Chapitre 18 : Le futur enfant

ShiroiRyu
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Chapitre 18 : Le futur enfant

« Oh ? Hum … Euh … Votre visage m’est familier. »

« Rien d’anormal à cela, je viens faire quelques achats toutes les deux semaines. A force, mon visage doit vous paraître connu. Rien de plus. »

« Non, ce n’est pas ça … mais enfin bon. Ce n’est pas bien grave ! Voilà pour vous, ma pet… grande dame plutôt. J’espère que ça vous plaira, ce sont les meilleurs morceaux ! »

Elle remercia le boucher d’un mouvement de la tête. Ce n’était pas à elle qu’il fallait dire ça mais aux deux femmes qui l’attendaient là-bas. Le premier village par rapport à l’endroit où elles se trouvaient était bien à une demi-heure de cheval, ainsi, il ne fallait pas espérer pouvoir s’y rendre aussi aisément. Mais bon … Elle devait faire attention. Elle avait évité de porter son armure, facilement reconnaissable mais elle n’était pas vraiment à l’aise avec une tenue citadine. Oui, ce n’était pas du tout son genre et elle ne voulait pas se voiler la face.

« Bon, pour la viande, cela devrait tenir deux bonne semaines si elle sait comment garder la viande fraîche. Maintenant … Il faut une bonne quantité de légumes aussi. »

Oui, le plus important était l’alimentation. La mère de Tery savait comment les garder et tout le reste mais ça ne changeait pas qu’elle n’avait cela qu’en quantité limitée. Il fallait aussi un peu de quoi se toiletter. Oui … C’était normal hum … Est-ce que ça serait suffisant ?

« Moi-même, j’ai déjà tout au palais mais elles ? Ah … Bon … Est-ce que cela conviendrait ? Du savon et quoi d’autres comme commodités ? »

Elle avait déjà deux sacs bien remplis et elle était certaine que cela serait suffisant pour tenir deux semaines mais elle … voulait faire plus pour ces deux femmes. Oui, même pour Elen. Autant, elle avait du mal à la supporter à l’époque, autant maintenant …

« Il faut que cet enfant naisse correctement, dans un endroit calme et tranquille, quitte à ce qu’elle ne soit plus jamais mêlée à tout cela. »

C’était un peu la règle d’ordre qu’elle venait de s’instaurer dans le crâne. Une règle peut-être stupide et futile mais qui, à ses yeux, avait néanmoins une certaine importance. Bon … Ce n’était pas tout ça mais ça voulait dire qu’elle avait presque terminé les courses non ?

« Hum … Peut-être aller voir chez un tailleur ou un couturier. »

Oui, encore une fois, une idée très stupide mais qui avait son importance. Elle chercha dans l’un des rares magasins de ce village finissant par trouver un tissu d’une qualité plutôt bonne vu l’endroit où elle se trouvait. Un tissu qui servait à faire une couverture. Il fallait bien ça pour changer un peu celle qu’Elen portait.

« Bon … Je crois que j’ai tout maintenant, je peux y aller. »

Pfiou … Elle était chargée et sa monture aussi. Elle s’excusa brièvement auprès de l’animal, lui signalant qu’elle était désolée de l’utiliser comme un vulgaire porteur de sacs alors qu’il s’agissait d’un destrier utile principalement pour les combats montés.

Néanmoins, la monture ne vint pas s’en plaindre, Manelena finissant par grimper dessus. Dire qu’elle agissait de la sorte toutes les deux semaines ou trois, comme un automatisme. Cela faisait donc déjà plus de cinq fois qu’elle disparaissait de son château pour accomplir … une basse besogne. Malgré son titre de reine, elle avait des priorités qu’elle ne pouvait ignorer et il était hors de question que cela l’affecte plus qu’il n’en faut.

Voilà, une heure plus tard, elle était revenue, détachants les sacs du cheval bicéphale alors que la mère de Tery quittait la maisonnée. Présentant la couverture à celle-ci, elle la remercia au nom d’Elen, disant d’une voix douce :

« Et bien, je suis sûre qu’elle appréciera cette marque d’attention de ta part. »

« Hum … Ne dites pas des propos qui pourraient être mal interprétés. Je ne me sens pas concernée par elle mais par l’enfant qu’elle porte en son être. »

« Bien entendu, bien entendu. Comme je te l’ai déjà dit, sois plus sincère dans tes propos, cela fera bien plus plaisir à tout le monde, tu ne crois pas ? »

« Je ne suis pas là pour satisfaire les pensées de chacun et chacune. Si c’était le cas, je ne serais pas en ce lieu. Vous vous méprenez sur mes propos et mes actes. »

« Bien entendu, bien entendu. Il y a de fortes chances que je me trompes, c’est correct. Bon … Ce n’est pas grave. Allons à l’intérieur pour voir ce que tu as ramené. Et merci néanmoins pour les achats, sans toi, je ne sais pas comment je me débrouillerais, je dois avouer. »

« Vous avez vos parents pour cela, non ? Et donc les grands-parents de Tery. Vu comment ils sont attachés à ce dernier, je suis sûre que savoir qu’un arrière-petit enfant les attends doit les ravir. Même si la situation à Omnosmos n’est pas rassurante. »

« Oh … Tu sais, les nouvelles n’étaient pas très bonnes mais ils ne veulent pas partir de leur bibliothèque. Beaucoup ont quitté leurs magasins, d’atres sont restés. Pour eux, Omnosmos est toute leur vie. Il faut les comprendre. »

« Par rapport à Omnosmos, les archimages et les soldats de la ville surveillent en permanence les portes démoniaques sous la tour. Il n’y a pas à s’inquiéter. Ils ne peuvent pas passer. Si même les soldats de Traslord peuvent arrêter les démons, il n’y a rien à craindre. »

« Rien à craindre … Il vaut mieux être parfois trop prudent que pas assez. Mais bon, tu es la mieux placée pour nous tenir au courant donc je te fais confiance. »

« Vous n’avez pas vraiment le choix de toute façon, d’un autre côté, n’est-ce pas ? »

« Ce n’est pas faux. Tu as beaucoup de répondant, non ? Je me dis que si Tery n’avait pas choisi Elen, je n’aurai eut aucun problème à t’avoir comme belle-fille. »

… … … Elle resta stoïque pendant quelques secondes, paralysée par ce qu’elle venait d’entendre. Que … Que … Quoi ? Elle … Euh … Enfin, mariée à Tery ? C’était une idée complètement stupide et déraisonnable ! Tery n’était qu’un simple soldat issu d’un village perdu. Même s’il avait du sang noble dans le fond, elle était une reine et enfin …

« Hum. Mais on dirait que ce sujet, tu ne sais pas quoi dire malheureusement, héhéhé. »

Elle venait de se jouer d’elle ! AH ! Cette femme ! Néanmoins, elle n’était pas en colère. Elle reconnaissait parfaitement sa faiblesse et elle devait s’avouer vaincue. Parfois, il fallait comprendre qu’il y avait plus forte que soi, du moins, dans certaines domaines. Mais surtout, elle n’avait pas le coeur à chercher à répliquer.

« Oui, enfin bon, maintenant que l’on a bien rigolé, est-ce que tout le reste vous convient ou alors, il vous faut encore d’autres choses ? »

« Non non, mademoiselle Manelena, on ne change pas de sujet de conversation comme ça en espérant que je tombe dans ce piège grossier. »

« Ce n’était pas un piège mais si vous le voyez ainsi, je ne suis pas responsable de vos réactions. Donc, tout est bon, n’est-ce pas ? »

Oh. Elle ne voulait plus jouer alors. Soit. La mère de Tery eut un petit soupir amusé. Au moins, pendant un court instant, elle avait brisé les barrières de la femme habituellement en armure noire. A partir de là, il n’était pas bien difficile d’espérer y arriver une nouvelle fois. Ayant fini par hocher la tête, la mère de Tery déclara :

« Je crois que tout est bon de ce côté. Tu dors ici pour la soirée, n’est-ce pas ? Cela fera un peu plus de compagnie à Elen aussi. »

« C’est bien ce que je prévoyais de faire, même si ce n’est pas pour elle. Enfin … »


Elle allait arrêter de converser maintenant sinon, elle risquait encore de commettre une faute dont elle s’en voudrait plus tard. Mais pour l’heure, le plus important était … d’aller aider la mère de Tery à préparer le repas ? Oui, c’était exact. Même elle, au départ, elle n’avait pas cru qu’elle avait accepté une telle chose lorsqu’elle lui avait proposé ceci.

« Bon bon bon … Qu’est-ce qui te ferait plaisir comme repas, Manelena ? »

« Je ne sais pas. A vous de décider, non ? »

« Vraiment, tu ne te compliques pas la vie, tu le sais, n’est-ce pas ? Bon … Puisqu’il en est ainsi, ça ne sera pas un repas royal, pour la peine. »

De toute façon, elle n’en demandait pas autant mais elle savait que cette petite réplique était là pour la titiller. Ah … La mère de Tery avait aussi donné ce petit défaut à son fils : l’art de toujours chercher la petite bête pour agacer. Bon … Elle allait tenter une chose même si elle sentait que cela allait être particulièrement inutile. Elle alla auprès d’Elen, toujours assise dans sa chaise à bascule, lui demandant :

« Tu ne veux pas nous aider pour cuisiner ? De ce que je me rappelle, tu n’étais pas vraiment mauvaise à l’époque, n’est-ce pas ? »

« … … … » Aucune réponse de la jeune femme. Pourtant, son corps assez frêle, un peu gonflé au niveau du ventre, finit par se lever lentement, très lentement.

« Bon, j’imagine que je dois prendre ça pour un oui. Tu me suis ? »

Elle avait l’impression de parler à sa monture sauf que là, dans le cas présent, il s’agissait plutôt d’une femme enceinte. Autant dire que cela nécessitait quelques précautions un peu plus importante, quand même. La femme aux cheveux argentés retourna à l’intérieur de la cabane, ramenant Elen devant la mère de Tery qui avait déjà sorti divers ingrédients.

« Oh ? Une préparation à trois ? Je sens que le repas va être vraiment délicieux ce soir. »

« Ne soyez donc pas trop enjouée. Je rappelle que contrairement à vous deux, je ne suis pas très douée donc n’espérez pas trop de mon côté, d’accord ? »

« Allons, allons, tu n’es plus aussi pathétique qu’à tes débuts, Manelena. Avec tes efforts, tu as réussi aisément à faire des repas convenables dernièrement. »

« Je vais plutôt m’en aller. » dit aussitôt Manelena après la réplique de la mère de Tery, celle-ci l’attrapant par le bras, s’exclamant en souriant :

« Je rigole, je rigole … Voyons. Ne prends donc pas trop la mouche. Je ne te veux aucun mal et tu le sais. Et puis, que tu veuilles apprendre à cuisiner te rend encore plus exceptionnelle. »

« Ce n’est pas en me complimentant APRES m’avoir insulté que ça va arracher vos propos. »

Et pour toute réponse, voilà que la mère de Tery rigolait une nouvelle fois. Ah … Parfois, elle avait vraiment envie de l’étrangler.. Telle mère, telle fils. Mais bon … L’heure n’était pas au meurtre gratuit mais simplement à comment cuisiner à peu près correctement. Sincèrement, qu’est-ce qui lui prenait chez elle de se comporter de la sorte ? On pourrait presque croire qu’elle était une femme comme les autres.

« Je vais vous apprendre une petite recette qui fera tout simplement fureur envers un certain jeune homme. Car c’est une méthode comme une autre pour récupérer son coeur. Intéressées, mesdemoiselles ? »

Ce n’était pas une compétition … chose qu’elle n’avait visiblement pas l’air de comprendre. Pourtant, Elen faisait simplement un sourire en hochant la tête. Elle n’était pas muette, loin de là. Simplement, elle n’osait plus prendre la parole depuis l’ouverture des portes démoniaques. Plus un choc psychologique qu’autre chose.


Les minutes s’écoulèrent et les deux femmes respectaient scrupuleusement les consignes de la mère de Tery. Ainsi, lorsque tout fût terminé, elles observèrent le résultat final, Manelena haussant un sourcil avant de dire d’une voix lente :

« Vraiment ? C’est ça qui lui plaît ? Il préfère visiblement les repas très simples, non ? »

« Oh … Très simple ? Voilà donc à quel point tu es vaniteuse, Manelena. Si je te laisses le préparer toute seule, tu comptes y arriver ? »

« Je ne … voulais pas dire … simple de cette façon. Simplement, que dans le fond, il n’était pas très difficile à contenter. » tenta de corriger la femme aux cheveux argentés.

« Hmm, vous vous enfoncez dans vos propos, jeune demoiselle. Allons plutôt manger. »

Encore un sourire rieur, montrant bien par là qu’elle se moquait gentiment et tendrement de la reine de Shunter. Il n’y avait bien que cette femme qui osait prendre un tel risque sans même craindre de sa part une quelconque réaction. Peut-être était-ce tout simplement parce que la reine actuelle n’était pas une monarque comme les autres ?


Pour autant, les trois femmes se retrouvèrent assises à table, dégustant tranquillement le repas préparé, Manelena étant un peu songeuse par rapport à quelque chose qu’elle n’arrivait pas à exprimer clairement. Au moins, le repas était bon mais elle observait Elen, finissant par dire après quelques secondes :

« L’enfant, il va falloir trouver un moyen de s’en occuper. Bien que tu sois complètement perdue depuis quelques mois, il ne faut pas oublier qu’il faut l’élever et l’éduquer. Lorsqu’il sera né, tu viendras au château, vous aussi, madame Vanian. »

« Allons, allons, tu sais parfaitement que je ne suis pas une femme de la cour. Je n’ai pas ma place parmi les nobles et autres. »

« Ce n’est pas une question de place mais plus de précaution. Je veux éviter que vous ayez plus de problèmes qu’actuellement. Combien de temps allez-vous pouvoir tenir ici ? »

« Et bien, vu que j’ai élevé mon fils pendant presque une quinzaine d’années en étant seule, tu dois comprendre que j’ai plus d’un tour dans mon sac, non ? »

« Ce n’est pas une question de tour ou de manipulation ou autre. Simplement, j’estime que votre place n’est pas en ce lieu et que pour l’enfant que porte Elen, il vaut mieux qu’il soit bien entouré. » dit Manelena, avec un peu d’agacement dans la voix.

« Pour être sûr qu’il soit bien entouré, c’est cela ? Du moins, non trop éloigné de ta personne. »

« Si c’est ce que vous pensez que cela implique alors, oui, c’est ça. Maintenant, si vous comprenez ce que je veux dire, réfléchissez-y. Il ne reste plus que quelques mois avant qu’Elen accouche. A vous de voir avec elle. »

Et la personne ciblée dans tout ça ? Elle était comme déconnectée de la conversation, visiblement bien plus intéressée par son repas que par les dires la concernant. Manelena se massa un peu le front, visiblement très irritée et fatiguée par tout ça. Bon, si cela continuait, elle risquait de s’énerver pour pas grand-chose. Il valait mieux éviter une telle chose.

Le repas se termina bien vite et Manelena signala qu’elle allait déjà dans sa chambre pour se reposer. Le voyage et la discussion, comme à leur habitude avaient été assez épuisants. Elle avait simplement vérifier que le cheval bicéphale ne s’éloigne pas trop. Malgré qu’il était dressé, il n’en restait pas moins fougueux et une simple mesure de précaution valait mieux que de simplement croire que tout pouvait bien se passer.

« Faire la cuisine, faire les courses, me préoccuper de l’enfant d’une autre, de SON enfant, à quel point est-ce que je suis tombée ? Si ceux qui me connaissaient me voyaient maintenant, je suis certaine qu’ils rigoleraient bien. Je … suis … ridicule. »

Ridicule à un tel point que cela la rendait exaspérante. Elle n’était pas une faible femme. Toutes ces pensées futiles lui parasitaient le cerveau et au final, elle n’allait arriver à rien. Elle ne faisait pas assez attention à ce qu’elle était auparavant.


Couchée sur le lit, sa tête posée sur l’oreiller, ses pensées vagabondaient. Elle entendait le cri d’un bébé et elle les imaginait, tous les deux. Elen et Tery, ensemble, avec Elen qui tenait un nouveau-né dans ses bras. Qu’est-ce que cela lui importait ? Il n’y avait aucune place pour elle dans ce monde, elle ne devait pas l’oublier.
Pas dans ces moments précis. Cet endroit … ne la nécessitait pas. Est-ce qu’elle se sentait coupable d’un acte criminel ? Elle avait simplement embrasser Tery à la bibliothèque. Une marque de faiblesse de sa part. Elle n’était pas du genre à faire comme ces gourgandines ou ces femmes nobles qui cherchaient à bien se faire voir aux yeux de l’homme d’une autre.

« Quelle femme serait assez horrible pour faire ça ? »

Et pourquoi est-ce qu’elle s’imaginait Tery et elle à ce moment précis ? Pourquoi maintenant ? Et pas avant ? POURQUOI ? POURQUOI ?! Ah … Elle n’y arrivait pas. Est-ce qu’elle avait profité de la confusion du jeune homme depuis la mort de Clari ? Est-ce qu’elle avait trop tardé à dévoiler ses sentiments ? A s’ouvrir ?

« Ridicule, c’est complètement ridicule. C’est totalement ridicule. »

Elle ne voulait pas que ça se passe ainsi. Ca ne devait pas se passer ainsi. Si elle voulait retrouver Tery, était-ce pour qu’il assume la paternité de l’enfant qu’Elen portait ? Pour elle-même ? Cet enfant avait besoin d’une famille. Même si le père était un démon, même si la mère était la fille de deux divinités ! Elle se mêlait d’une histoire qui ne la regardait pas ! Elle se mêlait d’un couple qui …

« Je suis mauvaise, je suis naturellement mauvaise. »

Elle voulait du mal à Elen. Elle voulait du mal à Tery. Depuis la mort de son père, elle n’avait plus personne sur qui focaliser sa haine. Elle se vouait une haine personnelle. Elle s’en voulait, elle se haïssait. Elle tentait de se dédouaner de ses actes, de ses pensées, de ses réactions immondes qui faisaient d’elle une femme horrible.

« Dans le fond, sa mère comme Elen doivent bien se moquer de moi. »

Elle n’avait aucune chance de récupérer Tery par les sentiments. Le seul moyen possible était de tout simplement le capturer et l’emmener devant Elen et leur enfant. Ah … Ah … Ah … Avachie sur le lit, elle bougea faiblement sa main, observant les lignes noires qui étaient apparues. Elle se sentait … si mauvaise dans le fond.

« Je n’ai pas besoin d’être hait par les autres. Je me suffis à moi-même. »

Incapable d’arrêter le jeune homme lorsque cela avait été nécessaire. Incapable de le stopper par tous les moyens alors qu’il suffisait simplement de s’ouvrir. Idiote… Elle était vraiment qu’une idiote. La reine des idiots, oui. Il fallait bien ça pour devenir une monarque à Shunter, hein ? Montrer qu’on était plus imbécile que ceux qui nous entourent.

Elle finit par trouver le sommeil, bien que difficilement, par-dessus les draps du lit. Que de mauvaises pensées en elle mais ces derniers mois étaient des plus éprouvants. Bien entendu, elle n’avait personne à qui en parler. Même la mère de Tery, bien qu’elle semblait très douée pour repérer et deviner des sentiments enfouis, ne savait rien à son sujet, du véritable trouble qui l’animait.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, le lendemain, elle était allongée dans le lit, sur le dos. Elle voyait tout simplement le plafond de bois au-dessus d’elle, se rappelant pourtant de la façon dont elle s’était endormie la nuit d’avant. La couverture était déposée sur son corps et elle se mit de côté, songeuse. Quelqu’un était venu pendant la nuit et elle n’avait même pas réussi à le repérer ? Elle était … incapable de se défendre.

« Ca doit être elle … j’imagine. »

La mère de Tery. Elle n’a jamais demandé plus d’informations sur le passé de Tery. Elle se rappelait en avoir discuté que très brièvement mais … le jeune homme dans son enfance, elle ne le connaissait que très peu. Elle était un peu plus vieille que lui mais est-ce que … s’ils s’étaient connus dans le passé, tout aurait été différent ?

« Il faut que tu arrêtes avec les pensées absurdes, ma pauvre fille. »

C’était bien à cause d’elles qu’elle était dans un tel état. Elle poussa un profond soupir désabusé, visiblement peu encline à quitter les draps. Quelqu’un s’était préoccupée d’elle pendant qu’elle dormait, ce n’était pas le genre de sensations dont elle avait l’habitude de recevoir, c’est pourquoi … elle voulait rester ainsi pendant quelques minutes de plus.
Finalement, une bonne demie-heure s’écoula avant qu’elle ne finisse par sortir du lit, s’observant brièvement. Elle jeta un regard au lit avant d’hocher la tête négativement. Voilà, elle avait fait sa bonne action du mois.

« Bon, ce n’est pas tout ça mais je vais devoir retourner à Midès. Vous pourrez vous débrouiller avec tout ce que vous avez pour les deux prochaines semaines ? »

« Ne t’en fait donc point, Manelena. Merci pour tout et cela est valable pour nous deux. Elen ne parle pas mais n’en pense pas moins. Fais attention à toi sur le chemin, compris ? Et tu peux revenir quand tu veux, si tu as un manque de sommeil, une envie de discuter ou autre chose. Tu comprends donc ce que je te proposes ? »

« Le message est très bien passé. Merci à vous, madame Vanian. Elen, essaies de parler ou de bouger un peu. Vu qu’il n’y a personne dans les environs, profites-en pour faire une balade avec elle, compris ? »

« … … … » Encore une fois, aucun son ne quitta la bouche d’Elen mais elle avait un sourire radieux avant d’hocher la tête positivement. Elle se positionna face à Manelena avant de faire un second mouvement de la tête.

« Bon, visiblement, elle est d’accord. Madame Vanian, je comptes sur vous aussi » dit la femme aux cheveux argentés avant d’appeler son cheval bicéphale pour grimper dessus. A chaque fois qu’elle venait ici, elle en ressortait toujours plus pertrbée.

Chapitre 17 : Dans un lieu isolé du monde

ShiroiRyu
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Chapitre 17 : Dans un lieu isolé du monde

« Préparez-moi mon cheval »

« Bien mais est-ce que vous désirez être accompagnée ou non ? »

« Le second choix à votre question. Je dois me rendre à un endroit où nul autre ne doit avoir accès. Pendant ce temps, je laisserai Hémurion se charger des mouvements de l’armée, comme d’habitude. Je veux mon cheval d’ici trente minutes au grand maximum. »

Deux journées s’étaient écoulées et maintenant, elle n’avait plus qu’à patienter. Elle avait répondu à la lettre de Royan et elle s’était mise au courant des dernières actualités de son royaume, pour ne pas changer. Elle aussi avait fort à faire avec quelques démons mais ce n’était pas le même degré d’application que pour Traslord. De plus, le fait de laisser les armées être dirigées par Hémurion et d’autres haut-gradés militaires étaient suffisant pour qu’elle leur fasse confiance.
Du moins, faire confiance était tout relatif dans ce monde. Elle n’avait confiance en rien, ni personne. Surtout pas dans une telle situation. Elle ne voulait plus l’accorder à quiconque même si Tery aurait dit qu’elle devait s’ouvrir à plus de personnes. Elle n’avait pas besoin d’être l’amie de tous et de toutes. Seul un cercle très fermé lui était suffisant. Sauf que ce cercle avait été brisé. Dans sa chambre, elle avait déjà préparé quelques affaires. Dans sa tenue actuelle, difficile de croire qu’il s’agissait de la reine de Shunter mais les apparences, elle n’y accordait plus aucune importance. Elle se rappelait de ces jours où elle faisait passer pour Manelena et la maréchale Nali comme deux entités différentes.
Une époque révolue maintenant. Elle était Manelena, la reine de Shunter mais tout ce qui était protocole ou autre ne l’intéressait pas. Bon, avec ces affaire, elle devait pouvoir tenir une ou deux journées. De même, elle avait récupéré une petite bourse en cuir, y déposant une quantité raisonnable de pièces dorées. Voilà, avec ça, elles allaient pouvoir tenir encore un bon nombre de jours. Quelqu’un toqua à la porte de sa chambre, une petite voix féminine disant avec quelques tremblements :

« Rei… Reine Manelena, votre cheval est hors de l’écurie. Il … Il n’attend que vous. »

« Bien, prévenez le palefrenier que je serais là d’ici cinq minutes. Une dernière chose à finir et cela sera bon. » répondit calmement la femme aux cheveux argentés, se plaçant face au nouveau miroir disponible dans sa chambre.

Vraiment … Ce physique. Non, on allait pas exploser un nouveau miroir sinon, certaines boutiques risqueraient de fermer par manque de fourniture. Ce n’était pas le bon moment. Elle finit par sortir de la chambre, quelques gardes la saluant respectueusement ainsi que les servants du château. Quittant les couloirs pour finalement se retrouver hors de l’imposant bâtiment fait de pierre, elle se dirigeait vers les écuries, là où l’attendait sa monture.

« Ah ! Dame Manelena, reine de notre beau royaume, voilà donc la meilleure monture qui n’attendait que vous depuis tout ce temps. »

« Pas besoin de faire des courbettes et des ronds de jambe. Je ne suis pas assez dupe. Je sais ce qu’elle vaut vu qu’il s’agit toujours de la même bête, n’est-ce pas, Selphar ? »

Pour toute réponse, la bête hennit une première fois … puis une seconde. La raison ? Tout simplement que la monture à la robe noire rayée de vert possédait deux têtes. Et ces dernières étaient en train de la regarder longuement avant que la femme ne grimpe sur le cheval bicéphale, sac sur le dos.

« Est-ce que vous êtes certaine de ne pas vouloir être accompagnée ? »

« La question n’a pas à se poser. J’ai déjà dit ce que je pensais de cela, n’est-ce pas ? Je peux me débrouiller seule. Je serais de retour d’ici une journée ou deux, au grand maximum. A partir de là, je vais m’en aller tout de suite. »


Et sans même attendre qu’ils lui répondent, la femme aux cheveux argentés ordonnait déjà à sa monture de galoper. Pas de temps à perdre dans cet endroit. Elle n’avait pas envie de discuter encore pendant une heure pour leur faire comprendre qu’elle n’était pas une femme chétive et faible. Bon … Elle en avait pour deux ou trois heures d’après ses souvenirs.
La première heure se déroula sur les chemins de terre, hors de Midès. Ensuite, elle avait commencé à prendre des détours, vagabondant à travers les chemins escarpés d’une forêt. En sortant de celle-ci, elle avait alors finit par atterrir dans une prairie, observant à gauche puis à droite. Hum … Maintenant …

« Ah … C’est toujours par ici que je finis par me perdre. Vraiment … »

Même après plusieurs mois, connaître parfaitement la route à suivre n’était pas dans ses cordes. Bon … Il suffisait juste de faire une marche dans l’ensemble de ce qu’elle voyait. Ralentissant le cheval, ils commencèrent à marcher au trot, tranquillement. De toute façon, l’équiné devait se reposer un peu.

« Tu as bien mérité ça, oui … Bon … Où est-ce que je vais les retrouver ? »

Cette prairie était plate ou presque. Impossible alors de ne rien voir au loin. La seule chose qui empêchait les gens d’arriver ici était la forêt derrière elle. Assez épaisse et imposante, il était difficile d’en sortir pour arriver ici. Comment est-ce qu’elle y arrivait alors ? Tout simplement que durant son enfance, ses premières années en tant que soldate de Shunter, elle avait réussi à se perdre dans ce coin. Bon … Ce n’était pas un souvenir des plus flatteurs mais qu’importe. Ce souvenir avait maintenant une certaine importance.

« Bon … Si j’arrive à retrouver le cours du ruisseau, je pourrais ensuite le suivre. »

Le problème était de trouver le ruisseau. Pas bien grand, cela n’allait pas être simple mais en se focalisant un peu sur tout ce qui l’entourait, elle finirait par entendre le bruit du cours d’eau non ? D’ailleurs, elle flatta la tête de gauche de Selphar, lui disant :

« Si tu arrives à entendre de l’eau à portée, tu peux t’y rendre pour aller t’abreuver. J’imagine que tu l’as bien mérité, n’est-ce pas ? »

Comme unique réponse, le cheval vint hennir deux fois avant de se mettre à se déplacer vers la droite. Hum ? Est-ce qu’il avait parfaitement compris ce qu’elle voulait dire ? Car plus il avançait, plus elle finissait par entendre l’eau qui s’écoulait non loin d’eux.

« Et bien, mes félicitations, Selphar. Comme quoi, j’ai bien fait de te faire confiance. »

Donc pour la prochaine fois, elle saura qu’elle doit partir vers la droite. Maintenant, il était temps de le laisser se reposer. Elle avait délaissé son armure pour pouvoir jeter un coup d’oeil au soleil qui planait dans le ciel. De toute façon, là où elle se rendait, elle n’avait pas besoin de son armure. C’était un endroit isolé de tout et nul ne pouvait le trouver … ou presque. Elle avait pris ses précautions pour ça.

« Tu as assez bu ? Pour chaque tête ? Si c’est le cas, on va reprendre la route. On a encore un bout de chemin à faire normalement. »

Mais cette fois-ci, pas besoin de grimper sur sa monture, elle pouvait marcher. Elle le tenait par les rênes, la monture se laissant promener. Elle pouvait presque paraître normale aux yeux de tous, n’est-ce pas ? Mais … ici, il n’y avait personne … ou presque personne.

Quelques minutes continuèrent de s’écouler et enfin, elle arriva jusqu’à son objectif. Non-loin du cours d’eau, une cabane en bois était visible. Assez grande et spacieuse, elle possédait même un étage bien que nullement de cheminée. Le plus important n’était pas la demeure en elle-même mais la personne assise sur un fauteuil à bascules sur le palier devant l’entrée.

« Elen, comment est-ce que tu te portes aujourd’hui ? Je suis de retour pour une journée ou deux. Bon … Elle est là, j’imagine, non ? »

Difficile de faire réellement la conversation avec la jeune femme aux cheveux blonds. Celle-ci avait son regard perdu au loin, ayant pourtant relevé la tête pour sourire à Manelena. Aucun son ne sortit de ses lèvres, comme si elle était devenue muette depuis tout ce temps. Ses mains posées sur son ventre, il était maintenant un peu plus gonflé après ces derniers mois.

« Selphar ? Tu peux te promener dans les environs ou rester auprès d’elle. »

Le cheval bicéphale était vraiment une créature intelligente. Elle avait l’impression qu’il la comprenait parfaitement. C’était tant mieux, ça permettait d’établir une relation durable. La compréhension de l’autre … dire que cela lui avait fait défaut dans le passé. Elle continua de regarder Elen, les yeux bleus de la jeune femme posés sur elle.

« Essaies vraiment d’aller mieux … surtout pour ce qui t’attends. C’est la dernière preuve qu’il était tout pour toi. Tu ne voudrais pas la gâcher, n’est-ce pas ? »

Aucune réponse, encore une fois. La monarque de Shunter poussa un profond soupir avant de se mettre en route. Bon, ce n’était pas tout ça mais … elle avait une autre personne à aller voir. S’approchant de la porte, elle finit par toquer avant de dire d’une voix calme :

« Madame Vanian ? Madame Vanian ? C’est Manelena. Je suis là pour … »

« Rentres donc, Manelena ! Tu sais bien que tu es toujours la bienvenue ! A part toi, il n’y a guère personne qui peut se présenter chez nous. »

Le fait qu’elle était aussi polie avec la mère de Tery n’était pas si anodin que ça. Une part d’elle respectait cette femme qui avait élevé son fils en quittant tout le reste.

Elle pénétra à l’intérieur de la cabane en bois, ne pouvant qu’apprécier l’entretien apporté spécialement à cet endroit. Pourquoi vivre ici, n’est-ce pas ? Pour une raison qui ne concernait que peu de gens dont les trois femmes présentes ici actuellement. En voyant le visage souriant de celle qui avait donné naissance à Tery, Manelena se sentit plus soulagée, sans pour autant pouvoir expliquer correctement pourquoi.

« Bonjour à toi, Manelena. Comment te portes-tu ? Si tu viens ici, c’est pour prendre de nos nouvelles ? C’est bien aimable à toi malgré le fait que tu sois la reine de Shunter. »

« Vous êtes bien la seule à me tutoyer sans que cela ne vous dérange, madame Vanian. Si vous pouvez juste éviter de me rappeler mon titre quand je suis ici, je vous en remercierais infiniment. J’ai … besoin de souffler un peu. »

« Alors souffles-donc. Qu’est-ce qui t’emmène de beau ici ? Nous n’avons pas encore de soucis de nourritures ou autres commodités pour la journée. »

« C’est bien parce que j’ai des nouvelles à vous apporter …  même si elles sont brèves. »

La femme qui commençait doucement à accuser le poids de son âge arrêta de sourire, vérifiant qu’Elen n’avait pas entendu dehors avant de fermer la porte derrière elle et Manelena. Aussitôt, ses yeux étaient presque en train de foudroyer l’actuelle monarque bien que ce n’était pas envers elle qu’elle était en colère.

« Où est donc ce bougre d’idiot ? Si je l’attrape, je risque de lui faire passer un mauvais quart d’heure et il comprendra que … »

« Je viendrais sûrement terminer votre travail mais pour l’heure, il n’est pas à Shunter. Il se trouve actuellement à Traslord, du moins, sous Traslord. L’un des soldats de Royan a réussi à le voir ainsi qu’Elise. Visiblement, ils sont toujours ensemble. »

« Traslord ? Ce n’est … pas si loin que ça mais quand même … Qu’est-ce que qu’il faisait là-bas ? Est-ce qu’il a pris la parole ? Du moins, il … »

« De ce que Royan a marqué dans sa lettre, il semblerait qu’ils se sont battus avec les soldats de Traslord mais que Tery a préféré en laisser un en vie pour transmettre un message. Je ne sais rien de plus actuellement mais je crois qu’il n’a pas perdu complètement la tête. »

« Alors, qu’est-ce qu’il attend pour revenir avec Elise ?! »

Elle ne pouvait pas avouer à la mère de Tery que c’était la même question qui la taraudait depuis hier. Il était hors de question de montrer encore une faiblesse aux yeux des autres. Restant stoïque et immobile, elle répondit avec le plus grand calme qu’elle pouvait :

« Je ne sais guère à ce sujet. Par contre, il semblerait donc que les souterrains démoniaques soient de véritables dédales. Si je pars de Shunter vers l’une des portes démoniaques, je pourrais peut-être atteindre Traslord et le … »

« N’y pense guère. Tant que tu n’as pas de détails plus concrets, il vaut mieux ne pas prendre de risques inutiles, d’accord ? Et pour … Elen ? Que veux-tu que l’on fasse ? »

Qu’elles fassent ? Hum … C’est vrai. Si une personne devait être mise au courant que Tery était toujours vivant, c’était bien elle. Mais en même temps, là où résidait un problème, c’était dans la réaction d’Elen si elles commençaient à en parler. Si Elen était dans cet état, ce n’était pas dû au hasard mais bien à cause de Tery.

« Peut-être que l’on devrait attendre un peu, comme vous le dites, d’avoir plus d’informaitons à ce sujet. Si j’arrive à avoir un contact avec Tery, je … »

« Que compterais-tu faire à ce moment, Manelena ? » coupa doucement la mère de Tery.

« Je n’en sais … rien du tout. Je n’en ait aucune idée, je dois vous avouer. Qu’est-ce que je devrais faire, selon vous ? J’ai envie de le punir, de lui faire comprendre une bonne fois pour toutes que ce qu’il a fait, il ne pourra plus recommencer et … »

« Si tu veux le tuer, tu peux me le dire ouvertement. Mon fils est mon fils. Avant que mes parents me pardonnent à Omnosmos, je n’avais plus que lui. Ne va pas croire que je vais l’abandonner mais … s’il doit être arrêté d’une manière ou d’une autre, je préfère la perte de l’enfant d’une mère à celle de milliers d’autres. »

« Je … Je … » commença à dire Manelena sans pour autant réussir à laisser échapper les mots de sa bouche. Cette femme … n’avait aucune hésitation à ce que son fils soit tué. Elle ne se voilait pas la face : elle déclarait ouvertement que la perte de son unique enfant la terrasserait mais … si cela devait en sauver des milliers d’autres, elle comprendrait. La demoiselle aux cheveux argentés baissa les yeux, comme prise de honte avant de continuer à dire d’une voix bien plus faible : « Vous … êtes forte, madame Vanian. »

« Allons, Manelena. Disons plutôt que la vie d’une veuve est très difficile et que pour cela, il faut savoir serrer les poings et montrer les crocs. Je ne peux pas me laisser abattre. »

« Je … Tery, je suis sûre qu’il reviendra s’il vou revoyait, vous ou vos parents. Je suis sûre que ça serait de même avec Elen. J’en suis certaine. »

« Oh ? Pourquoi seulement nous quatre ? Tu n’as pas l’impression qu’il manque quelqu’un ? Je ne sais pas … Une certaine personne qui a été seule pendant des années, elle aussi. »

« Tery et moi, nous n’avons pas de relations aussi proches que ça et … »

« Huuuum ? » vint dire la mère de Tery, se rapprochant de quelques pas en direction de Manelena. Celle-ci sentit ses joues légèrement s’empourprer, sans arriver à comprendre la raison derrière ceci. « Je ne suis pas vraiment certaine de pouvoir croire cette réponse. »

« Pourtant, vous devriez. Moi-même et Tery, ce n’est pas ainsi que les choses se font. Je resterai toujours celle qui lui donnait des ordres dans l’armée. »

« A ses yeux ou alors aux tiens ? Car je ne suis pas certaine que dans le premier cas, Tery te voit de la sorte mais bon … Nul n’est plus aveugle que celui qui se cache les yeux. »

Ah non, les phrases philosophiques, elle n’en avait pas besoin maintenant ! Elle détourna le regard, un peu gênée par tout cela avant de se frotter le bras. Oui … Enfin bon … Voilà.

« Est-ce que vous avez besoin de quelque chose ? J’ai ramené une bourse pour faire les achats nécessaires. Elen ne vous pose aucun souci ? Et comment … est-ce que son ventre va ? Elle ne fait pas trop la difficile pour se nourrir ou autre ? »

« Nullement. Elle réagit toujours aussi peu mais écoute ce que l’on dit et à partir de là, il n’est pas trop difficile de se faire comprendre. C’est une bonne chose en un sens mais … »

« Oui, je vois parfaitement de quoi vous voulez parler. Le mieux serait qu’elle prenne la parole ou du moins, qu’elle retrouve un peu de volonté de vivre. Elle me fait plus penser à une poupée qu’autre chose. »

« De plus, sans la présence de Sérest et Séran, ce couple qui se prétend être ses parents, je … »

« Il y a de fortes chances que ça soit réellement le cas même si j’avoue que cela dépasse ma compréhension et que j’ai du ma à tout saisir par rapport à cette histoire. Mais … Oui, ce sont bien ses parents, j’en suis sûre et certaine. »

« Si tu le dis, Manelena, je ne peux que te faire confiance. Bon, si tu veux bien me suivre, nous allons voire toutes les deux ce dont j’ai besoin pour Elen et moi. »

« Ce n’est pas trop difficile de vivre seule, isolée du reste de la civilisation ? » questionna Manelena alors que la mère de Tery ne faisait que sourire en hochant la tête négativement. Elle avait vécu ainsi pendant de longues années … et elle n’était pas vraiment seule, n’est-ce pas ? Il ne fallait pas oublier la présence d’Elen, même si elle était minime.

Enfin … Elle n’avait pas tort. Difficile de croire que Sérest et Séran étaient les parents d’Elen. Même encore maintenant, plusieurs mois plus tard, elle n’arrivait pas à y croire. Comment pouvait-on espérer apporter du crédit à deux personnes qui … se prétendaient être les réincarnations d’Alzar et Zélisia ? En même temps, cela reviendrait à dire qu’Elen était l’enfant de deux dieux millénaire.
« Des fois … On cherche vraiment à me compliquer l’existence pour pas grand-chose »

Elle se parlait à elle-même alors que madame Vanian était occupée dans les autres pièces, notant mentalement tout ce dont elle avait besoin. Cette femme était cultivée, elle avait du sang noble, elle ne se plaignait pas de sa condition et elle avait accepté aussitôt d’aider Elen quand elle avait le plus besoin.

« Si seulement le monde pouvait être peuplé de personnes comme elles. »

Tout irait beaucoup mieux dans ce dernier alors. Mais voilà, c’était une envie factive, impossible réellement à combler malheureusement. Il ne fallait pas se leurrer, il ne fallait pas ignorer la réalité. Avec les démons qui arrivaient dans chaque royaume, de nouvelles batailles allaient débuter et elle allait devoir …

« Comment se porte le jeune Royan, sinon ? Après tout ce temps … »

« Disons que sa mentalité actuelle n’a pas trop changé malheureusement. Il ne va pas beaucoup mieux à cause de tous ces événements et surtout … celui dont je vous ai parlé. »

« Le fait d’entendre parler à nouveau d’Elise doit l’avoir chamboulé. Elle semblait être une si gentille jeune fille. C’est vraiment étrange comment ce monde peut parfois être si cruel, n’est-ce pas ? Je trouve cela … déplaisant. »

« Vous n’êtes pas la seule à penser de la sorte, je tiens à vous le dire. »

« Je le sais bien … Enfin bon … Voilà ce dont j’ai besoin. S’il le faut, tu peux faire ça en plusieurs fois, n’est-ce pas ? Ne va pas trop brusquer ton cheval et toi-même. »

Pourquoi est-ce que cette femme … se montrait aussi prévenante avec elle ? Elle-même était rustre et violente. Inamicale et agressive. A partir de là, normalement, personne ne cherchait à être sympathique avec elle, n’est-ce pas ? Alors … pourquoi ?

« Je vais voir de mon côté. Ne vous préoccupez pas de ça. »

« Je tiens à me préoccuper autant de toi que je me préoccupes d’Elen et les autres. Vous êtes des proches de Tery, à partir de là, je dois veiller autant sur vous que sur lui … bien que je ne peux plus le faire pour mon fils. »

Une simple phrase suffisait à lui faire comprendre qu’elle souffrait du départ de son fils. Elle cherchait à combler sa tristesse en venant s’occuper des autres, n’est-ce pas ? Ah … Elle pouvait aisément comprendre ça bien qu’elle-même n’y arrivait pas.

« Je reviendrais d’ici quelques heures. Je vais me dépêcher, ne vous inquiétez pas. »

« Je ne m’inquiètes guère à ce sujet, Manelena. Tu es une jeune femme digne de confiance. »

« Et accessoirement reine de Shunter, parfois, je l’oublie moi-même. » répondit la femme aux cheveux argentés avec un faible sourire avant de se mettre sur le départ, rappelant sa monture avant de grimper dessus.

« Bonne chance, reine de Shunter. Que la terre nourricière vous protège. »

Elle devait se retenir d’agrandir son sourire mais de tels propos étaient peu utilisés de nos jours. C’était bien le genre de phrase que dirait de vieilles personnes assises sur un banc, priant pour la sécurité de leurs petits-enfants et autres. Ah ..

« Surveillez bien Elen pendant mon absence. J’ai cette impression qu’elle a entendu une partie de notre conversation, malgré qu’elle n’était pas à côté. »

Oh ? La mère de Tery se tourna vers la jeune femme aux cheveux blonds, celle-ci restant impassible, une main posée sur son ventre, le caressant doucement et de façon machinale, comme un automatisme.

« Et bien … Toute réaction est un progrès qu’il ne faut guère ignorer, n’est-ce pas ? »

La mère de Tery avait posé sa main sur l’épaule d’Elen, celle-ci finissant par relever faiblement son visage, souriant un peu. Avec le temps, les blessures les plus profondes, celles qui n’étaient guère physiques, allaient disparaître. Avec du temps … et de la patience.

Chapitre 16 : Des nouvelles pour la reine

ShiroiRyu
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Second axe : La vie à la surface

Chapitre 16 : Des nouvelles pour la reine

« Donnez-moi les nouvelles des villages et villes avoisinant nos frontières. »

« La guerre de ces dernières années et les nombreux mois de rébellion n’ont pas arrangé la situation malheureusement. Mais ils sont en train de se reconstruire, peu à peu, ce qui est une bonne chose, ma reine. »

« Hum … Envisagez de placer une visite ou deux de ma part dans ces derniers. Il me faut être présente dans ces moments difficile. »

« Vous avez déjà beaucoup à faire. Vous devriez plutôt vous reposer et envoyer quelqu’un d’autre se charger de cela. Vous pouvez déléguer une telle … »

« Un peuple en colère ne se contentera pas d’un simple envoyé. Il leur faut ma présence directement pour qu’ils puissent comprendre que je suis derrière eux. Voilà toute la différence. » continua de dire la femme aux cheveux argentés assise sur son trône. Elle possédait quelques parties d’armure noire sur son corps, au niveau de la poitrine et des hanches. Comme si elle était incomplète, elle servait plus de « vêtement » que de réelle protection si elle devait se faire attaquer.

« Mais tout le monde n’est pas encore d’accord sur votre intrônisation et … »

« Il est impossible de satisfaire tout le monde. Certains se contentent de peu, d’autres de bien plus. Je ne suis pas assise sur ce trône pour ça. Je suis à cette position car il faut une reine pour le royaume de Shunter et un symbole pour guider ce dernier depuis les dernières années en perdition. Je suis là pour corriger tout cela. »

« Un symbole se doit d’être respecté et protégé, Reine Manelena. »

« Est-ce que vous seriez en train d’insinuer que je suis incapable de me protéger ? » déclara la femme aux yeux rubis, finissant par se redresser.

« Non non ! Nullement ! Je n’oserai jamais dire cela ! Loin de là ! Mais simplement, vous êtes la reine du royaume. Vous ne pouvez pas aller n’importe où et … »

« Je n’ai aucune restriction à avoir dans mes déplacements. En tant que monarque de Shunter, je suis libre de mes mouvements et je peux me rendre où je le désires. Me suis-je bien faite comprendre ou non ? Si ce n’est pas le cas … »

« Mais .. Mais … Mais … La dernière fois, vous êtes partie pendant des semaines avec ce groupe à Omnosmos ! Et lorsque vous êtes revenue, les portes démoniaques de la capitale du monde étaient ouvertes et vous avez ramené cette jeune femme et … »

« ASSEZ ! J’IRAI ME RENDRE DANS CES VILLAGES QUE CELA VOUS PLAISE OU NON ! DISPARAISSEZ DE MA VUE ! »

« Co… Comme vous le désirez, reine … reine Manelena. »

Cette fois-ci, l’homme n’osait plus relever son regard alors qu’il s’éloignait et quittait la salle du trône. Il fallait dire que la femme aux cheveux argentés ne lui avait pas laissé la possibilité de répliquer. La restreindre uniquement à ses fonctions royales était une effroyable erreur qu’il avait commise et il valait mieux qu’il évite de recommencer la prochaine fois. Lorsqu’elle se retrouva seule ou presque, elle se leva du trône avant de dire aux gardes qui surveillaient les portes :

« Je vais me rendre dans ma chambre. Que nul ne vienne me déranger. »

« Voulez-vous que l’on vous accompagnes, reine Manelena ? »

« Je pense que dans mon propre château, je n’ai rien à craindre. Et personne ne serait assez stupide ou fou pour tenter quelque chose à ce moment précis, n’est-ce pas ? Donc … Non, je n’ai pas besoin d’assistance. Vous pouvez disposer. »

Du moins, eux-mêmes pouvaient rester à leurs positions alors que la femme à moitié recouverte par de l’armure était maintenant en train de se déplacer dans les couloirs. Quelques servantes et autres employés la saluèrent avec un mélange de respect et de crainte, les gardes qui se déplaçaient s’immobilisaient en prenant la pose pendant qu’elle-même était en train de se rendre sans un regard vers sa propre chambre.

Elle avait décidé de ne pas changer de chambre après la mort de son père. Elle n’avait pas envie d’un endroit plus spacieux, richement décoré et autre. Ce à quoi elle s’était habituée toutes ces années lui convenait parfaitement et lorsqu’elle pénétra dans la pièce, celle-ci était d’une sobriété absolue.
Aucune décoration, aucune froufrou ou autre. Un bureau, un lit, une table de chevet, que des objets de commodité qui servaient pour la vie de tous les jours. La seule chose qu’elle s’était autorisée était un miroir géant pour pouvoir s’observer. Lorsqu’elle referma la porte de la chambre à clé, elle avait fini par faire disparaître son armure.

« Encore une journée épuisante. Ces hommes … Est-ce qu’ils pensent vraiment que je suis en sucre ? J’ai été la maréchale pendant des années. Je sais me battre et me protéger. Je n’ai pas besoin de ces idiots pour me sentir en sécurité ! »

Mais rien à faire, ces hommes ne voulaient que son bien. Elle avait évité de garder trop de nobles de son côté. Certains s’étaient rebellés pendant les dernier événements et ainsi, depuis qu’elle était reine, elle avait autorisé un mélange entre les hommes du peuple et ceux qui avaient du sang bleu en eux. Les premiers étaient honorés tandis que les secondes évitaient de trop se plaindre, pour ne pas la mettre en colère.

« Quel imbécile. Si seulement il avait été là … »

Mais aucune nouvelle depuis des mois. Ce n’était pas comme si elle voulait savoir comment il allait. Ce n’était pas comme si cela l’importait réellement de connaître son état de santé. Simplement, avec lui à ses côtés, la vie aurait été bien plus facile. Elle aurait eut une é…

« Hum ? Une lettre ? Il n’y a pas vraiment de monde qui peut m’en envoyer une. » dit-elle calmement en voyant une enveloppe ailée qui claquait contre une fenêtre de sa chambre.

Alors, elle avait regardé l’enveloppe tout en ouvrant la fenêtre C’était … Royan ? Oui, la couleur bleue mais surtout le sceau imposé sur l’enveloppe était celle de l’actuel monarque de Traslord. Dire que lui aussi avait beaucoup souffert à cause de toute cette histoire.

« Qu’est-ce qu’il me veut réellement ? D’habitude, il évite de m’écrire sauf si .. »

Oui, c’était ça ! Il n’y avait qu’une raison qui pouvait pousser l’adolescent devenu adulte à lui écrire une lettre. Avec un peu d’anxiété, voilà qu’elle déchirait le haut de l’enveloppe pour en extraire la lettre. Ses yeux rubis se posèrent sur l’écriture, commençant à le lire à voix haute bien qu’elle était seule dans la pièce :

« Manelena, si je t’écris cette lettre, c’est pour te donner des nouvelles par rapport aux invasions démoniaques sur mon territoire. Je sais parfaitement que de ton côté comme dans les autres royaumes, vous en subissez aussi. Néanmoins, toi et moi, nous nous sommes promis de tenir l’autre au courant par si une certaine situation se produisait. »

Cette situation, c’était bien celle qu’elle envisageait. Elle était devenue un peu fébrile mais elle devait continuer à lire cette lettre. C’était important, très important … et pas uniquement pour elle. Il y avait une autre personne aussi qui devait être mise au courant.

« L’une de mes troupes militaires a été défaite par les démons. Cela n’a rien d’étonnant et nous savions que cela allait se produire un jour ou l’autre. Les démons sont de moins en moins aptes à être surpris que nous pouvons déjà les combattre et cela avec aisance. Pour autant, c’est les propos du seul survivant qui est le plus intéressant à savoir. »

Le seul survivant. Comment est-ce qu’un simple soldat avait réussi à survivre à une agression par rapport aux démons ? Ce n’était pas normal. Il y avait quelque chose qui clochait. Normalement, c’était l’un ou l’autre groupe qui gagnait. Il n’y avait aucun survivant, ce n’était pas aussi aisé que ça, sauf si … sauf si …

« Ce survivant m’a déclaré que deux démons l’ont laissé vivre. Alors que le reste des démons sont morts aisément ou presque, ces deux démons ont fait preuve d’une férocité et d’une connaissance de Traslord des plus étonnantes. Dotés de la parole comme les autres, ils ont déclaré qu’ils étaient déjà venus à la surface. »

Déjà venus à la surface. Il n’y avait pas tant de démons que ça … qui étaient capables d’une telle chose. Cela voulait dire que … cela voulait dire … Elle devait le confirmer. Ses yeux parcouraient le reste de la lettre alors qu’elle se chuchotait à elle-même :

« C’est pas possible. Pas après tout ce temps. Enfin … Pourquoi maintenant ? Traslord ? Et pas à Shunter ? Ils sont ensemble ? Qu’est-ce .. Ah … L’un des démons était une femme aux cheveux auburn. Capable de s’enflammer sur l’intégralité de son corps, elle était la plus bouillonnante et violente des deux. Elle a été capable de combattre et raser l’intégralité des soldats de Traslord ou presque. »

Cette femme. Ce n’était sans aucun doute … Elise. La femme aux cheveux auburn, celle qui était une démone et qui avait réussi à contrôler son corps grâce au voyage fait avec eux. Elle avait … donc perdu la raison ? Non, ce n’était pas ce que la lettre impliquait sinon, Royan n’aurait jamais osé la lui envoyer, du moins, pas dans ces termes.

« C’est le second démon qui te concerne le plus. Le soldat m’a expliqué que c’était le plus calme dans cette situation. Il était étrangement … humain et contrairement au démon féminin, son corps ne s’était pas modifié. Mais il avait une particularité, il était capable d’invoquer des golems. Il a essayé de nombreuses fois de calmer la situation mais les soldats comme les démons n’ont pas voulu l’écouter. Le soldat m’a signalé qu’il fallait aussi prévenir Manelena, la reine de Shunter, de sa présence et que c’est uniquement grâce à ce démon qu’il a eut la vie sauve. Voilà, tu es au courant de tout. »

Bien que la lettre n’était pas terminée, ça ne changeait en rien son contenu. C’était ce qu’elle recherchait depuis le début. Elle en était convaincue : Tery était toujours vivant. Visiblement, il était dans le monde souterrain et il n’avait pas lâché Elen depuis le début. Ce qui voulait dire que malgré … ce qui s’était passé à Omnosmos, il avait encore gardé le contrôle de son corps. Alors POURQUOI ?! POURQUOI ?! Sa main froissa la lettre avec rage.

« Pourquoi est-ce qu’il ne revient pas ?! »

Elle connaissait la réponse. Elle n’était pas idiote. Il n’y avait qu’une unique raison pour que le jeune homme ne vienne pas : sa faute à elle. Ses dernières paroles avant qu’il ne traverse les portes démoniaques. C’était à cause de ça … Et uniquement ça. Elle avait tout simplement proclamé qu’il n’y avait pas de retour en arrière.

Mais ce … ce n’était pas vrai. Même ainsi … C’était stupide. Elle pouvait se montrer si déraisonnable, tout ça à cause d’un homme aussi bête que lui. Il ne cherchait pas à envahir la surface, il ne cherchait pas à ravager tout ce qui se trouvait autour de lui. C’était toujours le même … et s’il avait Elise à côté de lui, elle savait pourquoi.

« Il veut simplement la protéger … comme à son habitude Ca a toujours été dans son caractère, cela ne changera jamais. »

L’avoir à ses côtés, elle était certaine que cela lui permettait de garder une parcelle d’humanité. Comme un souvenir de la vie commune qu’ils avaient eut tous ensemble, n’est-ce pas ? Mais … Elle ne devait pas se leurrer. Ce n’était pas aussi simple. Ce n’était plus possible. Elle voulait se voiler la face, se dire que s’il ne cherchait pas à revenir, c’était tout simplement parce qu’elle lui avait dit qu’il n’y avait personne pour l’attendre.

« Il a tenté de tuer Elen, qu’il soit possédé ou non. Cet acte n’est pas possible … à oublier Cet acte n’est pas possible à ignorer. »

Si elle décidait de mettre ça de côté, cela voudrait dire qu’elle se laisserait posséder par ses sentiments ! Elle n’était pas aussi faible et ridicule au point de se laisser avoir par ces derniers, n’est-ce pas ?! HORS DE QUESTION ! Ce n’était pas ainsi que ça se passait ! Elle n’avait pas vécu plus de deux décennies comme ça pour se laisser avoir par … ses sentiments.

« Un seul moment de faiblesse … et tout se brise. »

Elle avait finit par déchirer la lettre d’un geste rageur. Elle avait lu la fin de celle-ci. Royan demandait des nouvelles … des autres … Elle allait lui répondre car il n’en était pas possible autrement mais … mais … Pas maintenant. Elle avait juste envie de se vider l’esprit. Elle regarda la bouteille qui traînait sur son bureau. C’était juste un petit remontant.

Mais une bouteille, quand on était seule, c’était d’une tristesse infinie. Elle regarda le verre à côté, finissant par le remplir d’un liquide violet avant de finalement le porter à ses lèvres. C’était doux, ce n’était pas un puissant alcool, ce n’était pas son but. Elle ne voulait pas finir ivre s’il n’était pas là. Elle finit par se positionner devant le miroir, s’observant longuement, le verre à la main.

« Pauvre fille, t’es devenue aussi désespérée que ça d’attirer le regard d’un homme ? »

Elle était là, en train de parler à son image qui se reflétait à l’intérieur du miroir. Elle était grande comme femme, ses bras et ses jambes laissaient paraître des muscles saillants, montrant par là des années de service dans l’armée de Shunter. Elle n’était pas aussi élégante et raffinée que d’autres. Elle n’avait pas un charme naturel comme Elen ou Elise. Les filles du peuple ou alors celles issues des familles nobles, avec leur bal et tout le reste, c’était une toute autre engeance qu’elle-même.

« Lorsque l’on est fille de roi et qu’on se doit de le succéder, on ne peut pas se permettre ces fantaisies, n’est-ce pas ? Je n’ai pas à chercher à envier les autres. »

Son seul atout féminin n’en était pas un. Oh … Par rapport à sa taille, elle n’avait rien à reprocher à sa féminité mais Elen avait presque les mêmes attributs pour bien vingt à trente centimètres de moins. Cela donnait alors l’impression qu’ils étaient plus imposants et …

« MERDE ! A QUOI EST-CE QUE J’EN SUIS REDUITE ?! »

Son poing s’était refermé, brisant le verre entre ses doigts avant de venir frapper contre le miroir, l’éclatant lui aussi en morceaux. Du sang se mélangea au liquide violet tombé au sol, des cris fusant de l’autre côté de la porte.

« REINE ! REINE MANELENA ! QUE SE PASSE T-IL ?! »

« Laissez-moi tranquille ! Que l’un d’entre vous m’emmène quelques bandages et une bouteille d’alcool pur ! Du coton aussi ! »

Elle n’avait pas besoin de se montrer ainsi aux soldats. Ce n’était pas ça … Ce n’était pas elle. Elle n’était pas aussi faible, elle n’était pas aussi … ridicule. Elle n’était pas ainsi. Ah … Ah … Ah … Elle devait tout simplement attendre que Tery se représente à elle. A ce moment précis, elle prendra les dispositions nécessaires pour régler ce conflit interne.

« Stupide … C’est stupide. Vraiment stupide. »

Elle se répétait ce mot en regardant son poing ensanglanté. Des minuscules morceaux de verre s’étaient plantés dedans mais voilà qu’elle serrait le poing avec encore plus de force, laissant paraître ses veines noires dessus. Toute sa main prit une couleur onyx, à son grand étonnement avant de retrouver une couleur plus normale … et surtout sans aucune marque de blessure. D’autres coups à la porte se firent entendre :

« Reine Manelena ! Reine Manelena ! Nous avons ce que vous vouliez ! »

« C’est bon … Appelez une servante avec un balai, il y a des débris de verre. »

Elle avait finit par ouvrir sa porte après avoir fait réapparaître son armure sur son corps. Ce n’était pas bien grave. Les soldats rentrèrent dans la pièce, observant les débris de verre et le miroir brisé alors qu’elle leur désignait ce dernier pour qu’il le sorte de la chambre. Elle avait devoir en trouver un autre. Une servante arriva quelques minutes plus tard, un balai en main, s’inclinant avec peur devant la reine.

« Je … Je … Où sont les morceaux de verre, je … »

« Faites le plus vite possible. Je ne veux plus les voir d’ici cinq minutes. Dès que vous aurez fini, vous pourrez disposer et prévenir que nul ne vienne me déranger. J’ai une lettre à écrire. »

« Comme … D’accord, reine Manelena. Je vais me dépêcher alors. »

Et que cela soit vite fait. Elle n’avait pas de temps à perdre avec toutes ces sottises. Elle avait beaucoup mieux à faire du reste de sa journée. Bien entendu, la servante n’était en rien responsable de l’état d’énervement de la femme aux cheveux argentés et celle-ci le savait bien. C’est pourquoi elle la laissait faire son travail sans la brusquer plus que ça.

Lorsqu’elle se retrouva à nouveau seule, elle était maintenant assise devant son bureau, sur une chaise, une plume en main dont la pointe avait été trempée dans l’encre. Il était temps de répondre à Royan, par courtoisie et surtout pour les questions qu’il avait posées à la toute fin de sa lettre. Ah … Des nouvelles d’Elen, n’est-ce pas ?

« Si seulement tout pouvait aller pour le mieux, j’ai de plus en plus de mal à me contrôler. »

Et ce qui était arrivé à sa main droite, ce n’était pas la première fois … mais ce n’était pas aussi intense. Depuis l’ouverture des portes démoniaques, ses lignes d’Alzar, elle avait du mal à les contrôler mais surtout, cette main entièrement noire, elle ne savait pas ce que c’était. Elle n’en avait aucune idée et elle évitait de montrer le fait qu’elle soit soucieuse.

« Bon … Donnons-lui des nouvelles de ce côté, c’est bien ce qu’il mérite. C’est la moindre des choses par rapport à la situation. »

Ridicule, c’était d’un ridicule. Elle avait encore perdu son calme. Cela arrivait à chaque fois qu’une petite partie de ses pensées était tournée vers Tery. Mais maintenant qu’elle avait vent de ce qu’il faisait, de l’endroit où il résidait, il allait être temps de se mettre en route, n’est-ce pas ? D’aller le cueillir lors de l’une de ses sorties à Traslord.

« Je vais plutôt prévenir Royan de ne pas le tuer, mieux vaut deux fois qu’une. »

Même si elle s’était promise de faire payer le jeune homme aux cheveux bruns, elle ne voulait pas que ça soit autrui qui lui inflige cette punition. Et Royan avait très mal accepté le départ d’Elise. La preuve en était avec cette guerre ouverte par rapport aux démons. D’ailleurs, elle allait devoir lui dire de faire attention au cas où.


Rien n’était moins sûr que ces derniers et ils n’avaient aucune idée de comment les démons vivaient en communauté dans ce monde souterrain. Ainsi, s’ils commençaient à montrer des signes belliqueux et qu’ils décidaient de s’en prendre réellement à Traslord, cela pouvait tourner très vite au désastre s’ils ne faisaient pas attention.

« Ce n’est pas à moi de lui dire comment gérer son royaume. »

Elle était très mal placée par rapport à ça. Shunter venait à peine de se relever de tout ce qui s’était déroulé ces dernières années. Que cela soit avec la guerre contre les autres royaumes, la rébellion, la mort du précédent roi, son intronisation. Tout cela était encore frais dans les têtes des citoyens et il était alors plus que difficile de tout résoudre en un claquement de doigts. C’était pour ça qu’elle prenait à coeur le fait de rendre visite aux villages sinistrés par la guerre, les frontières avec les autres royaumes et les rébellions.
C’était à elle de réparer les erreurs de ce royaume. C’était cela depuis le début. Elle avait toujours servi le royaume sans jamais penser à elle. Tery lui avait permis d’envisager autre chose, il lui avait dit d’exister pour elle, de réfléchir à ce qu’elle voulait faire pour sa propre vie. C’était pour ça qu’elle l’avait suivi, qu’elle avait décidé d’être encore à ses côtés. Ce qu’incarnait le jeune homme aux cheveux bruns, depuis son arrivée dans l’armée de Shunter, son insouciance, son envie de voyage, sa sincérité, sa … candeur. Tout cela était à l’extrême opposé de ce qu’elle avait été.
Elle avait toujours été quelqu’un de froid, renfermé, et cette armure noire qui paraissait sur son corps était comme un rempart autour de son propre coeur. Chaque adepte de Zélisia et Alzar possédaient une force qui lui était propre, qui le rendait unique. Cette armure était la preuve qu’elle s’était forgée comme une carapace autour d’elle. Une carapace que le jeune homme avait effritée puis brisée au fil des années passées à ses côtés.
Mais voilà, il n’était pas parfait, il avait montré des faiblesses, toujours plus de faiblesses. Il n’était qu’humain et son coeur l’était encore plus. Les cornes de démon avaient été sa principale préoccupation : le fait de ne pas être comme les autres, comme Elen, comme elle, comme Royan et le reste du groupe. Etait-ce juste cela ? L’arrivée d’Elise lui avait permis de se réconforter, de se dire qu’il n’était pas le seul à être différent mais qu’ensemble, ils pouvaient réussir à être comme les habitants de ce monde.
La mort de Clari. Cela avait été le début de la fin. Elle ne l’avait compris que trop tard. Elle n’avait pas été assez présente et les autres non plus. Tery était toujours là, à se préoccuper de ceux qui l’entouraient et chacun pensait qu’il se montrait assez fort pour surmonter la mort de Clari. Cela avait été sa plus grande erreur : elle n’avait rien compris. Elle n’avait pas saisi l’importance de Clari aux yeux du jeune homme. Elle avait été là … comme la grande sœur qu’elle représentait, cette chaleur accueillante et tendre, toujours là pour le soutenir. Elle avait été la plus proche du jeune homme, même Elen ne l’avait pas été autant.

Et sa mort avait laissé un vide que nul n’avait cherché à combler. Nul n’avait cherché à la remplacer car chacun estimait que ce n’était pas à eux de le faire, que personne ne voulait devenir sa grande sœur ou son grand frère. Tery … avait été le chef de la troupe, alors que chacun avait montré des capacités à être plus aptes que lui dans ce rôle. Les épaules du jeune homme n’avaient pas été assez solides.

Merde … Elle avait saisi la psychologie du jeune homme depuis le début, preuve de son attachement à ce dernier et cela l’enrageait. Au moment où il avait traversé les portes démoniaques, cela avait été une défaite. Non pas du jeune homme par rapport à ses origines, mais d’elle-même. C’était contre elle. Elle s’en voulait. Elle se haïssait car elle n’avait pas été assez courageuse dans les moments les plus importants de la vie du jeune homme.

Chapitre 15 : Une leçon à apprendre

ShiroiRyu
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Chapitre 15 : Une leçon à apprendre

« Elise … Elise … Comment est-ce que tu vas ? »

« Malgré la chaleur du soleil, je t’avoue que le moral n’est pas au beau fixe. »

Elle lui fit un petit sourire un peu attristé alors que le jeune homme aux cheveux bruns gardait la tête d’Elise sur ses genoux. Généralement, c’était l’inverse mais bon … En ce moment, ils faisaient tout à l’envers, n’est-ce pas ? Ils étaient adossés à un arbre, bien éloigna de l’endroit où ils avaient combattu. Ils étaient tranquilles … très tranquilles bien qu’ils étaient sur une île de Traslord.

« Qu’est-ce que … je dois imaginer exactement, Tery ? Dis … Qu’est-ce que … »

« Nous avons pris notre décision en notre âme et conscience, Elise. Nous allons retourner sous la surface, comme ce fût décidé et … »

« Mais … Et ensuite ? Est-ce que … nous reviendrons ? »

… … … Oui. Bien entendu, c’était ça qui préoccupait le plus la jeune femme aux cheveux auburn. Normal et logique. Ah … Bon, c’était à lui de prendre cette décision ? Et il ne connaissait même pas correction la réponse, pourtant …

« J’ai envie que l’on revienne à la surface, toi et moi. Donc, je penses que nous le ferons, d’accord ? Qu’est-ce que tu en dis ? »

« Ca me convient parfaitement ! On se relève et on retourne dans l’obscurité ? » dit-elle tout en se redressant, le jeune homme rigolant grandement devant l’excitation de la jeune femme.

« On n’a pas vraiment le choix de toute façon. Je me demandes juste comment on va expliquer tout ce qui s’est passé, tu as une idée ? »

« Pas le moins du monde. On n’aura qu’à dire la vérité. De ce que j’ai cru remarqué, les démon sont sans importance aux yeux des autres. C’est à se demander s’ils s’apprécient vraiment … Ou comment est-ce qu’ils font pour vivre ensemble en communauté. »

Elle marquait un point. Entre ceux qui se dévoraient, les autres qui préféraient délaisser leurs compagnons et tout le reste, il avait l’impression d’être … bizarre parmi les démons. Cette impression, il l’avait déjà eut à la surface mais donc, où est-ce que sa place était réellement dans ce monde ? Si même sous la surface, il n’était sûr de rien ?

« Bah, de toute façon, que ça leur plaise ou non … Enfin, au final, on est venu à la surface pour faire quoi ? Tu as une idée ? »

« Ce n’était pas notre rôle d’explorer les environs ? Tout ce que l’on peut savoir, on n’a qu’à le dire, non ? Que nous sommes à Traslord et tout le reste. »

« Tery, si ça ne dérange pas, si on peut éviter de donner le nom de Royan … et du pays. On peut signaler que nous avons été attaqués et peut-être d’ailleurs récupérer une ou deux choses sur ces soldats mais à part ça … »

Hum. Malgré la colère et tout le reste, elle voulait jouer la carte de la sécurité en vers Royan. Un sourire se dessina sur ses lèvres car il pensait exactement la même chose qu’elle par rapport à Manelena. Enfin bon … cette dernière n’était pas au courant de tout ça.

« D’accord, il n’y a aucun problème pour moi. » dit-il doucement. Est-ce que la jeune demoiselle était rassurée maintenant ? Un hochement de tête lui fait signaler que lui. Ils retournèrent auprès des cadavres. Quelques oiseaux traînaient autour d’eux mais visiblement, personne n’était encore venu les trouver. Hum … Qu’est-ce qu’ils pouvaient apporter ? Peut-être une arme … et une armure ? Un peu de monnaie aussi.

« Je crois que c’est bon de mon côté, Tery ! »

« Pareil du mien, Elise. J’imagine qu’ils devront se contenter de ça. C’est mieux que de perdre complètement une patrouille, non ? »

Il marquait un point qu’il était difficile d’ignorer, hahaha. Le moral était un peu mieux depuis qu’ils avaient profité du Soleil. D’ailleurs, il allait leur manquer … bien qu’aucun des deux n’osait le dire. Ils se dirigèrent vers « l’entrée » qu’ils avaient prise auparavant avec le reste du groupe, Elise s’arrêtant quelques instants.

« Tery … C’est promis hein ? Que toi et moi, nous reviendrons. »

« Je ne fais pas de promesses que je suis incapable de tenir. » dit-il, Elise faisant une petite mine désabusée en l’entendant. Elle ne s’attendait pas vraiment à une réplique de la sorte. « C’est pourquoi, je peux te confirmer que oui, nous reviendrons à la surface. »

« Je préfère cette phrase, elle me plaît bien plus. »

« Je n’en doute guère, mademoiselle ma petite sœur Elise. » termina de déclarer le jeune homme en s’inclinant un peu gauchement en sa direction.

« Ohla, ohla, sir mon frère Tery, veuillez ne point faire de tels gestes à mon encontre, je … Raaaaaaah ! C’est trop difficile et surtout, j’ai l’air bien ridicule ! »

« Héhéhé, quand on a pas l’habitude de parler ainsi, c’est tout de suite plus dur, oui. »

« J’ai remarqué ça, Tery … Humpf. Bref, ce n’est pas bien grave ! Je me chargerais de tout ça autrement, hahaha ! Bon … On y va ? »

Comme ils n’avaient plus rien à faire, c’était le meilleur choix possible. Ils retournèrent dans la fameuse grotte par laquelle ils étaient passés, Tery faisant attention où ils mettaient les pieds. Comment est-ce que les autres démons allaient réagir en les voyant revenir ? De ce qu’il avait compris, ce n’était pas comme s’ils trouvaient ça vraiment intéressants hein ou qu’ils s’inquiétaient à leurs sujets.


C’était tout le contraire. Ils n’étaient que du bétail, de la chair à canon. Ils ne se préoccupaient pas de ce qui pouvait leur arriver. A partir de là, ils n’en avaient strictement rien à faire … et ils n’avaient même pas à s’intéresser à leurs survies. S’ils mouraient, ils avaient qu’à envoyer une autre troupe … mais s’ils revenaient vivants ? C’était compliqué !

Hum … Le mieux était peut-être de voir et attendre ce qui allait arriver, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui allait leur tomber dessus, etc ? Le jeune homme aux cheveux bruns était maintenant songeur mais ce n’était pas le moment de trop penser à tout ça. Ils avaient encore beaucoup à faire normalement, n’est-ce pas ?

Quoi donc ? Et bien … Tout simplement le fait que toute cette histoire était spéciale en un sens. Voilà qu’il avait placé sa main sur celle d’Elise, pour la prendre doucement en la serrant tout en pénétrant à l’intérieur de la grotte. Il observa brièvement les environs, regardant pour éviter d’être pris à défaut.

« Hum … Ca n’a pas vraiment changé, je trouve. »

« Tery, nous sommes partis quelques heures, pas des années, tu ne pensais quand même pas que tout allait se modifier juste pour notre bon plaisir ? »

« Non non, pas du tout hein ? Je ne pensais pas ça, il ne faut pas exagérer non plus, Elise. Hum … Alors, si je ne me trompes pas, le chemin à prendre est lequel ? »

Voilà une bêtise. Vu qu’ils étaient les uniques survivants, lui-même n’était pas sûr de se rappeler du chemin à suivre pour rentrer parmi les démons. Il regarda Elise, espérant qu’elle-même s’en rappelait, la jeune femme poussant un léger soupir amusé avant de dire :

« Bon, visiblement, c’est à moi de te guider, n’est-ce pas ? Alors, ne t’en fait pas, accompagnes-moi et nous pourrons revenir chez … les nôtres. »

« Je préfère que l’on évite d’utiliser ce terme pour les définir, s’il te plaît. »

Elle pensait pareil … mais elle n’avait pas vraiment réussi à s’en empêcher. Qu’on le veuille ou non, ces personnes étaient comme eux. A partir de là, difficile d’envisager autre chose à son grand désarroi. Après plusieurs minutes de marche dans cette grotte, guidé par Elise, ils finirent par retrouver ces grandes portes gardées par plusieurs démons.

« HEY ! VOUS ! Ne vous approchez pas ! Un seul faux mouvement et on vous élimine ! Vous comprenez notre langage ou non ? Attention ! »

« Nous sommes des démons, comme vous ! Cela ne se voit pas à nos cornes ? » hurla Elise tout en désignant le sommet de son crâne, Tery faisant de même de son côté. Les gardes étaient maintenant complètement perturbés, s’écriant :

« Que que … quoi ? Des démons ? Vous plaisantez ! Aucun démon n’est jamais arrivé de l’extérieur ! On ne tombera pas dans ce piège ! »

« Ce n’est pas un piège, bande d’idiots ! Laissez-nous nous approcher et vous finirez par nous reconnaître ! Nous étions avec le groupe parti il y a de cela une demi-journée voire un peu moins ! Vous êtes des imbéciles ou quoi ? »

Le ton un peu pédant de la part d’Elise le fit sourire légèrement. Elle ressemblerait presque à une petite princesse issue d’une monarchie ancienne et très nombriliste. Enfin, là, il savait surtout que c’était parce qu’elle était agacée après tout ce qui venait de se passer.

« Hum ? Restes en arrière et prépares-toi à agir s’il le faut. »

« Ouais ouais, fais attention au cas où. Ca serait bien la première fois que des personnes reviennent par ici … enfin plus d’une. Et ça ne ressemble pas à la voix du type de la dernière fois. Elle a l’air plus … féminine. »

« Car je suis peut-être une fille ? J’ai vraiment l’impression d’être tombée sur deux idiots. »

Elle n’aimait pas être vulgaire inutilement mais ces deux hommes arrivaient à lui taper sur les nerfs. Elle regarda le soldat cornu qui s’approchait d’eux, fronçant les sourcils avant de fixer plus longuement Tery, s’exclamant comme s’il venait de faire la découverte du siècle :

« AH ! Tu es le démon qui est capable d’invoquer les golems ! On en avait parlé avant que vous traversiez par ici ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Les autres sont … »

« Tous morts, c’est exact. On a rien put faire de leur côté. On a été pris au piège par plusieurs hommes en armure issu visiblement d’un royaume à la surface. »

« Merde, encore un groupe qui disparaît. Ils peuvent … pas faire plus attention ces type ? Heureusement que c’esr un vrai dédale pour arriver jusqu’ici, j’aimerai pas tomber sur ces à êtres à la surface. Ils semblent super dangereux. Bon, ben … Venez, on va vous ouvrir et on a une soigneuse qui devrait pouvoir se charger de vos blessures. »

« Ce n’est pas de refus vu nos état, à moi et à ma sœur. » compléta Tery, ses épaules s’affaissant. Au moins, tout ça était réglé de ce côté, n’est-ce pas ?

Là-bas, une femme cornue, comme le reste de la race, s’était mise à les étudier de part et d’autres. Pendant ce temps, ils ouvraient leurs sacs, montrant ce qu’ils avaient récupéré. La femme parut surprise, disant d’une voix enjouée :

« Vous savez que ce que vous avez trouvé est rarissime ? De nombreux démons vont s’intéresser à ces alliages et autres ! Mes félicitations ! »

Vraiment ? Pourtant, tout cela ressemblait à de « banales » armures. Oh, la qualité était quand même là, vu qu’il s’agissait d’armures utilisées par des gardes oeuvrant pour le roi de Traslord et non pas un banal noble mais quand même …

« Tant mieux alors, n’est-ce pas ? Mais je ne sais pas si je devrais me féliciter que beaucoup d’entre nous soient morts pour ça. »

« Considérez cela comme un sacrifice nécessaire. Ce que vous venez de récupérer, il y a de très fortes chances que cela ait des répercussions dans le monde souterrain. Peut-être que vous aurez des autorisations pour de plus grandes villes ! »

Des autorisations ? De plus grandes villes ? Qu’est-ce que cela voulait dire ? Est-ce que malgré les quatre mois passés sous terre, ils étaient encore bien loin de connaître tout au sujet du monde des démons ? Il y avait visiblement de grandes chances que ça soit le cas. Peut-être qu’une simple armure et une arme … allaient changer tout ce qui se passait autour d’eux. Mais pour l’heure, ils allaient devoir se reposer pour soigner leurs plaies.

Dans un palais constitué en grande partie de glace, plusieurs soldats étaient disposés de part et d’autre dans ce qui semblait être une imposante salle du trône. L’un d’entre eux, un genou au sol, commençait à balbutier devant un être assis sur un siège devant lui.

« C’est donc toi qui a perdu toute la patrouille qui t’accompagnait pendant une simple mission de surveillance, c’est bien cela ? »

« O… Oui, monarque Royan ! Mais mais … Je ne dirigeais pas cette patrouille ! Je … Je n’étais qu’une simple personne, rien d’autre ! »

« Il n’est pas question de simple personne ou soldat. Que s’est-il passé exactement ? Avoir une audition avec moi n’est pas à prendre à la légère, je pense que tu t’en doutes, non ? »

« O… Oui, bien entendu ! Je … Ces démons, ils semblaient savoir qui vous étiez. Ils semblaient connaître, contrairement aux autres, notre monde ! Ils étaient étranges, vraiment très étranges ! Et vous aviez donné des consignes par rapport aux patrouilles et … »

« Il vaut mieux pour toi que tu te calmes. Tu perds ton sang-froid. Il ne t’arrivera rien de mal maintenant que tu as réussi à survivre à cette rencontre. »

La voix n’était nullement douce ou apaisante. Non, elle était froide, sèche et glaciale. Pour autant, le soldat était maintenant bien plus tranquille, prenant de profondes inspirations, comme pour retrouver son souffle alors que le jeune homme assis sur son trône ne bougeait pas de son emplacement, reprenant la parole :

« Ces démons, est-ce qu’ils avaient quelque chose de spécial ? Lorsque tu as donné le nom d’Elise ? Comment est-ce qu’il ont réagit ? »

« Je … C’est ça justement ce dont je devais vous parler ! Il y avait une jeune femme qui prétendait s’appelait Elise ! »

« Elise ?!  … Hum. » commença à dire l’homme aux cheveux bleus, s’étant légèrement penché en avant sur son trône avant de reprendre : « A quoi est-ce qu’elle ressemblait ? »

« Et bien, comme les autres démons rencontrés, elle avait des cornes sur le crâne mais elle était pas vraiment grande non plus. Elle avait des cheveux auburn d’ailleurs. Et c’était une vraie furie après quelques minutes ! »

« Comment est-ce qu’elle combattait ? Y a t-il d’autres détails que tu peux donner ? »

« Euh .. Oui, bien entendu. Je peux en donner des détails. Y a aucn souci. Alors, elle combattait principalement avec des flammes. Uniquement des flammes même ! Par contre, je ne connaissais pas ce genre de magie de feu mais elle a réussi à devenir une sorte … d’entité flamboyante, c’était étrange et effroyable en même temps ! »

« Une entité flamboyante … donc elle maniait principalement le feu. Hum … Y a t-il d’autres détails qu’il faut que tu me révèles ? »

« L’HOMME ! Il y avait un autre démon avec elle, aussi puissant que cette démone ! »

« Un autre démon ? Aussi puissant ? Est-ce pour cela que votre patrouille est morte ? »

« Non, lui-même, il semblait étrangement calme et un peu bizarre. Enfin, il ne se comportait pas vraiment comme les autres démons. C’était presque déplaisant en fait ! »

« Des détails, toujours plus de détails. Tu es dans une salle du trône, tu es devant ton roi, penses-tu vraiment qu’il est bon pour toi, dans ton état, que de lui faire perdre son temps ? »

Le roi Royan ? Celui qu’on disait impassible en toutes circonstances depuis son retour à Traslord, était agacé ? Il … Il valait mieux ne pas trop provoquer sa colère ! Ce n’était vraiment pas une bonne idée, loin de là ! Non non !

« Je … Ce démon. Il savait invoquer des golems ! Ces grosses créatures de pierre ! Elles lui obéissaient au doigt et à l’oeil, comme si de rien n’était ! AH ! Il y avait autre chose aussi ! Il m’a dit une phrase vraiment très étrange. »

« Un invocateur de golems, je note, je note. Et c’est quoi ? »

« Il m’a dit de vous dire de prévenir Manelena, la reine actuelle de Shunter. Je n’ai pas vraiment compris pourquoi mais … il semblerait qu’il la connaisse. »

« Et plus encore. C’est bien, tu peux disposer. Les soigneurs royaux vont s’occuper de tes blessures et tu recevras une bourse pour m’avoir emmené ces informations ainsi qu’une permission pour te reposer quelques semaines de tout ce que tu as vécu. »

« Me… Merci, roi Royan, vous êtes trop bon ! » s’exclama le soldat, ne s’attendant visiblement pas à une telle reconnaissance de la part du roi.

Voilà maintenant que le soldat s’éloignait d’une démarche rapide, évitant de montrer la joie sur son visage. Il avait réussi à voir le roi, il avait été récompensé par ce dernier et cela malgré l’échec de la patrouille. Cette personne nommée Elise devait vraiment être importante. Et l’homme démoniaque qui l’accompagnait sûrement autant !

« Je vais aller me reposer dans ma chambre. Que l’on me ramène de quoi écrire et qu’on me préparer des enveloppes, j’ai à écrire. Il faut des enveloppes royales. Ces lettres doivent partir le plus tôt possible. »

Le jeune homme aux cheveux bleus avait fini par se redresser sur son trône, se levant de ce dernier avant de faire quelques pas. Tous posèrent un genou au sol, une main sur le cœur alors qu’il ne détournait pas son regard de l’imposante double porte faite de glace qui s’ouvrit pour le laisser passer.

Aucun regard sur les soldats, aucun regard sur les nobles, rien du tout. Il semblait tout simplement plongé dans ses pensées alors qu’il finissait par arriver à la chambre royale, là où il dormait maintenant depuis plusieurs mois. S’installant tout de suite à son bureau, il attendit patiemment de recevoir le nécessaire pour mettre sur papier ce qu’il venait d’apprendre. Dès que ce fut le cas, il poussa un soupir avant de chuchoter :

« Pourquoi … est-ce qu’il a fallut que ça se passe ainsi ? »

Pourquoi est-ce que maintenant, ils font leurs apparitions ? Mais en même temps, c’est ce qu’il désirait, n’est-ce pas ? C’est ce qu’il avait cherché. C’est pour ça qu’il avait envoyé tous ces soldats devant les nombreuses grottes qui étaient mystérieusement apparues avec l’ouverture des portes démoniaques. Ces fameuses portes démoniaques …

« Elles sont constamment sous surveillance et … Omnosmos ne veut pas que l’on envoie des personnes là-bas. Pourtant, ça serait la meilleure chose à faire. »

Mais à Omnosmos, aucun royaume n’avait figure d’autorité. Les seuls qui étaient aptes à prendre des décisions étaient les archimages des différentes nations. Et aucun n’oeuvrait exactement pour un pays, non, Omnosmos était vraiment à part.


« Bon, est-ce qu’il arrive ce papier ou je dois me déplacer pour aller le chercher ? »

Il devait envoyer un message à Manelena. Il sait qu’elle ne sera pas ravi d’apprendre que Tery … lui signalait qu’il était encore en vie. Dire que l’actuelle reine de Shunter était en train de reconstruire son royaume … mais aussi travaillait à quelque chose de plus personnel. Vraiment …

« Comment est-ce que tout a pu dégénérer aussi mal ? Comment ? »

Tout ça à cause de cette voix dans la tête de Tery. Tout ça à cause de son aspect démoniaque. Cela faisait des années qu’il parcourait le monde avec Elen, Tery, Manelena et les autres … mais tout avait changé avec la mort de Clari. Il en était certain, c’était ça qui avait affecté et fragilisé Tery à ce point. C’était à partir de cet instant que leur groupe s’était brisé.

« Manelena elle-même ne veut pas le montrer. Moi aussi, je dois me montrer plus fort, encore plus fort que ça. Je dois être … plus fort. »

« Roi Royan ? Puis-je entrer ? J’ai le nécessaire que vous désiriez. »

« Entrez donc … Entrez donc. Déposez tout cela sur mon bureau et vous pouvez disposer. »

Il n’allait pas se montrer sympathique. Ce n’était pas utile … dans un tel moment. Ce n’était pas nécessaire, dans une telle situation. Il regarda brièvement la servante qui venait de lui donner ce qu’il voulait, remarquant sa chevelure rougeoyante.

… … … Ah oui, bien entendu. Il valait mieux pour lui qu’il reste concentré sur son objectif et qu’il ne se préoccupe pas du reste. Il la laissa partir, se retrouvant à nouveau seul dans la pièce. Il … fallait écrire … et peut-être aussi prendre quelques nouvelles.

« Tout le monde ne parle plus à tout le monde et depuis ce jour, elle est brisée … »

Ce n’était pas lui, ce n’était pas Manelena. Eux deux avaient souffert mais une autre personne avait été touchée encore plus profondément, au coeur même de son existence. Cette personne se trouvait dans le royaume de Shunter, dans le village de Leskar. Assise sur un fauteuil à bascule, une femme aux cheveux blonds, le ventre légèrement arrondi, avait le regard bleuté perdu dans la vague. Elle ne bougeait pas de cette position, les mains déposées sur la petite couverture recouvrant ses jambes. Comme une poupée dénuée d’âme.

Chapitre 14 : Un seul nom

ShiroiRyu
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Chapitre 14 : Un seul nom

« Alors, votre décision ? Vous avez fait votre choix sur la façon de mourir ? »

« Je crois qu’on va faire une petite entorse à la règle. On ne va laisser aucun d’entre vous vivants, ça sera bien mieux pour tous. Le roi Royan n’a pas besoin de connaître votre existence, même s’il y a des chances que ce que vous disiez soit vrai. »

Tery hocha la tête négativement avant de soupirer. Bien entendu, il fallait que ça se passe ainsi, hein ? Il fallait absolument que ça se termine de la sorte ? Il regarda Elise d’un air désabusé, comme si vraiment, elle aurait put faire un simple effort par rapport à tout ça. Mais non, elle semblait être enflammée aussi intérieurement.

« Puisqu’il en est ainsi, autant dire que je vais devoir combattre moi aussi. Bref … Venez tous en même temps, vous aurez peut-être une chance de survivre alors. »

Il regarda l’état de son golem, se disant que malheureusement, celui-ci n’allait sûrement pas tenir très longtemps, hein ? Mais bon, il avait déjà bien combattu et heureusement pour lui, il n’avait pas entendu de voix de sa part. Il se rappelait de cette scène à Omnosmos et … brrr ! Non, il valait mieux ne plus y penser. Songer à Clari n’était pas une bonne chose. Il voyait parfaitement ce que la colère emmenait comme résultat à l’heure actuelle.

« Je ne vais pas finir comme Elise. Il faut que je garde la tête froide en toutes circonstances. »

« Qu’est-ce que tu dis, Tery ? Je peux savoir pourquoi tu marmonnes dans ta barbe ? »

« Rien rien, Elise, rien du tout. Tu ferais mieux de te concentrer sur nos adversaires, on ne sait pas ce qu’ils encore en réserve. Peut-être qu’ils ont un plan contre nous ! »

« Ouais, ouais … Ces types là ? Tu peux les considérer comme morts et enterrés. On en gardera un en vie pour qu’il puisse transmettre un message à Royan. »

A Royan … Si dans ce message, il pouvait aussi prévenir Manelena, ça serait une bonne chose. Il n’était pas certain que Sérest et Séran voulaient vraiment des nouvelle. En fait, il n’était pas convaincu que Manelena aussi pour tout dire.

« Ah … Qu’est-ce que c’est vraiment compliqué les relations sociales, je vous jures … »

Il avait dit cela en marmonnant alors que le combat venait de reprendre de plus belle, encore plus violent, encore plus sanglant. Mais cette fois-ci, tous étaient focalisés sur Elise, cherchant à l’atteindre par leurs lames, magies et flèches. Et lui dans tout ça ? Il était superbement ignoré ou presque. Pas que ça soit déplaisant mais vu qu’il s’était promis de garder Elise en sécurité ou du moins, de la protéger plus qu’il n’en faut, autant dire que ce n’était pas vraiment la meilleure chose qui soi, ce qui se passait actuellement.

« Elise, prends garde à leurs attaques, je n’ai pas à te le répéter normalement ! »

« Alors pourquoi est-ce que tu me le dis, Tery ? Je peux aisément me charger d’eux ! S’il le faut, tu n’as qu’à rester en arrière si tu es tout simplement incapable de combattre correctement ! » rétorqua alors qu’il était maintenant estomaqué. HEY ! Il voulait l’aider !

« Depuis quand tu me fais une telle remarque, je peux savoir ? »

« Depuis que tu as l’air ennuyé par des types qui sont au service de Royan, d’après ce qu’ils prétendent ! Royan n’aurait jamais fait ça ! JAMAIS ! »

Ouais, c’était elle qui était perturbée dans l’idée. Maintenant, il ne voulait pas se bercer d’illusion. Il voyait difficilement comment arranger les choses … sauf s’il forçait la jeune demoiselle à s’évanouir, ce qui n’était pas conseillé à l’heure actuelle. Non, vraiment, le mieux était de ne plus faire trop durer le combat.

Lorsqu’il sera terminé, il espérait juste que cela permettra alors à Elise de retrouver son calme et ensuite de raisonner plus correctement. En un sens, il pouvait la comprendre. Comment … est-ce qu’il réagirait s’il savait que Manelena enverrait l’armée de Shunter à ses trousses ? En fait, non, c’était pas du tout la même chose.

Manelena, il était au courant qu’elle voulait sa mort. C’étaut même la promesse qu’elle lui avait fait avant qu’il ne choisisse de traverser les portes démoniaques. Mais cette fameuse promesse avait été dite sur le moment de la colère et de la rage. Sauf que Manelena, contrairement aux apparences, était une femme très sensible.

Elle était forte, terriblement forte. Elle était indépendante, elle était unique, elle était remarquable. Elle avait des défauts comme tout le monde mais c’était ça qui la rendait … AAAAAAAAAH ! NON ! Ce n’était pas le moment de se rappeler ça ! D’un geste rageur, voilà qu’il ordonna à son golem de frapper droit devant lui.

Celui-ci vint obéir à l’ordre de son maître, se déchaînant avec une certaine violence pour éliminer les trois soldats qui se trouvaient sur son chemin. La bataille, malgré les apparences, n’était pas si aisée que ça mais au fil des minutes qui s’écoulaient, ils prenaient peu à peu l’ascendant dans le combat et donc, ils pouvaient … obtenir la victoire.

« Vous avez votre compte ou vous … quoi ? Y a plus personne en fait ? »

« Bien sûr que non, Elise ! Tu n’as même pas réfléchit à ce que tu faisais ! Ils sont quasiment tous morts ! Regardes-moi ça ! »

Il lui faisait la morale mais il n’était pas franchement mieux. Oui, elle pouvait regarder les dégâts causés. Des trous un peu partout, des cadavres, pas forcément entiers, la plupart calcinés, jonchaient le sol. Et lui-même avait finit par faire disparaître son golem après l’avoir remercié. Même si ça ne servait à rien de discuter avec lui, il trouvait cela … normal.

« Oui, c’est bon, ils ont leurs comptes mais en même temps, quelle idée que de vouloir absolument me chercher les ennuis. Sincèrement, ils ne pensent pas que j’ai mieux à faire ? Mais surtout, on est venus retrouver la surface après tout ce temps et voilà le résultat ? »

« Disons que le fait que cet endroit soit un peu cramé, ce n’est pas de leur faute à eux hein ? C’est toi … même si je préfère te voir sous ton apparence normale. D’ailleurs, c’était quoi ça ? C’est la première fois que je te voyais sous cette forme. Tu peux me dire ? »

« Je ne sais pas, moi ! J’ai pensé à ça pendant le combat et … non rien. »

Et ? Non rien ? C’était en parlant de la sorte qu’elle devait se douter qu’il allait sûrement vouloir des informations en plus hein ? Mais bon … Pour l’heure, il regardait plutôt les dégâts. Il n’y avait plus qu’eux … et un démon salement blessé. A côté, parmi les soldats, sur les trente, il n’en restait plus que cinq dans un état assez … grave mais pas mortel.

Ah … Voilà ce qu’ils obtenaient à force de les chercher, hein ? Ils étaient les uniques responsables de leur état. Ils ne pouvaient s’en vouloir qu’à eux-mêmes. Mais bon, ce n’était pas une raison pour cautionner les agissements d’Elise et il comptait bien le lui rappelait. Mais pour l’heure, ils allaient devoir interroger une personne ou deux … même s’il avait déjà la sensation que tout cela allait être parfaitement inutile.

« Bon bon bon … D’après ce que je vois, t’as l’air d’être le seul en bon état. »

Hum ? Qu’est-ce que Elise était en train de dire exactement ? Il se tourna vers elle, juste à temps pour voir qu’elle soulevait l’un des soldats de Traslord avec une aisance certaine, et cela malgré le fait qu’il portait une armure sur le corps.

« Quant aux autres, ils sont donc parfaitement inutiles. »

« Elise, tu ne comptes quand même pas … »

Mais il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que tout était déjà lancé. Avant même qu’il ne puisse agir, il remarqua des halos de feu qui entourèrent les quatre soldats encore au sol, leur arrachant un hurlement de désespoir entremêlé de douleur avant … qu’il ne reste plus rien d’eux. Tery tourna son regard vers Elise, furieux avant de crier :

« Ils étaient impuissants ! Tu pouvais les laisser vivre ! »

« Tery, je te rappelles ce que l’on a vécu ces derniers mois ? Et ce qu’ils comptaient faire de nous ? Ils n’auraient laissé qu’un seul d’entre nous en vie ! Je n’ai fait que leur rendre la … »

« Pareille ? C’est ça ? Tu veux donc dire qu’on est pas mieux qu’eux dans le fond ? »

« Je n’ai pas dit ça ! Pourquoi tu veux me faire passer pour fautive ? »

« Car c’est pourtant le cas. Enfin bon … Ce qui est fait est fait et on ne peut pas revenir en arrière malheureusement et … Quoi ? Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ? »

« Car je remarques que tu préférerais l’idée de les savoir en vie plutôt que moi-même. »

« Hein … Mais … Non, ce n’est pas ça … Ce n’est pas ainsi que je voulais dire, Elise. Hum, bon, on va plutôt se concentrer sur le plus important. Ce type là. »

Il venait de désigner l’homme qui avait été remis debout. Sans aucune arme, haletant, salement blessé, il allait survivre bien que ce n’était pas certain. Mais surtout, il avait perdu toute lueur combative dans son regard. Il n’allait pas oser s’en prendre à eux.

« Déjà, il peut se féliciter. Ça sera le seul encore en vie après tout ça. Peut-être que ça servira de leçon aux autres soldats de Traslord qui devaient se croire intouchables. »

… … … C’était bien lui qui venait de prendre la parole pour dire ça, n’est-ce pas ? Il ne valait pas mieux qu’Elise s’il se comportait de la sorte. Maintenant, Elise était redevenue normale et il s’était rapprochée d’elle. La voyant mécontente, il lui murmura :

« Tu devrais aller voir comment va l’autre démon encore en vie, si tu peux l’aider ou non. »

« Ca vaut mieux, Tery. Surtout après tout ce que tu as dit et fait … »

Dit et fait, ce n’était pas comme s’il avait commis un crime non plus hein ? Il ne fallait peut-être pas trop exagérer. Mais bon, il comprenait que la jeune femme aux cheveux auburn lui en voulait par rapport à tout ça . Surtout que oui, ces soldats de Traslord ne méritaient aucun traitement de faveur, surtout après leurs actions. Mais … ils étaient différents d’eux.

« Bon, maintenant qu’elle est partie, par quoi est-ce que l’on va commencer ? »

« Vous allez m’amputer d’un membre, c’est bien ça ? Vous allez m’arracher un œil et … »

« Wowow … C’est quoi ça ? Je peux savoir pourquoi tu t’imagines de tels trucs ? On donne vraiment l’impression d’être des bêtes sauvages ou quoi ? »

« Ne vous moquez pas de moi ! Je ne tomberai pas dans ce piège ! Le roi lui-même nous a dit qu’il avait perdu quelqu’un de proche à cause des démons ! C’est pourquoi il a décidé de prendre enfin le trône après tout ce temps ! »

« Je croyais qu’il était déjà roi … ou qu’il ne l’était pas encore. Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Il ne l’est pas encore ! Son intrônisation ne se fait pas parce qu’il en a envie mais après plusieurs mois voire années. Il y a beaucoup de choses à régler. Il a été absent si longtemps ces dernières années qu’on … et pourquoi est-ce que je vous raconte ça ? »

« Car en un sens, tu sais pertinemment que tu n’as pas vraiment le choix, n’est-ce pas ? »

Il avait fait un petit sourire mauvais au soldat, celui-ci venant se raidir d’effroi. Et c’était la femme qu’ils avaient affronté ? Qu’est-ce que ça donnait si ce type se mettait vraiment en colère ? A quoi est-ce qu’il ressemblerait ? Tery reprit la parole après quelques secondes :

« Bref, de toute façon, toi-même, tu vas pouvoir survivre … comme dit. De base, si vous n’aviez pas cherché à nous agresser et nous tuer ça se serait passé autrement mais des fois, vous ne voulez pas comprendre quelques leçons des plus élémentaires. »

« Vous allez … vraiment me laisser vivre ? Et en un seul morceau ? »

« Je peux toujours te dépecer une partie du corps mais pour l’heure, je n’en vois pas d’intérêt et j’imagine que tu as une famille, n’est-ce pas ? Alors, on va éviter ça … mais bon, tu peux te considérer chanceux et tu le sais parfaitement, non ? Mais pour ça, si tu veux garder ta chance, il va falloir que tu transmettes clairement ce message au roi Royan. Si tu te trompes ne serait-ce que d’une seule parole, il se pourrait bien que je revienne pour t’achever personnellement. Est-ce que tu as bien saisi mes propos ? S’il faut, je peux me répéter mais je suis sûr et certain que ce n’est pas ce que tu veux, n’est-ce pas ? »

« Le … Le message est bien passé. Dites plutôt ce que je dois signaler au roi … mais je ne suis pas sûr qu’il accepte de me voir. »

« Oh, je pense qu’il acceptera. Tu vas dire que tu as vu Elise. N’oublie pas de la décrire. Elise, c’est la jeune femme que tu vois là-bas. Comme tu peux le remarquer, elle est assez jeune encore. Elle a des cheveux auburn, des cornes de démon et surtout, elle semble parfaitement maîtriser la magie du feu. Ce sont autant de détails que tu pourras donner. »

« Et … Et vous, comment est-ce que je dois vous appeler ? »

« Pas besoin de dire mon nom, il vaut même mieux ne pas le donner. Dites plutôt au roi Royan que nous sommes enfin revenus à la surface même si ce n’est que pour un bref instant. Dites-lui aussi de prévenir la reine Manelena. Pas besoin de faire cette tête hein ? Vous pensiez que nous étions tous des démons non cultivés ? Vous vous trompez complètement à notre sujet et cela depuis le début … mais ce n’est pas bien grave. Dites au roi Royan que cet homme qui accompagnait Elise était capable de créer des golems et dites-lui de prévenir la reine Manelena à ce sujet. La reine … d’ailleurs. Comment est-ce qu’elle va ? »

Le visage du soldat écarquilla plusieurs fois les yeux comme s’il ne comprenait guère la question que Tery venait de poser. Celui-ci poussa un léger soupir avant de faire un mouvement de la main, disant :

« Ce n’est pas bien grave. Tu peux oublier ma question. Simplement, qu’elle soit prévenue à mon sujet. Je sais qu’elle dirige le royaume de Shunter et elle doit savoir qui je suis. »

« Mais votre nom ? Je n’ai donc pas à le dire en fin de compte ? Mais elle vous connaît ? Qu’est-ce que cela changera exactement ? »

« Tu n’as pas vraiment besoin de le savoir. Maintenant que tu es au courant de tout, tu peux t’en aller, n’est-ce pas ? Tu n’as pas besoin de moi … »

« Je … Je vais le faire mais … je n’arrive pas à saisir ce que vous êtes vraiment … ou du moins, ce que vous cherchez vraiment dans le fond. »

« Tu n’es pas obligé de le savoir, deuxième fois que je me répètes. Mais contrairement à ce que ton roi te fait croire, tous les démons ne sont pas des monstres. Bon … Tu peux y aller et surtout, ne t’avises pas de revenir pour tenter de nous chercher et nous tuer. Nous ne serons plus là de toute façon. »

Il avait dit cela avec une certaine nonchalance avant de voir l’homme faire quelques pas en reculant avant de s’éloigner, tout simplement. Bien … Voilà une bonne chose qui était faite. Maintenant, est-ce qu’Elise … Hum ? Devant la mine dépitée qu’elle avait au visage, cela voulait dire que ce n’était pas une bonne nouvelle, n’est-ce pas ?

« Il est mort … quelques instants après que je me sois rapprochée de lui, Tery. Nous ne possédons pas les lignes de Zélisia et donc … pour soigner … »

« Sur ce coup, tu n’as pas à t’en vouloir, Elise. Tu n’es pas responsable de sa mort mais … est-ce qu’il allait bien ? Comment est-ce qu’il se comportait ? »

« Hum ? Pourquoi tu me demandes ça ? Il était au seuil de la mort, comment voudrais-tu qu’il réagisse exactement hein ? »

« Je ne sais pas justement, Elise ! C’est bien pour ça que je te poses la question ! Est-ce qu’il paraissait soulagé ou autre ? Satisfait ? Heureux ? »

« Mais pourquoi tu me questions comme ça ? Comment est-ce que je suis censée le savoir, Tery ? Je ne l’ai pas interrogé ! »

« Non … Pour rien … Simplement, tous les démons ne sont pas des monstres assoiffés de sang, contrairement à ce que les gens veulent croire. »

« Disons que je suis plus préoccupée par Royan … enfin, le roi Royan. »

Bien entendu. C’était logique. Il regarda la jeune femme aux cheveux auburn, venant lui caresser ces derniers d’un doux geste de la main comme pour la rassurer. Malgré qu’elle lui en voulait encore, elle se laissa faire, murmurant peu de temps après :

« Comment … et pourquoi est-ce qu’il fait tout ça ? »

« Lui seul pourra nous le dire mais … ce n’est pas le moment pour nous d’aller le rencontre, tu le sais aussi bien que moi, n’est-ce pas ? »

« Oui … Je le sais … parfaitement, Tery. Mais … enfin … Je … Je me sens trahie et ça me fait vraiment mal, vraiment très mal, Tery. »

« Est-ce que tu pourrais … me dire exactement ce que tu ressens ? »

« Tu crois vraiment que j’ai envie d’en parler ? Si tu n’as pas une bonne raison pour ça, je ne penses pas que je le ferais. Dis-moi pourquoi tu veux savoir ça … Tery. »

« Tout simplement pour comprendre ce qu’a ressenti Manelena. » dit-il avec calme bien que ses lèvres tremblaient légèrement, montrant par là une certaine inquiétude.

« J’ai l’impression que mon coeur s’est brisé en mille morceaux. J’essaie de comprendre pourquoi il a fait ça, qu’est-ce qui lui a pris. Est-ce que je n’étais pas assez bien pour lui ? En même temps, je me remets en question : je suis partie avec toi depuis plus de quatre mois. Tous les deux, nous avons décidé d’être ainsi. On ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes. A côté, est-ce que je dois m’en … vouloir ? Je ne sais pas … Je ne sais plus. Peut-être qu’il fallait que je me battes contre ta décision, que je prouves que … »

« Tu peux le dire hein ? Ca crevait les yeux depuis longtemps, Elise. »

« Ce n’est pas pareil, Tery. On parle quand même d’un … »

« Prince futur roi ? Et d’une simple serveuse de bar ? De mon côté, qu’est-ce que je devrais dire, hum ? Est-ce que je dois évoquer le fait que Manelena n’était pas au courant de mes origines nobles ? Et moi non plus d’ailleurs ? Je n’y arrive toujours pas à le croire même si j’ai été heureux de savoir qui étaient mes grands-parents. »

« Je me doutes … Ah … Tu vois, je n’avais pas envie d’en parler mais maintenant, qu’est-ce que l’on fait, toi et moi, »

Qu’est-ce qu’ils font ? Ah oui … C’est vrai. Ils sont entourés par les cadavres. Que cela soit ceux des démons ou alors des soldats de Traslord, ils ne sont pas vraiment en bonne position. Le jeune homme fronça les sourcils avant de dire :

« On … peut reprendre un bol d’air frais, j’imagine. »

« Non, Tery. Ce que je voulais dire : Est-ce que … l’on reste ici ? Ou alors, on retournera là-bas ? Et on ne sait pas quand est-ce que l’on pourra revenir à la surface. »

La question était difficile, très difficile. Et la réponse allait l’être tout autant. Comment est-ce qu’ils pouvaient vraiment se débrouiller ? Est-ce qu’ils … RAAAAAAAAAH ! Elise comptait sur lui et il savait que qu’importe la réponse qu’il allait donner, elle allait le suivre comme si de rien n’était mais en même temps … Qu’est-ce qu’il devait répondre ?

« Je ne sais pas, Elise. Je ne sais pas du tout. Est-ce que nous avons encore notre place ? »

« Je ne penses pas. Nous somme considérés comme des criminels et des monstres, non ? »

« C’est ça, Elise. C’est exactement ça. Ce n’est pas comme si des personnes nous attendaient réellement. Enfin toi, peut-être Royan s’il arrive à s’expliquer mais moi ? Qu’est-ce que je dois m’imaginer ? J’ai … tué Elen devant les yeux de Manelena et des autres. »

Gloups. Voilà qu’il vint déglutir. Repenser à cela le mettait vraiment mal à l’aise maintenant. La jeune femme aux cheveux auburn l’enlaça tendrement avant de chuchoter :

« Pardon … de ne pas pouvoir t’aider plus, Tery. J’espère que tu comprendras … »

« Ce n’est pas bien grave, je suis le seul à m’être mis dans cette situation. Je suis donc responsable de tout ça … mais je t’ai emporté dans ma déchéance, voilà tout. »

« Je me suis déjà exprimée à ce sujet et le fait que nous soyons à la surface ne me fera pas changer de réponse, tu le sais ? »

« Je le sais … parfaitement, Elise. Qu’est-ce qu’on … fait ? On profite du soleil ? »

Hahaha. Il tenta de garder contenance et de lui sourire mais vraiment, qu’est-ce qu’il était mal à l’aise avec tout ça. Le jeune homme aux cheveux bruns indiqua à Elise de le suivre alors qu’ils s’éloignaient de tous ces cadavres. Heureusement pour l’un comme pour l’autre, ils savaient le chemin pour revenir en arrière.

Mais comment est-ce qu’ils allaient être accueillis là-bas ? Ils étaient les seuls survivants et ce n’était pas vraiment ce que l’on pouvait dire … une victoire. C’était même un peu honteux comme résultat alors que le jeune homme aux cheveux bruns accompagné d’Elise retournaient sur leurs pas. Ils allaient devoir faire tout simplement marche arrière et espérer retrouver le chemin qu’ils avaient pris. Normalement, ça n’allait pas être trop difficile … mais à côté, le moral n’était pas vraiment au beau fixe.