Chapitre 18 : Ce qui est caché

ShiroiRyu
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Chapitre 18 : Ce qui est caché

Depuis qu’il avait parlé de tout ça, il restait plongé dans son mutisme. Aucune parole ne sortit de sa bouche tandis qu’il fronçait un peu les sourcils. Il ne savait pas quoi dire … ou quoi faire … Il écoutait tout simplement ce que les deux femmes disaient. Ses deux sœurs aînées étaient parties avec ses deux sœurs cadettes pour leur montrer les fleurs de la boutique. Lui ? Il ne savait pas quoi faire … La boutique n’était pas si éloignée de cet endroit et …

« Maman ? Est-ce que je peux partir ? » demanda t-il avec lenteur.

« Tu laisses la foreuse ici … Car je ne veux pas que tu partes travailler. Je te connais que trop bien. » répondit-elle aussitôt, le jeune garçon semblant offusqué par les propos de sa mère.

« Je ne comptais pas … aller creuser des tunnels … Papa me l’interdirait … Et puis, je serai déjà trop en retard. Non … Mais en fait, je voulais aller la voir. » reprit-il, la femme aux cheveux rubis fronçant légèrement les sourcils, comme si elle comprenait parfaitement de qui il parlait. Elle poussa un profond soupir, disant :

« Vas-y donc … De toute façon, je ne pourrai pas t’en empêcher … »

« Vas-tu aller voir cette Munja ? » interrogea Florensia tandis qu’il reprenait :

« Comment … vous le savez ? Que c’est une Munja ? Je ne vous l’ai jamais dit pourtant. »

« Disons que ta mère aime beaucoup parler quelques fois. » dit la fleuriste, la mère d’Earnos détournant le regard en souriant légèrement. Mais elle racontait toute sa vie ou quoi ? Enfin bon … Puisqu’il avait l’autorisation, il pouvait partir alors. Il prit quand même sa foreuse, quittant la pièce puis la boutique de fleurs avant que ses sœurs ne lui posent de questions.

PFIOU ! Ca s’était passé sans aucun problème. Sa foreuse dans ses mains, il se mit à courir à toute allure pour mettre le plus de distance avec la boutique de fleurs. Ce n’est pas qu’il n’aimait pas cet endroit, c’était simplement qu’il préférait aller voir Douély. Il arriva dans le quartier des Munjas de la ville, plusieurs têtes se tournant vers lui. Toujours les mêmes paroles … Toujours les mêmes mots …

« Pourquoi est-ce que tu revenu ? Pourquoi ? » murmura un Munja à sa droite alors qu’il avançait sans même s’en préoccuper plus que ça des Munjas.

« Tu viens encore la voir ? Nous côtoyer ne t’apportera que du malheur … Il vaut mieux ne pas s’attacher à nous. Le temps n’a aucun effet sur nous. »

Un second Munja s’était adressé à lui alors qu’il tentait de l’ignorer. Ils avaient toujours le même discours … Alors pourquoi les écouter hein ? De toute façon, il ne venait pas pour eux … mais pour une seule personne, ce n’était pas bien compliqué pourtant. Allez ! Il arriva devant la porte de la demeure de Douély, déposant sa foreuse sur le côté avant de toquer. Quelques secondes plus tard, la voix de la Munja demanda :

« Qui est-ce ? Oh … Que je suis bête, il n’y a qu’une seule personne qui vient me voir. »

« C’est … C’est moi, mademoiselle Dou … » tenta t-il de répondre avant que la porte ne s’ouvre, un bras le tirant à l’intérieur. Il se retrouva enlacé par la Munja, se laissant faire.

« Alors, qu’est-ce qui t’emmène ici ? Je n’attendais pas ta visite, je dois l’avouer. »

« Et bien … Euh … Ma famille allait voir la fleuriste et moi, je pensais que c’était mieux que je vienne vous dire bonjour. J’espère que je ne dérange pas. » murmura t-il d’une voix légèrement intimidée en baissant la tête. La femme retira ses bras d’autour de son dos.

« Mais tu ne me déranges nullement ! Je suis même plutôt heureuse que tu aies préféré venir me voir plutôt que d’aller chez une fleuriste. Comme quoi, tu as de bon goût. »

Elle émit un grand rire sonore alors qu’elle venait l’installer sur une chaise. Elle était debout, passant à côté de lui alors qu’il était au final devant une table. Il était vrai qu’il avait un peu faim … Il n’avait pas mangé depuis le départ de la maison. Est-ce que Douély avait compris ça ? C’était à se demander comment elle faisait.

« Que veux-tu manger, Earnos ? Je te fais ce que tu aimes pour la peine. » dit-elle avant de se diriger vers la cuisine, le jeune garçon lui répondant :

« Euh … Comme vous voulez, mademoiselle Douély. Je n’ai … »

Il se stoppa au moment même où il se prit une claque derrière le crâne. Sans être violente, elle avait quand même réussi à lui faire pencher la tête en avant alors qu’il se retournait. Qu’est-ce que … Une ombre ?! Il voyait une ombre avec une main ?! Celle qui venait de le baffer ! Qu’est-ce que ça voulait dire ?!

« Cela t’apprendra … Visiblement, les années passent mais toi, tu oublies beaucoup de choses. » alla dire la voix de Douély dans la cuisine.

« Mais comment … C’est … Euh … De quoi ? Mais cette main … »

« Allons … Je suis une Munja … Je suis une femme inquiétante, très inquiétante, ne l’oublies pas, Earnos. Je pourrai te dévorer tout cru sans même que tu réagisses. »

Dévorer tout cru ? Le ton avait été des plus sérieux alors qu’il se mettait à trembler. Il n’aimait pas vraiment quand elle parlait comme ça. C’était plutôt inquiétant et effrayant … Il regarda à nouveau derrière lui, n’apercevant plus l’ombre alors qu’il se demandait pourquoi il s’était pris une claque. Elle revint quelques minutes plus tard avec de quoi manger, déposant le repas devant le jeune garçon.

« Et au passage … Si tu ne sais pas pourquoi tu t’es pris une baffe, je te conseille de te rappeler comment tu m’as appelée et comment tu me parles … »

« Euh … Et bien, je vous ai … AH ! Je sais ! » s’écria t-il subitement alors qu’elle venait lui faire un grand sourire, le garçon reprenant : « Je ne dois pas te vouvoyer et je ne dois pas dire mademoiselle Douély. C’est ça ? »

« C’est exact. Tu vois ? Tu commences à apprendre correctement … Alors bon …. Qu’as-tu de beau à me raconter aujourd’hui, Earnos ? »

Elle s’était assise en face de lui, ses deux coudes posés sur sa table alors qu’il commençait à lui raconter comment sa mère avait réussi à l’emmener de force chez la fleuriste. Il lui expliquait ce qui s’était passé là-bas avec la question de Florensia au sujet de l’armée des insectes et toutes ces choses. Quand il eut terminé, elle semblait songeuse bien que cela était impossible à voir à cause de tous les bandages sur son visage.

« Hum … L’armée des insectes … Il est vrai que tu es plutôt spécial comme petit garçon, n’est-ce pas ? Mais je ne crois pas que tu aies la mentalité pour être un soldat si tu veux mon avis. Tu es encore qu’un enfant non ? Et je pense qu’avec ton caractère, ça ne passerait pas du tout. J’espère que tu n’es pas fâché par ce que je viens de dire et … »

« Pas du tout … Et puis … Je ne veux pas rentrer dans l’armée … Je veux juste travailler pour que ma famille n’ait pas de problèmes avec l’argent. » répondit-il alors qu’il était presque certain que la jeune femme souriait.

« Tu sais que si tu travaillais dans l’armée, tu gagnerais beaucoup plus hein ? »

« Oui mais … Je ne verrai plus mon papa et ma maman … C’est pas la même chose … Et puis, je ne veux pas aller protéger la princesse Terria. »

« Ah … La princesse Terria … Assez incontrôlable, n’est-ce pas ? J’ai pu la voir quelque fois lorsqu’elle tentait de venir dans ce quartier. Elle adore visiter les villes en catimini. Heureusement que notre royaume n’est pas si grand que cela et que les villes sont reliées entre elles … Sinon, il y aurait de fortes chances qu’on ne la retrouve jamais. »

« Je m’en fiche d’elle … dorénavant … »

RAHHHH ! Elle poussa un petit cri ravi en voyant la mine boudeuse d’Earnos. Il avait fini de manger tout en ayant parlé et elle vint essuyer ses lèvres avec une serviette. Elle le savait rouge de gêne mais elle-même, ça ne l’embêtait pas du tout. Loin de là même … Elle était tellement … ravie de voir le jeune garçon ainsi.

« Earnos ? » demanda t-elle alors qu’ils étaient maintenant assis sur un fauteuil, le jeune garçon installé sur les jambes de Douély. « Tu sais ce qu’il va se passer dans six mois ? »

« Je vais avoir dix ans … Mais je ne sais pas si j’aurai mon cadeau de ta part. »

« Hum ? Tu ne t’estimes pas capable de l’avoir ? » dit-elle avec un peu d’étonnement dans la voix alors qu’il faisait un petit geste positif de la tête. « Roh … Tu ne veux pas faire des efforts pour le recevoir alors ? Peut-être que ce n’est pas assez bien ? »

« Non non ! C’est très bien ! C’est juste que … Je ne doive pas le dire … même si ça fait longtemps … Mais … J’ai pleuré quand ma foreuse s’est cassée à cause de la princesse Terria. Et on avait dit que je ne devais plus … »

« Je t’arrête tout de suite. » le coupa t-elle. « Si tu viens de me dire la vérité, cela contre le fait que tu as pleuré. Ainsi, tu n’as pas à t’en faire car tu mérites quand même ce cadeau. Sauf si bien sûr, tu veux changer d’avis. Je comprends qu’à force, tu n’as plus vraiment envie d’avoir cela. Tu grandis, tu n’as plus quatre ans. »

« NON ! Je veux vraiment te voir sans tes bandages ! Tu me l’as promis ! » s’écria t-il en se redressant, semblant sur le point d’être en colère.

« Même si tu as dix ans ? Tu sais, tu pourrais me demander autre chose. »

« Je veux juste te voir ! C’est tout ! J’ai pas besoin d’autre chose ! » reprit-il en tapant du pied sur le sol. Hum ? Il allait piquer une crise ? Ca serait bien la première fois … Mais bon … Elle était heureuse … Et pourtant …

« Tu sais bien que c’est un cadeau plus que futile et éphémère, n’est-ce pas ? »

« Mais c’est important ! Tu as dit que les Munjas ne se montraient qu’aux personnes en qui ils avaient confiance ! Si tu te montres, ça veut dire que je serai de confiance ! Et donc, que je serai plus grand qu’on ne le croit ! »

Les paroles étaient celles d’un enfant, le ton aussi mais … Elle voyait plus loin que ça. Elle déchiffrait les mots à travers les phrases. C’était donc cela ? Il voulait grandit avant l’heure ? Mais aussi lui montrer qu’elle lui faisait confiance.

« Tu l’as déjà gagné depuis toutes ces années, Earnos. » répondit-elle alors qu’il ne comprenait pas de quoi elle parlait. Il avait gagné quoi ? « Ferme les yeux, Earnos. Je vais te donner te faire sentir un petit aperçu. »

Hein ? Comment ça ? Il ferma ses yeux, tremblant un peu. Il entendait le frottement de quelque chose que l’on retirait … Puis aussi le bruit d’un objet qui tombait au sol.

« N’ouvre surtout pas les yeux sinon, tu peux considérer que tu as tout perdu. »


Alors il n’allait surtout pas ouvr… AHHHH ! Qu’est-ce que … Il sentait une joue qui se frottait contre la sienne. Non … Ce n’était pas un frottement … C’était plutôt comme si elle la collait … Et puis, il sentait le souffle de Douély qui venait frôler le bas de son oreille. Brrrr ! Il ne devait pas ouvrir ses yeux … Il savait ce qu’elle faisait. Elle avait retiré ses bandages au niveau de son visage. C’était … C’était … Les lèvres se posèrent sur sa joue avant qu’il ne s’écroule au sol, évanoui par le trop plein d’émotions ressenti.

Lorsqu’il rouvrit ses yeux, il vit le visage bandé de Douély alors qu’il tentait de redresser sa tête. Néanmoins, elle l’en empêcha d’un geste de la main, lui disant de rester couché sur ses genoux. Il était … sur ses genoux ? Qu’est-ce qui s’était passé ? Elle lui raconta qu’il s’était évanoui et lui annonça que tout cela avait été dû à une trop forte émotion conjuguée à une grande fatigue, beaucoup trop grande pour un aussi petit corps.

« … … … Maman avait raison … J’ai dormi longtemps ? » murmura t-il sur un ton coupable.

« Tu semblais si bien installé qu’il s’est passé plusieurs heures. »

« AH ! Mais je dois partir alors ! » s’écria le jeune garçon aux cheveux blonds, se redressant aussitôt. Douély le laissa faire, ne pouvant l’arrêter, disant simplement :

« Et bien alors … Bonne soirée, Earnos. Nous nous revoyons bientôt ? Car aujourd’hui, on peut considérer que c’était une journée de repos. »

« Bien sûr que oui, mademois… euh … Douély ! Au revoir ! »

Elle l’accompagnait jusqu’à la sortie de sa maisonnette. La nuit semblait être sur le point de tomber. Il était parti depuis aussi longtemps ?! Il récupéra la foreuse qu’il avait laissée devant la porte, heureux de voir qu’elle n’avait pas été volée. Il salua la Munja d’un geste de la main, celle-ci faisant de même. Lorsqu’il ne fut plus qu’un point dans l’horizon, elle ferma la porte derrière elle, s’adossant contre le rempart.

« Qu’est-ce que … ça veut dire ? Ce que j’ai senti … autour de lui … La mort … Il avait une telle aura … autour de lui … Je crois que … je vais devoir raccourcir les espaces entre ses cours. » souffla t-elle pour elle-même, la tête dirigée vers le sol. Ce n’était pas … une erreur. Le fait d’avoir gardé le jeune garçon contre elle lui avait permis de voir cela. Elle était maintenant inquiète. Elle ne voulait pas que cela arrive … Pas sur lui.

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