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Chapitre 123 : Complots dans le dos
« Tu as vu les derniers potins concernant le jeune Théodore Astrum ? »
« Tu parles de ceux en rapport avec les photos dans les magazines ? »
« Bien sûr ! Tu ne tiens pas au courant ?! Regarde-ça ! » s’écria une femme d’une trentaine d’années en tendant plusieurs documents.
Sur la majorité des couvertures, on pouvait voir le jeune garçon aux cheveux noirs en compagnie d’une adolescente aux longs cheveux verts. Celle-ci tenait dans sa main un livre alors que Théodore faisait de même de son propre côté. Son visage restait froid et terne sur la photo mais on pouvait remarquer qu’il semblait être un peu gêné. Du côté de l’adolescente, celle-ci avait un grand sourire aux lèvres, semblant être amusée par le jeune garçon.
« Elle n’est pas un peu vieille ? »
« Ils disent qu’elle a environ treize ou quatorze ans mais elle n’a qu’un prénom, pas de famille. Visiblement, elle sait quand même se rendre discrète sur sa vie privée ! C’est dommage car si c’est une jeune fille de bonne famille, il n’y a que peu de chances qu’elle soit avec lui. »
« OHHH ! Tu radotes Francine ! Ce n’est pas de sa faute à elle, hahaha ! »
« Mais c’est quand même assez bizarre… Théodore Astrum est connu pour ne pas être sociable du tout. Ce jeune garçon est assez spécial… »
AH ! Même un enfant pouvait avoir besoin de divertissements, n’est-ce pas ? Ce n’était qu’un enfant… Et il ne fallait pas l’oublier. Un enfant de dix ans avait besoin de s’amuser… Mais celui-ci n’avait guère le temps d’y penser. Assis sur un fauteuil et bien que cela pouvait paraître être une mauvaise blague, Théodore s’adressait à un groupe de personnes âgées de quarante à cinquante ans pour la majorité.
« C’est pourquoi cela nous est nécessaire de développer des outils peu coûteux dans les centres pokémons pour qu’ils soient plus performants. Soigner des pokémons est une chose lorsqu’ils sont évanouis mais dès qu’il s’agit d’un membre cassé ou de blessures plus graves, une bonne partie des centres actuels sont loin d’être au niveau requis. Néanmoins, développer cela requiert des fonds importants et c’est là que tout ceci se trouve être paradoxal : Payer plus pour coûter moins. »
Il s’arrêta de parler alors que plusieurs coups se faisaient entendre à la porte. Il demanda à la personne de rentrer, une secrétaire se présentant tandis que toutes les têtes se tournaient vers elle. D’une voix légèrement intimidée, elle alla dire :
« Monsieur Théodore Astrum… Votre rendez-vous est arrivé plus tôt que prévu. »
« Merci bien. Mesdames, messieurs, la réunion est terminée. Vous pouvez partir dès maintenant, nous continuerons ceci plus tard. Je vous souhaite une bonne journée. »
Il s’était adressé à eux avec neutralité, restant debout tandis que tous partaient les uns après les autres. Deux minutes plus tard, quand il ne restait plus que lui, plusieurs coups furent donnés à nouveau à la porte avant qu’une ombre ne se faufile discrètement dans la salle.
« Mademoiselle Séléné, je vous ai remarquée. Vous pouvez ressortir de votre cachette. »
Aucune réponse de la part de l’adolescente ? Hum ? Il avait regardé par les vitres en attendant qu’elle arrive et maintenant… Elle était dans l’immense salle ovale… Mais où ? Il se leva pour tenter de la retrouver mais dès l’instant où il s’apprêtait à se mouvoir, l’ombre se jeta sur lui, le faisant tomber au sol, elle sur lui.
« Pas de mademoiselle et de vouvoiement qui tient avec moi, monseigneur Théodore. »
« D’accord ! D’accord ! Mais relevez-vous ! Cette position est trop équivoque ! »
« Ohhhh… Equivoque ? Mais de quelle position est-ce que tu parles ? Et tu sais au moins de quoi tu parles ? Tu es peut-être précoce pour ton âge… Un peu trop même. Et tant que tu ne me tutoieras pas, je ne me lèverai pas ! »
« Est-ce que vous… »
« GRRRRR ! » grogna t-elle en ouvrant la bouche comme pour s’apprêter à le mordre à l’oreille, le jeune garçon la regardant avec étonnement avant de corriger :
« Est-ce que tu veux bien te lever… s’il te plaît ? »
« S’il te plaît qui ? » demanda t-elle, levant le haut de son corps alors que le jeune garçon ne savait plus où se mettre, détournant le regard avant de souffler :
« S’il te plaît… made… Séléné. »
AH ! Enfin ! Voilà ! C’était parfait pour elle ! Elle se releva complètement, lui prenant la main pour le lever à son tour. Elle lui fit un grand sourire, venant l’embrasser sur la joue pour le féliciter de ce qu’il venait de faire. Lui ? Il ne savait pas où se mettre, détournant à nouveau le regard avant de s’épousseter comme si de rien n’était.
Bon… Où est-ce qu’ils allaient passer la journée cette fois-ci ? L’adolescente était plus grande que lui, de bien une tête mais ce n’était pas un problème pour lui. Non… C’était les réactions de Séléné le problème… Il ne savait pas comment l’expliquer… Mais en la voyant aussi ouverte et extravertie, il se demandait pourquoi elle évitait néanmoins les photographies et tout ce qui était… célébrité. Enfin… Elle n’était pas du genre à vouloir se mettre en valeur en quelque sorte. Ce n’était donc pas une si mauvaise chose, du moins, de son point de vue personnel bien entendu.
« Tu es certaine que tu ne veux rien ? » lui demanda t-il alors qu’ils parcouraient les chemins en regardant les boutiques à gauche et à droite.
« Rien du tout ! Rien de rien ! Rien de rien de rien du tout ! Je n’ai besoin de rien ! »
Hum… C’était bizarre une nouvelle fois. Enfin non… Ce n’était pas bizarre mais il avait trouvé cela assez étonnant qu’elle refuse qu’il lui achète quelque chose : Pourquoi pas des petites boucles d’oreilles pour être assorties à ses cheveux verts ? A ses yeux rouges ? A sa robe ? Enfin… Elle portait toujours la même mais elle semblait être la plus belle qu’elle possédait. C’était bizarre mais en deux semaines, elle avait toujours eu la même tenue… Enfin lui, de son côté, ce n’était pas forcément mieux, il avait la même garde-robe, le même vêtement en dix ou quinze exemplaires.
Elle n’était pas vaniteuse, elle n’était pas vénale, elle n’était pas mesquine, elle était… simplement Séléné. Elle semblait s’intéresser tellement à ses livres… Il l’avait même invité un jour à dormir dans la maison qu’il habitait : Résultat ? Aucun vol, aucune condescendance dans ses propos, non rien de rien ! Non ! Ce qu’elle avait fait ? C’était prendre un livre et s’installer sur un fauteuil dans la bibliothèque de sa maison. Il l’avait surpris dans la soirée et l’avait même fait rougir. L’adolescente s’était confondue en excuses avant de se lever mais il lui avait dit qu’elle pouvait rester ici.
C’est vrai… Elle n’avait rien de mauvais en elle… Mais il n’arrivait pas à lui faire réellement confiance… A cause de ce foutu comité… Bizarrement, ils n’avaient rien dit à ce sujet, c’était même le contraire : Ils acceptaient parfaitement qu’il passe un peu de son temps avec l’adolescente et ça… C’était vraiment louche. Il lui avait fallut attendre un bon petit mois pour réussir à obtenir une conversation plus qu’intéressante. Dans son bureau, il l’avait écouté en boucle, se répétant les paroles dans la tête :
« Alors ? Comment se passe votre copinage ? »
« Plutôt bien, je pense qu’il est en train de tomber dans mes bras. Ce n’est qu’un enfant au final. Un enfant de dix ans. »
« L’âge ne fait pas tout malheureusement. Ce gamin est de la même trempe que celle de Bartholomé. Il est bien plus intelligent que toi et moi réunis. »
« Je veux bien vous croire. Il me paraît même relativement froid. Est-ce que c’est vous qui êtes responsable de la mort de son père ? Je me posais la question… »
« Tu n’as pas à t’intéresser à cela. Que je sache, tu n’es pas concernée par cette histoire et tu n’es pas payée pour en savoir plus à ce sujet. Ton objectif est très simple mais tu as l’air d’avoir quelques difficultés pour cette fois : Ne faillis pas. »
« Comme si je pouvais faillir pour une tâche aussi simple : Théodore Astrum n’est qu’un enfant… moins âgé que moi… Il a eu de la chance durant toute sa vie… de vivre dans un monde où le luxe est son lot quotidien. Cela fait deux ans que je suis au service du comité et je n’oublierai jamais ce que je dois accomplir. »
« Si tel est le cas… Alors je te fais confiance. Ne la trahit pas. »
« Ne vous inquiétez pas à ce sujet, Théodore Astrum signera bientôt ce morceau de papier. »
Ce morceau de papier ? Il avait tout de suite imaginé ce que ce papier voulait dire. Il n’y avait pas cinquante mille solutions : Un papier sur lequel il confiait toutes ses responsabilités au comité et donc il donnait les pleins pouvoirs à ce dernier.
Les jours après cette découverte se passèrent très mal… Du moins, de son côté. Il était redevenu le jeune garçon qu’elle avait rencontré le premier jour : Froid, terne et légèrement cynique. Elle avait tout fait pour tenter de lui décrocher un sourire, usant de nombreux stratagèmes mais elle n’y arrivait pas. Il s’était comporté comme un adulte pendant deux années, il avait espéré redevenir un enfant pendant ses moments avec Séléné mais bon… Ce n’était visiblement qu’un trompe-œil et il s’arrêtait de se bercer d’illusions. Néanmoins, il faisait tout pour qu’elle reste auprès de lui. C’était stupide… et il savait pertinemment que cela ne servait à rien car jamais il ne se laisserait bluffer mais la présence de l’adolescente auprès de lui était quelque chose qu’il n’arrivait pas à se substituer à autre chose. Même si… Ce n’était qu’un mensonge… Il avait l’impression d’être important aux yeux de quelqu’un… Pas à cause de son rôle, pas à cause de son grade, mais à cause de ce qu’il était : Un enfant.
Deux semaines s’étaient écoulées et les venues de Séléné se faisaient un peu plus rares. Alors qu’auparavant, elle arrivait tout les jours mais maintenant, elle semblait avoir des soucis. Jusqu’au jour où elle arriva avec une vilaine entaille sur la joue. Ce n’était pas très grave, cela allait se soigner au fil des jours mais lorsqu’il avait vu ça… Il s’était tout de suite levé en s’écriant avec colère :
« Qu’est-ce qui s’est passé ?! Qui t’as fait ça ?! »
« Hein ? De quoi, Théodore ? Tu parle de quoi ? » demanda la jeune demoiselle en émettant un petit sourire en même temps.
« Cette éraflure sur la joue ! C’est qui qui te l’as fait ?! »
« Ah ? Ca ? Je me suis juste coupée légèrement en voulant cuisiner. Tu n’as pas à t’inquiéter pour moi. OH ! Je viens de le remarquer… C’est la première fois que tu t’inquiètes autant pour moi ! » s’écria Séléné avant de venir le serrer contre sa poitrine en rigolant avec joie, le jeune garçon balbutiant quelques mots :
« Ne fait pas ça ! C’est indécent ! »
« Je suis si contente ! Je pensais que tu m’en voulais et que tu me boudais depuis presque trois semaines ! » reprit-elle alors qu’il s’arrêtait de parler, observant ses bras.
Elle… Elle avait des marques sur les bras… Même si sa robe cachait généralement ses bras, il était tellement près d’elle… qu’il pouvait voir des bleus sur ses bras. Qu’est-ce que ça voulait dire ?! Est-ce que Séléné se faisait battre ?! Il se retira de ses bras avant de demander d’une voix calme et lente :
« Est-ce que tout va bien, Séléné ? Tu n’as pas de problèmes ? Aucun souci ? »
« Non. Mon problème vient de se résoudre maintenant que tu t’inquiètes pour moi. Je pensais que tu ne voulais plus me voir et donc ça me rendait triste… »
Elle semblait si sincère… et puis si forte… Il s’était peut-être trompé à son sujet ? L’erreur était humaine et il le reconnaissait. L’adolescente n’était peut-être pas simplement une arriviste comme il le pensait auparavant… Non… C’était peut-être bien plus compliqué que ça… Il devait en apprendre plus à son sujet.
Lors des prochains jours, ses bleus et cette entaille avaient disparus, lui redonnant ce joli visage qu’il lui connaissait tant. Oui… Il en était sûr : Elle avait été frappée à cause de lui, n’est-ce pas ? Mais elle ne disait rien et elle souffrait en silence. Elle restait droite et fière… Heureuse et souriante… Pourquoi ? Pour lui ?
A nouveau, les journées se déroulèrent sans qu’elle ne soit à nouveau touchée et il avait décidé d’arrêter de l’espionner pendant quelques jours. Il ne lui faisait pas confiance… Mais il appréciait sa compagnie, il le reconnaissait. Il l’appréciait jusqu’à un certain point… Mais maintenant qu’il la regardait, il pouvait voir un peu de tristesse dans son regard.
« Tu es sûre que tu vas vraiment bien, Séléné ? »
« Oui bien sûr, pourquoi est-ce que je n’irai pas bien ? Dis… Est-ce que tu veux bien m’aider ? J’ai quelques… problèmes… avec les étoiles… encore… »
« Bien sûr. Mais pourquoi tu te concentres autant sur les étoiles ? »
« J’aimerai bien trouver un travail dans l’astronomie un jour. Je me dis que ça doit être merveilleux de pouvoir les étudier chaque jour et surtout… »
Surtout quoi ? Il aurait bien aimé connaître la suite mais elle ne semblait pas vouloir continuer. Elle voulait devenir une astronome ? C’était un travail assez remarquable et difficile mais pourquoi pas ? L’adolescente en était capable ! Enfin, si elle s’en donnait la peine mais il était sûr qu’elle avait tout ce qu’il fallait pour ça.
Les heures se déroulèrent longuement, le jeune garçon et l’adolescente assis l’un à côté de l’autre, une petite lampe devant eux pour leur permettre de lire alors que la nuit était déjà tombée. Elle voulait tout apprendre sur l’astronomie et elle semblait vraiment motivée. Il était assez fier de ce qu’elle faisait et il pensait même que… que… Comment dire… Que tout ça n’était pas fait pour l’attirer dans sa toile et le faire flancher. Il avait l’impression d’avoir la véritable Séléné près de lui.
« Dis… Séléné… Si tu le désires… Tu peux m’appeler différemment… Théodore, c’est un nom un peu trop… solennel, non ? »
« Hein ? Je trouve que c’est un prénom ma foi fort joli, n’est-il pas ? » lui souffla t-elle en rigolant légèrement devant le ton noble qu’elle avait voulu se donner.
« Ne te moque pas de moi ! C’est mon père Bartholomé qui me l’a donné ! Mais… On en avait un autre… Juste entre nous deux… »
« Oh ! Un petit secret ! Je veux savoir, je veux savoir ! C’est quoi alors ? »
« Et bien… J’ai un autre nom… Enfin… C’est un secret et tu ne dois le dire à personne ! Surtout pas aux personnes du comité ! Mon surnom est Orion. »
« Orion ? Mais c’est vraiment joli ! Alors moi, dorénavant, je serai Artémis. »
Il la regarda d’un air incrédule alors qu’elle se mettait à rougir. Elle… Elle avait… Non… Est-ce qu’elle savait ce qu’elle venait de dire ? Devant le regard rubis de l’adolescente, il comprit que c’était le cas. Cela avait été si… direct… et si… véritable. Orion et Artémis… Il éclata de rire pour la première fois depuis qu’il la connaissait, Séléné venant l’accompagner dans son fou rire. Oui… Cela leur correspondait bien.