Je vois … Toutes mes condoléances. C’est la première fois après plusieurs décennies que vous venez me voir. Je ne vous en veux pas … Vous pouvez m’oublier, ça ne me dérange pas, loin de là. »

« Ce n’est pas notre but, Elyséa. Simplement, nos corps ne sont plus aussi jeunes qu’avant. Nous voulions savoir si tu voulais récupérer ce qu’Iyasminé nous a donné ? Si ce n’est pas le cas, nous les laisserons à nos enfants et ainsi de suite … »

« Est-ce que ce monde se souvient de Kéran ? De celui qui l’a sauvé ? »

« Les histoires sont éternelles, Elyséa. Les gens se rappelleront toujours de ce qu’à fait Kéran, toujours. Ah … » dit Hodan avant de commencer à tousser, Katérina venant caresser tendrement son dos légèrement voûté.

« Pardon, Elyséa. Nous nous en allons. Il commence à faire froid et je ne voudrai pas qu’il attrape une maladie. Pardonne-nous. »

C’était plutôt à elle de se faire pardonner. Elle ne fit qu’un hochement de tête alors que les deux vieilles personnes s’éloignaient à jamais de cet endroit. Quelques mois plus tard, ce furent deux autres personnes qui vinrent la voir … Leurs enfants … Maintenant âgés de plus de quarante ans, elle ne pouvait plus les considérer comme tels.

« Père et mère sont finalement partis rejoindre les ancêtres dragons et Hyathéna. Nous voulions vous l’annoncer. »

« Merci beaucoup … Vous avez des enfants vous aussi ? »

« Oui mais … Nous pensions qu’il valait mieux être seuls pour vous prévenir, madame Elyséa. Nous avons aussi ce que nos parents voulaient vous donner lorsqu’il le faudra. Nous allons le garder précieusement si ça ne vous dérange pas. »

« Gardez-le … Gardez-le … Je n’ai pas l’habitude de demander ça mais … Pourriez-vous me laisser seule ? S’il vous plaît ? »

« Comme vous le désirez. Leurs tombes ne sont pas très loin d’ici. Nous avons décidé de les enterrer dans la montagne des dragons. »

« Partez … s’il vous plaît. Merci beaucoup … »

Les deux personnes s’éloignèrent d’Elyséa, celle-ci prenant une profonde respiration puis une seconde. Elle passa une main sur ses yeux, commençant à sangloter. Voilà … C’était le moment … C’était le moment où tout disparaissait autour d’elle.

« Ils ne sont que les premiers maintenant … »

Ces personnes avec qui elle avait passé quelques années … Un temps ridicule dans sa non-vie … Mais un temps tellement important. Tout disparaissait comme neige au soleil. Ce soleil radieux qui se trouvait dans le ciel maintenant.

« Kéran … Tout le monde meure autour de moi … Tout le monde … Mais est-ce que toi, tu reviendras ? Est-ce que tu te présenteras à moi ? Kéran … S’il te plaît, n’oublies pas … N’oublie pas de revenir … Reviens-moi. »

Elle ne voulait plus être seule … Elle ne voulait plus… Tout son univers s’écroulait autour d’elle. Tous les êtres qu’elle avait connus, toutes les personnes qu’elle avait appréciées … Tout cela disparaissait peu à peu.

Tout … Elle hoqueta, retenant ses larmes avant de se remettre correctement sur le rocher. Elle ne bougerait pas. ELLE NE BOUGERAIT PAS ! Elle n’avait pas faim, elle n’avait pas froid, elle n’avait pas soif. Elle était juste un corps ténébreux …

« Kéran reviendra … J’en suis sûre et certaine … Kéran reviendra … Kéran reviendra … Ici … Et je serai alors là … à l’attendre. Je le prendrai dans mes bras. »

Mais combien de temps est-ce qu’il allait la faire attendre ? Combien de temps est-ce qu’il allait se présenter à elle ? Combien de temps est-ce que son corps… allait devenir celui d’un spectre ou d’une créature ténébreuse ?

« Non … Non … Et … Ses regrets ? Il n’en avait aucun … Aucun ! Kéran est mort sans aucun regret ! Il se peut qu’il ne devienne jamais comme moi ! » s’écria la femme aux cheveux blancs alors qu’elle ne bougeait pas pour autant de son rocher.

Cinquante ans encore … Cinquante ans … Cela faisait maintenant un siècle. Un long siècle … Un très long siècle même … Mais dont la moitié où elle essayé de garder le contrôle de son esprit, dévoré et tiraillée par ses pensées. Comment …

Comment ne pas penser à ça ? Ne pas penser au pire ? Comment tenir le coup ? Comment réussir à contrôler ses émotions ? Comment réussir à contrôler cette boule au ventre ? Les battements fictifs de son cœur ?

« Elyséa. Je me disais bien que je te trouverai ici. »

Cette voix ? Ca faisait bien un siècle qu’elle ne l’avait pas entendue. Elle se retourna, regardant la personne qui se tenait en face … d’elle. Une femme aux cheveux bleus et aux yeux rubis. Une femme qui avait tout d’une humaine mais qui normalement … Elle avait l’apparence d’une femme d’une vingtaine d’années …

« Sé … Sélia ? Mais … Tu … Normalement, tu devrais … »

« Être toute vieille et ridée ? Morte et enterrée ? Visiblement, ce monde en a décidé autrement. Et puis bon … Régler les problèmes de ce monde, ce n’est pas si simple que ça. Au bout de cent ans, j’ai décidé de m’octroyer une pause. Surtout qu’elle me l’a demandé. »

« Elle ? Qui donc ? De qui est-ce que tu parles et … Pourquoi ? »

« Oh … Je pense qu’après moi, ça sera à son tour de se présenter mais disons que je suis sa messagère dans ce monde. Je peux m’installer à côté de toi ? Oh le lierre … Quand même, il y en a beaucoup trop là, non ? »

« Tu … Tu peux me répondre s’il te plaît ? Pourquoi tu es encore vivante ? »

« Tu sais que les dragons ont une durée de vie anormalement grande ? Voir même quasi-éternelle ? Disons que même si les dragons sont revenus à la vie, mon corps a gardé leurs caractéristiques. Sans cette « folie » de puissance, bien entendu. Hahaha … Et donc avec tout ce que j’ai ingurgité, j’ai quelques millénaires devant moi voire même bien plus. »

« Tu es immortelle alors ? Comme si tu étais morte ? »

« Non, je ne suis pas immortelle. Si je me fais tuer, je meure … Mais avant que ça n’arrive maintenant … Ah … Sans mentir, c’est étrange, très étrange même … Mais bon … Je ressens que tu es plutôt maussade, très maussade même, n’est-ce pas ? »

« Pourquoi je ne le serai pas ? Donne-moi une bonne raison … de ne pas l’être. »

« Kéran. Il va revenir … Tu as déjà attendu un siècle, n’est-ce pas ? Je comprends que tu veuilles l’attendre ici car il y a des chances qu’il revienne à cet endroit mais … »

« Mais … Continue donc ta phrase. Tu veux dire quoi ? » murmura Elyséa avec lenteur, continuant de fixer Sélia avant qu’elle ne dise :

« Quand il sera de retour, venez donc nous voir ou la voir si je ne suis pas là. »

Mais qui donc ? La voir ? MAIS QUI ? Elle voulait savoir ! Mais Sélia garda son sourire, signalant qu’elle allait repartir. Qu’elle soit patiente car elle comptait bien revenir. Mais Sélia s’arrêta dans ses mouvements, reprenant la parole :

« Je suis contente de savoir que tu es toujours là, Elyséa. Tu sais, la vie est dure quand tout le monde disparait autour de toi. C’est pourquoi avoir un repère … Un endroit ou une personne qui nous attend après tout ce temps, c’est plaisant … Très plaisant même. »

« Je pense pareil, Sélia, je dois t’avouer. Je pense pareil … »

« Alors, n’oublies pas ce que je t’ai dit, d’accord ? Quand Kéran reviendra, je vous veux avec moi et elle. Ah … Je vais m’amuser rien qu’en voyant sa réaction … La tienne, par contre, je me demande comment tu le prendras, dommage que je ne la verrai pas. »

« Je ne vois vraiment pas de quoi est-ce que tu parles. »

Pour toute réponse, Sélia eut un grand sourire avant de s’éloigner d’elle, laissant en plan la femme aux cheveux blancs. Etrange, c’était vraiment très étrange même. Mais bon … De qui est-ce qu’elle parlait ? Elle ? Et puis, qui pouvait avoir Sélia à son service ? C’était vraiment très surprenant, plus que surprenant même. Et intriguant …

Cent nouvelles années … Oui, c’était bien ça. Deux cents ans venaient de s’écouler mais maintenant, bizarrement, elle se sentait plus sereine. L’être dont parlait Sélia n’était jamais venue, contrairement à cette dernière qui venait lui rendre visite une fois par an. Ce qui était déjà pas si mal. D’ailleurs, aujourd’hui, la femme aux cheveux bleus était présente, regardant à l’horizon comme Elyséa.

« Tu sais, j’ai commencé à faire parler de toi dans le monde entier. »

« Hein ? Mais pourquoi avoir fait cela ? »

« Hahaha ! Car tu vas devenir l’une des merveilles de ce monde ! La femme spectre attendant son amour depuis des siècles ! »

« Je ne veux pas devenir célèbre … Sélia. Arrête ceci … s’il te plaît. »

« Ne t’en fait pas, c’est juste pour que des gens viennent te voir et te rendre visite. A part moi, qui vient donc ? J’ai appris d’ailleurs pourquoi elle ne veut pas te rencontrer. Elle attend le retour de Kéran … Il paraitrait qu’elle veut lire la surprise sur vos visages en la voyant. »

« De la surprise ? J’aimerai surtout savoir qui c’est. »

« Interdiction formelle d’en parler, Elyséa ! Désolée mais les règles sont les règles ! » déclara Sélia en haussant les épaules, émettant un petit rire. Elle resta pendant quelques heures à ses côtés, les deux femmes parlant de Kéran enfant avant que Sélia ne s’en aille à nouveau.

Trois cents autres années ? Oui … C’était pourtant le cas. Trois cents longues années … L’histoire de Kéran était maintenant devenu un mythe … Une légende … Avait-il vraiment existé ? Est-ce que ce monde était vraiment en danger ? Elle seule connaissait la vérité … Avec Sélia et cette autre personne qu’elle ne connaissait pas.

Mais elle en avait vue des familles, des générations … Le bouche à oreille de Sélia avait fait son effet. Toujours assise sur son rocher, de nombreuses personnes venaient la voir. Il fallait dire que depuis tout ce temps, la montagne des dragons était aussi un endroit où l’on pouvait rencontrer ces créatures plus que charismatiques et magnifiques.

Alors bon … Elle, en tant que « merveille » du monde, chose qu’elle n’acceptait pas personnellement, elle restait là. Elle parlait rarement, mais racontait pourquoi elle était ici, ce qui s’était passé, la vraie vision de la légende de Kéran, celle d’un jeune homme possédé par une femme d’un ancien temps, une femme qu’il a aimée et inversement
Elle avait tellement à raconter mais elle préférait ne pas trop les déranger. Ces personnes ne posaient pas de problèmes non plus. Ah … Mais le temps s’écoulait … Inlassablement. Cinq cent années … Un demi-millénaire.
Le temps était encore plus long que dans ses souvenirs … Bien plus long même. Avec Sélia, elles pouvaient être considérées comme des créatures millénaires … Enfin, des êtres dont l’existence dépassait tout entendement. Bien entendu, après cinq cents longues années, les humains et les pokémons avaient repris leurs « droits » sur ce monde. Et donc … Les guerres, les morts, la pollution, tout ce qui avait disparu auparavant … était revenu.

Mais ce n’était plus son problème. Ils étaient maintenant capables de se débrouiller et de se défendre. Oui … C’est pourquoi … Elle resta de marbre pendant cinq cents nouvelles années. Un long millénaire venait de s’effectuer. Mais elle n’oubliait pas Katérina, elle n’oubliait pas Hodan, ni rien, ni personne. Même si elle était convaincue que dans le fond, ils étaient toujours réunis dans leurs différentes réincarnations.

« Ils vivent … comme des humains. Mais je ne crois pas qu’en étant morte, je pourrai avoir d’enfants. Jamais même … Comment serait-ce possible ? »

Elle n’avait jamais essayé en un sens mais les pokémons ténébreux et spectres étaient capables d’en avoir … alors pourquoi pas elle ? Mais comment est-ce que cela se passerait exactement ? Elle ne savait pas … Pas du tout même.

Elle ne s’était jamais posé la question avant de connaître Kéran et même pendant tout ce millénaire, elle n’y avait pas réfléchit … Mais maintenant … Parce qu’elle espérait que Kéran reviendrait. Même après mille ans, elle espérait tellement …

« Kéran … Combien de temps encore ? »

« Quelques secondes encore, juste ce qu’il te faut pour que tu te retournes. »

Elle sursauta en entendant la voix. Cette voix qu’elle n’avait plus entendue depuis mille ans. Elle … Elle rêvait, n’est-ce pas ? Elle rêvait ? Avec lenteur, elle vint se lever, prenant une profonde respiration. Tout … mais pas un mirage. Elle ne voulait pas une illusion.

Ah … Elle fit un demi-tour sur elle-même. Un homme aux cheveux argentés … Un homme à la taille impressionnante … Il était aussi grand d’habitude ? Et ses yeux saphirs … C’était bien lui. Ce visage si beau, nullement brûlé ou parcouru par les cicatrices … Et cette tenue à rayures noires et bleues.

Mais le plus important n’était pas sa tenue … mais celui qui la portait. Elle n’osait pas faire un pas. Après mille ans, elle-même ressentait des crampes … ou alors, elle n’y arrivait pas ? Peut-être car elle avait peur que cela soit une hallucination. Une hallucination qui se rapprochait tellement près d’elle.

Et qui colla ses lèvres contre les siennes. C’était réel … bien réel. Les lèvres de Kéran étaient bien réelles. Et le visage qu’elle parcourait de ses doigts l’était tout autant. Kéran était en face et … et … Elle vint le serrer contre elle, Kéran se retrouvant incapable de se mouvoir, l’ombre d’Elyséa l’empêchant de bouger.

« Aie, aie, aie … N’utilises pas tes pouvoirs pendant un baiser, Elyséa. »

« NON ! Je veux être sûre que tu ne t’échapperas pas ! J’ai attendu mille ans ! Mille ans tu m’as fait attendre, Kéran ! Alors, j’ai le droit de te faire tout ce que je veux après tout ce temps ! Même si ça ne te plait pas ! Même la pire des folies ! »

« La pire des folies ? Quelle idée as-tu donc en tête, Elyséa ? » murmura le jeune homme dans un grand sourire alors qu’elle rougissait violemment.

« Rien de spécial … Du genre, se tenir la main et se promener d’abord. Ensuite, on verra … Mais je suis patiente, je suis très patiente. »

« Tu as assez patienté, Elyséa. Tu peux me faire tout ce que tu désires. Tu as mille ans à rattraper alors bon … »

« Mille baisers pour mille ans. » murmura Elyséa, commençant par l’embrasser une fois puis une seconde fois et ainsi de suite. Elle ne chercha pas à s’arrêter.

Quelques heures plus tard, Kéran était assis contre un rocher, prenant plusieurs bouffées d’air alors qu’Elyséa était à côté de lui, rouge de la tête aux pieds. Le jeune homme avait une main sur le cœur, disant en plusieurs fois :

« Ah … Ah … Ah … Tu sais que … Tu sais que tu n’étais pas … obligé de tout faire en une traite ! Et puis, ces baiser qui duraient deux à trois minutes, je … »

« Mille baisers pour mille ans. Ou alors, il y en a mille autres offerts ? »

« Euh … Je reprends mon souffle, d’accord ? Et si on peut se contenter d’un baiser de mille secondes, ça ne me dérangerait pas et puis … Oh … Elyséa … Viens par là. »

Il l’attrapa par le bras, la faisant grimper sur lui avant de la coller contre son cœur. Elle eut un petit gémissement de bonheur, souriant alors que Kéran lui caressait les cheveux … de ses deux mains. Oui, c’était le même jeune homme qu’auparavant … dans leurs rêves … Sauf qu’aujourd’hui, c’était la réalité, la réalité … C’était la réalité.

« Kéran … Il paraitrait que je dois t’emmener à une personne … de la part de Sélia. »

« Sélia ? Elle est encore en vie ? Wow … Je crois surtout qu’il va falloir me donner quelques explications. Et puis, bien que je sois mort, je n’ai pas l’impression d’être humain … »

Ah bon ? C’est vrai qu’il semblait étrangement puissant mais la puissance, elle en avait que faire. Main dans la main, ils se relevèrent tous les deux. Elle savait où elle devait se rendre tout d’abord. Les deux personnes quittèrent le sommet de la montagne des dragons, se dirigeant vers un endroit précis. Un endroit où … une magnifique demeure était là. Mais dès l’instant où ils firent quelques pas, plusieurs personnes se dirigèrent vers eux, Kéran haussant un sourcil en les reconnaissant.

« Vous n’êtes pas … de la famille de Katérina et Hyathéna ? Et Hodan ? »

« Nous sommes leurs descendants. Et nous avons été prévenus par une femme aux cheveux bleus que vous alliez arriver. Veuillez nous suivre, après tout ce temps, nos ancêtres attendaient ce moment depuis si longtemps. Nous sommes heureux de pouvoir enfin vous donner ce qui vous attendait depuis tout ce temps. »

De quoi est-ce qu’il parlait ? Kéran se tourna vers Elyséa, celle-ci signalant qu’elle n’en savait rien. Finalement, les descendants vinrent leur tendre un imposant bocal fait de verre … et contenant une fine poudre verte.

« Mais c’est … » commença à dire Elyséa.

« Nous ne savons pas son effet car depuis tout ce temps, les informations ont commencé à se dissiper mais … Nous pensons que vous savez son utilité. »

« Vous avez vraiment gardé cela pendant un millénaire ? Vous n’avez jamais … »

« Nos ancêtres étaient des personnes avec de l’honneur et de la valeur. Agir de la sorte reviendrait à jeter du discrédit. Tenez … Prenez-le. »

Oui … Bien entendu. La femme aux cheveux blancs récupéra le bocal, remerciant les descendants de Katérina, Hyathéna et Hodan avant de s’éloigner avec Kéran. A l’extérieur, le jeune homme regardait le bocal, murmurant :

« Avec ceci … Nous pourrions revenir à la vie … n’est-ce pas ? »

« Mais est-ce que nous ne sommes pas déjà vivants, Kéran ? » rétorqua Elyséa.

« Je crois que nous avons déjà réfléchi à la réponse, n’est-ce pas ? »

« Je crois bien que oui … Kéran. Allons-y, nous irons le donner à cette personne. »

Cette personne qu’ils devaient rencontrer. Peut-être que le fait d’être mort n’était pas aussi problématique … Pour les enfants, de toute façon, il y aurait toujours une solution, pourquoi se voiler la face ? Pourquoi se cacher la vérité ? C’était juste stupide. Le plus important pour eux deux … était de passer le reste de leurs existences ensembles.

« KERAN ! ENFIN ! Quand elle me l’a dit, je n’y croyais pas ! »

Il se retrouva soudainement projeté au sol, une femme aux cheveux bleus étant en train de l’éteindre de toutes ses forces, Kéran gémissant de douleur. C’était … C’était quoi cet ouragan ? Sélia ? Elle le releva, le gardant dans ses bras.

« C’est vraiment toi ! Je sens qu’elle va être heureuse de te revoir ! De toute façon, après tout, elle ne le montrera pas forcément mais j’en suis certaine ! »

« Si on peut m’expliquer la situation surtout. »

Mais oui, mais oui ! Sélia vint diriger le couple et pendant qu’ils marchaient tous les trois, elle racontait exactement ce qui s’était passé. Pourquoi elle était encore en vie, comment était-ce possible ? Et elle remarqua aussi la poudre verte dans le bocal, cherchant à savoir ce que Kéran comptait faire. Mais il répondit que pour l’heure, il préférait surtout voir où elle allait les emmener … Surtout qu’ils étaient toujours dans la montagne des dragons.

« C’est bizarre, j’ai l’impression de connaître cet endroit. »

« Tiens, elle m’avait signalé que ça serait normal que tu dises cela. »

Mais qui était cette « elle » ? Finalement … Ils arrivèrent à ce qui semblait être une modeste habitation. Mais pour s’y rendre, il fallait vraiment avoir de la chance. Car cet endroit était caché au sein même de la montagne des dragons.

« Kéran ? Si tu veux bien y rentrer … En premier. Elle t’attend. Elyséa ? Tu attendras un peu mais je pense que tu seras aussi surprise. »

« D’accord, d’accord … Mais assez de cachotteries, n’est-ce pas ? »

Le jeune homme pénétra dans la petite maisonnette. C’est bizarre … Il se sentait chez lui … Chez lui et chaleureux … Enfin, il avait une certaine notion nostalgique.

« Il est normal que tu ne te rappelles pas de cet endroit, Kéran. Même ton ancêtre l’a oublié car il était si jeune à cette époque. »

Une voix féminine ? Provenant d’une autre pièce. Avec lenteur, il pénétra dans la pièce. Assise sur un rocking-chair, une jeune femme s’y trouvait. Des yeux dorés, des cheveux bleus-blancs coiffés comme s’ils donnaient l’impression d’être des pics de glace. Et surtout ils étaient longs et la couleur était différente selon l’endroit … Elle portait une robe noire avec quelques morceaux de tissu blanc autour de la taille. Malgré son âge, c’était étrange et …

« Quand j’ai trouvé Kurym lorsqu’il n’était encore qu’un bébé, je ne pouvais pas me présenter sous ma forme réelle, n’est-ce pas ? Il me fallait être une mère pour lui … Une mère douce et apaisante, malgré mon apparence effrayante … »

« K… Kyurem … Vous êtes Kyurem. »

« Pas besoin de me vouvoyer, je ne suis que ton ancêtre, tu es mon enfant, Kéran. C’est bien pour cela que tu es spécial … même lorsque tu es mort. Mais la mort dans certains cas … n’est-ce pas juste le début d’une nouvelle vie ? »

« Est-ce que je peux … »

« Fais donc … Un millénaire, cela fait quand même un temps des plus importants. »

Il posa un genou au sol, prenant la main droite de Kyurem avant de l’embrasser délicatement. La même main caressa la joue de Kéran, Sélia et Elyséa faisant leurs apparitions dans la pièce. Kyurem murmura doucement :

« Voilà donc cette personne qui accompagnera ton existence pour l’éternité dorénavant ? Je vois que vous tenez le moyen de revenir à la vie et pourtant … Vous ne semblez pas vouloir l’utiliser, n’est-ce pas ? »

« Elyséa … C’est Kyurem, tu sais … La femme … Enfin, la pokémon qui a élevé Kurym. »

« Kyurem, est-ce que vous pouvez m’expliquer … ce qu’est maintenant Kéran ? »

« Oh … Tout simplement le … fameux dragon spectre. Avec la résurrection d’Hodan, il fallait bien quelqu’un pour prendre ce rôle … Et je ne m’attendais pas à ce que Kéran soit aussi … parfait dans ce rôle. Je dirai même … unique. »

« Unique ? Kéran est un dragon ? Enfin, je sais qu’il avait votre sang en lui … »

« Mais pas seulement … Il est mort comme toi … et vivant aussi. Maintenant que nous sommes tous les quatre réunis, nous pouvons enfin parler … Nous avons l’éternité devant nous … et puis, je pense que Kéran ne trouve pas cela déplaisant d’avoir trois femmes à ses côtés, n’est-ce pas ? »

« Je ne vais pas me plaindre, je crois … » murmura le jeune homme aux cheveux argentés, un peu gêné par la situation.
Mais maintenant, ils pouvaient réellement parler tous les quatre. Rattraper tout ce temps perdu. Installés autour d’une table, Sélia commença à raconter son histoire, ce qui s’était passé de son côté, ce qu’elle faisait maintenant.

« Après la destruction de cette gelée, je me suis perdue dans la montagne des dragons. Je ne savais plus quoi faire de mon existence car … Kéran … Ce que tu as fait, je ne m’y attendais pas du tout, tu le sais ? »

« Désolé … Mais c’était tout ou rien. Je suis content de savoir que ce que je pensais s’est révélé être vrai … Vraiment très heureux oui. Mais maintenant ? Je suis donc celui qui remplace Hodan, c’est ça ? »

« C’est le cas. » dit tout simplement Kyurem, ses yeux dorés fixant le jeune homme. « Mais ce physique particulier … Même Hodan ne possédait pas cette aura si particulière. Je crois vraiment que tu es unique, Kéran. Un peu comme Elyséa. Que comptez-vous faire alors de ce bocal et de cette poudre verte ? »

« Te la laisser, Kyurem. Je ne pense pas que revenir à la vie serait une bonne chose. Même si cela peut paraître étrange, maintenant que j’ai Elyséa mais toi et Sélia aussi, je crois que vivre pour l’éternité … ne me dérangerait pas. »

« Vous savez … Les pokémons spectres et ténébreux peuvent avoir des enfants. Sélia aussi est une pokémon maintenant … bien qu’elle ne sache pas encore réellement ses pouvoirs bien que j’ai ma petite idée à ce sujet. »

« Hein ? Moi aussi ? Je suis une pokémon ? Ah ben première nouvelle ! »

Kyurem eut un faible sourire. Ce n’était pourtant pas si étonnant que ça … Loin de là même. Sélia n’était pas n’importe qui … Kéran et Elyséa non plus. Sélia commença à regarder son corps, le jugeant avant de marmonner.

« A part utiliser l’acier et les pouvoirs des dragons, je ne vois pas vraiment … Enfin si … Je comprends que je sois une pokémon mais surement unique. »

« C’est le cas … Tu es unique … comme tous nous. Mais si maintenant … Nous nous mettions à discuter de ce que nous comptons faire ? »

Discuter ce qu’ils allaient faire ? Kyurem fut celle qui prit la parole maintenant. Elle murmurait qu’avec de tels pouvoirs, ils avaient maintenant l’obligation de protéger ce monde. Ils n’étaient pas les seuls à avoir une forme humaine dans ce monde, loin de là. Peut-être étaient-ils les premiers ? Ca, elle ne le savait pas.
Néanmoins, ça ne changeait rien à leurs devoirs. Comme ils possédaient une force propre et unique à chacun dans ce monde, ils devaient alors protéger ce dernier. C’était bien pour cela qu’elle n’avait pas hésité un seul instant face à cette gelée verte il y a de cela plusieurs millénaires. Aujourd’hui, elle n’était plus seule … et aujourd’hui, Kéran ainsi que Sélia et Elyséa allaient parcourir le monde.
Sélia avait déjà pris de l’avance depuis plusieurs siècles mais elle allait servir de guide à Kéran et Elyséa. Puis plus tard, lorsqu’ils seraient fatigués, ils pourraient alors revenir ici … où elle les attendrait.

« Comme une véritable famille … n’est-ce pas ? » murmura Kéran.

« En vue de nos physiques respectifs à chacun et chacune, il vaut mieux alors se considérer comme des frères et sœurs … ou bien plus que ça. Nous sommes une famille … Mais une famille constituée de nombreux êtres de légende. »

« Je suis heureux d’en faire partie … Kyurem. Même si je pense qu’il faudra te trouver un autre nom comme pour nous autres. »

« Nous verrons cela en temps et en heures, Kéran. Mais il est l’heure pour vous de vous faufiler parmi les humains. C’est parmi eux que vous vous dissimulerez. Car derrières vos apparences d’humain, ne l’oubliez jamais, vous êtes dorénavant des pokémons, des pokémons aux capacités destructrices mais capables de sauver des millions d’êtres vivants. » conclut la jeune femme aux yeux dorés, chacun hochant la tête. Ils continueront de protéger ce monde.

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