Chapitre 55 : Derniers instants

ShiroiRyu
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Chapitre 55 : Derniers instants

« Pourquoi es-tu revenue ? »

« Tu le sais très bien grand-mère. Je suis venue mettre un terme à ma malédiction causée par ma mère. »

« Tu as évolué, n’est-ce pas ? J’arrive à le sentir, j’arrive à le percevoir. »

« Grand-mère… Pourquoi es-tu dans cet état ? »

C’était une question à laquelle elle pouvait répondre immédiatement en apercevant l’aura maléfique qui entourait la Feunard au poil grisâtre. Elle… était maudite elle aussi ? Qui avait pu réussir à la maudire, elle, l’aînée des Feunard dans sa famille. Kalix se mit à tourner autour de Tyrania par habitude alors qu’elle reprenait la parole :

« Tu l’as dit toi-même : Ta mère… ou ma belle-fille si tu préfères. »

« Mais qu’est-ce que tu as fait ? Normalement, tu devrais être capable de résis… »

« Ta mère est devenue bien plus forte depuis le temps, beaucoup plus forte depuis que ton père est mort. »

« Co… Comment ? Mon père est mort ? »

Non, cela lui faisait la sensation d’une douche froide mais elle n’était pas triste pour autant, simplement étonnée de savoir que son père était mort. Elle devait savoir comment il était mort, dans quelles conditions, bref, elle devait obtenir toute la vérité à ce sujet ! Mais visiblement, ce n’était pas le but voulu par Kalix.

« Qu’est-ce que tu es devenue depuis toutes ces années ? J’aimerais tout savoir. Tu es toujours avec ton dresseur ? Comment s’appelait-il… Malar ? »

Un léger grognement sortit de la gueule de Tyrania. Ce nom, elle ne voulait plus jamais en entendre parler ! Kalix remarqua de suite qu’il y avait un problème mais elle ne posa pas d’autres questions, attendant une réponse de la part de sa petite-fille. Il y avait tant de choses à se dire après toutes ces années.

« Malar… Je ne suis pas avec lui, je ne le serais jamais. »

« Mais tu es avec un humain, je le sens malgré les années qui sont passées. »

« Tu es vraiment… spéciale grand-mère. Pourtant, cela fait bien un mois que je ne l’ai plus vu. Oui, je suis avec un humain. »

« Est-ce que… tu es heureuse avec lui ? Comme je le pense ? »

« Malgré mon caractère insupportable, il m’a toujours gardé près de lui. J’aurais aimé lui parler de ma malédiction mais je ne pouvais pas m’y résoudre. Mais il a toujours tout fait pour m’aider mais je… Je voulais rester avec lui. Tu savais que les pokémons pouvaient devenir des humains ? »

« Je ne pensais pas cela réalisable. Mais tu sembles y croire donc c’est forcément vrai. »

« Les pokémons peuvent devenir des humains si ils sont vraiment très proches de leurs dresseurs ! Celui que j’a… Mon dresseur avait trois autres pokémons. Elles sont toutes devenues des femmes humaines mais elles ont gardé leurs pouvoirs ! »

« Ohla, calme toi Tyrania. Tu sembles toute excitée. Tu y tiens vraiment à ton dresseur, non ? Sinon, tu ne serais jamais revenue ici. Tu veux être capable d’annuler cette malédiction pour pouvoir devenir une humaine, n’est-ce pas ? »

Elle hocha la tête d’un air positif, se disant que sa grand-mère ne pouvait pas remarquer sa réponse gestuelle. Vint ensuite l’heure où elles discutèrent de tout ce qui s’était passé dans la vie de Tyrania depuis le jour où elle était devenue la pokémon de Xano : Les dieux, les combats, les symbioses, les déclarations, les nombreuses scènes de ménage. Au moment où Tyrania racontait ces derniers, la Feunard au pelage grisâtre ne pouvait s’empêcher de glapir d’amusement.

« Les pokémons liés au feu ont toujours le sang chaud mais les Goupix et les Feunard sont reconnus pour être vraiment têtus et fortes têtes. Néanmoins, malgré vos incessantes disputes, il s’occupait toujours de toi, non ? »

« Il me prenait dans ses bras et me peignait. Maintenant, regarde à quoi je ressem… Ah ! Désolée grand-mère, je ne vou… »

« Ca ne fait rien Tyrania, ça ne fait rien. J’ai accepté ma cécité, à toi de l’accepter aussi. »

« Mais pourquoi ma mère t’a t-elle fait ça ?! »

« Comme je te l’ai dit, elle est devenue bien plus forte depuis la mort de ton père. »

C’était à son tour de raconter ce qui s’était passé depuis le départ de Tyrania. La famille s’était divisée en trois côtés : L’un pour la possibilité de vivre avec les humains, un deuxième pour rester passablement neutres par rapport à eux et enfin le troisième dirigé par sa mère et qui n’hésitaient pas à attaquer les humains dès qu’il était possible de les voir. Malgré ça, son père, le chef des Feunard de la famille restait du côté de sa mère et avait ouvertement signalé qu’il n’était pas d’accord au sujet de la malédiction posée sur Tyrania. Néanmoins, il restait le chef et devait donc montrer l’exemple, c’est pourquoi il avait préféré se taire au moment de l’exil de la Goupix…


Tout s’était si bien déroulé pendant des années, environ une dizaine. La famille s’était développée et comptait maintenant une cinquantaine de membres. Chacun avait choisi son camp mais il n’y avait aucune rivalité entre eux et tout le monde restait sous les ordres de Tarek. La suite, Tyrania ne l’entendit pas, la Feunard aveugle venant de toussoter avec rapidité alors qu’elle s’approchait d’elle avec anxiété.

« Grand-mère ! Ca ne va pas ! Dis moi ce qui se passe ? Tu as mal ? »

« Non… Non… C’est simplement la malédiction que m’a posée ta mère. »

« Mais comment a-t-elle… »

« Ta mère était déjà très puissante à l’époque, tu le sais bien. Sa place auprès de ton père n’était pas du à sa beauté mais à son pouvoir. Elle était aussi crainte et respectée que ton père et aucune femelle de la famille n’osait la contredire. »

« Sauf toi. Tu n’as jamais eu peur d’elle. Je venais toujours me cacher dès qu’elle me criait dessus. Mais pourquoi t’as t-elle maudit ? »

« Car j’ai commis une bêtise… Une erreur irréparable. Je suis en quelque sorte responsable de la mort de ton père… et de ta famille. »

« Hein ?! Mais qu’est-ce que tu racontes ?! La famille était toute pour toi ! Tu n’aurais… »

« C’était une erreur de jugement. Un jour, un homme est venu, il était si blessé, recouvert de blessures et ne semblait avoir aucun pokémon avec lui. Ta mère voulait qu’on le tue, qu’on l’achève et qu’on se débarrasse de lui le plus vite possible. Pour ma part, j’ai demandé à ce qu’on s’occupe de lui, qu’on le soigne et qu’ensuite, on l’emmène près d’une ville humaine. Ton père a accepté ma proposition. Tu sais à quel point il était fier et droit : S’en prendre à un humain blessé, ce n’était son genre. »

« Papa était comme ça, oui… Même si il n’était pas contre moi, il n’avait fait qu’exécuter les ordres de la famille lorsqu’il a décidé mon exil. Elle était si contente de me voir partir car je m’étais… »

« Cet humain était très gentil et amical. Même si il ne parlait pas comme nous, il semblait pouvoir nous comprendre. Il avait perdu la mémoire et ne se rappelait pas de son nom. Pendant deux semaines voir un mois, il est resté avec nous et les membres de la famille pouvaient voir à quel point les humains étaient gentils et amicaux. Dès que l’un d’entre nous grognait en sa direction, Tarek lui demandait de se calmer directement. Au fur et à mesure, de moins en moins de Feunard suivaient les directives de ta mère et nous étions proches d’un rapprochement définitif avec les humains. »

« Alors pourquoi il n’y a plus personne ici ?! »

Même si elle voulait entendre la suite du récit, elle ne pouvait s’empêcher d’être inquiète et anxieuse. A part elle, seule sa grand-mère était présente. Une dizaine d’années après son départ, cela voulait dire qu’elle avait environ quinze ou seize ans durant les évènements dont parlait Kalix.

« Calme toi. Je vais tout te raconter. Cela faisait maintenant deux mois que l’homme était parmi nous et il était maintenant accepté à l’unanimité. Seule Zyla était toujours suspicieuse par rapport à lui et ne semblait pas lui faire confiance. Bien lui en a pris… puisqu’elle fut la seule survivante de cette attaque aussi soudaine que violente. »

« Une attaque ? Mais qui donc ?! »

« Commençons par le commencement. Donc, cela faisait maintenant deux mois que cet homme était parmi nous et il était temps qu’il rentre chez lui. Ton père et les autres Feunard l’ont accompagné jusqu’au voisinage d’une ville. Elle devait se trouver à maximum un kilomètre de l’endroit où ils étaient situés. J’étais la seule à ne pas être venue à cause de mon grand âge. Tu sais bien que j’ai du mal à marcher et à me déplacer. J’ai beaucoup de difficultés à trouver ma nourriture mais je survis. Enfin bref… Ce qui s’est passé ensuite, c’est Zyla qui me l’a raconté. »

« Qu’est-ce que ma mère t’a dit ? Je veux savoir ! »

Elle ne tenait plus en place, ses huit queues dorées frappant le sol alors que c’était à son tour de tourner autour de l’autre Feunard. Sa mère était la seule survivante ? Qu’est-ce qu’elle voulait dire par là ? Et cet homme… Connaissait-elle son nom ? C’était peu possible puisqu’il était amnésique mais quand même.

« Cet homme… ou ce monstre comme ta mère l’a appelé, a tué sans ménagements ton père, en le décapitant d’un coup sec. D’où avait-il sortit ses griffes ? Personne ne le savait mais ce fut une véritable boucherie : Les autres Feunards n’étaient pas encore pleinement conscients de ce qui venait de se passer devant eux et ils étaient déjà plus qu’une dizaine avant qu’ils ne se mettent à l’attaquer. Malheureusement, tout fut voué à l’échec et même ta mère n’a pas réussi ne serait-ce qu’à le blesser. Ce fut la seule survivante et c’est elle qui m’a raconté tout ça. Mais elle avait changé, elle semblait avoir le regard perdu et elle s’en est prise à moi. Malgré son état de fatigue avancée, elle a réussi à me maudire pour mon erreur. Tout était de ma faute : Si je n’avais pas permis à cet homme de cohabiter avec nous, ton père et les autres ne seraient jamais morts. »

« Mais où est ma mère alors ? »

« Elle est partie… Elle ne voulait plus me voir. Elle m’a maudit sans que je ne puisse faire quelque chose contre ça. De toute façon, j’étais prête à accepter mon châtiment dès l’instant où j’ai su que mon fils était mort. »

« Mais ce n’était pas de ta faute ! Tu ne pouvais pas prévoir ! Grand-mère… Tu faisais tellement confiance aux humains… »

« Et je leur fait toujours confiance mais… Cet homme n’était pas humain selon ta mère. »

« A quoi ressemblait-il ? Tu peux me donner une description ? »

« C’était un homme aux cheveux blonds, il était plutôt grand et ses yeux étaient complètement rouges. Il était impossible de lire ses sentiments dans son regard et je t’avoue que cela était assez inquiétant mais intéressant aussi. Je me souviens qu’il avait aussi une mèche noire et qu’il… »

« Malar ! »

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

La vieille Feunard ne voyait pas la raison de l’excitation dans laquelle venait de se mettre Tyrania. Pourquoi avait-elle parlé de Malar à ce moment même ? C’était bien le nom du jeune garçon avec qui elle s’était liée avant son exil. Maintenant qu’elle y réfléchissait, c’est vrai que le regard du jeune garçon et de l’homme semblaient le même. Elle n’avait jamais fait la correspondance entre les deux et elle s’en voulait maintenant !

« Malar. Pourquoi est-il venu ici ? Tu lui avais fait quelque chose, Tyrania ? »

« Non ! C’est l’inverse ! Ce qu’il m’a fait, je ne pourrais jamais lui pardonner ! Ce type… Je veux être celle qui le tuera… Je ne peux pas lui permettre de vivre encore plus longtemps. Tout le mal qu’il m’a fait, et aussi… Celui qu’il a fait à Xano. »

« Xano ? Qui est-ce, Tyrania ? Ton dresseur ? »

« Non, ce n’est pas mon dresseur. Il est plus que ça. Malar est responsable de bon nombre de choses dont la mort de la mère de Xano. Je ne sais pas qui est réellement ce type mais je veux le tuer une bonne fois pour toutes ! »

Elle était de nouveau pleine d’énergie et d’entrain. Il fallait maintenant qu’elle retrouve la trace de sa mère pour lui demander de retirer sa malédiction mais est-ce que ça allait être aussi simple que ça ? Elle n’en était pas aussi sûre. De plus la respiration de sa grand-mère s’accélérait de plus en plus ce qui l’inquiétait grandement bien qu’elle ne disait rien.

« Grand-mère ? Tu sais où elle est partie ? »

« Qui donc ? Zyla ? Je ne sais pas mais les animaux murmurent qu’elle est devenue une sorte de prédatrice violente et sans pitié. Depuis la mort de notre famille, je n’ai plus de nouvelles d’elle. Je sais simplement que de nombreux incendies de forêt sont causés par elle. Il en est de même pour la mort de plusieurs hommes et pokémons. »

« Elle est devenue folle, tu crois ? »

« Non… Je pense que c’est autre chose. Elle ne me semble pas folle… mais désespérée. Elle en veut au monde entier. Mais je ne pense pas que c’est ça qui t’intéresse. Seule sa localisation t’est utile. Si seulement je pouvais t’aider… »

Kalix sortit de la grotte, observant le ciel qui venait de se recouvrir de son voile noir et étoilé. Elles avaient beaucoup discuté au final et aucune ne semblait avoir faim. Malgré sa cécité, la Feunard à la fourrure grise semblait être capable de voir les étoiles. Tyrania vint à côté d’elle avant de regarder du haut du mont la forêt autour d’elles. Sa mère… était-elle encore ici ? Elle ne savait pas, comment l’aurait-elle su de toute façon ?

« Je crois qu’il va être temps pour moi de me reposer. Il se fait tard. »

« Tu ne veux pas m’accompagner grand-mère ? Je ne peux pas te laisser seule ici ! Tu vas dépérir à vue d’œil ! »

« J’ai assez vécu ma petite fille, j’ai bien assez vécu. La seule chose que je pourrais regretter, c’est le fait de ne pas avoir revu cette personne. »

« Ne dit pas de bêtises ! Tu es encore assez jeune, tu as tout le temps de le trouver ! Allons, tu vas m’accompagner. »

Elle forçait la patte de Kalix, lui demandant de la suivre alors que la vieille Feunard avançait d’une démarche lente mais sûre. Elle allait s’occuper d’elle et dès le jour où elle allait retrouver Xano, celui-ci allait sûrement l’accepter, il n’y avait aucun doute ! Deux semaines se déroulèrent, deux semaines où elles ne bougeaient que très peu : Elles avaient sûrement fait à peine six ou huit cents kilomètres au maximum, ce qui était relativement faible quand on connaissait la vitesse moyenne de course d’une Feunard.

« Grand-mère, j’ai trouvé de quoi te nourrir. Tu devrais manger. »

Kalix était couchée sur le sol, les yeux clos, son corps ne se soulevant plus. Légèrement surprise de l’absence de réaction de la part de sa grand-mère, Tyrania s’approcha d’elle en la poussant de son museau. Elle lui avait expliqué qu’elle ne mangeait guère de viande capturée et Kalix avait accepté ce petit mode de vie.

« Hého, grand-mère, ce n’est pas encore l’heure de dormir. »

Un second coup, puis un troisième. Un court instant, elle s’était mise à être très inquiète et horrifiée. Elle ne pouvait pas la quitter comme ça ! Ce n’était pas possible, pas maintenant ! Enfin, le corps se mit à bouger très légèrement alors que Kalix prit la parole d’une voix faible :

« Oui, Tyrania ? Qu’est-ce qu’il y a ? Grand-mère est fatiguée… »

« Tu dois manger sinon ça ne sera pas bon pour ta santé ! »

« Mais tu sais bien qu’à mon âge, on peut facilement jeûner pendant plusieurs jours… »

« Non ! Lève toi et viens manger ! »

De mauvaise grâce, la vieille Feunard aux yeux éteints se releva. Elle renifla les baies qu’avait rapporté Tyrania avant d’en mordre une partie. Elle retourna se coucher ensuite sous un soupir de Tyrania : Vraiment, elle ne l’écoutait pas. Elle avait presque l’impression de se voir mais plus vieille. Kalix n’était pas acariâtre mais dès qu’elle avait quelque chose en tête, on ne pouvait pas l’empêcher de faire ce qu’elle voulait.

« Bon… Puisque tu le prends comme ça, je vais finir le reste mais bonne nuit. »

« Bonne nuit… »

Kalix ouvrit la gueule pour bâiller légèrement alors que Tyrania s’empressa de terminer son repas pour venir se coller contre sa grand-mère. Celle-ci était légèrement froide mais elle n’était plus aussi inquiète qu’auparavant : Elle savait bel et bien qu’elle était toujours là. Pendant la nuit, une forte lueur la força à ouvrir les yeux : Une sphère de couleur blanche et d’environ quarante centimètres de diamètre lévitait au-dessus du sol devant ses yeux. Elle passa une patte devant ses yeux pour voir si elle ne rêvait pas avant de donner un léger coup à Kalix :

« Grand-mère. Hé. Grand-mère, réveille toi. Il y a quelque chose de bizarre. Bon… Reste ici, je vais voir ce qui se passe. »

Se mettant sur ses quatre pattes, elle se dirigea vers la sphère qui se déplaça à grande vitesse entre les arbres. Elle ne savait pas du tout ce qu’était cette chose mais elle était soucieuse, une intuition qui ne lui plaisait guère. Pendant presque deux minutes, la Feunard au poil doré poursuivait la sphère blanche jusqu’à ce qu’elle s’arrête enfin au beau milieu d’une clairière dans laquelle baignaient les rayons de la lune.

« Dis moi ce que tu es ! »

Ni une ni deux, elle venait de tout de suite prévenir la sphère blanche qu’elle ne plaisantait pas. Quelques secondes passèrent et la sphère restait immobile. Puis plus rien, la sphère explosa dans une nuée de poussière blanche avant qu’un petit bruit se fasse entendre derrière Tyrania. Elle se retourna vivement, espérant intérieurement ne pas voir Malar à ce moment.

« Et bien ma petite-fille, tu ne dors pas encore à cette heure ? »

« Grand-mère ? »

Pour une surprise, c’en était une et de taille. Les yeux blancs de la Feunard au pelage grise s’étaient finalement estompés pour laisser place à deux yeux à la couleur argentée. Elle n’était plus aveugle ? Visiblement non puisqu’elle venait de lui sourire alors que Tyrania ne comprenait plus ce qui se passait.

« J’ai… J’ai vu une sphère blanche et je l’ai suivie… Mais elle a disparu et je ne vois pas ce que c’était. Je ne voulais pas te réveiller, je suis désolée. »

« Ah… ça. Je ne peux pas t’en vouloir. Dis moi Tyrania, sais-tu ce que c’est que les sentiments et les émotions ? »

« Hein ? Et bien… Je… Je ne sais pas trop comment te l’expliquer mais c’est ce qui se trouve dans notre cœur et notre âme, non ? »

« En quelque sorte, ma petite fille. Ce sont les élans de notre cœur : Quand tu es à l’unisson avec quelqu’un, tu es capable de ressentir ce qu’il ressent. Si il est triste, tu es triste. Si il est heureux, tu es heureux. Généralement, cela n’est possible qu’avec les morts. Quelqu’un de très doué pour parler et voir les morts sera capable de ressentir ce qu’ils ressentent. Dans d’autres cas, si tu aimes particulièrement quelqu’un, tu seras capable de faire la même chose. Les frontières physiques ne pourront jamais vous empêcher de vous voir. Tu aimes Xano, n’est-ce pas ? Même à une distance d’un ou mille kilomètres, tu seras capable de savoir si il va bien ou il va mal. Mais ce n’est pas forcément envers Xano non plus, hein ? Qu’est-ce que tu ressens en ce moment ? »

C’était une question piège ? Elle ne savait pas quoi dire à ce moment. Ce n’était pas son genre de se dévoiler comme ça mais si Kalix le demandait, alors il valait mieux répondre. Lentement, elle murmura :

« De la joie… et de la tristesse. J’ai le sentiment d’avoir accompli quelque chose de bien et donc cela me rend heureuse. Néanmoins, je sens que je ne pourrais plus … »

Elle s’arrêta au beau milieu de ces paroles, comprenant ce qu’elle voulait dire par là. Kalix hocha la tête d’un air positif alors qu’elle reprenait la parole à la suite de Tyrania :

« te voir. Oui, c’est cela. Je suis désolée ma petite-fille mais ma malédiction était là : Dès l’instant où je racontais la déchéance de notre famille à quelqu’un, il ne me resterait plus que deux semaines à vivre. J’ai fais mon temps, je n’ai pas à regretter. Je suis simplement heureuse de t’avoir vue une dernière fois même si… »

« Non grand-mère, je t’avais pourtant dit que je voulais que tu viennes avec moi ! »

Les larmes embrumèrent son regard alors qu’elle tentait de contrôler les tremblements de sa voix. Déjà, elle avait du mal à apercevoir celle qu’elle avait tant aimée pendant toutes ces années, celle qui était le seul souvenir heureux de son passé.

« Ainsi va la vie, Tyrania. Un jour, nous devons tous disparaître. Même si je ne suis plus là, je garderais un œil sur toi. Je ne peux malheureusement annuler cette malédiction qui te pèse sur la conscience mais je vais t’aider avant de partir. Je vais créer un lien entre toi et Zyla. Ainsi, vous saurez où chacune se trouve. C’est quelque chose à double tranchant : Elle connaîtra ta présence. Elle est partie tellement loin… Je ne sais pas combien de temps cela te prendra mais je te souhaite bonne chance. Je suis désolée de ne pas avoir pu plus t’aider mon enfant. Adieu, Tyrania. »

« M’abandonne pas ! Pas toi ! Tu es ma dernière … »

Une forte lumière et elle avait entièrement disparu de la vue de Tyrania. Celle-ci s’était mise à pleurer avant de courir en direction de l’endroit où reposait sa grand-mère. Ce n’était pas possible, c’était une simple hallucination : Une simple folie visuelle ! Elle arriva finalement devant le corps sans vie de sa grand-mère. Un coup de museau, puis un second, un troisième. Elle tenta de la faire bouger pendant une cinq minutes avant de pousser un long glapissement dans la nuit. Cette nuit, son cœur s’était mis à pleurer des larmes de sang.

« AH ! »

Le jeune homme aux cheveux blancs se redressa subitement dans sa tente. Quelques murmures autour de lui montraient qu’il venait de crier un peu trop vivement. Cette douleur à la poitrine, il avait si mal. Il avait posé une main sur son cœur, cherchant à faire taire cette souffrance intérieure. Il ne comprenait pas pourquoi mais il pleurait, il pleurait toutes les larmes de son corps.

« Xano, ça ne va pas ? »

Luna venait d’ouvrir ses yeux rubis pour le regarder avec inquiétude. Elle dormait contre lui comme à son habitude. Oriane du côté droit, elle du côté gauche et Nelya s’était mise juste au-dessus de lui pour qu’il puisse poser sa tête sur son ventre. Il sécha ses larmes, ne sachant pas d’où elle venait avant d’émettre un petit sourire à Luna. Ce n’était rien, rien du tout. Il ne devait pas s’en vouloir. Un mois et demi s’était écoulé depuis le départ de Tyrania. Lentement, il revint se coucher auprès des trois femmes de sa vie, Luna l’enlaçant tendrement en lui caressant ses cheveux blancs. Il devait contrôler ses pleurs mais il n’y arrivait pas. Heureusement qu’ils se pardonnaient l’un à l’autre très rapidement car en ce moment même, il avait besoin d’être consolé.

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