Chapitre 31 : De nouveau sur la route

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Troisième axe : Monarchie souterraine

Chapitre 31 : De nouveau sur la route

« Dis, Tery, tu crois que l’on va avoir de gros problèmes ? »

« Je n’en sais trop rien, Elise. J’ai l’impression qu’il aurait peut-être mieux valu que je me taises, j’imagine … Ca m’apprendra à avoir ma bouche trop grande ouverte. C’est de ma faute si on va avoir des ennuis. Je suis désolé … »

« Hein ? Mais de quoi est-ce que tu t’excuses ? Ce n’est pas comme si nous étions au courant que ça allait se passer ainsi hein ? En même temps, ce n’est pas bien grave. Il fallait bien que ça sorte un jour ou l’autre. Je pensais plutôt qu’ils allaient pas nous croire. »

Elle marquait un point : lui-même avait imaginé que cela ne se passerait pas de la sorte. En fait, c’était plutôt étrange qu’ils réagissent ainsi. Est-ce qu’ils allaient tenter de les tuer ? Les attaquer ? Vu qu’ils n’étaient pas des démons de sous la surface comme eux ? Pfiou, ils en mettaient du temps … et même s’ils n’avaient pas reçu l’ordre de rester, ils préféraient ne pas partir pour ne pas avoir de problèmes.

« Au moins, ils ne semblaient pas menaçants, non ? Ce qui est plutôt une bonne chose ? »

« On va dire ça comme ça. On ne sait pas s’ils sont belliqueux mais ils n’en donnent pas l’impression. On va dire que c’est tant mieux pour l’instant mais ça sera mieux que l’on reste sur nos gardes, par simple mesure de précaution. Comme on ne sait pas ce qui nous attends. »

« Deux précautions valent mieux qu’une. » confirma Elise alors qu’ils hochaient la tête respectivement. Dans ce genre de situations, c’était bien mieux … que d’être d’accord. Bon, le temps passait et commençait à devenir un peu long. Ils pouvaient pas revenir plus rapidement ? Finalement, la porte s’ouvrit, un vieux démon disant :

« Pardonnez notre retard, vous comprenez, nous avions besoin de discuter de choses assez importantes … dont vous faites partie tous les deux. »
Tiens ? C’était étrange … C’était lui ou alors il venait d’utiliser un ton plus distant et lointain, presque solennel ? Est-ce qu’il avait quelque chose à se faire pardonner ? Un bref regard à Elise et les deux espéraient que ça ne sente pas le traquenard sinon …

« Non, non, calmez-vous donc. Vous n’avez pas besoin d’utiliser vos pouvoirs. On ne vous veut pas de mal. De toute façon, c’est mieux pour nous tous que vous soyez en parfaite santé. On ne voudrait pas qu’ils se ramènent dans cette ville. On est une ville tranquille. » s’exprima une seconde démone, Tery haussant un sourcil, un peu surpris.

Ils avaient ressenti la nervosité du duo, n’est-ce pas ? Le problème, c’est qu’eux aussi étaient nerveux … mais pas belliqueux. A force de patienter, ils allaient bien avoir des réponses non ? Alors, pourquoi est-ce qu’ils étaient comme apeurés ?

« Vous savez, on ne vous veut aucun mal, hein ? » finit-il par dire après quelques secondes.

« Je pense pareil que Tery. Mais qu’est-ce qui … vous met dans cet état ? C’est nous ? »

« C’est … exact. Nous ne savions pas qui vous étiez. Si cela avait été le cas, nous aurions été mieux préparés à vous réceptionner. Veuillez vraiment nous pardonner. »

« Ne racontez donc pas n’importe quoi. Enfin, qu’est-ce que cela vous a apporté en plus de savoir que nous étions des démons de la surface ? »

S’exprimer de la sorte lui donnait vraiment l’impression qu’il n’était plus de ce monde à la surface. Il n’était plus à sa place. A s’entendre, cela le rendait presque triste et maussade … et c’en était même un peu déprimant en fin de compte. Mais à voir le regard des différents démons de la guilde en face d’eux, il trouvait cela encore plus déprimant.

« Et bien, cela ne m’étonne pas que vous ne soyez pas au courant mais … il semblerait que si vous ne mentez pas, vous êtes tous les deux de la haute société des démons. »

Ok. Temps mort. Il resta interdit pendant quelques secondes, se tournant vers Elise comme pour se demander s’il venait de bien entendre. Ce n’était pas tout ça mais la dose de nouvelles aberrantes commençait à dépasser le stade autorisé pour son cerveau.

« Est-ce que l’on peut avoir quelques explication à ce sujet ? Car vous voyez, c’est un peu difficile à digérer ce que vous venez de nous dire. »

« Oh oui, bien entendu, bien entendu ! Enfin, je … Ce n’est pas vraiment à nous de vous raconter tout cela mais plutôt aux personnes des strates inférieures. »

« Pourtant, j’aimerai avoir ces explications de votre part. Nous connaissons à nous connaître depuis tout ce temps. J’imagine que j’aimerai bien obtenir la vérité. »

« C’est vrai que nous ne risquons rien … surtout en vous donnant simplement plus d’informations. Bon … J’imagine qu’il va falloir du temps pour tout vous expliquer. Installez-vous, cela va être long, très long. »

Oh ? A ce point ? Elise et Tery continuèrent de se regarder avec de plus en plus d’appréhension. Au moins, ils avaient réussi à calmer les membres hauts placés de la guilde, pouvant discuter tranquillement avec eux mais … aussi long que ça ?
Voilà qu’ils étaient tous autour d’une table, avec plusieurs chopes remplies devant chacun. Et aussi de quoi grignoter. Ils étaient peut-être une dizaine ? Oui, c’était ça, il reconnaissait quelques têtes, d’autres noms mais … ils étaient vraiment tous réunis.

« Tout d’abord, on va commencer par vous dire comment ça se passait exactement. Vous êtes issus de familles nobles. Sûrement parmi les hautes castes démoniaques pour être plus précis. Vous avez peut-être déjà des questions ? »

« Oui … Je suis issu de ma mère, j’en suis sûr et certain. Ma mère ne me mentirait pas à ce sujet. Je suis bien son enfant, pas quelqu’un d’adopté. Est-ce que ça veut dire que mon père était quelqu’un de noble et puissant ? Car je dois vous avouer que de ce dont je me rappelles, ce n’était pas vraiment ça, loin de là. »

« C’est … un peu plus compliqué que ça, malheureusement. Ce n’est pas très plaisant. »

Encore une fois, le vieux démon était comme mal à l’aise. Qu’est-ce qui avait été dit ou fait dans le passé ? C’était assez perturbant de les voir tous réagir de la sorte. On avait vraiment cette impression mauvaise qu’ils les craignaient tous les deux.

« Comme vous vous en doutez maintenant, les différents accès à la surface ne s’ouvraient que brièvement et faiblement, en de très rares moments que l’on peut compter sur les doigts d’une main dans toute une vie de démon. Dans ces moments précis, seuls quelques démons spécifiques pouvaient passer de l’autre côté, certains étant d’une faiblesse affligeante, d’autres à cause de leurs origines uniques. »

« Jusque là, j’arrive à tout comprendre, continuez pour voir ? »

« Et bien … Quelques échantillons issus de familles des plus nobles parmi les démons sont choisis pour trouver des porteuses compatibles. »


Et ensuite ? Le vieux démon n’ose pas continuer ses propos. Est-ce qu’il aurait vu le visage nerveux de Tery et d’Elise à l’écoute de tout ça ? Si tel était le cas, il n’aurait même pas chercher à continuer. Pourtant, en déglutissant, il finit par reprendre :

« Des seringues, des éprouvettes, qu’importe la méthode utilisée, il fallait féconder quelques femmes qui donneraient naissance à des démons. Des démons très puissants, capables de permettre l’ouverture des portes démoniaques. Comme les démons qui arrivaient à traverser les portes ne valaient pas mieux que de simples habitants de la surface, nous … »

« J’ai une petite question : comment est-ce que vous êtes … au courant à ce sujet ? »

Tery avait coupé la parole au vieil homme. Pas que ça le surprenait mais en fait si … Il devait avouer qu’il ne s’attendait pas à avoir autant d’informations de sa part mais voilà, tout était fait … et c’était bien pourquoi il le regardait, un peu incrédule. Elise, quant à elle, n’avait pas ouvert la bouche, visiblement trop énervée par ce qu’elle apprenait.

« J’avais un petit-fils qui avait été choisi pour devenir l’un de ces démons qui partiraient à la surface pour trouver une mère porteuse … Cela fait des décennies. Nous savons tous qu’en partant, tous ne reviendront jamais. »

« D’accord, d’accord … et vous obtenez quoi en échange de ce sacrifice ? »

« AH ! L’infime honneur d’avoir servi la race des démons ! Tu pensais quand même pas qu’on allait recevoir une récompense pécuniaire ou quelque chose du genre hein ? »

« Dis comme ça, j’ai presque l’impression d’avoir été insultant envers votre petit-fils. »

« Ne t’en fait pas, tu ne l’as pas été. Puisque vous semblez tous les deux être réellement de la surface, je ne peux pas vous en vouloir. Ce n’est pas … de votre faute directement. Cela expliquerait aussi comment vous avez réussi à survivre en retournant là-bas. »

Il avait raison. Comme ils connaissaient un peu le terrain et les espèces vivants au-dessus, c’était alors normal que de pouvoir plus aisément se défendre et contre-attaquer. Pourtant, en jetant un œil à Elise, elle ne décolérait pas, comme si la rage s’accumulait en elle.

« Ainsi, nous étions quoi exactement ? »

« Simplement des flasques contenant de quoi permettant de mettre une femme des espèces humanoïdes enceinte, rien de plus. Par mesure de précaution, nous avons décidé qu’il fallait trouver les femmes parmi la haute noblesse de la surface pour permettre une fécondation. Si ce n’était pas le cas, il y avait de très fortes chances que dans la majorité des cas, la femme meure avant même d’accoucher. Si elle y arrivait ? Elle perdait sûrement une grande partie de ses pouvoirs. Dans les deux cas, vous êtes devant nous. »

« Je ne sais pas si c’est vraiment flatteur ou non. En fait, je ne sais même pas ce que je dois faire, comment je dois apprendre cette nouvelle. Comment je dois … digérer tout ça. »

Cela le rendait malade ou presque. Avec lenteur, il passa une main sur son front. Son autre main se plaça sur la hanche d’Elise, comme pour chercher à l’attirer à lui. Vu qu’ils étaient côte à côte au niveau des chaises, elle eut un petit sursaut mais se laissa faire.

« Vous devez … comprendre que vous êtes en train de nous dire que de mon côté, mon père n’a jamais été mon père biologique. Ma mère n’est sûrement pas au courant qu’elle n’a jamais été mise enceinte de manière normale. Elle n’est sûrement pas au courant que je suis responsable de la perte de la majorité de ses pouvoirs. »

« Tu es le fruit d’une mère de la surface mais aussi d’une lignée de démons parmi les plus puissants qui existent dans notre monde. Il en est de même pour Elise. A partir de là, même si votre mère est défaillante, vos pouvoirs sont sans égaux pour les démons des strates supérieures que nous sommes. »

Il avait légèrement tiqué en entendant que l’on considérait sa mère comme un simple objet. En fait, il se retenait de se lever pour lui en coller une bonne dans la tête. Heureusement, il savait se contrôler mais pour combien de temps ? Sans un mot, il ne fit qu’hocher la tête aux propos du vieux démon. Sa mère était défaillante hein ? C’était l’une des femmes les plus remarquables de son existence.

« Et maintenant ? Pour que vous fassiez une tête comme ça en ayant appris à notre sujet, cela veut dire qu’il y a encore autre chose en ce qui nous concerne, n’est-ce pas ? »

« C’est … Oui et non. En quelque sorte, votre place n’est plus vraiment à nos côtés. Maintenant que nous savons la vérité à votre sujet, nous devons prendre quelques dispositions à votre sujet et … Non, rien de grave. Enfin, cela dépend du point de vue. »

« Vous pouvez être un peu plus explicites, tout simplement ? Car je suis un peu perdu. »

« Nous allons devoir prendre la décision qui convienne, c’est à dire, vous demander de quitter notre ville, non pas comme des malpropres mais tout simplement que vous n’avez plus votre place parmi nous. Si les démons des strates inférieures apprennent votre existence et que l’on vous garde parmi nous, cet endroit sera tout simplement rasé. »

« Rien que ça … Au moins, on va dire qu’ils se veulent rassurants là-bas, n’est-ce pas ? Je ne suis pas certain que ça soit mieux pour nous que de se rendre là-bas. »

« Pour notre sécurité à tous, essayez de ne pas faire trop les difficiles, je vous pries. On vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour nous mais … cela ne va pas être possible de vous garder et de faire comme si de rien n’était. »

Long et profond soupir de la part du jeune homme cornu aux cheveux bruns passa une main sur son front, une nouvelle fois. On allait tout simplement les jeter … après tout ce qui s’était passé hein ? Malgré ce que disait cet homme, il ne se faisait pas d’illusions.

« Est-ce que nous pouvons rester quelques jours encore ? Au moins, pour se préparer ? »

« Oui, bien entendu. Simplement, le plus vite vous partirez, mieux ce sera pour tout le monde. Enfin, vous ne partirez pas sans rien. Nous allons vous préparer quelques petites aides pour vous guider jusqu’aux strates inférieures. Nous ne pourrons vous accompagner, nous ne sommes pas autorisés là-bas, sauf si nous avons des tendances suicidaires. »

« Elise ? Et de ton côté ? Tu as quelque chose à dire ? » demanda t-il finalement en se tournant vers la jeune femme aux cheveux flamboyants. Celle-ci releva son regard avec lenteur, le posant sur Tery comme si elle sortait d’une longue léthargie.

« Euh … Je ne sais pas vraiment. Je crois que … je suis d’accord ? Je ne suis pas vraiment sûre. Est-ce que … l’on peut s’en aller ? »

« Oh, oui, bien entendu. De toute façon, nous nous retrouverons d’ici quelques jours, comme convenu. Cela fait beaucoup de nouvelles en si peu de temps, je comprends que vous ayez un peu de mal … mais dites-vous que c’est une chance pour vous. Vous ne serez pas obligés de rester avec de simples démons comme nous. »

« Une chance, je ne sais pas vraiment mais … merci. Elise ? Attends, je viens. »

Où était passé toute cette colère et hargne qu’il avait ressentie chez elle, il y a de cela quelques minutes ? Elle était maintenant d’une telle mollesse que l’on pensait qu’elle venait tout simplement de se réveiller, il y a de cela quelques minutes. L’aidant à se mettre debout, il la prit doucement contre lui, saluant les différents démons avant de partir.

« Je pense que l’on va directement à l’auberge, n’est-ce pas ? »

« Ça … serait mieux, Tery. Comment est-ce que tu peux leur parler comme si de rien n’était ? Ça ne te choque pas ? Tu n’as pas envie d’hurler ? »

« Bien sûr que si, je ne peux pas faire autrement mais je préfère subir … en silence. Tu imagines ? On serait issus de deux mères porteuses et en même temps, dans notre sang, on aurait de la noblesse ? C’est juste … aberrant à imaginer »

« Pourquoi tu ne cries pas ? Pourquoi est-ce que tu ne fais rien pour protester, Tery ? C’est juste … On va jamais s’en sortir. Si on descend plus bas, on ne retournera plus … là-bas. »

« Je sais … Je sais. Je le sais parfaitement, Elise. Je le sais bien. »

Il se répétait mais qu’est-ce qu’il pouvait y faire réellement ? Ce n’était pas comme … s’ils avaient le choix, non ? Ils ne pouvaient pas revenir là-bas comme si de rien n’était.


Dans l’auberge, l’ambiance du duo était maussade. Ce fût à peine si Elise toucha à son repas, se forçant simplement parce que Tery lui intimait de manger un morceau. Il ne pouvait pas la laisser dans cet état comme si de rien n’était hein ?

« Tu devrai arrêter tes bêtises, Elise. Ça ne mènera à rien de s’affamer. »

« Cela me permettra d’avoir mal un peu ailleurs … plutôt qu’au coeur. Nous ne savons même pas qui sont nos parents réellement. Enfin, je l’ai jamais su … et toi, tu as ta mère mais en même temps, celle-ci n’était qu’un … objet. Je hais ces ces cornes, je hais ce monde, je hais tout ce qui m’entoure. J’ai envie que tout s’arrête. J’ai envie que tout se stoppe. Je veux juste être tranquille et qu’on me laisse tranquille. »

« Elise … Tu … te fais du mal. Il vaut mieux que tu stoppes dès maintenant »

« Et qu’est-ce que ça changera hein ? Qu’est-ce que ça va changer que j’arrête maintenant ? Rien du tout, Tery. Rien du tout ! Il n’y a rien qui nous attends en bas. On a juste été utilisé comme de vulgaires objets pour ouvrir ces portes. C’est la seule raison de notre existence dans ce monde. C’est ça qu’il faut retenir ! »

Heureusement qu’il avait prévu le coup et qu’ils mangeaient dans la chambre. Il n’était pas certain que les autres démons présents apprécient réellement la conversation. Ah … Pfiou … Qu’est-ce qu’il pouvait faire pour arranger ça ? Il n’en avait aucune idée malheureusement.

« Dis-moi ce qui te ferait plaisir, Elise ? On va essayer de trouver une solution. »

« Ce qui me ferait plaisir ? Tu veux vraiment savoir hein ? Tu veux savoir ce qui me ferait plaisir ? Je vais te le dire et tu risques de ne pas … »

De ne pas ? Puis plus rien. Le silence venait de s’installer dans la chambre, Elise ayant baissé la tête sans un mot de plus. Et bien ? Il y avait un souci ? Il posa une main sur l’épaule d’Elise, plutôt inquiet d’un tel changement, murmurant :

« Elise ? Elise … Hého. Elise ? Tu … vas bien ou pas ? »

« Je ne sais pas … Je ne sais plus. Je ne sais plus où j’en suis avec tout ça. Je ne sais rien de tout ce qui m’entoure. Comment est-ce que je pourrais le savoir, Tery ? Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est faux ? Tu fais comme si tout ne t’affectait pas ! »

« Bien sûr que ça m’affecte ! Tu crois que je n’avais pas envie de le frapper lorsqu’il avait parlé de ma mère comme ça ? Tu crois que je n’avais pas envie de lui dire que j’en ai rien à faire des strates inférieures, du sang noble et de toutes ces choses hein ? Tu crois que j’avais envie de savoir ça, Elise ? Tu crois que j’avais besoin de connaître ça ?! »

« Je … Tery, je … Enfin, toi et moi. Qu’est-ce qu’on va faire ? Qu’est-ce qu’on va vraiment devenir ? J’ai un peu peur maintenant, j’ai un peu peur. »

« On va être ce que l’on veut mais comme depuis ces derniers mois, rien ne va changer entre nous. On va toujours se soutenir mutuellement. Ça sera largement suffisant, d’accord ? On n’a pas besoin de faire plus que d’habitude, pas besoin du tout. »

Pfiou … Pour le repas, visiblement, c’était terminé. Il avait placé son autre main sur l’épaule d’Elise, l’attirant contre lui. Oh, bien entendu, il n’y avait rien de plus entre eux mais il l’emmena juste que dans le lit, finissant par la coucher toute habillée alors qu’il faisait de même. Avec tendresse, il lui chuchota :

« Je crois que toi et moi, nous sommes tous les deux très fatigués, n’est-ce pas ? »

« Tu as sûrement raison … oui. On ferait mieux de faire une longue sieste et de ne plus se préoccuper de toutes ces bêtises. Demain est un autre jour ? »

« Demain est un autre jour, Elise. Il est peut-être un peu tôt pour aller se coucher mais comme ça, demain, on sera réveillés à l’aube. »

Il tenta de faire un sourire et bien qu’il était un peu forcé, elle fit de même de son côté, plaçant sa tête contre le torse du jeune homme, fermant les yeux peu de temps après. Une main dans ses cheveux, il la serrait contre lui.

« Bonne nuit, Elises. Tu devrais tenter de faire de beaux rêves. »

« Je préfère ne rien promettre à ce sujet, je suis désolée, Tery. »

« Je ne te demandes pas d’en faire trop. Fais comme tu peux, Elise C’est tout ce qui compte. »

Et maintenant, il était temps de plonger dans le pays des songes. Avec Elise à côté de lui, cela ne devrait pas être trop difficile, non ? Non ? … Non. Les minutes s’écoulèrent et ses yeux se rouvrirent. Dans ses bras, Elise dormait déjà.

« C’est moi qui lui murmure de trouver aisément le sommeil … et c’est moi qui chope l’insomnie. Ah … Vraiment, qu’est-ce que je suis stupide »
Il s’en voulait. Il s’en voulait, tout simplement. Il s’en voulait et il était honteux envers sa propre mère. Tous les sacrifices que sa mère avait fait … pour lui permettre de donner la vie … alors qu’il ne la méritait pas. Il était tout simplement un monstre.

« Je peux le faire devant Elise mais je ne suis pas mieux qu’elle. »

Il sanglota un peu, utilisant sa main libre pour tenter d’essuyer les quelques larmes qui commençaient à perler à ses yeux. Stupide, stupide, stupide. Il était juste stupide mais savoir tout le mal qu’il avait infligé à sa propre mère lui donnait envie de s’enterrer six pieds sous terre, de ne jamais paraître à nouveau à la surface.

« Je ne pourrais jamais plus me présenter devant elle. Toute une vie ne suffirait pas à racheter tout ce qu’elle a perdu par ma faute. »

Et ça, il ne pouvait l’oublier. Avec les dernières nouvelles apprises, il s’en voulait terriblement. Ah … Chercher à dormir, il devait chercher à dormir. Demain, ça ira bien mieux. Il en était sûr et certain. Il n’avait rien à craindre, ce n’était pas comme si c’était la fin du monde, non ? Juste … la fin du sien, hein ? Ah … Cela allait être vraiment très dur que de trouver le sommeil, il en était maintenant certain.

Chapitre 30 : La peur s’installe

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 30 : La peur s’installe

« Ils arrêtent jamais ou quoi ?! »

« Pourtant, on les repousse mais ils n’ont pas l’air de comprendre ça ! C’est pourtant pas si compliqué non ? Qu’est-ce qu’ils nous veulent ?! »

« En même temps, si on cherche à explorer leur monde, c’est normal qu’ils veulent faire de même de leur côté. Sauf que vu qu’on est pas la bienvenue chez eux, je vois pas pourquoi il la serait chez nous ! HOP ! Du balai ! »

De telles conversations étaient devenues habituelles dans le monde souterrain. Tery comme Elise n’en faisaient pas partie mais entendaient de nombreuses rumeurs et discussions à ce sujet dans l’auberge où ils venaient parfois se rendre. Assis à une table isolée, face à face, les deux jeunes gens se regardèrent avant que Tery ne murmure :

« Ils sont vraiment devenus très collants, n’est-ce pas ? »

« Plus que des parasites. Depuis que nous sommes revenus, j’ai l’impression que tout le monde autour de nous s’active. C’est étrange. Cela fait combien de temps ? »

« Déjà deux ou trois semaines. Je dois t’avouer que je n’ai pas compté, Tery. Mais tu imagines ? Que nous sommes en train de les aider ? A affronter des personnes avec qui … »

« Il vaut mieux que tu ne continues pas, Elise. Tu te ferais plus de mal qu’autre chose. Nous ne pouvons plus retourner là-haut. Nous devons apprendre à survivre ici et pour cela, nous devons alors apprendre à vivre en communauté. »

« Communauté, c’est vrai … qu’en si peu de temps, on a maintenant un toit à nous mais … Je ne sais pas si vraiment, on peut dire que nous vivons avec eux. »

« C’est mieux que de parcourir le monde souterrain sans savoir où nous allions dormir le lendemain et surtout si nous serions encore en vie, tu ne crois pas ? »

« Je le sais bien, Tery. C’est juste que … c’est plus dur que je le pensais. C’est tout, c’est vraiment tout ce que je peux dire. J’ai faim … et soif. »

« Alors, je vais commander pour nous. Ce n’est pas comme si nous pouvions cuisiner quelque chose de notre côté vu que l’on revient toujours complètement épuisés. »

Il leva une main, hélant une serveuse cornue comme eux avant de lui demander de leur ramener de quoi se sustenter. Jetant un bref regard à Elise, il savait bien que la situation lui pesait énormément. Juste le fait que l’armée de Royan ait cherché à les tuer, cela devait la faire atrocement souffrir de l’intérieur.

« On va finir par trouver une solution, d’accord, Elise ? »

« Est-ce que tu as vraiment envie de tous les revoir, Tery ? Tu ne m’en donnes pas l’im… »

« Tu sais aussi bien que moi que j’en ait envie mais que c’est plus compliqué que ça. »

Il lui avait coupé la parole, non pas par agacement mais simplement pour qu’elle comprenne que la situation ne leur permettait pas de faire comme ils désiraient. C’était pourquoi ils devaient se plier à tout ce qui les entouraient. Encore que maintenant, ils avaient acquis une petite notoriété qui leur permettait de subvenir à leurs besoins quand ils le désiraient.

« Là, nous sommes bien installés. Je me dis que j’aimerai explorer plus loin encore mais malgré tout ce que nous avons fait, nous n’avons pas les autorisations. »

« Nous le pourrions mais en même temps, on perdrait les petits privilèges que nous avons eut tant de mal à récupérer. Je ne suis pas sûre que nous soyons gagnants dans cette affaire, Tery. Mais … Depuis que nous sommes rentrés, ils nous voient différemment. »

« Tout simplement car nous avons réussi ce que tant de monde pensait être impossible : revenir en vie d’une exploration de la surface mais surtout avec des preuves. A partir de là, ils pensent que nous sommes comme des sortes de héros démoniaques. Je ne sais pas si les deux termes se marient bien ensemble, je dois avouer. »

« Ça fait un peu héros solitaire, maudit et tout, non ? »

« Je ne sais pas si je dois être rassuré ou non par tes dires, Elise. »

« J’imagine que tu ferais mieux de l’être, monsieur le héros solitaire. » reprit-elle alors qu’il souriait. Il était aisé de voir ce qu’elle tentait de faire : Le rassurer par rapport à la situation. C’était … si normal et logique de sa part. Mais pourtant … mais pourtant, il évitait d’être trop enjoué pendant qu’ils mangeaient tranquillement tous les deux, leurs plats étant arrivés.

« A part ça, je me demandes ce que nous devons faire, Elise. J’ai entendu quelques rumeurs au sujet de la surface. Il semblerait que certains démons se sont alliés avec quelques clans d’Honoros. Je ne sais pas ce qu’ils préparent mais … »

« Tu n’es pas au courant ? Ce que nous avons ramené de Traslord, les démons sont en train de les étudier pour en faire des répliques avec leurs propres matériaux. J’imagine qu’ils font pareil avec l’équipement d’Honoros. Du moins, je vois ça comme ça … »

« Mais à quoi est-ce que ça va leur servir ? Ils ne sont pas mauvais de leur côté non ? »

« Tu n’as rien remarqué d’étrange ? Les démons qui nous accompagnaient n’étaient pas protégé ou autres. J’ai l’impression que c’est bien différent par rapport à nous. Il semblerait que l’on doit se débrouiller chacun de notre côté pour être sûr de pouvoir survivre. »

Maintenant qu’elle le disait, elle n’avait pas tort. Pour l’expédition, il n’était pas certain d’avoir vu un démon couvert par une armure ou alors équipé avec une arme. Lui-même et Elise, cela avait été assez spécial car dans le fond, ils étaient habitués à en avoir et donc, ils gardaient chacun ce avec quoi ils se battaient depuis des mois voire années.

« Est-ce que les démons seraient vraiment sans armement militaire ? Ni même défensif ? Alors pourquoi est-ce qu’ils iraient envahir la surface s’ils en sont incapables ? »

« Peut-être qu’ils pensaient qu’ils pouvaient le faire sans ça ? J’en ait aucune idée. »

« Ça ne sert à rien de tergiverser sur ce sujet plus longtemps. »

Il valait mieux finir le repas et ensuite sortir de l’auberge. Non pas que le sujet était dérangeant et qu’ils avaient besoin de se cacher. Simplement, digérer était plus aisé avec une petite marche. Lorsqu’ils terminèrent de manger, Tery s’était levé, ayant payé le tout avant d’inciter Elise à le suivre pour qu’ils reprennent la route tous les deux.

« C’était plus copieux que je ne le pensais. Ils ont fait de sacrés efforts aujourd’hui non ? »

« Peut-être qu’ils donnent plus à manger pour les habitués ? Nous mangeons chez eux depuis que nous sommes arrivés dans cette ville. A partir de là, j’imagine qu’ils ne se plaignent pas des clients quotidiens qu’ils peuvent avoir. »

« Peut-être, Tery. Peut-être. Ou alors, sans le savoir, je me suis décidé à faire un régime. »

« C’est vrai qu’avec cette tenue, on voit ton ventre à l’air. C’est … Ok, ok, j’arrête ! »

Le regard meurtrier qu’elle venait de lui lancer n’avait rien à voir avec les créatures légendaires qu’il avait combattues. Ouip, il allait éviter les ennuis, c’était mieux pour lui. Il sifflota doucement avant de reprendre :

« Et bien et bien, tu sais que tu es très inquiétante quand tu réagis comme ça, Elise ? »

« Par la faute à qui, tu veux bien me le dire, Tery ? Bon … Si tu t’excuses, je pense que je peux aisément te pardonner mais est-ce que tu vas t’excuser ? »

« Je m’excuse par rapport à ton ventre si droit et fin, comme s’il était taillé dans l’argile. »

« Je ne sais pas si c’est un compliment, si je dois le prendre comme tel ou si tu es particulièrement mauvais pour complimenter les filles. On va dire que c’est les trois à la fois et que je veux bien te pardonner mais pour cette fois. Sinon, tu es vraiment nul. »

Il le savait bien mais surtout, il avait réussi à éviter le pire donc en un sens, il était soulagé mais après, ça ne voulait pas dire qu’il était sorti d’affaire pour autant. Leur petite discussion lui revenait en mémoire et il était maintenant songeur. Avec Traslord et Honoros, il y avait de quoi vraiment s’inquiéter. Voyant que son « grand frère » réfléchissait grandement, Elise se plaça à côté de lui, toute trace de colère ayant disparu de son visage pour demander :

« A quoi est-ce que tu penses exactement, Tery ? »

« Honoros est une nation guerrière. Leur équipement est sûrement à la pointe de ce qui se fait de mieux dans la catégorie militaire. Je crois qu’une alliance entre quelques clans d’Honoros et les démons n’est bon pour personne. »

« Tu t’inquiètes sûrement un peu trop mais … des fois, c’est très utile. Tu as sûrement raison alors, Tery. On va devoir surveiller ça de près, du moins, du mieux qu’on le peut. »

« Merci Elise, j’avais peur sur le coup que tu me dises que je me fais des idées pour ne pas changer … Bref … Ah, on doit repartir en mission, tu viens ? »

« Oui oui, pas de soucis, Tery. Je suis derrière toi. »

Ce n’était pas vraiment l’excitation qui était la plus convaincante chez elle. Il regarda la jeune femme aux cheveux auburn, celle-ci se plaçant au final à côté de lui. Comme bien souvent, les conversations pouvaient très vite devenir bonnes ou mauvaises avec une seule phrase. Le jeune homme aux cheveux bruns passa une main devant sa bouche, finissant par s’étirer alors qu’ils étaient sortis de l’auberge depuis maintenant déjà quelques minutes.

« Je t’avoue que j’aimerai bien faire une petite sieste, Elise. Pas toi ? »

« Nous ne pouvons pas vraiment, Tery. Même si nous sommes loin d’être dans le besoin, je ne sais pas si nous octroyer une journée de repos sans l’avoir prévue, risque de nous attirer plus d’ennuis qu’autre chose. Il vaut mieux éviter, tu ne crois pas ? »

« Pourquoi pas ? Ah … Si on m’avait dit que tu étais une bourreau de travail, j’aurai peut-être éviter de t’inviter à rejoindre la guilde avec moi hein ? Après … Je suis mal placé pour parler, je le sais bien. Je ne suis pas franchement mieux, n’est-ce pas ? »

« Pas le moins du monde. Si ça ne tenait qu’à moi, je crois que j’aimerai bien te baffer pour te donner des idées bien plus claires. Tu crois que ça marcherait ou pas ? »

« Je ne pense pas le moins du monde. Tiens, je me suis répété comme toi. » dit-il dans un grand sourire alors qu’elle-même le lui rendait. Bien entendu, elle s’en doutait, n’est-ce pas ?

« Alors, pourquoi ne pas essayer jusqu’à ce que cela te rentre dans le crâne, non ? »

« J’ai pas envie de finir avec plus de bosses sur le visage qu’autre chose si possible. » dit-il tout en se cachant le sommet du crâne, mettant ses mains en coupelle sur ce dernier.

« Rien ne sert de te protéger, j’ai d’autres endroits où je pourrais te torturer si je le désires. »

« Je ne suis pas très porté chatouilles, Elise et je crois qu’au beau milieu de la rue, les autres démons vont se poser beaucoup trop de questions à ce sujet. »

« Je crois que leur avis est vraiment la dernière chose qui m’intéresse. »

Est-ce qu’elle allait dont le torturer ? Il la regarda avec douceur mais rien de tout cela n’arriva. Le jeune homme cornu soupira de soulagement avant de pousser un petit cri de surprise. Un doigt s’était enfoncé dans sa hanche gauche, Elise lui chuchotant :

« Ca ne veut pas dire que tu dois abaisser ta garde. Qui sait ce que je pourrais te faire subir comme mille tourments si tu ne fais pas attention, hmm ? »

« Je ne suis pas certain que mon coeur supporterait tout ça, Elise. »

« Hey, vous deux, si vous avez fini de faire votre trip incestueux comme d’habitude, y a la guilde qui aimerait vous voir ! » leur dit une voix sur la droite, un homme aux cheveux noirs, cornu comme les autres bien que celles-ci se rétractait en arrière, ce qui était un type de cornes pas si commun. Mais surtout, il était membre de la guilde comme eux.

« Incestueux, incestueux, c’est un peu vilain comme mot, tu ne crois pas ? On a juste une relation fraternelle assez proche, rien de plus, rien de moins. »

« Ouais, ouais, ouais. Ce que vous faites, ça ne me regarde pas, je dois avouer mais bref, ramenez-vous, y a du nouveau et paraîtrait que c’est pas joli à voir. »

Pas joli à voir ? Comment ça ? Il y avait une mauvaise nouvelle ? Le duo s’observa l’un à l’autre pendant quelques secondes avant de signaler d’un mouvement de la tête qu’ils étaient prêts à l’accompagner. Bien rapidement, en suivant l’autre démon, ils arrivèrent jusqu’au siège de leur guilde, la secrétaire se redressant en les voyant arriver.

« Vous voilà ! Vous avez fait vite, c’est tant mieux. Suivez-moi sans perdre plus de temps. Les plus importants membres de ce coin sont réunis. »

Les membres les plus importants. Cela restait flatteur d’entendre de telles paroles mais ils avaient mérité ce traitement particulier. Tery hocha la tête positivement, comme si de rien n’était. Pfiou … Au final, ils étaient bien une dizaine. La majorité, il les connaissait simplement de vue. Rarement, les démons travaillaient ensemble dans la guilde. En même temps, depuis la première expédition, il avait décidé de ne pas y retourner.

« Qu’est-ce qu’il y a de si grave ? Vous avez tous l’air très pâles. » demanda Tery avant de s’asseoir, Elise faisant de même à ses côtés.

« C’est au sujet de ce qui nous attends malheureusement. Tu n’es sûrement pas encore au courant mais cela m’étonne car les rumeurs sont de plus en plus nombreuses. »

« Hum … Là, par contre, vous êtes vraiment inquiétants. Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Nous avons appris des nouvelles des démons qui siègent sous la surface parcourue par la foudre. Tu sais, cet endroit avec des êtres ressemblant à des lézards humanoïdes. »

« Oui, ça s’appelle Mékalarma. Qu’est-ce qu’il y a de ce côté ? » continua d’interroger Tery, ne voyant pas où il voulait en venir Y avait-il une mauvaise nouvelle ou quoi ? Enfin, ça concernait Mékalarma, ça ne pouvait être qu’une mauvaise nouvelle à la base.

« Je suis toujours autant étonné par tes connaissances sur le monde à la surface. Oui, d’après les démons vivant sous cette région, elle s’appelle ainsi. Mais on se fiche complètement de la valeur syntaxique de cet endroit. Le plus important est ce qui s’y passe. Ce n’est peut-être qu’une question de jours ou d’heures mais … Il y a des chances que les démons se fassent envahir par ces êtres écailleux. »

« Hein ?! Mais et les portes qui sont sensées les retenir ? Elles n’arrivent plus à les contenir ? Normalement, nous les utilisons pour aller à la surface pas pour l’inverse ! »

« Et bien, voilà le problème, justement. Tous les démons qui ont été à Mékalarma sont morts dans d’atroce souffrances ou mutilés à vie. Les rares qui ont réussi à parler, si on ne leur avait pas arraché la langue, évoquent des tortures abominables mais aussi des expériences horribles. Nous n’en savons pas plus à ce sujet. Généralement, ils meurent dans les jours qui suivent. Si nous sommes réunis, c’est pour la démarche à suivre. Nous sommes loin d’eux … »

« Mais on ne peut pas les laisser, n’est-ce pas ? »

C’était Tery qui avait pris la parole, aucun n’étant visiblement étonné que ça soit lui qui coupe la longue tirade qui avait commencé. Les autres démons se regardèrent, hochant la tête alors que celui qui avait donné les explications auparavant le regarda pendant de longues secondes. Celui-ci avait déjà les cheveux grisonnants, la mine fatiguée, ses cornes laissant des marques de nombreuses entailles dessus et c’en était presque à se demander comment elles pouvaient être aussi longues et presque prêtes à tomber.

« On ne les laissera pas. Malheureusement, il ne faut pas compter sur les grandes villes pour venir les épauler. Tant que ça ne les affectera pas principalement, ils n’en auront strictement rien à faire, tsss … Je vous jure. »

« De qui est-ce que vous parlez exactement ? Il y a de plus grandes villes que celle-ci ? »

« J’aimerai bien croire que tu plaisantes Tery, quand tu parles ainsi … mais à force, nous avons appris à te connaître et on sait bien que tu es juste un peu … néophyte. Bien sûr qu’il existe d’autres villes, beaucoup plus grandes que celles-ci. Notre guilde est juste qu’une mince parcelle d’une bien plus grande qui se trouve dans de nombreux endroits disséminés dans notre monde souterrain. Notre guilde est l’une des rares à se préoccuper des nombreuses portes démoniaques qui se sont ouvertes un peu partout et dont nous avons la garde. C’est pourquoi c’en est désolant qu’ils se décident à ne rien faire pour ne pas changer. »

« Nous n’avons aucune valeur à leurs yeux. Ils nous considèrent simplement comme du bétail et nous ne pouvons pas être évalué mieux. »

« Comment est-ce que cela se fait que j’en ait jamais entendu parler ? »

« Tout simplement car vu qu’ils ne se préoccupent pas de nous, nous faisons de même. C’est un peu comme s’il y avait deux mondes différents, voilà tout. »

« Déjà qu’il y en a un entre la surface et ici, visiblement, ça devient toujours de plus en plus compliqué. Ah … Au moins, je devrais vous remercier pour ces informations mais … comment est-ce que l’on va donc les aider ? Vous pouvez me dire ? »

« On va aller leur rendre visite. Le souci, c’est que cela implique que nous nous rendions dans ces villes sous le contrôle de ces hauts-démons et j’avoue que ce n’est guère enchanteur à imaginer, loin de là. Ah … Vraiment … »

Tous les démons poussaient des soupirs. C’était vraiment si horrible que ça ? Enfin, ce qui le perturbait plus, c’était le fait d’apprendre qu’il existait comme des sortes de « démons supérieurs » dont il n’avait jamais entendu parler auparavant. A quoi est-ce qu’ils ressemblaient ? Qu’est-ce qu’ils voulaient exactement ?

« Et donc dans le fond, on va faire quoi ? Epauler les démons là-bas mais ça ne sera sûrement pas suffisant, n’est-ce pas ? Nous ne pouvons pas qu’y aller en petits groupes. »

« Nous avons aussi de notre côté à défendre. Certains rumeurs parlent d’assauts de plus en plus violents dans notre zone. Mais là-bas, sous Mékalarma, c’est l’enfer ! »

« Donc en fait, qu’est-ce que l’on va faire exactement ? »

« Nous allons envoyer seulement quelques personnes, vous aurez une enveloppe scellée que vous ne devrez pas perdre et ainsi … Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda le démon à l’âge avancé en voyant le regard de Tery qui était interrogateur.

« Vos lettres n’ont pas d’ailes, non ? Je n’ai encore jamais cherché à écrire à quelqu’un mais, à la surface, j’ai déjà vu des enveloppes ailées qui peuvent se déplacer toutes seules jusqu’à leur destinataire Ce n’est pas votre cas ? »

« Je ne sais pas par quelle diablerie ils font une telle chose mais non, ce n’est pas possible. Nous, on a des messagers qui font le transport mais comment peux-tu autant en connaître sur la surface ? Cela donne vraiment l’impression que tu en proviens. »

« Et bien en un sens, ce n’est pas totalement faux. Je ne l’ai pas caché, loin de là mais oui, je proviens de la surface, pourquoi ça ? Et Elise aussi. »

… … … Gros silence dans la pièce. Et Elise n’était pas du tout rassurée par tout ça. Qu’est-ce qu’il y avait ? Il n’avait rien dit ou fait de mal normalement hein ? Pourtant, tous les regards étaient maintenant tournés vers lui avant que des murmures ne se fassent entendre.

« Vous vous rappelez, n’est-ce pas ? Il n’a jamais menti réellement. Ce n’est pas son genre. »

« Oui mais en même temps, comment est-ce que cela aurait été possible ? Normalement, les démons provenant de la surface sont … non ? »

« Le mieux est de voir avec Elise. Elise, est-ce que tu confirmes les propos de ton frère ? »

« Ce n’est pas vraiment mon frère … mais oui, je peux vous les confirmer. Nous provenons tous les deux de la surface. Nous sommes issus du royaume de Shunter, à l’ouest de Traslord, le royaume où nous nous trouvons ci-dessous. »

« Mais si c’est le cas … comment est-ce que vous avez fait pour venir ici ? »

« Nous sommes passés par les grandes portes démoniaques dans Omnosmos. Ensuite, nous avons marché pendant des mois et des mois pour arriver dans ce village et nous avons alors décidé de nous y installer, voilà tout. »

« … … … Est-ce que vous pourriez partir tous les deux ? Nous avons besoin de parler entre nous. Nous sommes désolés … mais il s’avère que cette révélation risque de tout chambouler. Ne vous inquiétez pas, il ne vous arrivera rien de mal. Depuis votre arrivée, vous nous avez tant aider, cela serait stupide de notre part. »

Tery regarda Elise, plongé dans l’incompréhension autant qu’elle. Il finit par se lever, comme la jeune femme aux cheveux auburn avant de dire :

« Pas de problèmes. Nous attendrons le moment où nous pourrons rentrer. »

Indiquant la sortie à Elise, ils venaient peut-être de faire une révélation primordiale.

Chapitre 29 : A bras ouverts

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 29 : A bras ouverts

« Pour la séance de la journée, est-ce que l’on considère qu’elle est terminée ? »

« C’est exact, Manelena. Nous avons légèrement progressé et ceci est une bonne chose. »

« Ca dépend du point de vue car je ne suis pas vraiment sûre du résultat … mais bon, ce n’est pas bien important. Pour le dîner, pas besoin de me chercher, je serais dans la chambre d’invité, Royan. Je vais plutôt me reposer. »

Hochement positif de la tête de la part de Royan. Il semblait avoir bien compris le message alors qu’elle quittait la salle de conférence. Quelques minutes plus tard, elle s’écroulait sur l’imposant lit, posant une main sur son front. Elle était en sueur … et cela malgré le froid glacial qui émanait du lieu où elle se trouvait. Oh, pas dans la chambre spécifiquement mais hors du château, il ne faisait pas vraiment chaud.

« Il m’a filé la migraine avec ces imbécillités. Il croit … vraiment que j’ai la tête à ça ? »

Malgré tout ce qui s’était passé, il avait absolument voulu qu’ils parlent tous les deux de Tery et Elise. Mais elle-même ne le désirait pas. Pourquoi est-ce qu’elle voudrait évoquer ce sujet qui posait bien plus de problème qu’autre chose ? En allant directement en première ligne pendant qu’ils combattront contre les démons, elle risquait sa vie, oui, elle le savait parfaitement mais en même temps …

« Je ne comptes pas me sacrifier pour des futilités du genre. »

Il en était hors de question. Elle ne comptait pas se sacrifier pour son pays. Même si dans l’idée, elle avait déjà envisagé ça dans le passé, elle n’allait pas reproduire les erreurs de ce dernier alors qu’elle épongeait son front du dos de la main.

« Je ne veux plus entendre parler de ce nom. Je ne veux pas. Je n’ai pas envie de réfléchir à ce que je dois faire, à ce que je veux faire. C’est trop … compliqué. »

Oui. Elle avait envie d’une vie simple sur le moment, d’une journée où … elle n’était rien aux yeux de personne sauf d’une seule qui n’était plus là. Bien sûr, cette personne ne savait pas ce qu’elle ressentait en ce moment, personne ne le savait puisqu’elle n’en parlait pas. Couchée sur le lit, ses yeux rubis se fermèrent pendant quelques secondes alors qu’elle murmurait :

« Ni pour mon royaume, ni pour Elen, ni pour la mère de Tery. Pour personne, je ne dois plus me sacrifier. Ca serait … gâcher la vie qu’il m’a offerte. »


Cette vie qu’elle avait été prête à abandonner, il y a de cela quelques années, lorsque les différentes armées s’étaient alliés pendant un bref instant, tout simplement pour se venger des nombreux envoyés de Shunter. Ces envoyés qui avaient récupérer les médaillons. Cela faisait déjà tellement longtemps. Tellement d’évènements s’étaient déroulés.

« Et pourtant, combien de fois j’aimerai les recommencer ? Peut-être les modifier. Pour que le futur … ou le passé maintenant … soit différent. L’un ou l’autre. » chuchota t-elle à elle-même. Mais voilà, le passé resterait le même et le futur ne prévoyait rien de bon, loin de là. Elle devait juste accomplir ce que son rôle de reine de Shunter lui incombait.

« Manelena ? Est-ce que tu dors ? » demanda la voix masculine qu’elle reconnut facilement comme celle de Royan. Elle se redressa sur le lit, disant :

« Non, pas du tout. Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as besoin de rentrer ? »

« Vu que j’aimerai te parler de quelques points privés, j’avoue que cela me serait vraiment préférable entre nous. Est-ce que je peux ou non ? »

« Tu ne peux pas, j’aimerai être seule mais vu que nous sommes dans ton domaine, je pense que tu peux rentrer sans même me demander l’autorisation. »

« Si c’était aussi simple que ça, je le ferais depuis longtemps … mais ce n’est pas le cas. Je vais rentrer alors, Manelena. »

Qu’il rentre, qu’il rentre. La femme aux cheveux argentés s’était mise assis sur le lit. Elle n’allait pas se mettre debout pour lui. De toute façon, il parlait de choses privées, mais n’avait-il pas déjà dit tout cela pendant la conférence avec les conseillers militaires ? Bref, ce n’était pas tout ça mais voilà que la porte vint s’ouvrir pour laisser paraître Royan.

« J’imagine que tu vas m’expliquer ce que tu veux exactement, n’est-ce pas ? »

« J’ai juste envie de te parler. Est-ce que cela m’est interdit ou nous pouvons ? »

« Tu sais aussi bien que moi que je ne suis pas très loquace comme femme. Cela dépendra du sujet que tu veux aborder avec moi, Royan. Cette fois, il n’y a aucun garde autour de toi pour tendre l’oreille donc dis ce que tu as sur le coeur. »

Elle évitait de se moquer de lui car si le jeune homme aux cheveux bleus avait pris la peine de venir jusqu’à elle pour parler, c’est qu’il y avait une très bonne raison. Du moins, c’est ce qu’elle voudrait se dire mais … il avait le regard fuyant ?

« Je ne suis pas vraiment certain que tu sois la personne la mieux placée pour ça mais … »

« Non mais si c’est pour venir m’insulter, tu peux repartir aussitôt, Royan, je ne retiendrais pas, est-ce bien clair entre toi et moi ? »

« D’accord, le message est très bien passé. Mais que tu ne sois pas la meilleure personne ne change pas que j’ai envie de t’adresser la parole. »


Humpf. Il avait visiblement un gros souci pour qu’il en prenne la peine de venir la voir. Elle tapota doucement le lit à côté d’elle comme pour l’inciter à s’asseoir alors qu’une petite pensée venait se former dans sa tête : Royan avait bien quoi ? Sept ou huit ans de différence avec elle ? C’était presque … ah … comme un petit frère qui demandait conseil à sa grande sœur ? Elle qui n’avait jamais eut ça, c’était une pensée vraiment absurde, preuve de sa fatigue mentale à l’heure actuelle.

« Vas-y, je t’écoute. Quel est le sujet que j’aille ensuite t’ouvrir aussitôt la porte pour que tu partes sans même que je te retienne ? » posa finalement Manelena comme question alors qu’il était songeur, ses yeux rubis étudiant les réactions du jeune homme aux cheveux bleus.

« Cela concerne … Elise. » commença à dire Royan, Manelena poussant un léger soupir. Elle s’en doutait mais en même temps, quoi de plus logique que de … « Mais aussi Tery. J’aimerai te demander ton avis et j’ai besoin qu’il soit sincère. »

« Si tu penses que nul n’avait compris que tu étais prêt à tout pour Elise, je pense que tes directives depuis ton intronisation parlent pour toi. »

« Ce n’est pas vraiment de ça dont je veux parler ! Enfin, je … Enfin … C’est si visible que ça ? Mais non, ce n’est pas ça. Manelena, si par chance, on retrouvait Tery et Elise. »

Chance. C’était le bon termine pour expliquer dans quelle galère ils étaient tous les deux à espérer trouver ce duo. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais bon, Royan n’avait pas terminé sa phrase et elle attendait la suite maintenant.

« Je voudrais savoir : comment est-ce que tu réagirais ? Mais vraiment, je ne veux pas de mensonges à ce sujet. Je veux la vérité. Je … Je sais que tu as dit que tu n’hésiterais pas un instant à le tuer mais … est-ce que c’est vrai ? »

Il la regardait et c’était peut-être la première fois qu’elle le voyait comme un enfant. Depuis qu’elle le connaissait, il avait toujours été cet adolescent un peu froid qui avait finit par s’ouvrir au reste du groupe et encore plus grâce à l’apparition d’Elise. Est-ce qu’avec elle, il avait fini par découvrir de nouveaux sentiments ? Enfin, c’était une question rhétorique qu’elle se posait intérieurement. Elle connaissait la réponse depuis quelques temps. Mais bon, voilà qu’il attendait la sienne. Qu’est-ce qu’elle devait dire à ce moment là ?

« Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? Est-ce que ma réponse influencerait sur la tienne ? Si tel est le cas, c’est complètement ridicule, tu sais ? »

« Je le sais parfaitement mais … j’ai besoin de savoir. Est-ce que tu le … tuerais ? »

« Je le ferais et cela sans aucune once de remord. Cela lui apprendra à avoir décidé de trahir Elen et avoir mis en danger leur enfant. »

« Mais aussi trahir le groupe … et te trahir, n’est-ce pas ? Je vais juste répéter ma question une nouvelle fois, Manelena. Est-ce que tu … irais vraiment le tuer ? »

« Tu es vraiment fatiguant, Royan ! Que tu sois le roi de Traslord n’y changera rien ! Est-ce bien compris ou quoi ?! » s’exclama la femme aux cheveux argentés avant de finir par se redresser, visiblement en colère et agacée

« Je le sais bien, c’est pour cela que je t’ai posé la question ici et pas ailleurs. J’aimerai vraiment que tu me donnes une réponse sincère, Manelena. »

« Pourquoi est-ce que je devrais être sincère pour ce genre de choses, tu peux me dire ? Qu’est-ce que ça t’apporterait exactement hein ? »

« Du soulagement ou non, tout dépendra de ta réponse, Manelena. Je veux … savoir. »

« Bon, Royan. On va être clairs : Je suis la reine de Shunter, tu es le roi de Traslord. »

« Cela n’est pas difficile de le remarquer, Manelena mais … »

« En tant que tels, nous avons des responsabilités Peut-être qu’il est un peu tard pour tout ça mais il n’est jamais trop tard. Nous sommes les symboles de nos deux nations. Est-ce que tu crois vraiment que l’on peut faire comme si de rien n’était et aller les prendre dans nos bras en leur souhaitant la bienvenue ? Ce n’est pas possible ! »

« Je … le sais parfaitement. Enfin, je pensais le savoir mais je ne suis plus aussi sûr maintenant, Manelena. Je … Est-ce que ça veut dire que … »

« J’en ait pas envie mais il faudra le faire. C’est pourtant pas plus compliqué que ça. On doit mettre nos sentiments de côté et juste nous concentrer sur ce qui nous attends. Si on les retrouve, même s’ils ne sont pas belliqueux, il faudra agir en conséquence, voilà tout. »

« Donc, tu penses quand même beaucoup à lui, n’est-ce pas ? »

« Je n’ai pas envie de me répéter. Si je dois le faire, Royan, cela va TRES mal se finir, est-ce que le message est très bien passé cette fois ou alors, je dois me répéter ? »

« Je … D’accord. Manelena, j’ai eut ce que je voulais. Juste, je suis rassuré de voir que je pensais pareil. On ne peut pas les oublier mais nos rôles sont trop grands pour que nous puissions mettre en péril nos royaumes. »

« C’est exact. Maintenant, si tu veux bien, j’étais parti me reposer à la base avant que tu ne viennes me déranger. J’aimerai continuer ça. »

« Je comprends, je vais te laisser tranquille alors. Je suis désolé. »

« Ce n’est pas bien grave. Maintenant que tu es rassuré sur ce que je penses réellement, tu peux refermer la porte derrière toi. Et évites de trop y penser. Nous sommes encore bien loin de les avoir retrouver, hein ? »

« Ce n’est pas faux mais peut-être que je nourris ce maigre espoir néanmoins. Est-ce que c’est trop que de vouloir ça, Manelena ? »

« Ce n’est pas à moi de te répondre. Chacun à sa conception de l’espoir. Cela fait depuis bien longtemps que le mien est mort. Allez zou, du vent. »

Et qu’importe s’il s’agissait du roi de Traslord, il restait le plus jeune du groupe, c’est pourquoi elle pouvait se permettre de le considérer de la sorte, du moins pas pour le moment. Un dernier regard de la part du jeune homme aux cheveux bleus et voilà que la porte se refermait derrière lui. D’un geste un peu rageur, elle frappa du poing dans l’oreiller.

« Espèce d’imbécile. M’obliger à dire ça, j’en avais pas besoin. Et toi, tu n’es qu’un idiot, Tery. C’est à cause de toi que tout ça se produit. »

Mais elle ne pouvait pas le lui dire en face. Si cela devait arriver, il y avait de fortes chances que ça ne soit pas de telles paroles qui sortent de ses lèvres. Peut-être même qu’il n’y aurait aucun mot à ce moment précis. Qui sait … comment elle réagirait vraiment ?

Tellement de sentiments contradictoires mais elle ne faisait rien pour les en empêcher à ce moment précis. Elle voulait étreindre le jeune homme aux cheveux bruns mais en même temps, elle voulait l’étrangler pour ses fautes commises.

« Tout ça car il a fallut que Royan m’en reparle comme si de rien était. Est-ce qu’il n’a pas compris que ce n’était pas ça que je recherchais ou quoi ? »

Elle voulait et aspirait au calme, pas à la pensée envers Tery. D’ailleurs, le fait que Royan lui demande directement ce qu’elle pensait de Tery ou plutôt ce qu’elle comptait faire à son sujet, cela l’avait perturbé. Elle n’aimait pas être honnête. Ce n’était pas avec de l’honnêteté que l’on dirigeait un royaume, ni même que l’on restait en vie.

« Trop honnête … On connaît le résultat, n’est-ce pas ? On a bien vu où est-ce que ça menait de toujours vouloir rester droit dans ses bottes. »

La presque mort d’une personne proche avec qui on avait une relation amoureuse. Tery était peut-être possédé à ce moment précis, ça n’excusait qu’à moitié son geste. Et encore possédé était un bien grand mot, n’est-ce pas ?

« C’est juste un peu de manipulation mentale mais dans le fond, il restait le même. »

Encore qu’elle n’était pas certaine de ce qu’elle avançait. C’était assez compliqué … à imaginer mais dans un autre sens : pourquoi ? Pourquoi est-ce que le jeune homme aux cheveux bruns ne revenait pas ? Il avait les capacités pour ça !

« S’il était revenu aussitôt, il y avait encore une possibilité de le pardonner mais là … »

Il faisait tout pour leur échapper, pour les repousser. Est-ce qu’il se sentait fautif et ne voulait pas assumer ses fautes ? Non, il n’était pas comme ça. Elle le connaissait bien. Ce n’était pas le plus intelligent des hommes, loin de là, mais jamais, il ne chercherait à fuir.

« Alors pourquoi faire une telle imbécillité ? Qu’est-ce qui lui a pris se de comporter comme ça ? Si seulement … il comprenait … RAAAAAAAAH ! »

Elle en avait assez ! C’était toujours comme ça ! TOUJOURS ! Qu’importe ce qui se passait ! Qu’importe ce qui se déroulait, c’était TOUJOURS ainsi ! Ça l’énervait et ça l’agaçait ! Elle poussa un râle de colère, comme le ferait une enfant trop gâtée avant de frapper plusieurs fois de suite du poing dans l’oreiller.

« Tu vas passer un sale quart d’heure, je te le promets ! Je vais te faire regretter d’être né. »

Mais cette fois-ci, ce n’était pas envers Tery qu’elle était en colère mais le coussin qui n’avait rien demandé pour subir un tel traitement. Pour autant, elle ne lésinait pas sur les coups et c’était à se demander si le lit allait supporter bien longtemps de tels assauts de sa part. Puis enfin, au bout d’une quinzaine de minutes, elle finit par s’avouer vaincue, retombant lourdement sur le coussin déformé par les coups.

« Tu fais … chier, Tery. Pourquoi as t-il fallut que tu ouvres ces foutues portes démoniaques ? Ça ne pouvait pas être vers un pays merveilleux ? »

Autant ne pas se leurrer et autant ne pas se voiler la face. Il n’y avait pas que l’ouverture des portes démoniaques qui incombait à Tery et Elise. Il fallait aussi compter sur la mort des créatures légendaires, le décès des deux dirigeants de Mékalarma et cela à la suite, le sauvetage de la princesse de Shunter qui était prête à se sacrifier aux autres armées pour que son peuple puisse vivre. Oui … Contrairement à ce que l’on pouvait penser, il avait maintenant une liste de fait d’armes de plus en plus longue et qu’importe ce qu’il allait faire pour tenter de l’effacer, elle ne disparaîtrait jamais.

« Si tu voulais juste terminer ta vie dans un coin où nul ne te trouverait, tu pouvais me demander … Ta mère et Elen se sentent seules. »

Elle était repartie dans ses paroles en solitaire. Si une personne un peu sensée était en train de l’écouter, elle se poserait tellement de question à son sujet. Enfin, il valait peut-être mieux ne pas trop s’interroger et juste laisser s’écouler comme si de rien n’était.

« A cause de lui, c’est bon, je n’arriverai pas à dormir pour la prochaine heure. »

Est-ce qu’elle parlait de Royan ? De Tery ? Difficile à savoir mais elle était maintenant debout, regardant sa tenue qu’elle arborait après le départ du roi de Traslord dans sa chambre. Humpf … Vraiment … Même si elle était féminine physiquement et qu’elle pouvait posséder des tenues se mettant en valeur, qu’importe le moment de la journée, il n’y avait bien qu’un seul moment où elle se sentait bien.

« Reine Manelena de Shunter ? Que faites-vous dans les couloirs à cette heure-ci ? Et dans votre armure ? Y aurait-il eut un acte de malveillance à votre encontre ? »

« Pas du tout, je comptais faire simplement une promenade. Y a t-il des environs que je pourrais visiter à cette heure tardive ? »

« Euh … C’est une très bonne question. Il faut avouer que l’on ne s’attendait pas vraiment à ce que vous fassiez votre apparition pendant notre tour de garde. Peut-être que vous pourriez vous promener dans les environs du château ? Il faudra simplement que vous portiez ceci par mesure de précaution. » dit l’un des gardes, tendant ce qui semblait être l’emblème d’une baleine. Oh ? Ce n’était pas le symbole de Royan parmi sa famille ? « Avec ceci, si on commence à vous interroger, montrez juste cet emblème et cela devrait vous permettre d’être tranquille. Tout le monde n’est pas forcément au courant que vous portez une lourde armure noire sur le corps. Nous en sommes désolés. »

« Pas besoin de l’être. Je devrais être revenue d’ici une heure, le temps de fatiguer mon corps et de pouvoir ensuite dormir comme une souche. »

« Comme vous le désirez ! Faites donc néanmoins attention à vous pendant que vous vous promènerez et gardez donc cette emblème. »

« Bien bien bien. Faites donc une bonne ronde de votre côté, je ne vais pas trop tarder. »

Simple mouvement de la main et la voilà qui vagabondait à nouveau à travers les couloirs comme si de rien n’était. La femme au visage caché par l’épais casque noir installé sur son crâne se dirigea vers la sortie du château, présentant le badge donné par les soldats.

« Ne vous éloignez pas trop, reine Manelena. La nuit, même si les rues sont sûres, vous pourriez aisément vous perdre si vous décidez de vous éloigner du château. »

« Ce n’est pas dans mes intentions si vous voulez tout savoir mais merci de la recommandation. Je vais juste faire un peu de promenade, rien de plus. »

Et dans tout ça ? Ce qu’elle disait était vrai. Elle n’avait pas dans l’idée d’aller ailleurs. Elle avait juste besoin de souffler un peu et d’aérer son esprit. Le seul problème à l’horizon était tout simplement le froid glacial qui était en train de l’envahir. Bon sang, on se les gelait par ici ! C’était encore pire la nuit !

« A se demander comment est-ce qu’ils font pour tenir aussi aisément. Je sais bien que leurs corps sont habitués mais quand même … »

Ce n’était pas normal qu’il fasse aussi froid ! Mais au moins, si elle se plaignait de la température, cela lui permettait d’éviter de penser trop longtemps au reste. Et voilà, rien qu’à cette remarque qu’elle venait de se faire intérieurement, elle pensait à nouveau à Tery. Tery, Elen, leur enfant, la mère de Tery, ses grands-parents. Même en cherchant à se focaliser sr son royaume, ses pensées étaient toujours tournées vers eux. Elle n’aimait pas le reconnaître, cela ressemblerait à une marque de faiblesse mais …

« Brr mais bon sang ! On se les gèle vraiment ! »

Elle portait son armure sur son corps mais elle avait l’impression que le vent glacé arrivait à pénétrer à travers celle-ci. Elle ne savait pas comment et où mais la seule chose qui la perturbait, c’était bien le fait qu’elle était tellement gelée qu’elle avait juste envie de retourner à l’intérieur du château et se blottir sous les draps.

« Comme quoi, au moins, si la promenade fut plus courte que prévu, elle a réussi à me faire penser à autre chose. C’est le moment où je dois rire, non ? »

Dommage que ça ne soit pas son genre. S’il avait suffit juste de se prendre un souffle glacé dans la tête, elle l’aurait fait depuis longtemps. Bien qu’elle poussa un long soupir, elle finit par retirer son casque, laissant la brise hivernal nocturne frapper sa chevelure argentée.

« Dans quel pétrin est-ce que je me suis fourrée ? Tout ça car j’ai eut l’idiotie de montrer que je pouvais être aussi faible que les autres. »

C’était bien là sa plus grande erreur mais … elle ne regrettait rien. Pendant des années, elle avait vécu comme une poupée dénuée de sentiments et de vie. Là encore, elle se mentait à elle-même. Elle avait des sentiments à cette époque, un seul prédominant sur les autres : celui de la haine qu’elle portait envers son père.

« Mais voilà où nous en sommes aujourd’hui. En train d’errer comme une âme perdue. »

Tout ça car elle avait décidé de laisser place à la futilité de ses émotions et sentiments. Elle allait lancer cette guerre contre les démons. Elle allait gagner cette guerre contre les démons, qu’importe les sacrifices. Elle allait récupérer Tery et Elise. Elle allait leur faire comprendre leurs erreurs et enfin, ils pourront alors tous vivre en paix et se reposer.

Chapitre 28 : Un futur pour cet enfant

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 28 : Un futur pour cet enfant

« Nous nous reverrons demain, Manelena. La chambre d’invité est à ton goût ? »

« Je ne crois pas que tu te préoccupes réellement de savoir si tout va bien se passer pour moi, n’est-ce pas ? Alors bon … Ne t’en fait pas, je peux me contenter de ça »

« Si cela ne te convient pas, tu me le diras au lendemain, d’accord ? »

« Ouais, ouais, on va faire ça comme ça, on va dire. Allez, bonne soirée voire bonne nuit. »

La femme fit un mouvement de la main pour saluer Royan, celui-ci lui rendant la pareille tandis qu’elle fermait la porte derrière elle. Bon, c’était mieux que le lit d’une auberge mais vu que le château de Royan était dans la zone très froide de Traslord, autant dire que ce n’était pas vraiment le meilleur endroit.

« Après, je ne vais pas m’en plaindre non plus. C’est mieux que rien … mais j’ai connu mieux, beaucoup mieux. Franchement mieux … »


Mais elle n’allait pas s’en plaindre. Elle se coucha aussitôt sur le lit, sans même retirer ses vêtements ou autres. Elle n’avait rien d’une reine de Shunter à ce moment précis mais ce que les gens pensaient d’elle, cela lui passait par-dessus la tête. Le lendemain matin, elle se réveilla bien plus tôt que prévu, le froid, malgré les fenêtres fermées, étant présent. Ah … Et ce n’était pas la couette et les épaisses couvertures qui suffisaient. Marmonnant qu’elle se demandait comment Royan avait fait pour dormir pendant toutes ces années de la sorte, elle évita de le dire à voix haute avant de quitter la chambre. La discussion allait reprendre bien assez tôt au sujet des armées et des manœuvres à appliquer.

« Et je pensais être matinale … j’ai l’impression que je ne suis pas la seule. Bonjour Royan, comment cela se fait que tu sois déjà debout ? »

« Rien d’étonnant dans le fond. Depuis notre séparation, je me réveilles assez tôt. Disons que c’est devenue une habitude, peut-être pas réellement une bonne mais … »

« Qu’importe. Je n’ai pas besoin de savoir tes raisons qui te poussent à agir de la sorte, ce n’est pas à moi de te faire la remarque et la réflexion. »

« Aujourd’hui, une nouvelle journée nous attend. Cela ne te dérange pas si on passe tout de suite à l’essentiel après le petit-déjeuner ? »

« Moins de temps nous perdrons pour les commodités, plus vite nous pourrons mettre en place une tactique pour écraser ces démons. » déclara Manelena, Royan faisant un simple hochement de la tête pour confirmer les propos de la reine de Shunter. Ils étaient sur la même longueur d’ondes et cela pour une unique raison : ils avaient perdu tous les deux un être cher.

« Alors … Accompagnes-moi bien que tu connaisses le chemin. »

Il avait une petite question qui le taraudait mais il avait le sentiment que cela ne sera jamais le moment pour la poser. Peut-être plus tard … mais cela concernait justement un être disparu … et il avait le sentiment qu’elle avait déjà été posée de nombreuses fois.


Le petit-déjeuner se passa plus rapidement que prévu bien que toujours en silence. Le jeune homme aux cheveux bleus n’avait pas cherché à discuter avec Manelena et inversement. Pour l’heure, ils n’avaient pas spécialement des choses à se dire et ils le savaient aussi bien l’un que l’autre. De toute façon, ce n’était pas comme si cela était important que d’avoir une conversation au petit matin.

« Manelena, je nous laisse une heure pour nous préparer correctement et nous nous donnons rendez-vous dans la salle de conférence. Est-ce que la nuit t’a porté conseil ? » finit-il enfin par demander lorsqu’ils se levèrent de table, Manelena hochant la tête positivement.

« On va dire que oui … Du moins, plutôt plus qu’il n’en fallait, ce qui est une bonne chose. Mais bon, ça ne veut rien dire … Il faut que cela soit réalisable aussi, ce qui est une donnée importante à prendre en compte. Et toi ? »

« Disons que la nuit m’a porté conseil, plus qu’il n’en faut dans ce genre de situations. Maintenant, tu viens de le dire par toi-même : Il faut espérer que tout soit potentiellement réalisable, ce qui est bien moins sûr, entre nous, si tu veux tout savoir. »

« Pourquoi je sens que l’on va passer de longues journées, toi et moi ? » poussa Manelena comme soupir, une main posée sur son front tout en le massant longuement.

« Pour avoir la paix, il faut faire la guerre. Les démons sont une engeance qui mérite que l’on prenne du temps à s’en occuper. »

« De bien belle paroles, tu les sors d’où, Royan ? Je ne te savais pas aussi poétique hein ? »

« Je ne vois aucune raisons qui devrait te pousser à te moquer de moi, Manelena. Je suis sûr et certain que tu aurais été capable de dire les mêmes. »

Pour toute réponse, elle vint hausser les épaules alors qu’ils se dirigeaient vers la salle de réunion, là où les attendaient plusieurs hommes et femmes. Oui, elle-même était venue avec quelques membres importants de son armée. Hémurion, par contre, le chef des anciens rebelles de Shunter, était toujours là-bas par mesure de précaution. Elle étudia brièvement d’un coup d’oeil ceux qui servaient Royan avant qu’ils ne se retrouvent tous debout autour d’une table. Royan était de loin le plus jeune du groupe mais cela ne changeait rien l’allure générale qui émanait de lui : celle d’un roi prêt à tout pour écraser les démons.

« Commençons dès maintenant alors ce qui nous attends. J’écoute vos propositions si vous le voulez bien. Qu’est-ce que vous avez à me dire ? »

« Tout d’abord, avant de préparer quelques assauts, il serait bon d’avoir des nouvelles par rapport à votre entretien avec l’ambassadeur de Claudiska, roi Royan. Pouvez-vous nous dire comment cela s’est terminé ? »

« Ils se sont montrés plus que réticents à s’en prendre aux démons. Il faut dire qu’avec leurs îles qui volent dans le ciel, ils n’ont généralement rien à craindre. Il n’existe que peu de foyers de démons chez eux … car ces derniers n’ont pas eut la possibilité de survivre sous la terre de ces îles, aussi grandes et importantes soient-elles. »

« D’accord mais … est-ce que cela veut dire que nous ne sommes plus alliés avec eux ? » questionna un second homme recouvert d’une belle armure bleutée.

« Je n’ai jamais évoqué cette possibilité avec eux. Que nous ayons une divergence d’opinion au sujet des démons ne doit pas briser plusieurs millénaires d’amitié pour cela. Je ne suis pas mes frères, je ne suis pas mes parents et j’ai mes propres convictions. Mais je sais aussi ce qui est bon pour mon peuple et en cela, il est hors de question d’abandonner notre alliance avec Claudiska, j’en fais le serment. »

« C’est rassurant de vous l’entendre dire, roi Royan. Ces derniers temps, l’inquiétude grandissante de vos citoyens se faisait entendre. Je suis certain que si vous évoquiez ceci en discours officiel devant ces dernier leur permettra de ne plus s’en faire. »

« Je verrais ça en temps et en heure. Retournons sur le sujet des démons, si vous le voulez bien. Est-ce que vous avez des choses à me signaler ou me déclarer, je vous pries ? »

« Vous voulez les derniers rapports ? Les deux personnes que vous recherchez, d’après les descriptions données, n’ont fait aucune apparition malgré l’envoi à nos soldats sur les différents fronts de Traslord. D’un autre côté, les démons sortent de moins en moins souvent à cause des nombreux tours de garde aux alentours de leurs centres d’apparition. »

« Soit … En voilà une bonne nouvelle mais d’autres choses à signaler ou déclarer ? Sinon, nous pouvons écouter vos différentes propositions pour annihiler ces êtres. »

« J’ai une petite question, roi Royan : est-ce que ces démons sont aussi mauvais que vous les dites ? Non pas que je vous prends pour un menteur, je n’oserais jamais mais … »

« Ces démons sont sans foi, ni loi. Ils n’hésitent pas à manipuler les plus faibles d’esprit pour profiter de la moindre occasion pour leur faire commettre ces actes horribles. C’est bien à cause de d’entre eux que le monde est aujourd’hui en proie à l’assaut de ces créatures. »

« Je suis … désolé. C’est simplement que ce sont des humanoïdes comme nous. Peut-être que nous sommes en guerre contre eux mais … vu qu’on doit les tuer à vue, je dois avouer que parfois, ce n’est pas si simple que ça. »

« Est-ce que vous feriez preuve de faiblesse ? Et cela malgré votre grade militaire ? » questionna Royan en se tournant vers la femme à l’origine du dernier échange avec le jeune roi aux cheveux bleus, celle-ci hochant la tête négativement.

« Non non ! Loin de là ! C’est simplement que certains rapports … évoquent des enfants. »

« Une astuce comme une autre pour vous apitoyer et vous faire prétendre qu’ils sont comme nous. Qu’ils soient enfants, femme ou homme, âgé, vieillissant ou autres, ce sont des êtres sans scrupules qui ne laisseront jamais passer une occasion de vous prouver qu’ils n’hésiteront pas à utiliser des enfants contre vous. »

« Mais voir leurs corps juvéniles … c’est juste … »

« Veuillez quitter cette salle dès maintenant. Vous êtes congédiés. Je ne pensais pas cela de vous mais il s’avère que l’on peut se tromper. Vous ne faites plus partie de ce conseil. »

Elle avait tenté d’ouvrir la bouche mais en voyant le regard froid de son monarque, elle ne fit qu’un seul mouvement de la tête, passant à côté des autres personnes et Manelena. Celle-ci avait simplement croisé les bras, comme si de rien n’était, ne semblant guère affectée par ce qu’elle voyait actuellement. Pourtant, ce fût elle qui brisa le silence quelques instants après :

« Si vous avez terminé tout ceci, est-ce que l’on peut passer aux choses sérieuses maintenant ? Car je ne voudrais pas perdre trop de temps en futilités. »

« Qu’est-ce que tu as exactement comme idée, Manelena ? Nous t’écoutons tous. Laisses-nous écouter ton savoir dans le domaine de la guerre. »

« Je ne sais pas si le ton employé est moqueur ou non donc je vais tout simplement l’ignorer, Royan. J’imagine que tu comprends bien pourquoi, n’est-ce pas ? »

« Ce n’est pas du tout mon genre d’agir de la sorte mais soit … Mes généraux et lieutenants n’attendent que tes propos pour en apprendre plus sur l’art de la guerre. »

Humpf ! Elle eut une petite mimique de dépit. Il pouvait parler comme il le désirait, elle n’était pas aussi crédule qu’il le pensait. Elle voyait très bien dans son jeu, malgré toutes les belles tentatives qu’elles lui lançaient pour l’amadouer.

« Nous devons parler d’exploration. De notre côté, à Shunter, nous avons eut le problème des Gnomolds. Je ne sais pas si c’est le cas chez vous mais ils sont de plus en plus affectés par rapport aux démons et aux grottes de ces derniers. Dernièrement, nous avons même eut de nombreux rapports nous signalant que les Gnomolds s’en prennent aux démons et les agressent à vue. Il s’avère que les petites scènes qu’a sûrement vue cette femme qui est partie il y a peu de la pièce, n’est rien par rapport à ce que les Gnomolds font subir aux démons. »

« Hmm, mais de base, les Gnomolds ne sont-ils pas des créatures très faibles ? Du moins, chez nous, ils ne sont pas vraiment ennuyeux si on prend nos précautions. » vint dire l’un des généraux de Traslord, Manelena posant son regard rubis sur lui.

« Aux yeux d’une majorité, c’est exact … mais c’est là que vous vous trompez fortement. Les plus anciens Gnomolds sont les plus dangereux. Même si vous avez peut-être visité Omnosmos dans votre vie, il n’y a que peu de chances que vous ayez vu le grand archimage qui réside dans la tour des archimages, n’est-ce pas ? »

« Non, pourquoi cela ? Où voulez-vous en venir exactement, reine de Shunter ? »

« Le grand archimage est un gnomold du nom d’Ernold. Il doit bien se rapprocher de la centaine d’années et sa magie est plus terrifiante et dévastatrice que nulle autre dans notre monde. Il s’avère que les Gnomolds que vous rencontrez et combattez sont généralement issus des jeunes tribus belliqueuses. Les anciens gnomolds, les plus vieux d’entre eux, ne cherchent pas les confrontations et résident dans des tribus isolées du reste du monde. »

« Manelena, est-ce que … c’est vrai, cela ? Tu as fait des recherches sur le sujet ? » questionna Royan, visiblement aussi étonné que les autres par rapport à cette nouvelle.

« Qu’aurais-je à y gagner à mentir maintenant ? Je n’ai fait que prendre mes précautions. »

Le simple fait de voir un archimage gnomold lui avait mis la puce à l’oreille. Qu’un membre de cette race puisse atteindre ce rang, sans que cela ne pose un problème aux autres archimages, c’était étonnant. Etonnant, surprenant … et peut-être étrange.
Elle avait été le revoir après les événements d’Omnosmos et avait décidé alors de le questionner. Il avait signalé qu’il ne pouvait pas répondre à tout ce qu’elle désirait mais qu’elle pouvait être certaine d’une chose : les Gnomolds iront combattre les démons en priorité. Mais aussi, elle avait demandé comment il avait obtenu ce titre ? Cette fois-ci, il était resté plutôt mystérieux et elle avait presque cru lire de la lassitude et de la fatigue dans son regard. Les autres archimages aussi avaient été comme … dérangé par cette question.

« Vous savez que cela ne sert à rien de cacher la vérité, n’est-ce pas ? Elle finira par éclater un jour ou l’autre, Ernold. Ce jour-là, s’il s’avère qu’elle est déplaisante … »

« Alors, je serais prêt à en subir les conséquences. Je n’ai pas vécu aussi longtemps pour être effrayé par l’avenir, jeune reine de Shunter. »

Le fait qu’il l’avait appelé ainsi sur le moment l’avait faite un peu tiquer mais elle n’avait pas cherché à relever les propos du gnomold. Ce n’était pas un ennemi mais elle n’était pas certaine qu’il soit réellement un ami. Elle n’avait aucune preuve qu’il soit responsable de l’ouverture des portes démoniaques mais en même temps … Il était celui qui avait tellement incité Tery à aller combattre les créatures légendaires.

« Manelena ? Manelena ? Est-ce que tu es toujours parmi nous ? » demanda Royan plusieurs fois, la femme aux cheveux d’argent sortant de sa torpeur dans laquelle elle s’était plongée.

« Je réfléchissais aux gnomolds. Ces dernier sont à considérer comme une troisième force. On ne peut pas les considérer comme enclins à nous apporter leur aide. Pourtant, on peut aussi compter sur ces derniers pour épurer les démons. »

« D’accord, d’accord. Tu avais déjà évoqué cela dans le passé, si je ne me trompes pas. Tu as juste obtenu plus de détails mais .. qu’est-ce que cela nous apporte exactement ? »

« Si on laisse les Gnomolds se charger de la protection de la surface, nous pouvons alors mettre bien plus d’hommes et de femmes dans l’exploration de leurs nids. Chose que nous n’avons pas encore fait depuis qu’ils sont apparus. »

« Que vous n’avez pas encore fait, tu veux préciser, Manelena. De notre côté, nous avons déjà envoyé plusieurs groupes mais il s’avère que de nombreux démons et surtout d’imposantes portes, comme des postes de garde souterrains sont présents, ce qui empêche à nos soldats de continuer à avancer. Et impossible pour nos plus puissants sorciers de les détruire. »

« Je … vois que vous en quêtes au même stade que nous. Je vois … »

Elle venait de replonger dans ses pensées. Il y avait des progrès … mais ce n’était pas suffisant. Royan s’était bien caché par rapport à ça. Il ne lui avait pas expliqué qu’ils avaient été jusqu’à ces fameuses portes souterraines. Elle-même l’avait nullement signalé dans ses lettres. C’était … bien à cause de ses échecs sur ce point qu’elle avait évité d’en parler. Et du côté de Royan, il devait sûrement s’agir de la même excuse.

« Manelena, est-ce que tu espères le retrouver ? »

« Cette question n’a aucun rapport avec le sujet actuel, Royan. Sujet qui est du domaine du privé et dont j’aimerai éviter que tu en parles devant autrui. »

« Non, ma question est nécessaire : je veux savoir si je peux t’autoriser à accompagner mon armée. Tu sais exactement à quoi il ressemble et son mode de pensée. »

« … … … Je pourrais te poser la même question, non ? Tu veux la revoir, n’est-ce pas ? »

« Je ne l’ai jamais caché, Manelena. Néanmoins, en tant qu’actuel roi de Traslord, je ne peux plus me déplacer aussi librement qu’au … »

« Arrêtes de te chercher des justifications vaseuses pour ton incapacité notoire. Que je sache, le fait que tu sois un prince ne t’a pas dérangé pendant des années, non ? Alors pourquoi maintenant et pas auparavant ? » rétorqua Manelena, un général de Traslord finissant par se lever, déjà prêt à agir mais Royan fit un mouvement de la main pour le calmer.

« Peut-être que c’est exact … mais qu’est-ce que je dois faire ? Je n’ai pas combattu pendant aussi longtemps sur le terrain. Avec Tery et les autres, cela était beaucoup plus simple de pouvoir voyager. Là, il s’agit de gérer une armée voire deux si on compte la tienne. Tu as le caractère et le charisme pour, ce n’est pas mon cas. »

« Bla bla bla, des excuses, toujours des excuses. Est-ce que tu crois vraiment que je vais me contenter de ça ou quoi ? Bon, c’est décidé. Vu que l’on recherche tous les deux quelqu’un, tu viendras m’accompagner sur le terrain. Que je sache, tu as bon nombre de diplomates et autres personnes pour gérer le royaume comme lorsque tu étais absent, non ? »

« C’est exact … mais question : si tu le retrouves, qu’est-ce que tu feras ? »

« Je l’éliminerai. C’est à moi de mettre un terme à sa vie et à personne d’autre. Je ne peux pas laisser ce fardeau à quelqu’un qui ne serait pas apte à ça. »

C’était parfaitement compréhensible. Le jeune homme aux cheveux bleus fit pourtant un mouvement négatif de la tête reprenant la parole d’une voix qui se voulait neutre :

« Est-ce que c’est vraiment … le bon choix pour cet enfant ? »

Elle ne répondit pas sur le moment. La question se posait, elle était légitime. Elle avait pesé le pour et le contre avant de mettre tout ça de côté. Elle ne devait pas penser avec son coeur, cela serait trop dur pour elle. Elle devait juste … laisser faire sa main au moment venu et se déconnecter de tout le reste. Lorsque ce moment arrivera …

« Je serais la main qui tiendra la garde de cette lame qui s’enfoncera dans sa chair. »

« Tu sembles décidée mais le moment venu, il ne faudra pas trembler. » termina de dire le roi de Traslord alors que l’idée de fusionner les deux armées arrivait maintenant sur la table. Il y avait tellement de démarches à faire et à suivre, de décrets à signer et des règles à établir. Encore une fois, cela n’allait pas prendre qu’une seule journée.

Ailleurs, au beau milieu de Shunter, dans un coin isolé et à l’abri du danger, une jeune femme aux cheveux blonds fit un petit sourire à la dame à ses côtés. Celle-ci le lui rendit, surtout lorsque la jeune femme la parole :

« Bonjour madame Vanian. Comment allez-vous aujourd’hui ? »

« Bien mieux depuis le jour où tu as repris la parole. J’ai même écrit une lettre à Manelena dès l’instant où j’ai entendu ta voix. »

« Il ne fallait pas vous forcer pour moi, vous savez. Mais si vous êtes contente, je le suis. »

« Est-ce que c’est le fait d’avoir appris que Tery est encore vivant qui te rend heureuse ? »

« Oui … Il va devenir papa. Ne devrais-je pas l’être, madame Vanian ? »

« Bien sûr que si, bien sûr. Mais bon, pour ça, il va falloir que tu te remettes à marcher plus souvent, que tu parles et que tu te déplaces, d’accord ? »

« Mes jambes sont assez faibles, madame Vanian. Je devrais peut-être ne pas trop en faire, non ? Pour ne pas faire du mal au bébé. Dites … Je voulais savoir : est-ce ça fait mal ? » questionna la jeune femme aux yeux bleus, posant ces derniers sur la mère de Tery. Pour toute réponse, celle-ci plaça sa main sur la chevelure dorée d’Elen avant de dire :

« Sincèrement ? Cela est presque horrible. Tu as l’impression que tu es déchirée de l’intérieur et en même temps, tu sais que tu vas assister au plus beau moment de ton existence. Ne t’en fait pas. A ce moment précis, je serais là pour te tenir compagnie et tu pourras serrer ma main, d’accord ? Qu’est-ce que tu en penses ? »

« Est-ce que vous pensez … que Tery sera là lui aussi ? J’aimerai … tellement qu’il soit là. » souffla la jeune femme alors que le sourire disparaissait chez la mère du jeune homme.

« On va faire de notre mieux, d’accord ? On le ramènera par la peau des fesses si c’est nécessaire. Je vous jure ! Il va très vite comprendre son erreur ! »

« Ne lui faites pas de mal, s’il vous plaît. Je sais bien qu’il ne voulait pas … Ce n’était pas lui … mais quelqu’un d’autre à ce moment. »

Hum … Comment expliquer à la jeune femme assise sur cette chaise à bascules que Tery n’était sûrement pas au courant qu’elle était enceinte ? Avec les derniers événements et autres, il n’y avait eut aucune possibilité de lui transmettre cette information. Peut-être que … si en demandant à Manelena, elle pouvait en parler avec Royan et donc indirectement les soldats ? Non, c’était de la pure folie.

« On ne peut pas demander à toute une nation de nous aider. »

« De quoi parlez-vous, madame Vanian ? Y a t-il un problème ? »

Elle signala que non, passant une main dans sa chevelure blonde. Il n’y avait aucun problème. Il n’y avait que des progrès … et un futur enfant qui allait naître bientôt.