Chapitre 44 : Naissance

« Est-ce vrai ? Si c’est le cas… Je vais devoir… »

Les yeux dorés de Gigana disparurent alors que sa respiration se faisait entendre. Il était facile de voir qu’elle cherchait à reprendre son calme pour éviter de s’énerver. Heyrisi elle-même semblait assez stupéfaite tandis que Miviari restait calme.

« Shala n’a pas tué Granor ! Ce n’est pas elle ! Regardez ça ! Miviari, montre leur. »

La femme au visage entièrement blanc hocha la tête, faisant sortir les plumes de coton blanches. Shala poussa un petit cri de surprise : Depuis quand avaient-elles ces plumes avec elles ?! Elle regarda les personnes de son groupe, confuse et un peu gênée. Xano passa une main dans ses cheveux blancs avant de dire :

« Je ne… comprend pas vraiment. Qu’est-ce qu’elles ont ? Ce sont des plumes de Shala non ? Alors où est la différence ? »

« Là-dedans. »

Miviari cligna des yeux, les plumes se mettant à léviter au-dessus de sa main. Certaines furent entourées d’une aura blanche tandis que d’autres d’une aura noire. L’être sous la robe blanche se retourna pour regarder à son tour tout en murmurant :

« Il y a une énergie malsaine… qui me rappelle bien beaucoup celle d’une certaine personne. Il y a des explications qui vont être nécessaires. »

« Je me fous royalement de ça ! Qu’on ne me dise pas qu’on va lui pardonner après tout ce qu’elle a fait ! Si vous ne voulez pas, je vais m’en occuper ! »

Rocagiri poussa un cri strident, faisant apparaître d’énormes pieux de terre autour d’elle. Les pieux se détachèrent du sol, se dirigeant vers Shala. Pandora se positionna devant la jeune femme aux cheveux violets mais un mur fait de lianes apparut pour les protéger.

« Ta grande sœur a dit quelque chose, Rocagiri. Tu ferais bien de l’écouter. »

« Ne me donne pas d’ordres, toi ! »

« Rocagiri… Nous n’allons pas les attaquer… Mais Shala a intérêt à très bien s’expliquer si elle ne veut pas que le Joker Blanc disparaisse tout de suite. »

« Je n’ai rien à dire… »

Aliréna soupira, faisant disparaître les murs de lianes devant Shala et Pandora. Elle posa son regard saphir sur l’ancienne Atout, fronçant les sourcils. Si elle ne le faisait pas, alors elle ne lui laisserait pas le choix et elle le ferait elle-même. Xano remarqua qu’étrangement, Pandora restait près de Shala. Qu’est-ce qui s’était passé entre elles ?

« Shala… Ne me force pas. Je suis sûre qu’ils seront étonnés d’apprendre ce que je t’ai raconté il y a quelques minutes. Qu’en pense-tu Pandora ? »

« Je ne pensais pas… que c’était possible. »

« Mais qu’est-ce qu’il y a ? »

« Shala…Dis leur… Et raconte aussi ce qui s’est réellement passé avec Granor et Ekriné. Tu ne peux pas me tromper. »

L’ancienne Atout baissa le regard, ne voulant pas avoir en face d’elle les yeux pétillants et verts de Pandora qui n’attendait que ça. Elle jouait avec ses cheveux violets, utilisant un doigt pour les enrouler autour de ce dernier. Puis finalement, elle prononça d’une voix très faible au fur et à mesure :

« Pandora et moi… »

Pandora et elle ? Qu’est-ce qu’elle voulait dire ? Tyrania grogna, lui criant de dire ce qu’elle avait à dire au lieu de tourner autour du pot. Elle détestait ça par-dessus tout. Voyant que Tyrania lui hurlait dessus, Shala fit de même :

« PANDORA ET MOI SOMMES SŒURS ! TU AS ENTENDU MAINTENANT ?! »

Un grand sourire se dessina sur le visage d’Aliréna et Pandora, l’adolescente s’enfonçant dans les bras de sa grande sœur qui semblait vraiment confuse. C’était assez bizarre de savoir qu’elle était capable d’être autant gênée. Xano se rappelait la jeune femme assez perverse sur les bords. Enfin… C’était quand même lors du charme et peut-être que Shala n’était plus comme ça mais il y avait toute une différence avec la femme qui était si hautaine et si violente dans ses paroles. Tyrania sembla surprise, Luna faisant de même tandis que Nelya restait muette comme à son habitude. Galpha s’écria de joie, allant vers Pandora pour la féliciter d’avoir trouvé sa sœur. Quand à Xano… Il regardait Aliréna :

« Tu connais énormément de choses, n’est-ce pas ? »

« Bien plus que tu ne le crois, DornRek… Bien plus que tu ne le crois. »

« Cela n’explique pas en quoi Shala n’est pas responsable de la mort de Granor et d’Ekriné. »

Gigana venait de couper le petit moment de tendresse entre les deux sœurs, Shala retirant Pandora de ses bras avant de s’avancer vers l’être à la robe blanche et au visage caché par la capuche de même couleur. Les trois Rois se mirent rapidement devant elle comme pour lui interdire de faire un pas de plus.

« Qu’est-ce que tu comptes faire ?! »

« M’expliquer devant votre sœur. »

« Ou plutôt essayer de la tuer ?! On ne te laissera pas faire ! »

« Restez en arrière, Sterivia, Iglaré, Rocagiri. Vous êtes déjà assez blessées. Miviari et Heyrisi, occupez vous d’elles. Pour ma part, je vais avoir une petite discussion avec eux. »

« Mais mais mais… »

« Ecoutez moi, ça suffit. Heyrisi, Miviari, prenez les. »

Les deux femmes hochèrent la tête, empoignant les trois filles. Heyrisi lança un petit regard inquiet à Gigana puis à Xano. Elle espérait que tout allait se passer comme il le fallait, c’était une nécessité si ils voulaient avoir une chance contre Giradès !

« Nous voilà donc seuls… Vous pouvez parler sans crainte, je ne vous attaquerais pas. Quand à mon léger énervement auparavant, cela s’explique par le fait que je ne veux pas voir mes sœurs blessées. Si vous pouvez patienter pendant quelques secondes, je vais enterrer Ekriné. »

« Si vous … voulez, on peut vous donner un coup de main. »

« Vous êtes nos… ennemis. C’est ainsi que ça se passe. Pourquoi un ennemi m’aiderait-il ? Faites comme vous le désirez, je n’ai pas d’envies belliqueuses. Quand aux paroles de Shala, elles devront attendre. »

Gigana souleva le corps d’Ekriné en le tenant avec ses deux mains tandis que Xano marchait à ses côtés. Le groupe restait en arrière, toutes parlant à Shala et à Pandora au sujet de leurs relations. La jeune femme aux cheveux violets ne savait pas où donner de la tête. Elle n’aimait pas être le centre d’attention de la foule mais elle n’avait pas le choix. Surtout que Pandora était si heureuse !

« Tu es entouré de beaucoup de femmes, Joker Blanc. Sais-tu que le Dieu Originel a préféré donner autant de pouvoirs aux femmes simplement à cause de l’ennui ? »

« Hein ? Comment ça ? Il s’ennuyait ? »

« Disons simplement… que le Dieu Originel était quelqu’un d’assez singulier. De ce que je sais, il n’a jamais réussi à aimer quelqu’un. Il avait un gros souci de morale, chose assez rarissime chez ceux qui possèdent le pouvoir. »

« Je comprend… Non… Enfin, je vois ce que tu veux dire. Est-ce que je peux te poser une question ? Enfin, si ce n’est pas indiscret. »

Ils arrivaient finalement devant une tombe faite entièrement de métal. Un instant, il se rappela l’existence de Birébot… et pour cause : C’était celle de ce dernier. Comme si elle n’avait pas entendu la phrase de Xano, Gigana prononça :

« Birébot fut la première machine à exister. Même si cela ne se voyait pas vraiment, il était doué de sentiments humains et il était comme un jouet pour mes sœurs. Alors que les humains mettaient des millions d’années à progresser pour créer les machines servant à la guerre ou à la vie quotidienne. »

« Et Ekriné était quoi ? Qu’est-ce que cette femme était ? »

« Elle était là pour protéger mes sœurs. Des huit Atouts avec nous, elle était la plus aguerrie. Elle savait se battre comme une démone mais ce n’était pas pour ça qu’elle ne pensait qu’au combat, c’était même le contraire. Elle sortait ses cimeterres qu’en cas d’extrême nécessité. »

« Au final… Nous avons tué tellement de personnes… et cela pour… éliminer Giradès. Malar… est un enfoiré de première ! »

Gigana ne répondit pas à cette critique. Elle déposa le corps sans vie d’Ekriné à côté de la tombe de métal, relevant ses deux manches pour faire apparaître des mains gantées de blanc. Le reste de ses bras était aussi recouvert d’un tissu blanc avec quelques marques noires. Sans prononcer un seul mot, la terre s’ouvrit devant les yeux étonnés de Xano, engloutissant le corps d’Ekriné avant de se refermer aussitôt. Il n’y avait aucune trace de l’ouverture. Gigana… avait fait ça avec une telle facilité. En y pensant, cette capuche blanche était relativement grosse… Elle avait une tête deux ou trois fois plus importante que celle d’un humain normal !

« Malheureusement, je ne sais pas produire de la glace. Je demanderais à Iglaré de créer une statue bien qu’elle ne sera jamais aussi belle qu’une statue produite par Orvonix. »

« Je peux… tenter si vous le voulez. »

« Pourquoi tant de sympathie pour moi et ceux qui ont de l’importance ici ? »

« Ce n’est pas de la sympathie… Simplement… Si je peux éviter de tuer d’autres personnes, j’aimerais que ça soit possible. »

Les yeux dorés l’observèrent longuement, le jugeant sur son physique et ses paroles. Cet homme… avait les mêmes intentions qu’elle et ses sœurs. Est-ce qu’il mentait ? Si c’était le cas, ça poserait un problème mais si ce n’était pas le cas… alors… peut-être qu’ils pouvaient parler tous les deux.

« Joker Blanc, tu as ton importance dans ton monde… mais ici, c’est moi qui règne… »

« Hein ? Et en quoi ? Enfin… Je ne vois pas à quoi ça sert de me dire ça. »

« Je veux simplement te signaler que je suis l’entité la plus puissante de ce monde. Sais-tu pourquoi je suis ici ? Pourquoi je ne vais pas dans ton monde ou alors le domaine céleste ? Je ne pense pas… Est-ce que toi et moi pouvons discuter seuls ? »

« Ah non ! Je refuse ! Là où il va, je viens avec lui ! »

« Tyrania… Peut-être que… »

« Non, non et non ! Tu es trop stupide, Xano ! Si elle veut te piéger en t’isolant du reste, elle pourrait te tuer tranquillement ! »

« Est-elle toujours comme ça ? »

Il hocha la tête d’un air positif. Il se tourna vers la jeune femme aux cheveux dorés, lui tapotant la tête avec tendresse. Elle grogna, lui rappelant qu’elle détestait quand il faisait ça. Ca lui donnait l’impression d’être une enfant pour lui ! Or, il savait bien que ce n’était pas le cas ! Gigana ne dit rien du tout, observant la scène de ses yeux dorés. Finalement, Tyrania poussa un profond soupir de tristesse.

« S’il te plaît, Xano… Arrête de tout faire dans notre dos. Je suis là… Nous sommes toutes là ! Laisse nous venir avec toi. »

« Ce n’est pas à moi de décider mais à Gigana. »

« Fais comme tu le désires… bien que le mieux serait que tu sois le seul au courant… ou alors, tu peux faire venir cette femme aux cheveux dorés. Tyrania, c’est cela si je ne me trompe pas. Quand aux autres… Elles ne semblent pas aussi proches de toi. »

« Alors, c’est décidé, je viens avec Xano ! Comme ça, je pourrais le protéger au cas où tu ferais quelque chose de bizarre. »

« Comme tu le désires. Je ne t’emmènerais pas dans une dimension, je n’en suis pas capable et je n’en vois pas le besoin. Nous allons simplement marcher. »

Xano salua le reste des femmes, leur demandant de ne pas trop s’inquiéter. C’était stupide de les laisser seules mais il savait qu’elles pourraient se défendre. Shala était maintenant surmotivée pour combattre et surtout, elle avait un nouveau but dans son existence. Tyrania alla prendre la main de Xano dans la sienne alors que Gigana se mettait à marcher d’un pas lent en direction du nord. Pendant plusieurs minutes, aucun ne prit la parole, que ça soit elle, Xano ou Tyrania. Le duo ne discutait même pas entre eux tandis que Gigana avançait sans un bruit. Finalement, elle s’arrêta, se retournant vers Xano et Tyrania :

« Je pense qu’ici, nous serons tranquilles. Mes sœurs ont perdue la mémoire il y a de cela des millénaires et moi-même, je suis assez embrouillée dans mes pensées. Mes sœurs se trompent : C’est en cet endroit précis que je suis née… C’est là que j’ai obtenu la vie. »

« Tu as été crée aussi par le Dieu Originel ? »

« C’est exact. Ce monde est celui qui a été façonné des mains du Dieu Originel. Connais-tu son nom ? Le Dieu Originel se nomme Charkrowos. »

« Un nom comme ça, il a dû aller le chercher très loin… »

« Ne te moque pas de ce dernier. Je suis sa première création… terrestre dira t-on. Savais-tu que le monde dans lequel tu es né n’a pas été créé par Charkrowos mais par Juperus ? Ton monde est même à l’origine de la haine de Giradès. »

« Tu m’as l’air autant au courant qu’Aliréna. »

« Peut-être… Peut-être… Est-ce que tu voudrais savoir ce qui s’est passé ? Mais auparavant, est-ce que tu peux me promettre de ne pas te moquer ? »

« Me moquer de quoi ? »

« Je ne suis qu’une enfant… Une adolescente. Peut-être que mon caractère ne fait pas penser à cela… Peut-être que mes paroles montrent que je suis grande… mais ne juge pas ma personne par rapport à mon apparence. »

Il haussa les épaules, Tyrania souriant de toutes ses dents. Ainsi… Gigana avait honte de son physique ? C’était toujours bon à savoir. Lentement, les deux mains gantées de blanc prirent la capuche avant de l’abaisser. Deux longues tresses blanches avec deux anneaux dorés touchèrent le sol, deux yeux dorés se présentant à lui. Elle semblait assez juvénile, c’était vrai mais sa beauté était irréelle et Xano eut un petit pincement au cœur en la regardant. Il ne savait pas comment l’expliquer mais… Gigana était vraiment belle. Ce n’était pas de l’amour qu’il ressentit en ce moment mais autre chose. La robe blanche tomba sur le sol, laissant apparaître le corps de Gigana. Poitrine normale voir un peu faible, des ronds rouges, bleus et gris dessinés dessus, toute sa tenue semblait être en une seule partie. Elle avait quelques lignes sur le corps et portait deux bracelets aux mains, aux épaules et au niveau des oreilles. Tyrania remarqua le comportement de Xano et poussa un grognement en lui tirant l’oreille :

« T’arrête ça tout de suite, imbécile. Je t’autorise même pas à la regarder si c’est pour rester bouchée bée comme un idiot devant elle ! »

« Aie, aie, aie ! Mais je pensais à rien de mal ! C’est bon ! Aie ! Mais arrête ! »

« A part les Atouts et mes sœurs, vous êtes les premiers à voir qui je suis. Je m’appelle Gigana et dans la prophétie, je ne suis qu’un Roi. Dans la réalité, je suis simplement l’ange de Charkrowos. Ce n’est pas grand-chose mais ce titre me convient amplement. »

« Et en quoi il consiste ? »

« En rien… En rien du tout. Mais il faut parler de choses sérieuses dorénavant : D’après ce que j’ai cru comprendre, tu voudrais que moi et mes sœurs s’allions à toi pour affronter Malar, c’est cela ? Ou alors je me trompe ? »

« C’est ce que… J’aimerais faire oui. »

« Mais je te signale que tu as causé des morts… des morts très importantes. Même si tu y étais obligé, sans ces morts, la puissance de feu serait accrue. Sais-tu pourquoi nous travaillons pour Malar ? Car nous avons perdu notre liberté. »

« J’aurais dut m’en douter… Comme les autres, il doit vous menacer ou vous manipuler. »

« Ici, ce n’est pas de la manipulation mais tu as raison. Il m’a bel et bien menacé. Sais-tu que comparée à lui, je pourrais facilement l’écraser ? »

Hein ? L’adolescente aux yeux dorés était vraiment aussi forte ? C’est vrai qu’en y réfléchissant, il avait cette impression de surpuissance qui émanait d’elle. Il devait à tout prix la convaincre de l’épauler ! Voyant qu’il ne lui répondit pas, elle reprit la parole :

« Malar n’est que le corps … humain de Giradès. Elle est capable de prendre une forme de monstre et là, je ne pourrais rien faire. Peut-être serais-je de force égale mais si nous continuons, il est certain que je perdrais le combat. Vois-tu, je suis l’une des rares personnes à être de puissance équivalente à la sienne mais je ne pense pas qu’à moi. Je pense à ce monde, à mes sœurs, aux Atouts, aux personnes qui vivent dans ce monde. J’ai une mission bien plus importante que celle de combattre. Alors je vais te poser une unique question. Répond y le plus franchement possible car tout dépendra de ce que tu me diras. DornRek, Joker Blanc, Xano Likan, pourquoi devrais-je te rejoindre ? »