Chapitre 91 : Un Père pour tous

ShiroiRyu
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Chapitre 91 : Un Père pour tous

« Papa ! Papa ! Paaaaaaaapa ! »

Une jeune fille aux cheveux bruns venait dans les bras d’un homme aux cheveux blancs qui s’était agenouillé pour l’accueillir. Elle poussa des petits cris ravis, l’homme la faisant tournoyer autour de lui en rigolant lui aussi.

« Mais c’est ma petite Rocagiri. »

« Tu es revenu ? Tu restes avec nous ? C’est vrai ? »

« Oui… Oui… Elles se sont calmées mais pour combien de temps ? »

« Tu viens voir ? Sterivia a crée une nouvelle machine pour accompagner Birébot ! »

En parlant de Birébot, celui-ci venait vers lui, marchand d’un geste machinal et robotique dans le champ de fleurs dans lequel ils se trouvaient. D’une voix mécanique, le dixième Atout lui demanda tout en prenant une fleur dans ses mains :

« Bonjour… Char…Kro…Wos. »

« Bonjour Birébot. »

« J’ai une question : Pourquoi… m’avoir crée ? »

« Car le monde aura besoin de technologie et un jour, il faudra que tu te montres aux humains, que tu leurs montres à quel point les robots peuvent être utiles et réussis. »

« Vous… me trouvez réussi ? »

« Bien sûr. Pourquoi je ne rendrais pas l’un de mes enfants égal à un autre ? »

Le robot resta immobile, tentant de se raisonner aux paroles de Charkrowos. Il hocha finalement la tête, se retirant sans un mot alors que Rocagiri quittait les bras de l’homme aux cheveux blancs. Elle lui prit la main avant de dire :

« Allez ! On va voir les autres ! »

« Rien ne presse, Rocagiri. Rien ne presse. »

« Mais elles t’attendent toutes ! Tu manques à tout le monde, Papa ! »

« Je veux bien te croire, ma fille. Je veux bien te croire. »

Il lui fit un léger sourire, se laissant tirer par la jeune fille à la force prodigieuse. Et oui, elle n’avait aucun mal à le forcer à la suivre, les deux personnes courant légèrement dans l’herbe. Cinq minutes passèrent jusqu’à ce qu’ils se retrouvent devant deux autres jeunes filles, bien plus que plus âgées que Rocagiri. L’une avait des cheveux bleus et l’autre avait des cheveux gris. Iglaré et Sterivia. Les deux filles tournèrent leurs visages vers lui, se mettant à courir vers lui avant de l’enlacer tendrement en criant.

« C’est Papa ! Tu es enfin revenu ?! »

« Ca fait beaucoup trop de temps que tu n’étais pas venu ! »

« J’ai beaucoup de travail, Sterivia. Et oui, je suis revenu Iglaré. »

« Tu veux que je te présente mon nouveau robot ? »

« Non ! Je veux d’abord lui montrer la statue de glace que j’ai fais ! »

Les deux filles commencèrent à se disputer se donnant des petits coups de main comme les enfants qu’elles étaient. Il alla s’agenouiller pour les arrêter, les prenant dans ses bras en leur murmurant avec tendresse :

« Ca ne sert à rien de vous disputer toutes les deux. Je ne pars pas tout de suite. »

« Mais on ne sait jamais quand tu pars… »

« C’est vrai… Tu t’en vas si souvent… »

« Je suis quelqu’un d’assez occupé. »

« Hey ! Laissez moi un peu de Papa aussi ! »

Oups… Il voyait Rocagiri qui courait vers lui, lui sautant dessus pour le faire tomber dans l’herbe en éclatant de rire. Elle alla l’embrasser sur la joue, les deux autres jeunes filles venant les rejoindre en embrassant les joues de leur père. Quelques instants plus tard, ils étaient tous les quatre couchés au sol, les trois jeunes filles ayant leurs têtes posées à divers endroits sur le torse de Charkrowos.

« Papa… Je ne veux pas que tu partes… Je veux pas… »

« Dors un peu, Rocagiri. Tu n’as pas à t’en faire. »

« Papa… Pourquoi tu dois toujours partir ? Tu pourrais… rester ici… »

« Ce n’est pas si facile, Iglaré. J’ai des choses à accomplir. Le monde ne peut pas se passer de moi. Je ne peux pas le laisser seul. »

« Mais tu nous laisses seules… à chaque fois. Ce n’est pas normal : Nous sommes tes filles et c’est nous qui te voyons le moins ! »

« Chuuuuut Sterivia… Rocagiri s’est déjà endormie. Ce n’est vraiment pas simple toute cette histoire. Je suis désolé… Reposez vous, d’accord ? »

Voilà qu’il évitait encore les questions et les sujets gênants. Ce n’était pas forcément de sa faute si il était omniscient non ? C’était comme ça… Il avait des choix à faire et il savait qu’il rendait tristes les trois filles. Il serra les trois demoiselles contre lui, les laissant s’endormir en fermant les yeux à son tour. Une vingtaine de minutes plus tard, il se redressa, évitant de réveiller les trois filles avant de claquer légèrement des doigts. Un léger feuillage recouvrit les trois jeunes filles, comme une couverture faite d’herbes alors qu’il s’éloignait avec un fin sourire. Il ne savait pas pourquoi mais quand il les voyait… Il se sentait si triste…

« Père… Vous étiez donc bien là ? »

Ah ! Cette voix…Il sursauta un peu, se tournant légèrement pour apercevoir l’adolescente aux cheveux blancs… blancs comme lui. Une femme très belle en devenir, il en était certain… si elle voulait continuer à grandir mais il savait que ce n’était pas le cas. Elle s’approcha de lui d’un pas lent, son visage rougissant alors qu’il prenait sa main pour tenter de la baiser. Elle la retira, tendant sa joue droite en murmurant :

« Je suis votre fille… Mais je ne suis pas votre princesse… »

« Ces paroles sont dures à entendre. »

« Mais elles sont véridiques, Père. »

« Je préfère quand tu m’appelles Papa. »

Il alla se pencher en avant, embrassant l’adolescente aux cheveux blancs sur la joue alors qu’elle lui tendait maintenant la main pour qu’il puisse la prendre et marcher avec lui. C’était ainsi que ça se passait avec Gigana… Elle était si calme…

« Alors… Papa ? Comment cela se passe dans les autres mondes ? »

« Assez mal je dirais… Le domaine céleste est toujours dans un sale état car Juperus et Giradès n’arrêtent pas de se disputer. »

« Les adultes sont si compliqués… Je ne veux pas devenir une adulte. »

« Tu es à mi-chemin entre l’enfance et l’adulte, Gigana. »

« Je le sais très bien Papa mais cela me satisfait amplement. »

« Tu es vraiment une demoiselle très spéciale. »

« Ces paroles me réconfortent. Voulez vous encore marcher ? »

Il hocha la tête pour dire que oui, émettant un faible sourire. Lorsqu’il était avec les quatre filles, il se sentait bizarrement bien. Il ne comprenait pas pourquoi mais savoir que ces filles avaient besoin de lui lui réchauffait le cœur. Maintenant que les trois autres filles étaient couchées, il pouvait vague librement à ses occupations et Gigana était là pour le guider. Ils marchèrent pendant de longues minutes, arrivant jusqu’à un arbre majestueux et en fleurs, l’adolescente lui demandant si il voulait s’asseoir pour se reposer. Il la regarda longuement de ses yeux rubis, Gigana lui rendant son regard de ses yeux dorés en attendant une réponse de sa part. Finalement, il accepta, venant s’asseoir en collant son dos contre le tronc. Quand à Gigana, elle restait debout.

« Cela fait vraiment du bien… de pouvoir souffler. »

« Vous travaillez trop durement. »

« Gigana… S’il te plaît… Est-ce que tu peux me tutoyer ? Tes sœurs le font bien. »

« Je ne sais pas trop… si cela est une bonne chose mais je vais essayer encore une fois. Donc je disais : Tu travailles trop durement, Papa. »

Il eut un nouveau sourire, l’adolescente croisant ses bras au niveau de la poitrine, ses sourcils légèrement froncés. Il ne la prenait pas au sérieuse et elle n’aimait pas cela. D’une voix légèrement remontée, elle reprit la parole :

« Papa… Je vais être franche avec toi : Tu n’as pas à t’occuper de tout ça. Nous sommes là pour gérer ce monde. Tu n’es pas seul. »

« Mais vous n’êtes pas omniscientes. C’est différent. »

« Nous n’avons pas à l’être. L’omniscience est une chose déplorable à mes yeux : Être partout à la fois fait que l’on oublie des choses vraiment importantes comme la famille. »

« Est-ce une phrase dite pour me montrer que je ne prend pas assez soin de vous ? »

« Tu peux la considérer comme tu veux, Papa. »

« Viens par là que je t’explique un peu mieux ce qu’il en est réellement. »

Il tapota ses genoux avec amusement, l’adolescente restant à sa place sans bouger. Il haussa un léger sourcil, se demandant quel était le problème encore. Lorsqu’il faisait ça, les trois petites filles n’hésitaient pas à venir. Il en était de même pour Juperus et Giradès : Les deux femmes étaient néanmoins des… femmes comme c’était le cas et donc… Cela était un peu plus gênant. Avec les trois petites filles, c’était différent.

« Je sais ce qu’il en est réellement. Je ne suis pas stupide, Papa. Vous avez beaucoup trop de choses à accomplir. Comme Juperus et Giradès se battent continuellement, tu dois réparer leurs erreurs. Tu dois aussi créer des êtres supérieurs aux personnes qui vivent dans ces mondes pour tenter de faire régner l’ordre. »

« Il y a le monde de Juperus qui me pose aussi quelques soucis. »

« Tu lui as créé ce monde car elle veut se rendre utile et te montrer qu’elle sait gérer un monde elle aussi. Tu ne fais pas assez confiance, Papa. »

« J’ai l’impression que tu lis en moi comme dans un livre ouvert. Néanmoins, tu n’as pas totalement raison. Je fais confiance aux différents mondes… mais pour réparer les erreurs, il n’y a pas que moi. Sans moi, qui pourrait faire un retour en arrière et permettre aux différents mondes d’exister ? »

« Et si tu les laisser se débrouiller seuls ? »

Il poussa un léger soupir, se disant que ça ne servait à rien de discuter avec elle. Au final, elle pensait le comprendre et le connaître mais il savait pertinemment que ce n’était pas le cas. Comment pouvait-elle le comprendre ? Il eut un petit sursaut de surprise en sentant la tête aux longs cheveux blancs qui se posaient sur ses genoux avec délicatesse.

« Papa… Tu devrais faire un effort de ton côté. »

« De quoi parles-tu, Gigana ? Je ne vois pas ce que tu veux dire. »

Il passa une main dans les cheveux de l’adolescente, s’amusant avec ses doigts alors qu’elle se laissait faire. Elle eut un petit soupir de bonheur, contrastant avec l’attitude froide qu’elle avait habituellement. Elle était heureuse en ayant sa tête posée sur ses genoux mais ce n’était pas pour ça qu’elle perdait ses habitudes.

« Je parle de ta compréhension. Tu es beaucoup trop buté. Il faudrait que tu crées une créature avec une personnalité aussi forte que la tienne, que tu comprennes ce que cela fait de se voir en face dans un miroir. »

« Hahaha. Ma fille… Vraiment… Quelle idée saugrenue. Créer un double de moi ? »

« Et pourquoi pas, Papa ? Tu penses que ça serait irréalisable ? »

« Je n’ai pas vraiment envie d’imaginer un clone. »

« La peur de la vérité est quelque chose que même toi tu peux posséder. »

« Arrêtons de parler inutilement d’accord ? »

Il n’aimait pas toujours discuter avec l’adolescente aux cheveux blancs. Il ne savait pas pourquoi… mais il avait un petit haut le cœur comme si… Elle disait la vérité. Lui ? Avoir peur de la vérité ? C’était ridicule ! Aussi ridicule que de créer un être aussi borné et buté que lui. Comme si tout ça pouvait exister… Ahhhh ! Il continua de caresser les cheveux de Gigana, l’adolescente ayant fermés les yeux.

« Que tu es jeune… Tu ne peux pas comprendre tous mes problèmes, Gigana. »

Comment pouvait-elle comprendre ses problèmes de toute façon ? Ce n’était pas que c’était des problèmes d’adulte, loin de là. Gigana avait la mentalité d’une adulte, elle était même… Il eut une petite pensée émue en la regardant. Gigana… était même bien plus adulte que Juperus et Giradès… Les deux premières femmes qu’il avait créent. Elle ne se mettait jamais en colère, elle restait calme et responsable.

« C’est ma petite fille… Giradès… Une enfant pas comme les autres. »

Gigana… était quelqu’un de bien… Avec elle, il savait qu’il n’avait pas de soucis à se faire. Il pouvait lui confier le monde… Qu’est-ce qu’il pensait ? Confier un monde ? Ne plus s’en occuper ? Que c’était bête de penser ça. Gigana était encore une adolescente. Une adolescente pas comme les autres. Il ferma ses yeux rubis, gardant sa main dans les cheveux blancs de Gigana, les caressant pendant son sommeil.

« Papa ! Papa ! Réveille toi ! »

Hein ? Que quoi ?! Il ouvrit subitement ses deux yeux rubis, se redressant en voyant le regard inquiet de Gigana. Qu’est-ce qui se passait ?! Il observa les alentours, remarquant que le décor se modifiait légèrement. Qu’est-ce qui se passait ?!

« Juperus et Giradès recommencent à se battre. »

« Elles ne peuvent donc jamais s’arrêter ? »

« Ca m’a l’air très grave, Papa. Cette fois-ci… Elles utilisent leurs techniques. »

« Bon, j’y vais tout de suite. Je n’ai pas de temps à perdre ! »

« Père, attendez un peu ! »

Elle le retint par la manche, la tête baissée. Elle avait ce regard triste qu’il ne lui connaissait que trop rarement. Elle… Elle était adorable comme tout. Si un jour… Il devait comprendre des sentiments, il espérait que ça serait les siens.

« N’y allez pas… C’est vraiment trop risqué. »

« Ne t’en fais pas… Je reviendrais… »

« C’est… C’est une promesse ? »

Elle le regardait de ses yeux dorés et il aperçu quelques larmes qui se préparaient. D’un geste délicat, il alla les essuyer avant de dire d’une voix tendre :

« Bien sûr, Gigana. Je te le promets. Je reviendrais dès que tout ça sera terminé. Et tu sais quoi, Gigana ? Je vais te montrer que je te fais confiance. »

« Co… Comment ça, Pè… Papa ? »

« Pendant que je ne suis plus là, je te laisse t’occuper de ce monde, d’accord ? Toi et tes sœurs, vous allez être celles qui gèrent ce monde pendant que je ne suis plus là. »

« Je… Vous… Tu penses que j’en suis capable ? »

« Tu en es bien plus capable que n’importe qui que j’ai crée. Je dois m’en aller. »

« Faites… attention à vous… Père. Revenez vite. »

Elle s’était mise sur la pointe des pieds, venant l’embrasser sur la joue. Il lui fit la même chose, passant une main dans ses cheveux blancs avant de disparaître complètement. Ce fut la dernière fois qu’il avait vu Gigana et ses sœurs. C’était la dernière fois qu’il avait eu ces petits pincements au cœur, ses moments où il se sentait enfin au calme et apaisé. Si il avait été capable d’avoir réellement des sentiments, peut-être qu’il aurait pu éviter tout ça… Si seulement… Il avait écouté Gigana plus tôt.

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