Chapitre 39 : Partition

ShiroiRyu
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Chapitre 39 : Partition

Oui il était désolé de ne pas avoir prévenu ses collègues de son absence, oui il était désolé d’avoir saccagé l’appartement. Oui il allait tout remettre en ordre, oui il allait faire ci, oui il allait faire ça. Enfin, ils étaient partis et il se couchait sur le lit où pour la première et dernière fois, il s’était uni avec celle qu’il avait tant aimé cette nuit. Quand Riza arriva dans la pièce, elle remarqua que le jeune homme était en train d’étreindre son traversin de manière très subjective. Elle avait préféré ne pas se mêler de ceci, ce n’était pas de son ressort. Au moins, il était encore vivant et il n’allait plus commettre de bêtises. Néanmoins, elle avait discuté avec le chef de Ryusuke pour que ce dernier puisse se reposer pendant une semaine, lui annonçant la triste nouvelle au sujet de Clemona.
« Eleanor? Dis…Dis moi, tu veux bien décongeler Clemona? Dis…Dis moi, tu veux bien la décongeler pour moi? »
La Draco aux oreilles blanches le regardait d’un air interrogateur. Qu’est-ce qu’il comptait faire avec elle? Si elle la décongelait, alors elle allait…Non…Il semblait avoir une idée derrière la tête, une idée complètement stupide qui montrait qu’il n’était pas guéri, loin de là. Mais elle ne pouvait qu’écouter son dresseur et déjà, un très léger souffle de feu faisait fondre la glace tandis qu’il se relevait de son lit pour venir récupérer le cadavre de la Gardevoir aux yeux verts. Elle était si froide et trempée…Il fallait la sécher!
« Attends un peu ma Clemona, je vais aller chercher une serviette pour t’essuyer et des vêtements aussi, tu ne peux pas avoir froid comme ça! »
« A qui tu parles Ryusuke? Il y a un problème? »
« Aucun Riza! J’étais en train de discuter avec Clemona! »
Clemona? De quoi parlait-il?! Elle se dirigea avec dextérité vers la chambre avant de l’ouvrir. Elle observait avec horreur le jeune homme en train de rhabiller le cadavre de la créature aux cheveux rouges. Mais il était complètement dingue ou quoi?!
« Mais qu’est-ce que tu fous?! On ne t’a jamais dit de ne pas jouer avec les morts Ryusuke?! »
« DE QUI TU PARLES RIZA?! Clemona n’est pas morte! ELLE N’EST PAS MORTE! ELLE N’EST PAS MORTE! PAS MORTE! PAS MORRRRRTTTEE! »

Oui, elle n’était pas morte, c’était ce qu’il s’était forgé dans la tête en revenant de ce temple. Il n’avait aucune raison de chercher Juperus et de le tuer, aucune raison de vouloir mettre en danger Riza, Eleanor, Isalia et les autres! Riza s’était approchée de Clemona, prête à la récupérer en se tournant vers la Draco pour qu’elle la remette dans le cercueuil de glace mais sa main fut soudainement griffée. Du sang s’écoulait de la main droite de la jeune femme aux cheveux bouclés blonds qui poussa un cri avant de crier :
« C’en est trop Ryusuke! Tu as dépassé les bornes cette fois! Tu n’es pas guéri du tout! Je pensais que sur le chemin, tu avais décidé de tirer un trait sur cette histoire mais je ne vois que ce n’est pas le cas! J’appelle les médecins! »
Cela n’avait duré que quelques heures, des heures où il était redevenu comme avant, un peu maussade mais normal. Et là…Il revenait de retomber dans une déchéance mentale, une déchéance dont il pouvait plus sortir. Oui…Tout était terminé, elle ne voulait pas y croire mais elle devait se résigner. Le jeune homme continuait de crier en battant des mains dans le vide :
« Tu dis n’importe quoi! De toute façon, vous êtes tous contre moi! Me faire croire qu’elle était morte, c’était n’importe quoi! Qu’est-ce que tu fais ELEANOR?! »

Il se releva avec l’agilité d’un animal avant de bondir sur la Draco pour lui asséner des coups de poing. La pauvre créature avait tenté simplement de remettre Clemona dans son cercueil mais Ryusuke ne semblait pas de cet avis. Du sang s’écoulait du visage d’Eleanor, un sang qu’elle n’aurait jamais aimé voir couler un jour de la main de son propre maître. Une larme à la clarté de cristal s’écoulait de l’oeil violet de la créature aux oreilles ailées : Elle était désolée…mais c’était pour son bien. Sa bouche s’ouvrait peu à peu tandis que Ryusuke continuait de la frapper. Un puissant rayon alla le frapper en plein coeur, un rayon d’une violence inouïe, un rayon dans lequel elle avait tout donner. Le rayon traversa le plafond pour le transpercer tandis que le jeune homme retombait au sol, une profonde blessure au niveau de la hanche droite. Il n’allait pas se relever, elle le savait.
« Pourquoi? Pour…quoi vous êtes tous contre moi? Vous…ne m’aimez pas? Eleanor…Tu m’as trahit? Je…Ah…Vous voulez m’enlever Clemona! »
Il était encore conscient?! Isalia, Riza, tout le monde regardait la main qui se levait légèrement de l’homme couché sur le sol. Elle tremblait, elle était défaillante comme si il perdait encore une fois tous ses repères. Dans quelle folie s’était-il enfoui pour ne pas vouloir se faire une raison? Aimait-il vraiment plus que tout Clemona au point de perdre son âme? Au point de perdre la raison? Les personnes présentes dans la pièce devaient elles aussi accepter cette réalité : Le jeune homme était brisé. La main tomba au sol pour ne pas se relever, il était blessé et évanoui.
Une lumière blanche? Des voix divines dont il ne comprenait pas leurs langages? Est-ce qu’il allait la rejoindre enfin? Est-ce c’était son tour? Clemona l’attendait là-bas, il le savait…La Gardevoir aux cheveux rouges émettait un sourire en le voyant et il prendre la main qu’elle lui adressait : Prendre sa main…et être réunis. Pourquoi n’arrivait-il pas à la tendre?! Clemona s’éloignait peu à peu.
« RESTES CLEMONA! Ne m’abandonne pas une seconde fois! Ne m’aband… »
Ses yeux verts s’ouvraient sur le plafond entièrement blanc. Où se trouvait-il? Il tournait la tête à gauche et à droite : Des murs blancs, complètement blancs. Il ne pouvait pas bouger : Ses bras, ses mains, ses jambes et ses pieds étaient complètement immobilisés. De plus, juste le fait de bouger un peu lui arrachait un cri de douleur, cri de douleur qui ne pouvait pas sortir de sa bouche! Les yeux baissés, il remarquait un morceau de scotch sur ses lèvres. Où se trouvait-il?!
« Vous vous êtes enfin réveillé? Cela fait plusieurs jours que vous dormez monsieur Ryusuke. »

Un homme tout habillé de blanc se trouvait dans la pièce. Par où était-il passé?! Mais surtout où était-il?! Comme si le médecin savait ce que le jeune homme se posait comme questions, il décidait de lui répondre :
« Vous vous trouvez dans l’hôpital Exenor, hôpital réputé pour son service psychiatrique de grande qualité. Vous avez été emmené par une jeune femme nommé Riza qui nous a expliqué les symptômes et les causes de vos… »petits soucis mentaux ». Ne vous inquiétez pas, vous êtes entre de bonnes mains. »

Combien de fois cet homme avait-il répété ces phrases aux nouveaux arrivants? Pourquoi Ryusuke se retrouvait-il dans cet endroit?! Il était tout à fait sain d’esprit! Riza…Et dire qu’il lui avait fait confiance, elle n’avait pas hésité à le trahir! Il devait partir d’ici : Clemona l’attendait et déjà il se mettait à se débattre sous le regard légèrement amusé du docteur :
« Pauvre homme, vous êtes si jeune et pourtant…Vous allez devoir passer votre vie dans cet endroit. Les personnes en ce lieu ne sortent jamais, leurs maladies sont bien trop graves. Comme vous êtes réveillé, vous recevrez de la visite demain ou dans les jours qui suivent, maintenant, reposez vous. »
Plus facile à dire qu’à faire! Il n’avait pas l’intention de rester une minute de plus en ce lieu! Quelque chose se plantait dans son cou : Une seringue! Il observait du coin de l’oeil, le liquide qui était en train de se déverser en lui : Un anesthésiant?! Ce n’était pas suffisant pour l’arrêter! Pourquoi le Virus Omega ne voulait-il pas faire son office maintenant?! Pourquoi son propre corps décidait-il de l’abandonner à son tour?! Il n’avait rien fait de mal! RIEN DU TOUT! Il voulait seulement Clemona! Ses yeux tentaient de garder la lumière, de rester grands ouverts, il ne devait pas les fermer.
« Je suis déçu Ryusuke, je te pensais plus hargneux, plus combatif mais tu abandonnes déjà la lutte? Tu ne te sens pas capable de vouloir la sauver? Serais-tu un simple et pitoyable humain comme les autres? Clemona a t-elle perdu la vie pour un humain des plus banal? »
Cette voix? Une voix qui lui allait droit au coeur, franchissant toutes les barrières de son corps. Cette voix : Ni angélique, ni maléfique, elle était si pure mais neutre comme si un être divin lui adressait la parole. Un être DIVIN?! JUPERUS?! JUPERUS?!! Il osait le narguer?! Il osait se moquer de lui?!
Il ouvrait à nouveau ses yeux, la salle entièrement blanche étant plongée dans l’obscurité la plus absolue. La nuit était tombée mais il gardait ses yeux grands ouverts, le brasier qui brûlait sous le feu de la haine et de la colère venant d’obtenir un second souffle encore plus ardent qu’auparavant. Le tuer et l’exterminer. Garder cette idée en tête!
Les heures s’écoulaient et l’homme de la dernière fois revenait vers lui, accompagné de deux personnes à la carrure de déménageurs. Sans douceur, ils levèrent son lit pour le mettre en position verticale avant de la faire rouler pendant quelques minutes dans les couloirs pour emmener le patient.
« Bon…jour Ryusuke. Comment vas tu? »
Riza se trouvait en face de lui, cachée derrière une vitre. A côté d’elle, Eleanor observait son dresseur avec une pointe de tristesse dans le regard. Isalia et Tocor étaient là aussi, les deux pokémons ne sachant pas comment réagir devant l’homme qui était paralysé de tous les côtés pour éviter un geste trop brusque. Riza n’arrivait même pas à le regarder en face et pour cause : Les yeux de Ryusuke semblaient lancer des éclairs en sa direction, signe qu’il n’allait pas lui pardonner cet acte envers lui.
« Je venais prendre de tes nouvelles. Tes pokémons aussi étaient inquiets, ils tiennent vraiment à toi, moi aussi tu sais? Mais je ne pouvais pas te laisser dans cet état : Trois jours, tu entends? Trois jours et tout est parti de travers. Imagines un peu qu’est-ce qui se serait passé au bout d’une semaine ou d’un mois? Tu aurais commis des meurtres, j’en suis sûr! Je ne pouvais pas te laisser comme ça. Clemona n’aurait jamais accepté. Je l’ai mise dans votre chambre et Eleanor la surveille jour et nuit. Aujourd’hui était une exception car elle voulait te voir. Elle était inquiète au sujet de ta blessure. Tu as des pokémons remarquables : Tu allais presque la tuer et elle pourtant, elle décide quand même de venir te voir pour vérifier ton état! Surtout une pokémon aussi bien qu’Eleanor. Il sont tous formidables et ils ne veulent pas te voir dépérir. Guéris vite Ryusuke, nous t’attendrons là-bas. »
« Le temps de discussion est terminé mademoiselle. Veuillez nous accompagner vers la sortie. »
« Att…Attendez, je n’ai pas terminé! Ryusuke, je te ramènerais ton violon la prochaine fois! Je te le ramènerais! Je t’aime »!
« Ahlala…Vous feriez mieux de ne pas trop croire à ces paroles : Ils vous ont vu dans cet état, ils ne reviendront pas. Vous devriez vous préparer à une longue vie de solitude. Quand même, c’est bien la première fois que j’ai un cas lié à la mort d’une Pokémon. Il faut être déjà dérangé mentalement pour se mettre dans cet état. »
De quoi? Ce médecin se permettait des remarques désobligeantes sur Clemona?! Le lit s’était mis à trembler tandis que la tête de Ryusuke se penchait en avant et de tout les côtés. Il allait lui faire la peau, Clemona était bien plus qu’une pokémon! Alors qu’il était complètement resté immobile pendant les paroles de Riza malgré son regard mais là, il perdait tous ses moyens. Le médecin claquait des doigts avant que les deux colosses traînent l’homme qui se débattait dans son lit en direction de sa chambre spécialisée.
« Ta situation ne semble pas s’arranger. Voudrais-tu un peu d’aide de ma part? Je pourrais te libérer si tu veux et tu pourrais alors partir à ma recherche mais tu sembles ne plus avoir d’énergie. Je fondais mes espoirs en toi et Clemona, je voulais savoir si tu étais capable de changer ce monde mais je vois que je me suis trompé, c’est vraiment dommage. »
« JE N’AI PAS BESOIN DE TON AIDE! ATTENDS QUE JE SOIS CAPABLE DE ME MOUVOIR A NOUVEAU! »
« Monsieur Viron? Venez voir la caméra de la chambre du patient 204, celui qui est mentalement dérangé depuis la mort d’une pokémon. »
« Qu’est-ce qu’il y a? Il s’est passé quelque chose? »
« Et bien, je ne sais pas mais d’après ce que l’on peut voir, il est en train de crier et de tenter de se retirer de ses liens. Il semble en colère contre quelqu’un. »
Le médecin demanda au garde de la sécurité de mettre le volume pour pouvoir entendre ce que Ryusuke avait à dire, un petit sourire aux lèvres. Envers qui il s’énervait? La femme qui était venue le voir? Son sourire disparaissait en entendant ce nom : Juperus? Comment un homme déséquilibré comme lui pouvait-il connaître le nom de l’être divin? Malgré ses années de recherche, il n’avait obtenu guère d’informations à part son nom. Même sa description ou son histoire restaient inconnues. Peut-être que Ryusuke avait des choses à lui dire? Visiblement, ils avaient bien fait de lui retirer le scotch sur ses lèvres.
« Veuillez transférer le patient 204 dans mon bureau. »
Sans d’autres mots, le médecin s’éloigna de la salle de surveillance pour se diriger vers son bureau. Quelques minutes plus tard, le lit de Ryusuke posé à la verticale se trouvait devant lui mais le jeune homme restait complètement muet et impassible. Qu’est-ce que le docteur lui voulait? L’énerver encore plus?
« Comment connais-tu le nom de Juperus? Ce n’est pas un nom que l’on peut imaginer comme ça. »
« Et en quoi ça vous concerne? Juperus n’a rien à voir avec vous! Donnez moi une raison de vous parler de cet imbécile de Dieu! »
« Sans parler de traitement de faveur, tu seras néanmoins libre de tes mouvements à l’intérieur de ta chambre et tu pourras en sortir quelques fois. Tu ne seras pas considéré comme un cas dangereux et aliéné et donc la surveillance sera moins forte sur toi. Cela n’a que des avantages. D’ici quelques années, tu pourrais même sortir. »
TEUH! Pour qui se prenait-il? Des avantages, tout ça? Dans ses rêves! Il lui suffisait d’attendre qu’il le libère et il allait le… Tiens, depuis quand ce médecin avait-il un regard si intéressé? Il semblait vraiment vouloir en connaître plus sur Juperus? Si ce dernier se mettait à lui parler en plus, il allait servir de coursier ou quoi?
« Juperus est considéré comme le créateur de l’Univers. C’est lui qui a donné vie aux humains et aux autres races de cette planète. Il y a de cela quelques millénaires, les pokémons n’existaient pas et seuls des animaux … »
Et voilà qu’il commençait à parler sans s’arrêter. Il racontait trait pour trait ce que DornRek avait dit il y a plusieurs mois, n’oubliant aucun détail tandis que la petite voix dans sa tête lui donnait encore plus d’informations. A quoi Juperus s’amusait-il?! Ne comprenait-il pas qu’il voulait le tuer et l’abattre? Et au lieu de l’enfoncer, il l’aidait à s’en sortir.
Chose promise, chose faite : Le lendemain, Ryusuke était libéré de son lit et transférer dans une autre chambre, bien mieux : Dans celle-ci, il y avait des fenêtres plus grandes, une télévision et un petit bureau à côté du lit si il avait envie d’écrire. Lorsque Riza était revenue pour la visite quotidienne et accompagnée des pokémons du jeune homme, elle semblait surprise de le voir libérer aussi vite mais le regard de Ryusuke, bien que moins hostile qu’hier montrait qu’il ne lui avait pas pardonner pour autant. Sans un mot, elle déposa l’étui à violon devant elle avant de le regarder brièvement. Non, elle n’arrivait pas à soutenir son regard inquisiteur. Là où se trouvait une petite fenêtre pour faire passer les objets, elle y déposa l’étui à violon et lorsqu’il s’apprêtait à le prendre en levant la petite fenêtre, Eleanor s’y engouffra subitement sous les regards médusés des personnes à l’intérieur. Elle qui était si fière d’habitude n’avait pas hésité à passer par cet endroit pour se jeter autour du corps de Ryusuke pour le ligoter et venir lui donner un petit baiser du bout de son nez bleu. Elle voulait tant s’excuser pour cette attaque. Les gardes s’avançaient déjà pour venir séparer le pokémon de son dresseur mais celui-ci tapota légèrement la tête de la Draco à la peau bleutée :
« Ce…n’est rien Eleanor. C’était un peu de ma faute à la base. Dire que je t’ai capturé car je n’avais pas d’autres choix. Je suis un dresseur bien risible des fois. Je te pardonne mais retournes donc avec Riza, elle s’occupera de toi. »
Elle colla à nouveau son museau contre la joue de Ryusuke avant de revenir du côté de Riza. Celle-ci espérait quelque chose et le jeune homme le savait. Il se leva lentement, les yeux baissés vers le sol en tenant l’étui qui contenait le violon de couleur azur. Le temps de discussion n’était pas terminé mais il semblait ne rien avoir à dire. Il se dirigea vers la sortie sous le regard désabusé de la jeune femme aux cheveux blonds avant de s’arrêter, disant d’une voix neutre :
« Merci pour le violon mais…Je ne peux pas te pardonner…Pas pour l’instant. »

Riza acquiesça d’un regard avant de se retirer, accompagnée d’Eleanor, Isalia et Tocor. La séance était terminée pour eux. Maintenant qu’il était seul dans sa chambre, il observait le violon de couleur bleu azur de tout les côtés : Il était vraiment beau, il fallait le reconnaître. En avait-il déjà joué? Non…Il savait que ce n’était pas le cas mais devait-il commencer maintenant? D’un geste fébrile, il déposa le violon sur son épaule gauche, l’archet dans sa main droite tandis qu’il se rappelait qu’il en avait déjà joué…Joué pour elle pendant qu’elle dansait dans ce vide cosmique.
« Te sentiras-tu assez courageux pour en jouer à nouveau? Avec cet objet qui te rappelle sa mort? Sauras-tu t’armer de courage pour ne pas défaillir en repensant à celle que tu as perdu? »
« Juperus, la ferme. Que vous soyez un Dieu ne vous permet pas de me pourrir ma tête alors que c’est déjà le cas avec mon existence à cause de vous. Je vais en jouer et je n’ai pas besoin de vos stupides paroles pour cela. »
« Allons bon, pourquoi t’énerves-tu alors que je te rend service? Sans moi, tu serais encore couché sur un lit sans liberté de mouvements, tu devrais plutôt me remercier pour cela. »
« Vous remercier? AH! Ne vous foutez pas de ma gueule! Vous êtes comme DornRek! Non en fait, vous êtes pire que lui puisqu’il est l’une de vos créations, vous vous amusez avec nous sans penser aux conséquences de vos actes, vous êtes qu’un sale gamin pourri gâté à qui on a confié un pouvoir beaucoup trop grand pour sa capacité intellectuelle! »
« Stop. »
Sans qu’il ne sache d’où cela venait, Ryusuke fut projeté contre un mur avec violence. Le mur n’était pas détruit pour autant et il se retrouvait soudainement paralysé contre ce dernier, bras tendus et jambes collées l’une contre l’autre. La voix dans sa tête ne semblait pas être énervée pour autant et elle reprenait son discours :
« Je pense que tu n’as pas compris ta position Ryusuke. A qui pensais-tu t’adresser de cette manière? A un ancien camarade de lycée? A une personne rencontrée dans la rue qui t’a bousculé? Dois-je te rappeler ce que tu es entre mes paumes? Une simple flammèche que je peux éteindre d’un souffle divin. Maintenant, évites donc de t’adresser à moi avec autant de verve, je ne serais pas aussi clément la prochaine fois. »
« Rien à faire, vous n’avez pas à me dicter ma conduite d’accord?! Je vous rappelle que c’est de VOTRE faute si elle est morte, vous ne pensez pas que je vais vous faire des éloges après ça?! »
« Cela était inscrit dans son Destin. Dès sa naissance, elle connaissait le but lié à sa race. Bien entendu, un proverbe annonce que personne n’est maître de son Destin mais cela est faux. Elle avait le choix entre deux chemins au moment où elle t’a rencontré : Celui de la haine et de la destruction ou alors celui de la pitié et de la générosité. Je te laisse deviner lequel elle a choisi. Les destins s’entremêlent et se dénouent, aucun destin n’est indolore et isolé des autres. »
La paralysie disparaissait peu à peu, laissant le jeune homme retomber au sol comme un vulgaire objet. Il se relevait en grognant mais en évitant de répondre à Juperus. Pourquoi s’adressait-il à lui?! Ce n’était qu’une pure provocation de la part de ce Dieu! Qu’il attend dans quelques années, il allait arriver à le retrouver et à le tuer. S’asseyant sur son lit, il reprenait le violon qui était tombé au sol ainsi que l’ archet avant de commencer à jouer une symphonie inventée de ses propres mains. Il se rappelait les moments où il écrivait les partitions avec la faible lueur d’une lampe de chevet sur son bureau. Derrière lui, la tête au-dessus de son épaule, Clemona l’observait et tenter de lui rectifier ses erreurs bien qu’elle ne comprenait pas une bonne partie de ses musiques mais il les corrigeait tout simplement pour la rendre heureuse.
Une semaine s’écoula, puis une seconde, Riza n’était pas revenue depuis tout ce temps, elle semblait avoir besoin de réfléchir et il comprenait la jeune femme. De toute façon, ils n’avaient rien à se dire. Ses journées se déroulaient paisiblement, il écrivait encore et toujours de nombreuses partitions qu’il jouait dans le vide et pour lui-même. Un problème le gênait néanmoins : Juperus.
Ce dernier continuait de lui parler dans sa tête et de lui indiquer ce qu’il devait changer dans ses partitions mais Ryusuke refusait et au bout du temps, il décidait de l’ignorer mais c’était chose plus facile à penser qu’à faire. Si le jeune homme ne voulait pas écouter le Dieu, ce dernier forçait son esprit.
« Tu peux arrêter de me prendre la tête Juperus? Et ce n’est pas un jeu de mots! Je ne sais pas ce que tu cherches à faire en restant avec moi mais je te préviens d’emblée, ça ne marchera pas! Je ne tomberai pas dans ton piège. Dès que j’ai trouvé le moyen de te rencontrer, je n’hésiterai pas à te briser les deux molaires du devant, qu’importe la forme à laquelle tu ressembles! »
« Les journées s’écoulent et pour moi cela n’est que quelques minutes et pourtant, tu sembles toujours aussi hargneux. Tu es un être seulement constitué de haine et de rage. »
« Par la faute de qui?! Je dois te rappeler qui est responsable de mon état?! Si tu ne m’avais pas retiré Clemona, JAMAIS je ne serais devenu comme ça! »
« Tu voudrais la retrouver? Tu sais, j’en ai les capacités, je suis Juperus, j’ai droit de vie et de mort sur quiconque dans l’univers. »
« La ferme. On ne doit pas jouer avec les lois naturelles…même si elle n’est pas morte naturellement. Je vais me coucher, tu es prié de ne pas t’incruster. »
Il ne pouvait pas se taire? Il voulait le faire sombrer à nouveau dans la folie? Il ne savait plus sur quel pied il devait danser mais il ne devait pas écouter les absurdités que lui disait ce foutu Dieu. Il se couchait sur le lit, un oreiller enfoncé au-dessus de sa tête pour ne pas à l’entendre. Juperus semblait avoir compris son message et les heures s’écoulèrent où Ryusuke s’était endormi, l’oreiller sur la tête.
Enfin un peu de repos : Juperus ne venait pas le réveiller, ni le déranger et aujourd’hui, Riza était venue le voir accompagnée comme à son habitude d’Eleanor, Isalia mais Tocor était resté avec son patron, du moins son ex-patron…Elle venait lui annoncer tout simplement qu’il s’était fait renvoyé et qu’ils ne pouvaient pas tolérer une personnalité déviante parmi eux. C’était triste mais Ryusuke s’en fichait pas mal.
« Mais comment vas-tu Ryusuke? Tu sembles aller bien mieux depuis quelques jours d’après ce que m’a annoncé le docteur Viron même si tu parles tout seul. »
« Je ne parle pas tout seul, juste que Juperus a décidé de me rendre la vie impossible en n’arrêtant pas de squatter ma tête. Tu peux pas savoir comme il est chiant… »
Elle préférait ne pas répondre pour éviter de vexer le jeune homme mais maintenant qu’elle le voyait et qu’elle l’avait en face, elle pouvait observer à quel point Ryusuke avait changé en deux semaines. Une barbe naissante de couleur brune, des yeux avec quelques cernes et surtout un visage blanc à faire pâlir d’horreur quiconque l’observait dans la nuit. Elle allait avoir une discussion avec ce directeur à la noix. Elle fouillait dans son sac avant d’en ressortir un bout de papier et de le tendre à Ryusuke qui regardait la feuille :
« C’est ce que tu avais ramené du temple Ryusuke. Comme il m’a annoncé que tu aimais jouer du violon pendant que tu étais seul, je pensais que c’était une bonne idée. Est-ce que j’ai bien fait? »
« Je…Oui Riza. Je crois que je vais aller me reposer, je ne me sens pas très bien. Désolé d’écourter notre discussion, repasses dans quelques jours. »
Il se releva, partition à la main avant de se diriger vers la sortie. Maintenant que Juperus n’était plus là, il remarquait à quel point il était malade. Il avait si mal au crâne que sa tête semblait exploser et il devait se masser le front pour ne pas s’évanouir. Riza, Eleanor et Isalia se regardaient d’un air entendu : Même si il était devenu complètement fou, elles ne pouvaient pas le laisser ici.
Il déposa la partition sur le bureau à côté du lit avant de s’écrouler sur ce dernier. Il n’en pouvait plus : Deux semaines qu’il était ici et il s’était dit qu’il allait devenir encore plus dingue qu’à l’arrivée. Pourquoi croyait-il que Clemona était vivante? Et maintenant, il se trouvait risible. Il avait un sérieux mal de crâne et cela n’allait pas s’arranger il le savait! Depuis qu’elle était morte, il perdait la boule, tout se chamboulait dans son crâne : Morte, pas morte, calme, pas calme, stoïque ou hyperactif, il n’avait même plus de réelle identité!
« Joues cette partition. »
Sans réfléchir, il obéissait à cette voix qui malmenait sa tête depuis deux semaines. Lentement, les yeux presque clos, il se relevait pour s’asseoir sur une chaise et prendre le violon à la couleur bleu azur. De sa main droite, il tenait l’ archet et observa pendant une dizaine de secondes la partition devant lui. Sans un mot et les yeux maintenant complètement fermés, il se mettait à jouer une symphonie douce et mélodieuse, une symphonie que jamais il ne pouvait inventer même après plusieurs siècles de réflexion, une symphonie…divine. Pendant quelques minutes, la musique continuait et il sentait d’autres instruments en train de jouer dans ses oreilles, ce n’était qu’une illusion et il le savait mais pourtant…Il se sentait transporté dans un autre monde, un autre lieu mais il ne voulait pas ouvrir les yeux, il devait terminer cette musique jusqu’au bout. Enfin la musique s’arrêtait et les instruments stoppaient de résonner dans ses oreilles.
« Une très belle symphonie Ryusuke. Tu n’aurais jamais dut quitter la musique pour le dessin et le stylisme bien que tu sois doué aussi dedans. »
« Ju…perus? »
Il ouvrait lentement les yeux sans observer le décor autour de lui. Cette voix, elle était si proche de lui, elle ne provenait pas de son cerveau. Devant lui, deux pupilles roses dans des yeux verts l’étudiaient.

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