Chapitre 46 : Un homme marié

ShiroiRyu
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Quatrième axe : L’Engeance du Dévoreur

Chapitre 46 : Un homme marié

Combien de temps cela faisait-il qu’il n’avait pas vu son enfant ? Dans les faits, il ne l’avait jamais vue en vrai. S’il avait revu Elen sur le champ de bataille, c’était déjà quelque chose mais ce n’était pas suffisant. Elle lui manquait mais surtout, il voulait voir enfin sa fille. Pouvoir la prendre dans ses bras et la bercer.


Il ne prétendait pas être le meilleur des pères, en fait, il valait mieux même ne pas commencer à juger ses qualités sur ce point mais… il ne pouvait pas être comme ce déchet qui lui qui avait servi de paternel dans le passé. Un père qui abandonnerait son enfant, voire même qui irait sacrifier ce dernier pour sa propre vie.

« Je devrais arrêter de penser à des choses aussi saugrenues. »

Il avait fini par ouvrir les yeux, étudiant la toile de la tente dans laquelle il se trouvait. Manelena n’était pas à côté de lui. Il ne pouvait pas se permettre de laisser se faire ça tout le temps. Même si les jugements d’autrui, pour le coup, il s’en fichait, surtout dans une nation où visiblement la polygamie était autorisée et…

Il ne s’était jamais posé la question par rapport à la monarchie de Shunter mais aussi des autres nations. Mais pourquoi est-ce qu’il s’intéressait maintenant à ça ? Ah… Peut-être à cause de Krawnia. Cette femme ailée et délurée était… vraiment trop excentrique et un peu trop insistante aussi. Il ne voyait pas comment se débarrasser de son côté « pot de colle ».

« Oooooh ! Tery ! Vous voilà donc enfin ! »

En parlant de cette personne, il en voyait maintenant les plumes. Du moins, les plumes d’un seul côté puisqu’elle possédait une aile comme celle des chauve-souris d’un autre côté. S’il elle n’était pas aussi… excentrique, elle pourrait être vraiment appréciable.

Mais autant ne pas se faire vraiment trop d’illusions à ce sujet. Bon, il vint lui demander ce qu’elle voulait… car elle avait sûrement ses raisons, n’est-ce pas ? Du moins, il espérait qu’elle en avait une bonne plutôt que de…

« Eh bien, tout d’abord, est-ce que vous avez remarqué que je cherche à vous vouvoyer ? J’ai compris que vous étiez quelqu’un d’important aussi dans ce groupe. D’ailleurs, qu’ils soient démons, de Shunter, Claudiska ou autres, on dirait que vous avez l’âme d’un leader-né, n’est-ce pas hein ? C’est génial ! »

« Hmm ? C’est juste pour me prévenir de ça ? Et me faire cette remarque ? Vraiment ? »

« Ooooh que non ! Pas du tout ! Hahaha ! J’avais aussi envie de vous voir ! Que je puisse graver dans ma mémoire chaque parcelle de votre visage ! »

« Est-ce que vous avez au moins la moindre idée de ce que vous êtes en train de dire ? »

« Bien sûr que oui. N’est-ce pas normal que de vouloir se rappeler du moindre détail de la personne que l’on admire et idolâtre ? Et plus encore ? »

« Il vaut mieux terminer cette conversation dès maintenant. »

« Mais pourquoi cela ? Vous n’aimez pas que je vous vouvoie ? Est-ce que tu préfères le tutoiement ? Nous sommes pareils, toi et moi ! »

Maintenant qu’il avait décidé de l’écouter, il voyait très bien à quel point cette femme était… tordue. Et pas dans le bon sens. Elle était effrayante et dangereuse. Rester trop longtemps auprès d’elle risquait d’emmener de sérieux problèmes dans le futur. Mais à côté, sa puissance rivalisait voire dépassait celle des démons. Pour réussir à cela, qu’est-ce qu’elle avait subi ? Qu’est-ce qui s’était passé ?

« On va rester sur le tutoiement puisque nous nous connaissons d’avant que je ne sois nommé à ce poste militaire. Mais sinon, nous sommes différents et il va falloir que tu comprennes cela. Nous ne sommes pas pareils. »

« Mais si mais si, je suis certaine que si. Simplement, vous ne voulez pas le voir et c’est normal puisque ceux autour de nous ne peuvent pas nous comprendre. »

Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle s’était rapprochée de lui, le regardant avec cette petite lueur de démence dans les yeux. Est-ce qu’elle comptait faire quelque chose de tordu ou sinistre ? Si tel était le cas, elle aurait une mauvaise surprise et…

Hein ? Une caresse sur les joues. Étrangement douce de la part de cette femme. Il cligna plusieurs fois pour comprendre réellement ce qui était en train de se passer. Il ne s’attendait pas à un tel geste, surtout de la part de Krawnia.

« Je pense que tu le comprendras le moment venu, hahaha ! Bon ! Il faut accomplir ce pour quoi nous sommes ici, n’est-ce pas ? »

Il s’apprêtait à lui répondre mais elle s’était déjà éloignée sans même attendre à ce qu’il n’ouvre la bouche pour ça. D’accord… Pfiou ! Elle n’avait rien fait de dangereux même si vraiment, le coup de cette caresse sur sa joue, ce n’était pas à quoi il s’attendait de sa part.

Pfiou. Il était peut-être plus exténué qu’il ne le pensait. Et pourtant, c’était encore la « matinée » si on pouvait dire ça comme ça. Avec ces cristaux illuminant le monde souterrain, ce n’était pas comme s’il était possible de réduite leurs éclats à l’état naturel.

« Qu’est-ce qu’elle te voulait, Tery ? T’as l’air chamboulé. »

« Oh… Manelena. Ce qu’elle me voulait ? Je crois que j’aimerais bien le savoir mais au final, j’en ai strictement aucune idée. »

« Si elle te pose un problème, tu n’as qu’à me le dire. Elle reste dangereuse puisqu’elle n’est pas vraiment contrôlable. Qu’est-ce qu’on a fait pour tomber sur une telle personne. »

« Je ne sais pas du tout. Disons que je ne m’attendais pas à ce qu’après tout ce temps, elle revienne vers moi. Et je peux juste te promettre qu’il ne s’est rien passé avec elle. »

« Tu n’as même pas besoin de me promettre une telle chose, c’est évident en te connaissant. »

« Est-ce que tu insinuerais un peu que je n’ai pas assez de cran pour ça ? »

« Plutôt que tu es ce qu’on appelle un herbivore. J’ai entendu ça à force d’être dans l’armée. C’est ce qu’on dit des hommes qui se laissent diriger par les femmes sans chercher à s’imposer face à elles. »

« Ce n’est pas totalement vrai et tu le sais très bien. Avec ce qui s’est passé quand nous étions dans la capitale, tu as très bien remarqué ce dont j’étais capable non ? »

« Tu restes un gentil petit mouton, Tery. Ce n’est pas parce que tu as décidé de mordre une seule fois que ça fait de toi un carnivore, désolée de ne pas être désolée à ce sujet. »

Il fait juste un petit rictus de dépit en l’écoutant. C’était exactement ça… mais il devait répliquer quelque chose quand même, non ? Ne pas se laisser faire !

« Si je suis un mouton, cela veut dire que tu es une renarde ? »

« Les renards attaquent les poules. Ce sont les loups qui s’attaquent aux moutons, petit Tery. »

Elle s’était placée à lui, accentuant sur le terme désignant sa taille. Par rapport à elle, il était vrai qu’il avait bien vingt centimètres de moins qu’elle mais ça ne voulait rien dire ! Il fit une légère moue avant de lui dire :

« Mais tu ne te plaignais pas du mouton, de ce que j’ai cru entendre hein ? »

C’était sa seule façon à lui de répliquer quand elle parlait ainsi. Pour autant, elle était comme amusée par ses propos tandis que lui-même cherchait à voir comment se sortir de là.. Malheureusement, rien d’autre ne lui arrivait au cerveau, l’incitant tout simplement à dire :

« Ah ben euh… Je t’ai cloué le bec, non ? »

« Hum, hum. Si tu as encore la volonté de parler de la sorte, c’est que tout va bien, non ? »

« Bien sûr, Manelena. » répondit-il sans vraiment saisir le sens de sa phrase.

Heureusement, pour le reste de la matinée, il n’avait pas été dérangé par Krawnia et à part les attaques de monstre, rien de plus n’avait été à noter. D’ailleurs, il avait oublié ce petit détail qui consistait au fait que plus ils remontaient vers la surface, « moins » les monstres étaient dangereux.

Comme une partie d’entre eux était des démons qui en avaient dévorés d’autres mais que ces démons n’étaient pas parmi les plus puissants à la base, alors la version monstrueuse et difforme n’était pas exceptionnellement fort. Du moins… plus à ses yeux maintenant. Il n’avait aucune idée si c’était à cause de son temps passé dans le monde souterrain ou alors parce qu’il connaissait ses origines ou alors parce qu’il avait Manelena à ses côtés. Il y avait tellement de raison mais aucune ne pouvait être confirmée.. Bon, un seul point était parfaitement visible : le massacre de monstre produit par Krawnia. Celle-ci n’avait aucune réticence à exterminer quiconque cherchait à le blesser, lui. Comme s’il avait un garde du corps un peu trop zélé. Qu’est-ce qu’il avait fait pour mériter ça ?

Bon, néanmoins, dans toute cette histoire, ce n’était que tout noir aussi. Malgré son comportement des plus singuliers, Krawnia restait une femme qui avait une certaine expérience dans le combat et cela, il ne fallait pas l’oublier.

Elle était plus qu’apte à se défendre et surtout à attaquer. Combien d’années avait-elle passé dans cette tour pour en arriver à ce stade ? Si elle avait été aimée normalement, dans une famille… hmm. En y pensant, il ne savait rien de la famille de Krawnia. Mais il avait la sensation que s’il posait la question, il n’allait pas obtenir la réponse qu’il désirait.

Alors, il valait mieux faire comme si de rien n’était et ignorer tout simplement ce qui se passait. Humpf… Par contre, il allait devoir expliquer certaines choses si Krawnia se montrait trop collante et insistante. Autant que le message soit bien clair.

Et il ne s’attendait pas à ce que cela arrive aussi vite en fin de compte. Quelques jours plus tard, alors qu’il allait se coucher dans sa tente, l’un des soldats qui gardait l’entrée de cette dernière lui signala que Krawnia voulait lui parler d’une chose urgente. Il avait été assez surpris par le ton mais avait accepté de la voir.

Pénétrant dans la tente, la femme de Claudiska était comme captivée par l’intérieur de celle-ci. Pourtant, il n’y avait pas de décoration ou autre. Non, c’était juste une tente un peu plus grande que les autres, avec plusieurs « pièces » puisque celle principale permettait alors d’avoir les différentes réunions avec les gradés de l’armée.

« Alors, Krawnia, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Qu’est-ce qu’il y avait de si urgent pour que tu viennes me voir alors qu’il est temps de dormir ? »

« Je n’en peux plus, Tery ! Je n’en peux plus ! »

« Hmm ? Mais de quoi est-ce que tu parles ? Tu es tremblante. Il y a un souci ? »

Ce n’était pas parce qu’elle était folle… qu’il allait ignorer la détresse de cette femme-ailée. Lui-même, qu’est-ce qu’il serait devenu si personne ne s’était occupé de lui ? Avec une pensée envers Manelena, il attendit que Krawnia prenne la parole à nouveau.

« Laissez-moi couver votre portée ! Vous méritez la plus grande des descendances ! »

« Hein que de quoi ? Attends un peu, j’ai l’impression d’avoir très mal entendu. »

« Je vais alors me répéter si ça ne vous dérange pas. Je veux que vous inséminiez mes œufs pour qu’ils puissent être fécondés et… »

« En fait, j’avais très bien entendu alors je vais t’arrêter tout de suite avant qu’il ne soit trop tard. Je ne vais pas faire ça et tu le sais très bien. »

« Si c’est au sujet de votre femme, vous n’avez pas à vous inquiéter. Nous parlons bien d’Elen, n’est-ce pas ? Si je ne me trompe pas de nom. »

« Tu ne vas pas mêler Elen à tout ça, compris ? C’est quoi cette idiotie maintenant ? Je peux savoir ce qui te prend de parler de ça ? »

« Je suis plus que sérieuse ! Je l’ai compris dès la première fois que je vous ai vu. »

« Ah oui ? Bref… Il vaut mieux que tu retournes te coucher. Je ne vais pas tromper ma femme avec une inconnue et surtout encore moins faire des enfants avec autrui. »

« Cela ne semble pas tellement vous déranger avec Manelena, n’est-ce pas ? »

Il eut un léger rictus, émettant un grognement de mécontentement. Si c’était une façon de tenter de la manipuler, il n’allait vraiment se mettre en colère. Il valait mieux qu’elle parte maintenant qu’il ne s’emporte.

« Vous savez, cela ne me dérange pas du tout d’être simplement une maîtresse. Mon seul désir est que vos descendants paraissent dans ce monde. »

« Et mon seul désir est que tu quittes la tente maintenant. Si tu continues ainsi, cela risque de dégénérer et il vaut mieux éviter que ça n’arrive, d’accord ? »

« Je vais alors vous souhaiter bonne nuit. Mais n’oubliez pas ma proposition, elle tiendra toujours ! Et mème si je ne suis pas aussi douée que Manelena, je veux quand mème tenter diverses choses. J’ai soif d’apprendre ! »

« Du balai… et dors bien. Par contre, ne t’avise plus de parler de ça. »

Et la voilà qui quittait enfin sa tente. Poussant un profond soupir, il se dirigea vers la pièce où il allait dormir. Le tissu était plus couvrant qu’ailleurs dans la tente, pour laisser place à plus d’intimité. D’ailleurs, il ne s’attendait pas à voir une femme aux cheveux argentés installée sur sa couche, léger sourire aux lèvres.

« Eh bien, tu en as mis du temps, Tery. »

« Manelena, pas toi quand mème ? Je vais t’avouer que je ne suis pas d’humeur. Tu es venue de quelle façon ? »

« Allons, allons. Tu ne penses pas que j’ai pris mes précautions par rapport à ta tente quand tu avais le dos tourné ? Je peux partir et venir quand je le désire, Tery. Bon… Qu’est-ce que tu attends pour venir prendre place à mes côtés ? »

Il était trop fatigué mentalement pour refuser ça. Venant s’asseoir non-loin de Manelena, celle-ci se redressa de la couche du jeune homme, lui disant :

« Je crois qu’elle est pas récupérable, Tery. Il y a des risques qu’elle pose de gros problèmes dans le futur si on ne l’arrête pas. »

« Mais qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Elle est puissante et je ne suis pas apte à vouloir tuer quelqu’un simplement car elle a un coup de folie. »

« Mème si toi, tu n’y arrives pas, si tu me le dis, je pourrais… »

« Je veux lui laisser une chance. Pas sur ce « point » mais sur le reste… »

Une chance de quoi ? Elle attendit qu’il continue sa phrase mais le jeune homme ferma les yeux, s’écroulant à côté d’elle. Elle ne bougea pas de sa position, sa main venant se placer sur le bras droit de Tery, reprenant la parole :

« Tu n’as vraiment pas très l’air loquace ce soir, Tery. »

« Qu’est-ce que tu veux que je te dise exactement ? Je… Enfin… Je ne veux pas m’imaginer faire à Krawnia ce que je ne voudrais pas que l’on me fasse alors que j’ai eu mes moments de folie, moi aussi. »

« Je vois maintenant pour quelle raison tu dis ça. Hmm… D’accord, Tery. Tu me laisses quand même un peu de place pour ce soir ? »

Ce n’était pas comme s’il avait vraiment le choix, n’est-ce pas ? Elle était juste en train de lui sourire alors qu’il se recroquevillait sur une partie de la couche. Néanmoins, elle ne semblait pas vouloir lui laisser vraiment la possibilité de s’en sortir aussi aisément.

Un bras passa autour de sa hanche et il se demandait si elle n’était pas en train d’inverser les choses entre eux. Ce n’était pas à lui de réagir de la sorte ? Car bon, sincèrement, ça ne se faisait pas, n’est-ce pas ? Du moins… pas de cette manière.

« Manelena, peut-être que dans le fond, il vaudrait mieux que… »

« Tu as besoin de souffler un peu, Tery. Tu es troublé et je suis certaine que les paroles de Krawnia t’ont troublé plus qu’il n’en faut. »

« Elle a quand même raison. Je suis vraiment faux-cul par rapport à Elen et il suffit de voir ce qui se passe en ce moment même entre nous deux. »

Pour toute réponse, elle rigola comme si elle n’était pas du tout dérangée par la situation. Pourtant, est-ce qu’elle se rendait compte qu’elle était une princesse ? Non, une reine ! Et qu’elle ne se comportait pas réellement comme il fallait ?

Mais d’un autre côté, Manelena n’était pas n’importe quelle reine. Maréchale donc ayant déjà dirigée une armée d’hommes et de femmes fidèles à ses ordres, elle savait comment se faire respecter. Ses décisions comme ses actes étaient reconnues de telle façon qu’elle n’avait aucune crainte à avoir ou presque.

Oui, si elle décidait qu’elle le voulait comme concubin et donc futur roi de Shunter, elle le pouvait, le peuple l’applaudirait. Surtout que maintenant, elle avait mis en place un régime qui correspondait plus comme celui de Traslord, avec un groupe politique pouvant prendre des décisions au nom de la reine sans qu’elle soit forcément derrière tout ça.

C’était plus ou moins l’idée première derrière la nomination d’Hémurion à ce poste si spécial mais surtout à être la « voix de la reine » pendant qu’elle n’était pas là. Ce n’était pas rien du tout ce qui était en train de se passer actuellement. D’ailleurs, il espérait qu’à la surface, tout était plus ou moins résolu de ce côté.

« Alors, qu’est-ce que tu comptes faire ? Me laisser poireauter et ne pas dormir ? »

« Si tu retires ta main, je peux mettre la mienne et on peut dormir. »

« Hmm, adjugé, vendu ! Fais attention à ne pas croire que tu peux m’avoir ! »

Ce n’était pas vraiment un jeu, hein ? Est-ce qu’elle s’en rendait compte ? Il la regarda juste avec un petit sourire alors qu’elle enlevait sa main de sa hanche. Comme promis, ce fût lui qui place la sienne au niveau de la hanche de la femme aux cheveux argentés. Il la regarda longuement, les yeux rubis de Manelena faisant de même, plongés dans les siens.

« Tery, tu sais qu’il est trop tard, de toute façon. Ce qui est fait… est fait. Mais si par malheur, Elen ne veut plus de toi… »

« Je le sais bien, Manelena. Tu seras là, pour moi. Comme tu l’as toujours été depuis que je t’ai « capturée ». Merci de ta présence à mes côtés. »

« Il y a pas de quoi. Je ne le fais pas pour n’importe qui, tu t’en doutes hein ? »

Il rigola à la dernière remarque de Manelena, rapprochant ses lèvres de celles de la reine de Shunter. Elle avait gardé les yeux ouverts alors qu’il l’embrassait brièvement. Elle se laissa faire quand il retira ses lèvres, le regardant avec tendresse.

« Eh bien, y a t-il une raison à un tel acte, Tery ? »

« Je crois que j’en avais simplement envie, est-ce que c’est suffisant comme condition ? »

« Je vais accepter cette raison. Elle me semble assez crédible. Dors bien. »

Marcher, combattre, dormir. Marcher, combattre, dormir. Cette vie était devenue assez monotone et pourtant, c’était bien celle qu’il avait acceptée. Encore qu’il était possible de se poser la question de la monotonie. Une vie comme la sienne était pourtant à mille lieux de celle d’un simple villageois de Leskar. S’il n’avait pas décidé de quitter un jour son village, il n’aurait sûrement jamais connu Elen, Manelena, Clari, tout le monde.

« Manelena, est-ce que tu crois… que si je ne m’étais pas engagé dans l’armée, nous nous serions rencontrés, toi et moi ? »

« Avec des si, on refait le monde, Tery. Cela ne sert à rien de regretter ce qui s’est déroulé dans le passé. Tu peux juste aller de l’avant. C’est grâce à toi que j’ai réussi. Allez, tu dois dormir. En tentant de discuter de la sorte, tu n’arriveras pas à trouver le sommeil. »

Et comme pour l’inciter à sombrer avec elle, elle se nicha contre son torse. Pourquoi pensait-il autant à ça dans ces moments-là ? Il avait l’impression de refaire toujours et encore la même chose, sans même chercher à se confronter à combattre cette lassitude. Est-ce qu’il avait tellement soif d’aller plus loin, de dépasser les limites ?
Dans le fond, est-ce que retrouver Elen était vraiment la finalité de toute son histoire ? Et ensuite ? Il y avait son… lien avec le Dévoreur. Il y avait aussi la noblesse démoniaque souterrain. Il y avait aussi les soucis liés à la surface. Est-ce que c’était… vraiment à lui de gérer ça ? Plongé dans ses pensées, il finit par enfin trouver le sommeil.