Chapitre 58 : Un tribut mortel

ShiroiRyu
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Chapitre 58 : Un tribut mortel

« Et bien … Peut-être devrai-je commencer par le début ? Ou alors tout de suite passer aux choses plus sérieuses ? Je ne sais guère. » murmura la Libegon, semblant un peu confuse.

« Il faudrait peut-être expliquer l’enfance d’Oraura et Crapiscal ? » dit Earnos.

« Hum … Peut-être. Il faut savoir qu’Oraura était une Apireine unique … Il n’y avait pas d’autre insecte comme elle, c’est pour ça qu’elle était spéciale. Mais aussi pour cela qu’elle était seule puisqu’elle n’avait pas de famille. Sa famille, c’était les autres insectes. Il en était de même pour Crapiscal, un Aspicot qui avait vu ses parents mourir devant ses yeux pour sauver la vie d’Oraura. Leur relation était détestable, plus que détestable même. »

« Pourquoi ça ? » demanda Lisian, Sania lui faisant un sourire avant de répondre :

« Imagine donc un enfant âgé de cinq ans qui voit ses parents disparaître pour sauver une fille qui n’est pas la leur. Tu ne penses pas que cet enfant en voudrait terriblement à la fille sauvée ? Les deux premières années furent terribles pour la jeune fille : malgré tout l’amour que lui portaient les citoyens, il y avait une seule personne qui faisait tout pour lui rendre la vie impossible. Je pense que vous avez deviné qui était cette personne : Crapiscal. Elle a tenté maintes fois de lui faire plaisir, de le rendre heureux mais il ne s’est jamais laissé faire. La haine que lui portait le jeune garçon était bien trop forte pour que ses tentatives soient couronnées de succès. »

« Je ne sais pas … mais cela me rappelle deux personnes que je ne connais plutôt bien. » chuchota Olistar, ses yeux se posant sur l’adolescent aux cheveux blonds. Lui ? Lui et qui donc ? Il ne voyait pas du tout où il voulait … Ah non ! Ce n’était quand même pas pareil ! Entre ça et ce qui s’était passé avec Terria, c’était quand même bien différent ! Il s’était comporté comme l’enfant qu’il était lorsqu’il avait vu sa foreuse se faire détruire …

« Par toi ! Ah bien entendu ! C’est par toi que ma foreuse a été détruite, Olistar. Même si c’était pour protéger la princesse ! » s’écria le Coconfort.

« Hahaha ! Quand même, à l’époque, je n’y allais pas de main morte sur toi. Mais oui … Enfin bref, je ne crois pas que c’est important. Vous pouvez continuer madame Sania. »

« Merci bien, Olistar. » dit la Libegon. « Pourtant, elle continua, continua, continua … Et cela sans même chercher à se rapprocher des autres. Elle disait toujours que tout l’amour d’un peuple n’était rien si elle n’était pas appréciée par une seule personne. Puis un jour, alors qu’ils avaient dix ans, quelques garçons un peu trop entêtés commencèrent à l’embêter un peu trop. Jaloux que la jeune fille fût bien trop appréciée par tout le monde, le jeune Aspicot s’en prit à eux, n’hésitant pas à les frapper et à les repousser en hurlant qu’il était le seul à pouvoir lui faire mal. Pendant la bagarre, un accident des plus graves aurait pu se produire si Crapiscal n’avait pas été là pour sauver Oraura. Des bouts de verre qui tombent des ordures et ça aurait pu être un drame. Enfin … Ce le fut pour Oraura car pour l’avoir sauvée des morceaux de verre, le jeune garçon perdit son œil gauche. Lorsqu’elle voulut le remercier, il s’éloigna sans même chercher à lui répondre mais leurs destins étaient scellés. »

« J’ai l’impression d’écouter les histoires à l’eau de rose de ma mère. » murmura Earnos, ne niant pas pour autant qu’il appréciait ce qu’il écoutait, un peu comme les autres adolescents.

« Disons que tout n’est pas si rose. Pourtant, à partir de là, tout changea du tout au tout. Maintenant, Oraura était toujours aux côtés de Crapiscal et celui-ci ne cherchait pas à la repousser. Disons qu’après ce qui venait de se passer, les deux enfants étaient réunis à jamais. Les années passèrent et dans tout le peuple des insectes, on connaissait l’histoire d’Oraura et Crapiscal. Crapiscal, un insecte pas comme les autres. Même s’il n’était pas du tout puissant, il était plus que débrouillard et arrivait à se sortir de situations dangereuses avec facilité mais surtout, le peuple était en pâmoison devant ce jeune couple devenu inséparable. Il était impossible d’imaginer l’un sans l’autre. Mais vous vous rappelez de ce que je vous avais dit à l’époque ? Au sujet du peuple des insectes ? »

« Qu’il n’était pas unifié et qu’au fur et à mesure … Il commençait à se détruire. C’est pourquoi il avait été mis en place l’idée du tournoi. » répondit Olistar.

« C’est exact. L’idée était plaisante, très plaisante mais en même temps … Oraura avait tout à fait confiance en Crapiscal. Elle était sûre que Crapiscal gagnerait le tournoi organisé pour obtenir ses faveurs. Mais durant toute la durée du tournoi et les deux mois auparavant, il fut impossible pour les deux personnes de se voir. Il ne fallait aucune faveur, aucun privilège pour n’importe lequel des participants. Crapiscal avait bien rétorqué que le tournoi ne l’intéressait pas, qu’on laisse Oraura choisir celle qu’elle désirait et qu’il ne voulait absolument pas devenir un roi car ce n’était pas ce qu’il recherchait chez l’Apireine devenue une belle femme entre temps. Mais ça n’a pas convaincu et il dût se battre. Se battre et gagner … Chose qu’il fit avec son incroyable ingéniosité reconnue parmi le peuple des insectes. Même les insectes les plus forts tombèrent face à lui. Mais voilà, la finale le faisait affronter un Drascore, considéré comme un prétendant de grande valeur. »

« Je commence à comprendre … C’est clair comme de l’eau de roche. Madame Sania, est-ce que je peux continuer s’il vous plaît ? » demanda Lisian, Earnos et les autres semblant surpris par la Cheniti. La Libegon fit un geste de la main, invitant Lisian à prendre alors la parole puisqu’elle le désirait. « Merci beaucoup. Alors, avant que la finale ne commence, Crapiscal et Oraura se sont retrouvés discrètement. L’un aimant l’autre de tout son corps, ils ne purent penser que le Dardargnan perde son combat contre le Drascore. Pourtant, le Dardargnan n’était vraiment pas rassuré à ce sujet. C’est pourquoi ils ont alors décidé de mettre en place une fausse accusation sur le Drascore. C’est tout simplement horrible mais cela a parfaitement marché. Ainsi, nul ne saurait qu’ils étaient les responsables de tout cela. Non, c’était même pire ou « mieux » ! Ça dépend en fait de comment on prend le point de vue. Car voilà, l’Apireine et le Dardargnan étaient plus qu’apprécies et donc, voir ce couple se conclure finalement plaisait à tout un peuple. »

« C’est cela … Tous savaient que les Drascores et les Scorvols n’étaient pas responsables de cela mais personne ne chercha le véritable coupable car tous étaient heureux de la situation. C’est aussi simple que cela et plus que satisfaisant … Finalement, le premier couple royal fit son apparition et le royaume commença à se créer. »

« Un couple qui n’avait de royal que de nom. » marmonna Earnos en détournant le regard. Il n’appréciait pas du tout ce qu’il apprenait mais en même temps … En même temps … « Ils s’aimaient … et ont tout fait pour ne pas perdre leur amour. C’est vraiment immonde d’avoir exilé deux peuples pour conserver leur amour. Mais en même temps … C’est juste compréhensible … Compréhensible et affreux … Ils ont sacrifié les Drascores et les Scorvols pour pouvoir continuer de s’aimer. Ils devaient vraiment … s’aimer. »

Il avait terminé avec une pointe d’amertume. Être capable d’aimer une personne à ce point et d’être aimé à ce tour. Il ne savait pas s’il en était capable. Aimer une personne à ce point, c’était juste … inconcevable. Il n’arrivait pas à le croire. Il reposa son regard sur la Libegon. Celle-ci avait un étrange sourire aux lèvres, comme … triste.

« Je ne vous ai pas raconté la suite de l’histoire concernant la première Apireine du royaume. Vous avez besoin de savoir. Earnos, la fin devrait te « plaire » puisque tu sembles en vouloir à ce couple royal. »

« Apprécier le fait que d’autres souffrent, je ne crois pas que ça soit mon genre, désolé, madame Sania mais vous pouvez reprendre. »

« Et bien … Vient le jour où le couple royal annonça la venue d’un heureux événement. Le premier enfant royal allait naître … Mais souvent, on dit que pour chaque vie qui s’éteint, une nouvelle apparaît … Visiblement, le destin avait décidé de se venger de ce qu’ils avaient fait aux deux peuples exilés. »

« Vous ne voulez quand même pas dire que … » commença à demander Olistar, les yeux grands ouverts avant de baisser la tête, les mains tremblantes.

« La nouvelle reine ne garda pas son rôle très longtemps. Comme pour montrer qu’elle avait été le fruit conçu d’un amour peut-être irréalisé, la petite Apireine qui fût née emporta avec elle sa mère. Le roi, dans son amour sans fin envers celle qu’il avait aimé depuis des années, mit un terme à sa vie quelques jours plus tard, laissant une nouvelle fois une Apireine orpheline. Mais celle-ci fut une nouvelle fois élevée par son peuple avec ses préceptes et le royaume des insectes perdura … Et bien ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

Plusieurs reniflements se firent entendre du côté de Lisian, celle-ci ayant quelques larmes aux yeux. Olistar en avait aussi un peu tandis que Férast retenait les siennes. Seul Earnos semblait imperméable à tout ça ou presque. Il tapota doucement le dos d’Olistar, il ne s’était pas attendu à ce que l’adolescent soit « émotif » par rapport à cette histoire. Tout en laissant Olistar pleurer légèrement contre lui, il dit à la Libegon :

« Merci de m’avoir tout dit à ce sujet. Comme quoi, il ne faut pas jouer avec le destin. Même si c’est affreux à savoir … Il faut accepter la réalité. Peut-être que tout cela ne serait pas arrivé si ils avaient décidé de continuer le tournoi normalement. »

« Ce que tu dis est un peu … froid, Earnos, est-ce que tu en prends conscience ? Pour toi, est-ce que tout faire pour la personne que tu aimes n’a aucune importance ? Tu serais prêt à l’abandonner au premier rempart ? » demanda la femme aux cheveux verts.

« Je ne sais pas … Je ne m’attache pas de la sorte aux autres, pardonnez-moi de répondre de la sorte, je ne pensais pas à mal. Aller … Olistar, tu n’as pas à t’en faire. C’est une vieille histoire et pour moi, tu es un insecte du royaume … comme tout ton peuple. » répondit l’adolescent aux cheveux blonds, Olistar lui faisant un petit sourire.


Il passa une main sur ses yeux, essuyant les petites larmes qui s’y trouvaient avant de se redresser correctement, un peu rouge aux joues. Earnos avait dit des phrases assez dures mais cela semblait compréhensible … si on connaissait l’adolescent aux cheveux blonds.

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