Chapitre 235 : Un corps gelé pour l’éternité

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 235 : Un corps gelé pour l’éternité

« Qu’est-ce que … Qu’est-ce que tu fais là ? »

« Si tu me laisses … m’occuper de lui, je pourrai alors peut-être lui sauver la vie. »

La voix qui s’adresse à Elyséa est douce et tendre. Elle est issue de la Momartik qui la regarde et qui a posé une patte sur son épaule. Avec lenteur, elle lui permet de se rapprocher de Kéran bien qu’elle en ait aucune envie, loin de là même.

« Je vais … tout faire pour arrêter cela. Mais pendant ce temps, tu devrais aller épauler Sélia. » continua-t-elle de dire tout en regardant Elyséa.

« Non et non ! Je ne veux … surtout pas. Je reste à ses côtés. Je le lui ais promis. Je regarderai ce que tu … vous allez faire. Sélia n’a pas besoin de moi. »

« Tu en es sûre ? Il est vrai qu’elle … est plongée dans son combat. Soit … Regarde donc ce que je vais faire, je te préviens, cela risque de te perturber. »

De la perturber ? Si elle faisait du mal à Kéran, qu’importe qui elle était, elle … Non ? Ce n’était pas ça … Un puissant froid émana de la Momartik, un froid glacial … mais en même temps … loin d’être malveillant. C’était autre chose … Le froid … Une fine particule de glace commençait à recouvrir Kéran et ses blessures … non, ce n’était même pas des blessures mais des brûlures. Elle … eut un trémolo.

« Malheureusement … Je tiens à prévenir que ce n’est que temporaire et que ça ne le soignera pas … mais au moins, sa vie ne sera plus en danger. »

« Faites tout ce que vous pouvez, c’est le plus important. »

« Alors … Je vais accomplir ce que tu désires. » murmura la Momartik, les particules de glace semblant s’épaissir autour de la peau de Kéran, jusqu’à finalement former une couche de plus en plus grosse. Le reste de peau qui était sur son corps prit une couleur blanche … et … tout semblait être parfaitement immobile. En fait, même le corps de Kéran ne se soulevait plus. Qu’est-ce que ça voulait dire ?

« Qu’est-ce que vous avez fait ?! Je veux savoir ça ! »

« Tu perds un peu de ta prestance quand tu parles de la sorte, tu t’en doutes ? »

« Ma prestance m’importe peu pour l’heure. Je veux surtout … savoir comment va Kéran. »

« Kéran va très bien … du moins, c’est ce que j’aimerai dire … mais il n’est plus en danger pour le moment … sauf si le Dracaufeu décide de l’achever. Pour l’heure, Kéran est … en léthargie. Ses brûlures ne continueront pas à s’aggraver. »

« Mais … Il y a quelque chose d’autre quand même. Qu’est-ce donc ? »

« Il faut l’emmener en sécurité mais pas seulement … Terminons déjà ce combat et ensuite, il faut trouver un endroit où se rendre, ça sera la meilleure chose à faire. »

Le combat, elle ne se préoccupait pas le moins du monde de cela, c’était aussi simple que ça ! Pourquoi est-ce la Momartik ne voulait pas lui en parler un peu ? Les battements de son cœur … de son corps qui était mort. Pourquoi est-ce qu’ils étaient aussi rapides ? L’anxiété … qui l’envahissait … Cette crainte …

« Kéran … Est-ce qu’il est mort ? C’est ce que je veux savoir. »

« Il n’est pas mort pour le moment … Mais il y a des chances que cela soit pire que la mort … Mais tu comprendras au moment venu … après ce combat. »

« Pire que la mort ? Et je suis censée rester de marbre et attendre ? Je … »

« Est-ce que tu préfères t’énerver ? Cela ne te correspond pas. Mais dès qu’il s’agit de Kéran, tu te laisses envahir par la colère, n’est-ce pas ? »

« Ce n’est pas … exactement cela. Mais je n’ai pas à vous parler à ce sujet malheureusement. Je préfère que vous me disiez exactement ce qui se passe. »

« Je ne te dirai rien pour le moment. Quant à Sélia, elle … »

La Momartik s’arrêta dans ses propos, tournant son visage vers le carnage qu’était en train de faire Sélia. La rage qui animait la femme aux cheveux bleus était tellement violente qu’elle n’avait pas hésité à planter ses dents dans le corps du Dracaufeu en plusieurs endroits. Une telle haine … Une telle violence était horrible.

Mais une telle violence était nécessaire et Sélia planta ses dents finalement dans le cou du Dracaufeu, visant bien la jugulaire. Des giclées de sang s’échappèrent du corps de l’imposante bête jusqu’à ce que Sélia hurle :

« CA T’APPRENDRA ! CA T’APPRENDRA ! CA T’APPRENDRA ! »

« Elle est vraiment devenue comme folle … C’en est effrayant. »

Cela aurait pu l’être pour elle mais malgré ses dires, elle restait imperturbable. Elle avait Kéran dans ses bras … Un Kéran qui était tout simplement gelé et glacé. Sélia revient vers elle, le corps recouvert de sang et de blessures. Malgré sa folie, ses yeux rubis étaient encore la preuve qu’elle était consciente.

« Co … Comment … est-ce qu’il va ? »

« Comment est-ce qu’il devrait aller selon toi, hein ? » rétorqua avec colère Elyséa. « Comment est-ce qu’un jeune homme tout ce qu’il y a de plus normal devrait être en se tenant face à un dragon ?! DIS-LE MOI ! »

« Mais je … »

« Mais je … quoi ? C’est comme ça que tu comptes protéger Kéran ? C’est comme ça que tu comptes l’avoir avec toi ? COMME CA ?! REPONDS-MOI ! C’EST COMME CA QUE TU COMPTES LE RENDRE HEUREUX ?! EN L’EMMENANT A LA MORT SEULEMENT POUR TES PETITES ENVIES PERSONNELLES ?! »

« Je ne voulais pas que … Je voulais juste que Kéran aille dans un coin … et … »

« Tu voulais, tu voulais … et voilà le résultat, Sélia ! Mais tu peux remercier sa Momartik. Elle a réussi à arrêter … sa mort. Il ne se décomposera pas mais … Je ne sais pas exactement ce qui va se passer, c’est à elle de me le dire. »

« Je vais engloutir ce Dracaufeu … et je reviens … Tant mieux si … Kéran est vivant. »

Sélia sembla comme déboussolée tandis qu’Elyséa continuait de veiller sur lui. Tant mieux ? C’est comme ça qu’elle le prenait ? Ou alors, est-ce qu’elle avait été un peu trop sèche avec elle ? Cela serait normal … qu’elle n’arrive pas à s’exprimer correctement après tout.
Des bruits de mâchouillements se firent entendre alors qu’Elyséa tournait sa tête brièvement vers Sélia. Comme une charognarde, elle extirpait la chair du Dracaufeu avec les doigts ou avec les dents. Heureusement que … Kéran n’était pas conscient.

« Qu’est-ce qu’il aurait alors pensé d’elle ? Est-ce qu’il aurait accepté ce qu’elle est devenue ? Sarène … C’est bien cela ? »

« Hmm ? Oui ? Que se passe-t-il exactement ? »

« Maintenant que c’est terminé, est-ce que tu veux bien me dire ce qui se passe ? »

« Oh … A nouveau du tutoiement ? » murmura la Momartik avec une pointe d’amusement alors qu’Elyséa haussait les épaules, serrant le corps froid de Kéran contre elle. Rien à faire, la chaleur ne revenait pas.

« S’il vous plaît, je n’ai pas envie de rire … Je n’ai … Je n’ai vraiment pas envie … de rigoler. Dites-moi ce qu’il a, c’est tout. »

« Kéran est entre la vie et la mort … mais son état est bien plus grave que cela. Malgré tes pouvoirs, son corps ne pourra pas le régénérer plus longtemps. »

« Mais alors, qu’est-ce que je peux faire ?! »

« Rien en ce qui est en ton pouvoir. Je pense que tu comprendras dans quelques heures. Mais il faut que tu ailles trouver un endroit où le déposer. Un lit sera bien mieux que tout le reste. Il va vous falloir faire une longue marche. »

« Pas forcément, il doit bien y avoir une auberge dans les environs, je … »

« J’ai terminé ! Je mange bien plus rapidement maintenant ! »

Elyséa s’arrêta de parler, regardant Sélia qui avait réellement avalé la majeure partie de ce qu’il y avait … à dévorer. Comment est-ce que toute cette chair avait pu être digérée sans que cela n’affecte son métabolisme ? Non … Ce n’était pas ça le plus important, loin de là même. Le plus important était Kéran. Elle se releva, le jeune homme contre elle.

« Nous nous en allons, Sélia. »

« D’… D’accord … Je vois parfaitement ce que tu veux dire, je comprends parfaitement. »

Malgré le sang sur ses lèvres, malgré tout ce qu’elle venait de faire, elle était comme désemparée par le corps de Kéran.

« Je … Je préfère te laisser le porter. Il est … déjà dans un sale état et … avec mes mains … et mon corps … Enfin je … »

« C’est bon. Plus besoin de parler. Je pense que … notre punition est assez lourde. Nul besoin d’en rajouter d’autres actuellement. »

Sélia hocha la tête positivement avant de venir l’accompagner. A côté d’Elyséa, la Momartik restait elle aussi présente. Il fallait trouver une auberge … et cela n’allait pas être forcément très difficile bien que plus le temps passait, plus Elyséa était inquiète pour Kéran.

« Elyséa … Est-ce que quand … tu auras le temps … »

« Tu penses vraiment que je vais avoir le temps avec ce qui vient de se passer ? Sincèrement ? Tu crois que … »

« J’aimerai juste te parler … seule à seule. »

Elyséa haussa un sourcil accusateur vers la jeune femme mais marmonna qu’elle était d’accord. Pour l’heure, le plus important restait de trouver un endroit pour Kéran. Une auberge isolée sur le côté d’une route de terre. Elyséa vint aussitôt camoufler Kéran et la majeure partie de ses blessures avec une capuche, le tenant contre elle tandis que la Momartik rentrait déjà dans sa noigrume, seule relique encore intacte avec l’épée du jeune homme. C’était bien … les dernières choses qui lui restaient ou presque.

Deux chambres séparées … L’une pour Sélia, l’autre pour Kéran. Mais Kéran était déposé dans le lit, ne bougeant plus. Il était si froid … tellement froid que … qu’elle avait l’impression qu’il était mort. C’était quasiment pareil … n’est-ce pas ? Il était si proche de la mort … tellement proche
Elle passa une main sur le crâne dénué de cheveux du jeune homme, le caressant avec tendresse avant de l’embrasser faiblement, n’ayant que ses yeux rivés sur lui. Sélia les observa tous les deux, faisant quelques pas en arrière avant de dire :

« Je vais aller me laver … Avec tout cela … Je … Enfin bref … Je reviendrai plus tard. »

« D’accord. » murmura tout simplement Elyséa, ne quittant pas des yeux le jeune homme.

Qu’il aille bien … Qu’il aille bien … C’est tout ce qu’elle demandait. C’est tout ce qu’elle voulait … C’est tout.

C’est tout … C’est tout … Elle savait comment voir … non … comment discuter avec Kéran. Il y avait un endroit où il allait surement parfaitement bien. Un endroit que nulle autre qu’elle ne pouvait se rendre, loin de là même.

Voilà … Elle s’insinua dans les pensées du jeune homme, retrouvant sa forme de fumée noire comme auparavant. Voilà … Elle allait parler avec lui à l’intérieur de son corps et le rassurer. Ils allaient trouver une solution, ils allaient …

« Kéran ? Kéran ? Où est-ce que tu es ? »

Elle posait cette question sans pour autant avoir de réponses de sa part. Le décor était blanc … tellement blanc … Comme si tout était immaculé … Comme si tout était d’une si grande pureté … C’était étrange, tellement étrange, oui.

« Kéran ! Réponds-moi ! Kéran ! »

Aucune réponse de sa part … mais ce n’était pas la blancheur immaculée qu’elle avait … C’était différent, réellement différent. Ce n’était pas ça … Ce n’était pas du tout ça ! CE N’ETAIT PAS UN LIEU ! C’ETAIT UNE ABSENCE DE LIEU !

Incapable … de réfléchir … Incapable de raisonner … Plus aucune pensée, plus aucun détail … comme si le cerveau était mort. Comme si tout était fini. Non … Non …. Cela voulait dire que plus rien n’était imaginé.

« Je vois que tu as parfaitement compris ce qui se passe. Suis-moi … »

Cette voix féminine … Une belle voix féminine et mâture. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Mais elle écouta les bruits de pas sans même les voir. Elle les suivait … jusqu’à ce qu’un corps ne soit visible au loin, flottant dans ce vide complètement blanc.

« KERAN ! »

La femme aux cheveux blancs courut vers le corps nu de Kéran, celui-ci étant dans un parfait état mais quelque chose … était différent, vraiment différent. Kéran ne bougeait pas, il gardait les yeux fermés. Comme s’il dormait.

« Tu as pu le constater de tes propres yeux … Kéran n’est plus conscient. Il faut que le cerveau soit actif pour lui permettre de penser et de réfléchir … ou tout simplement dans ce cas précis … de rêver. «

« Le cerveau de Kéran … ne bat plus … » termina de conclure Elyséa, serrant le corps du jeune homme contre elle, la voix chuchotant :

« Il n’est pas mort, loin de là … Mais les dégâts sont tellement graves qu’il est plongé dans un sommeil profond. Maintenant, tu es au courant de tout. »

« Ca … Ca ne fait rien … J’attendrai … J’attendrai le temps qu’il faut … Que cela soit une éternité … ou qu’il ne se réveille jamais … J’attendrai … » murmura la femme aux cheveux blancs, posant sa tête contre le torse de Kéran, fermant les yeux. Qu’importe … le temps qu’il fallait attendre. Qu’importe … ce qu’il fallait endurer … Elle serait là.

Laisser un commentaire