- Épilogue : Toujours plus - 7 juillet 2021
- Chapitre 59 : Tous ensemble - 30 juin 2021
- Chapitre 58 : Maréchal - 16 juin 2021
Chapitre 75 : Un petit couple
« Merci beaucoup de bien vouloir héberger mademoiselle Percila à Unys. »
« J’avoue avoir été plus que surprise par une telle demande mais vous étiez tellement insistant, signalant que ma maison était éloignée des autres dans ce village tranquille, que je n’ai pas eu la volonté de refuser. Mais vous êtes sûr qu’elle se plaira ici ? »
« Bien entendu. Elle doit apprendre à contrôler ses émotions et à vivre dans le calme. C’est ainsi qu’il en fut décidé après un nouvel incident. »
« En parlant de cet incident, vous me confirmez que cela n’arrivera pas ? Du moins pas maintenant ? Car vous savez, si je suis isolée des autres, c’est pour une bonne raison. »
« Je suis au courant au sujet de votre fils et je pense que sa présence aux côtés de mademoiselle Percila permettra à cette dernière de mieux contrôler ses émotions. »
« C’est décidé, j’accepte d’héberger cette jeune demoiselle mais où est-elle ? »
« Demoiselle Percila ! Pouvez-vous sortir de la voiture, s’il vous plaît ? »
Une jeune fille d’environ douze ans sortit de la longue voiture noire postée devant une petite maisonnette. Derrière elle, plusieurs valises lévitaient au-dessus du sol alors qu’elle se présentait devant la femme de plus d’une trentaine d’années. Elle s’inclina respectueusement devant celle-ci avant de murmurer :
« Je me nomme Percila. Enchantée de vous connaître, madame. »
« Le plaisir est réciproque. Ce n’est pas très grand ici mais j’espère que tu te plairas. »
« Il est vrai par rapport à ma vie de palace, cela risque d’être un bouleversement mais je dois m’adapter à mon nouvel environnement. C’est pourquoi j’accepte pleinement de venir habiter ici, qu’importent les contraintes que je devrais affronter. »
« Cela se voit que tu as un langage bien différent de moi ou de mon fils. »
Son fils ? Percila haussa un sourcil, remarquant finalement brièvement la personne qui regardait à travers l’ouverture de la porte. Un œil saphir qui la fixait et l’étudiait. Aussitôt, elle s’était mise à utiliser sa possibilité de lire dans les pensées.
« C’est ça une fille ? Elle est bizarre … C’est la première fois que j’en vois une d’aussi près à part maman. Elle est un peu effrayante. Pourquoi est-ce qu’elle me regarde ? Comment est-ce qu’elle fait ça ? Est-ce qu’elle a des pokémons ? AH ! Elle semble en colère ! »
« Comment est-ce que votre fils s’appelle ? » demanda Percila après quelques instants.
« Téo. Je suis désolée mais il est très timide et il ne parle que très peu. Il faut dire que tu es la première personne qu’il va rencontrer aussi souvent que moi depuis qu’il est né. Je pense que ton majordome t’a déjà mise au courant, n’est-ce pas ? S’il te plaît, ne le repousse pas à cause de cela. » murmura la femme sur un ton plus que doux.
Le repousser ? Ce ne fut pas le cas, loin de là. Elle restait tout simplement de marbre, lisant des livres pendant les premiers jours. Elle ignorait complètement l’adolescent, ne jetant même pas un regard au-dehors de la maison. Loin de là … Elle sortait juste de la chambre d’ami quand cela était nécessaire, comme pour manger et boire.
« Aie ! Je me suis fait saigner par erreur ! Ces épines sont dangereuses. »
Le message était arrivé dans sa tête par inadvertance, signe que le garçon avait eu un moment de relâchement. D’habitude, les personnes bloquaient leurs pensées à moitié, ce qui faisait que si elle ne se forçait pas, elle ne pouvait pas les lire. Mais des fois, il arrivait qu’elles aient un moment de relâchement. Un peu comme maintenant. Des épines ? Même si elle voulait montrer aucun sentiment par rapport à cela, elle ne put s’empêcher de se lever. Elle s’approcha de la fenêtre, l’ouvrant pour apercevoir un minuscule jardin. A peine de la taille de la chambre. Il était assez distant, encore plus éloigné du reste du décor que la maison dans laquelle elle habitait maintenant. Sans un mot, elle quitta la chambre, descendant les escaliers pour ensuite se diriger vers la porte.
« Oh ? Percila ? Que faites-vous ? » demanda la mère de Téo.
« Je comptais prendre un peu l’air. Par contre, vous n’êtes pas obligée de me vouvoyer. Ici, je ne suis qu’une fille comme les autres. »
« Comme tu le désires, Percila. S’il te plaît, n’effraie pas Téo si tu le vois. Il est très sensible. Par contre, s’il ne se montre pas distant, dis-lui de prendre ses médicaments. Quand même, cet enfant n’arrête pas de passer ses journées dans le jardin. »
Elle ne répondit pas aux derniers propos de la femme, ne faisant qu’hocher la porte tout en quittant la maisonnette. Même si cette femme ne travaillait plus, elle avait le droit à une pension. Mais même avec cette pension, la vie n’était pas facile tous les jours. Elle ? Percila ? Elle ne disait rien du tout alors qu’elle se dirigeait discrètement vers le jardin. Là-bas, l’adolescent aux cheveux noirs grattait le sol avec ses mains, un arrosoir et divers autres instruments à côté de lui. Il était sali par la terre.
« Ces fleurs sont bien entretenues. » murmura-t-elle faiblement, l’adolescent poussant un cri avant de se retrouver couché sur le sol. Il se retourna avec lenteur, regardant Percila.
« Bonjour … Je … Bien sûr. Je m’occupe d’elle tous les jours. »
« Je m’appelle Percila. Je suis la personne qui loge dans la chambre d’ami de la maisonnette dans laquelle tu habites. »
« Je le sais bien. Tu viens manger avec nous. »
« Mais tu ne m’adresses pas la parole. » continua de dire la fille aux cheveux châtains.
« Et tu fais pareil de ton côté. Je m’appelle Téo. » termina le garçon aux cheveux noirs, se redressant faiblement. Il tendit sa main vers elle avec un peu de tremblement. Elle observa la main salie par la terre, Téo remarquant son erreur. Il commença à la frotter sur ses habits mais Percila vint lui prendre la main pour la serrer pendant quelques instants.
A partir de là, tout avait changé chez la jeune fille qui devenait une adolescente. Il en était de même pour Téo. Cela faisait maintenant plus d’une année qu’elle vivait avec eux mais elle ne s’était jamais éloignée de la maisonnette. En fait, elle passait son temps entre les livres où elle épaulait Téo mais aussi avec le jardin où elle le regardait s’occuper de ses fleurs. Les deux adolescents étaient muets ou presque, ne parlant jamais plus que nécessaire. Puis finalement, un jour, elle lui avait demandé :
« Pourquoi est-ce que tu cultives des fleurs, Téo ? »
« Car elles sont comme moi. Les pierres, les bâtiments, les arbres, tout cela vit pendant des années, des décennies voire même des siècles et des millénaires. »
« Je ne vois pas où tu veux en venir, Téo. Est-ce que cela a un rapport avec ta maladie ? »
« Un peu … Oui … Tu sais, je ne vivrai pas très longtemps. Contrairement à une personne en bonne santé, je vivrai surement trois quatre voire cinq fois moins longtemps qu’elle. Tu sais que les roses ne vivent pas plus longtemps qu’une semaine et encore, cela dépend des cas ? On peut les faire vivre plus longtemps artificiellement … avec de la javel. Elles sont éphémères … comme moi. Moi-même, je ne fais que survivre et non vivre grâce aux médicaments que ma mère me donne. Tu sais, des fois, j’aimerai plutôt disparaître. Au moins, ma mère serait soulagée et aurait de quoi vivre correctement. »
Encore une fois, elle s’était plongée dans son mutisme. Ce n’était pas de la pitié que l’adolescent voulait exprimer. C’était plus du fatalisme de sa part. Il savait pertinemment qu’elle possédait de l’argent, une forte quantité d’argent même mais sa mère et lui n’avaient jamais pensé à en réclamer plus que la petite pension que Percila payait pour vivre ici.
Sans un mot, alors que l’adolescent était accroupi, tapotant de sa petite pelle sur la terre, elle passa ses bras autour de son cou, collant tout son corps contre le sien. Il balbutia quelques mots, cherchant une explication mais elle ne lui répondait pas. A ce moment-là, elle avait déjà prise sa décision concernant Téo et sa mère. Auprès de ces deux personnes, elle avait acquis un calme et une sérénité qu’elle n’avait jamais eus auparavant.
« Percila … Je … J’ai un peu mal au dos. »
« … … … Pardon. » murmura faiblement l’adolescente dans ses habits roses, retirant ses bras d’autour du cou de Téo avant de se remettre correctement debout. « Est-ce que je peux aider pour ces fleurs ? »
« C’est assez dangereux à cause des épines. Regarde ces roses … AH ! Attends un peu, je sais ce que je vais faire. Regarde comment on coupe une rose. »
« Je regarde, Téo, je regarde. » termina-t-elle de dire alors qu’elle le voyait prendre son sécateur et se mettre à compter le nombre de folioles. Puis finalement, après quelques instants, une unique rose fut sectionnée. Mais ensuite, avec la tige, il prit un économe à légumes avant de le passer dessus. Il en fut de même avec un couteau. Finalement, les épines ne furent plus là. Il tendit la rose vers Percila, cherchant son oreille parmi ses cheveux alors que la fleur dépassait légèrement de ces derniers. Il sourit en rougissant, elle aussi, chose rarissime de la part des deux adolescents.
Maintenant, ils avaient tous les quatorze ans et cela faisait deux ans qu’elle vivait ici, avec eux. Un bon moment pour ces deux personnes que plus rien ne séparait. Les deux adolescents étaient souvent ensembles et cela avait même surpris le majordome qui venait voir sa maîtresse une fois par mois pour vérifier qu’il n’y avait pas de problèmes. Sauf qu’à ce moment, une autre personne avait toqué à la porte, la mère de Téo allant ouvrir à une adolescente aux cheveux blonds qui tenait un panier dans ses mains.
« Bonjour madame ! Je m’appelle Bel et comme on m’a dit que mes chocolats que j’ai faits moi-même étaient très bons, j’ai décidé que j’allais en offrir à tout le monde ! »
« Bonjour, jeune fille. Du chocolat ? C’est donc toi qui l’as préparé ? » demanda la mère de Téo dans un grand sourire, remarquant la jovialité qui se lisait sur le visage de l’adolescente. Celle-ci hocha la tête plusieurs fois de suite, tendant le panier avant de dire :
« Ca m’a pris un peu beaucoup de temps mais normalement, ils sont tous là ! Dites, c’est vrai que c’est vous qui avait un garçon de mon âge ? Où est-ce qu’il est ? Pourquoi est-ce qu’il ne vient jamais à l’école ? C’est triste de ne pas aller à l’école à son âge ! »
« Mon fils … est malade et très faible. Il ne peut pas sortir de chez nous sans que ça soit dangereux pour sa santé. Mais ne t’en fait pas, le chocolat lui donnera des forces. J’en suis sûre et certaine. Merci beaucoup et … »
« Dites, dites ! Est-ce que je pourrai revenir ? Si votre fils n’a pas d’ami, moi, je veux bien être la sienne ! Et puis, je pourrai aussi inviter les autres quand il voudra ! »
« Maman, c’est qui ? » demanda Téo, étant revenu du jardin, recouvert de terre comme à son habitude. Il remarque l’adolescente en habit orange et au chapeau vert et blanc. Aussitôt, il vint se cacher derrière sa mère, Bel s’écriant :
« T’es complètement couvert de terre ! Tu faisais quoi ? Dis, dis ! Tu voudras être mon ami ? Je m’appelle Bel ! Et c’est quoi ton nom ? Dis, dis ? »
« Je … m’appelle Téo. » bredouilla l’adolescent derrière sa mère. Après le calme olympien de Percila, il n’était pas vraiment habitué à une fille pleine d’énergie comme Bel. D’ailleurs, celle-ci pénétra dans la maison, son panier à la main avant d’en sortir un chocolat qu’elle enfonça dans la bouche de Téo.
« Téo ! C’est du chocolat pour toi ! Et tu en auras encore plus quand je reviendrai te voir ! Qu’est-ce que tu en penses, hein, hein ? »
« HMMM ! Hmm … Euh … C’est bizarre comme chocolat … Mais c’est bon. C’est toi qui les as faits ? » demanda Téo alors que Bel hochait la tête positivement, un grand sourire aux lèvres. Elle vint dire au revoir à Téo et à la mère de celui-ci, ne remarquant pas l’adolescente qui était au fond du couloir, les sourcils froncés. Lorsqu’elle s’en alla, Téo se tourna vers Percila, tendant un chocolat vers elle. « Tiens, c’est pour toi, tu verras ils sont bons ! »
« … … … Merci. » répondit l’adolescente aux cheveux châtains alors que Téo allait dans la cuisine avec sa mère pour ranger le chocolat offert par Bel. Elle écrasa le chocolat entre ses doigts, le visage neutre et vide d’expression avant d’aller dans la cuisine à son tour.
Les journées s’étaient écoulées mais contrairement à auparavant, une adolescente aux cheveux blonds venait perturber la paix dans laquelle se trouvaient Téo et Percila. Toujours enjouée, toujours souriante, elle débordait de joie de vivre.
Une joie qui commençait à agacer de plus en plus Percila. Surtout que Téo était comme captivé par Bel, souriant et rigolant aux blagues stupides qu’elle disait. C’en était assez pour elle … Bien assez. Subitement, alors qu’ils étaient tous les trois dans la maison et la mère de Téo dans la cuisine, tout le bâtiment commença à trembler fortement.
« Qu’est-ce qui se passe ?! » demanda Bel, Téo lui prenant déjà le bras avant de dire :
« Il faut que tu sortes de là ! Je ne sais pas ce que c’est mais on ne doit pas rester dans la maison ! Percila ! Il faut que tu v… »
« Tu as directement choisi son bras avant le mien, Téo. Cela veut tout dire. Je ne dois pas être en colère … Je ne dois pas être en colère. Je ne dois pas être jalouse. »
« Mais de quoi est-ce que tu parles, Percila ? » demanda Téo.
Aucune réponse n’arriva de la part de Percila alors que les murs se fissuraient tout autour d’elle, l’adolescente lévitant au-dessus du sol. C’était elle la responsable ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Pourquoi est-ce qu’elle faisait ça ?
« Percila ! Si c’est toi qui a fait ça ! Arrête, tout de suite s’il te plaît ! »
« Je ne peux pas m’en empêcher. Pourquoi est-ce qu’elle est venue ? Nous étions tranquille tous les deux. Nous étions au calme. Nous étions bien, tous les deux .Pourquoi est-ce qu’elle est venue s’immiscer dans mon bonheur ? Pourquoi ? Pourquoi ? »
Voilà maintenant qu’il voyait quelques morceaux des murs qui étaient en train de tomber en morceaux. Sa mère était venue pour prendre les trois enfants, remarquant Percila lévitant au-dessus du sol. Elle cria :
« Percila ! N’oublie pas ce que ton majordome a dit ! Tu ne dois pas t’emporter ! Tu dois contrôler tes émotions et tes pouvoirs ! »
« JE NE PEUX PAS ! JE NE PEUX PAS ! Je ne peux pas m’en empêcher ! »
« Percila ! Si tu ne te calmes pas, je ne t’offrirai plus jamais de fleur ! »
« De … fleur ? » murmura faiblement l’adolescente aux cheveux châtains, une puissante vague psychique venant balayer les trois personnes autour d’elle, les renvoyant en arrière mais les faisant s’évanouir aussi.
Puis finalement, elle redescendit au sol, constant les dégâts qu’elle avait faits. Les murs tenaient à peine debout, la maisonnette aussi. Avec lenteur, elle souleva les trois personnes grâce à ces pouvoirs psychiques. Elle avait commis une faute … et elle devait en payer le prix. Un doigt posé sur chaque front et tout ce qui se rapportait à son existence disparaîtrait comme ces derniers jours. Quant aux réparations, cela se ferait par un don anonyme.