- Épilogue : Toujours plus - 7 juillet 2021
- Chapitre 59 : Tous ensemble - 30 juin 2021
- Chapitre 58 : Maréchal - 16 juin 2021
Epilogue : Ni l’une, ni l’autre
« Il t’est arrivé tellement de choses durant ces dernières années, Personne. »
Ils étaient tous les trois dans la chambre de l’adolescent. Lui était assis sur son lit, dos au mur tandis que Crusaé ronronnait presque dans ses bras, sa tête logée contre lui. Metsubi était assise sur la chaise, les jambes croisées sans rien dire. C’était Crusaé qui avait pris la parole, écoutant attentivement Personne qui lui racontait tout.
Une semaine s’était écoulée … Et il avait fait le deuil … C’était la première fois depuis une semaine qu’ils avaient le temps de parler. Mimi avait disparut dès qu’ils étaient arrivés et puis … Tout s’était tellement enchaîné d’un seul coup … Il ne savait plus où il en était … Mais en entendant les petits cris de plaisir de Crusaé, il comprenait. Ah … Crusaé était de retour, finalement de retour. Il la serrait contre lui, murmurant :
« Maintenant … que vous êtes toutes les deux réunies … Je suis content de savoir cela … Très content oui … Je suis heureux, les filles. »
« Dis … Personne … Je peux te demander quelque chose ? »
« Tu peux m’appeler Luculos … si tu en as envie. » répondit l’adolescent aux cheveux noirs, Crusaé hochant la tête négativement. Ce n’était pas de ça qu’elle voulait lui demander ? Alors … De quoi est-ce que cela pouvait être ? Elle tourna son visage vers Metsubi puis le reposa en direction de Personne, disant :
« Tu … peux dire que tu m’aimes ? S’il te plaît … »
Hein ? Euh … Pourquoi cela ? Elle savait parfaitement les sentiments qu’il avait pour elle … Ce n’était pas difficile à cacher … Surtout à cause des baisers. Il observa Metsubi, celle-ci le regardant de ses deux yeux dorés. Bon sang … Qu’ils étaient beaux … Vraiment superbes … Magnifiques … Il n’y avait pas d’autres mots pour les définir.
« Alors … Personne ? Est-ce que tu peux … Enfin … Luculos ? »
« Crusaé … Je … Pfiou … Tu sais … Mais bon … Je te l’ai déjà dit auparavant non ? Alors pourquoi est-ce que tu me le redemandes maintenant ? »
Il ne savait pas où se mettre. Il était sûr de ses sentiments envers Crusaé comme envers Metsubi mais bon … Il était quand même un peu intimidé. Et puis … Ca ne se faisait pas ! Car il savait pourquoi elle lui demandait une telle chose …
« Crusaé … Je t’aime énormément … Mais … Mais … »
« Mais quoi, Personne ? Qu’est-ce qu’il y a ? » dit-elle avec de la joie au cœur.
« Mais j’aime énormément Metsubi aussi. Qu’est-ce que ça veut dire ? Et bien tout simplement … que j’aime autant Metsubi que toi … et que si tu fais cela pour que je te choisisse à la place d’elle, ce n’est pas possible. Je ne me suis pas battu pour toutes les deux juste pour en favoriser une à la fin. J’espère que le message est bien compris car il est hors de question que … Je fasse ce genre de choses. Je vous aime toutes les deux, autant l’une que l’autre et cela, on ne pourra pas me le retirer de la tête. »
Aussitôt, Crusaé s’extirpa de ses mains, faisant une moue boudeuse alors qu’elle se mettait debout. Elle venait de quitter son lit, croisant les bras avant de dire :
« Personne. Visiblement, durant ces quelques années, il me semble que tu as perdu pas mal de principes pourtant simples me concernant … voir concernant les filles dans ce monde. Je te remercie vraiment de m’avoir sauvée … Je ne pourrai jamais te rembourser cette dette sauf … En … restant avec toi jusqu’à la fin de ma vie. Mais tu vois … Il est hors de question que je partage l’homme que j’aime avec une autre fille. »
« Personnellement … Moi … Ca ne me dérange pas. » répondit Metsubi avec lenteur alors qu’ils tournaient leurs visages vers elle. Comment ça ? Elle ?
« Est-ce que tu ne réfléchis pas, Metsubi ? Si Personne m’aime aussi, il t’aimera moins … Cela voudra dire alors que tu n’as pas tout son amour. Tu ne serais pas déçue ? »
« Pas le moins du monde. Ce que Personne propose … »
« Je ne propose rien, Metsubi. Je ne suis pas comme ça. » corrigea l’adolescent aussitôt, rouge de honte et de gêne aux paroles de la Carmache.
« Soit … Si tel est- ce que tu dis … Je vais reprendre néanmoins. Dans ce genre de cas de figure, ce n’est pas comme ça qu’il faut le voir. Ce à quoi tout cela s’apparente, c’est à de la polygamie. Dit ainsi, cela semble péjoratif et permet de considérer les femmes comme des objets sexuels puisque l’homme n’en a pas une seule mais ce n’est pas la vérité. Depuis longtemps, dans l’histoire, il est dit que dans le cas d’une relation polygamique, ce n’est pas l’homme qui est favorisé mais les femmes. En fait, la polygamie permet aux femmes de choisir le même homme qui leur inspire de la joie et du bonheur. Où cela n’est pas bénéfique aux hommes ? Car les hommes les moins bien portant ne sont donc pas choisis et délaissés. Ainsi … Dans le cas où moi et Crusaé n’aimerions que Personne, cela veut dire qu’ailleurs, un autre homme se retrouvera alors sans femme. »
« C’est un raisonnement simpliste. » répondit Crusaé, cherchant à répliquer alors que Metsubi disait aussitôt, comme si elle n’avait pas terminé :
« Cela voudrait dire qu’il existe autant d’hommes que de femmes mais ce n’est pas la vérité. De même, alors que pour principe, cela fonctionne ainsi mais ce n’est pas la vérité. Bon nombres d’hommes influents utilisent leur richesse et leurs pouvoirs pour avoir tout un harem autour d’eux. Et il existe des femmes qui se fichent pas mal de l’homme réellement, ne pensant qu’à l’héritage qu’elles recevraient s’il devait mourir. Et si … C’était aussi simple que ça … La vision des autres … C’est cela qui fait que la polygamie n’est guère plaisante pour une majorité de personnes. Oh … Les hommes rêveraient d’avoir une telle chose, les femmes aussi … bien qu’elles ne l’assument pas. Mais quand on est ainsi, il faut voir le regard des autres … Quand on est une femme, la polygamie nous fait considérer comme une traînée … et ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une telle femme n’hésite pas à l’insulter copieusement. A la base … Cela était pour prouver qu’un homme pouvait aimer des femmes également … Mais aussi que les femmes avaient la capacité à aimer un homme partagé … C’est bête mais dans l’idée-même, c’était une bonne chose … C’est les siècles et les personnes qui ont perverti cela. » termina l’adolescente aux cheveux noirs alors que Crusaé la regardait avec étonnement. Elle désigna Metsubi en s’adressant à l’adolescent :
« Hey … Personne … Depuis quand est-ce que Metsubi parle comme ça ? »
« Depuis qu’elle est revenue. Tu sais … Ca me surprend aussi à chaque fois. »
« … … … Personne … … … Crusaé … Vous ne m’écoutez même pas sérieusement. » murmura la Carmache, croisant ses bras à la hauteur de sa poitrine plus imposante que celle de Crusaé. Grrr … C’était un défi c’est ça ?! Elle allait le relever si elle continuait ! Est-ce qu’elle pouvait utiliser sa puissance pour ça ? Mais non ! C’était risible … Ca ne se faisait pas … Et puis … Elle n’avait pas fini de grandir non plus !
« Si si Metsubi … Enfin bon … Je ne pensais pas à de la polygamie … Je ne savais même pas que ça existait … C’est juste … que … Bon … Moi … Je veux vous aimer autant l’une que l’autre … Je ne prendrai jamais l’une sans penser à l’autre … Je vous aime vraiment toutes les deux … C’est ça que je veux dire … Je ne vous ferais jamais souffrir, toutes les deux. »
« … … … Et tu penses qu’en ne choisissant pas l’une mais toutes les deux, tu ne vas pas nous faire souffrir ? Désolée mais moi, je refuse … » répondit Crusaé.
Elle restait campée sur sa position, il était hors de question qu’elle participe à ce genre de trucs complètement foireux et douteux. Non mais … Pour qui est-ce qu’il la prenait ? Elle n’était pas comme ça … Elle était vraiment déçue par la réaction de l’adolescent … mais en même temps … Elle savait qu’il ne voulait pas de mal. Encore que …
« Tu m’as parlé d’une Omera … C’est bien celle dont je vois la photo là … Celle que tu as prise y a quelques années avec les autres ? »
Elle s’était levée, prenant un cadre posé sur le bureau. Ah … Elle l’avait trouvé … Dessus se trouvait les trois oiseaux légendaires, Sarila, Omera, Cassy … Et lui était au milieu de tout ça. Hein ? C’était bête mais … Mais …
« Tu peux me donner la photo, Crusaé ? Merci. »
« Hein ? Mais attends ! Je voulais justement dire que puisqu’aucune d’entre nous n’est comme Omera, tu préfères prendre les deux pour … »
Elle s’arrêtait dans ses mots, fixant l’adolescent aux cheveux noirs. Metsubi s’était levée elle aussi. Qu’est-ce qu’il y avait avec cette photo ? En la fixant plus précisément, il était possible de voir que Personne, encore âgé d’onze à douze ans, était juste devant Lasty. Sarila se trouvait toute à gauche du groupe tandis que Fulgé était toute à droite. A côté de Fulgé, Rina était présente tandis que du côté de Sarila, Cassy souriait en direction du jeune garçon bien qu’il ne la remarquait pas. Enfin au milieu, côte à côte, Lasty et Omera trônaient derrière Personne. Lasty avait de la tendresse dans son regard, sa main gauche posée sur l’épaule du jeune garçon, l’autre venant serrer la main droite de Personne. Du côté d’Omera … C’était la première fois … Il ne l’avait pas remarqué auparavant … Mais … Peut-être parce qu’il était encore assez jeune à l’époque mais … Omera avait son visage tourné sur le côté, comme pour ne pas être prise en photo. Néanmoins, son œil droit était posé sur Personne et il remarquait même quelques rougeurs au niveau de ses joues. Enfin, elle était près du jeune garçon, bien plus près que Lasty. Il voyait même qu’elle avait tenté de lui prendre sa main libre sans y arriver. Omera … Est-ce … qu’il … avait réussi à toucher la Luxray plus qu’il ne le croyait ? Qu’elle se serait montrée patiente pour attendre quelques années ? Etait-ce à cause de tout cela … qu’elle avait décidé de faire une bêtise ? Cette bêtise ? Celle … Où avec Cassy … Omera … Il suffisait de la regarder … Et il comprenait pourquoi. Il posa ses yeux rubis sur Metsubi, sachant maintenant pourquoi il trouvait ses yeux magnifiques.
« Pardon, Metsubi. Je m’excuse. » dit-il subitement en se levant de son lit. « Pardon aussi à toi, Crusaé. Je n’aurai pas dû vous mentir. »
Il avait suffit d’un instant … d’un unique moment … pour s’en rappeler. Et depuis le début … Depuis qu’il avait vu les yeux de Metsubi. Il comprenait tout. Il reposa le cadre sur le bureau, ouvrant le tiroir supérieur de celui-ci avant de fouiller à l’intérieur, présentant un double fond. Il en sortit une petite clé, la regardant longuement avant de reprendre :
« Crusaé … m’a permis d’y réfléchir. Je ne peux pas choisir entre vous deux … Alors je ne choisirai pas. Je vous aime énormément toutes les deux … mais je me voile la face. Metsubi … Tu sais à quel point je trouvais tes yeux superbes, non ? »
« Bien entendu, Personne … Mais où est-ce que tu veux en venir ? »
« Je me voile la face … Depuis des années … Depuis sa mort … En fait … Je pensais que c’était bien simple d’aimer … surtout quand je te voyais Metsubi … Puis aussi Crusaé … Qu’il suffisait de se le dire pour que ça soit la vérité mais non …. Metsubi … Dans tes yeux, j’ai cru la revoir. En fait, je suis tellement obnubilé par ces morts … que je crois les voir … Je compare chaque femme à elle, je compare vos poitrines … C’est bête … mais à la sienne. Je compare son comportement, je n’arrête pas de penser à elle en fait, dès que … Ah … Pardon … Les filles … »
Mais pardon à quel sujet ? Crusaé regardait Metsubi, celle-ci haussant les épaules pour signaler qu’elle ne comprenait pas non plus. C’est bête … Il avait préféré tout oublier à partir du jour où elle était morte. En dépit de ses paroles, ses gestes avaient toujours été … là … bien présents. Sinon … Pourquoi ? Pourquoi ? Car après qu’elle ait passé la nuit avec lui, dans le lit de l’infirmerie … quand il avait tout appris à son sujet … Elle était redevenue la même ou presque, n’est-ce pas ? Enfin, elle avait montré son attention … Et même … Un moment, il ne l’avait jamais dit aux autres.
Un second tiroir ouvert avec la clé, un autre double fond et voilà qu’il sortait un petit écrin noir. Un jour … Discrètement … Omera l’avait emmené avec elle. Elle avait voulut immortaliser la promesse entre son dresseur et elle. Cette promesse se trouvait dans la petite boîte. Il ouvrit celle-ci, en ressortant un médaillon couleur onyx. Il était plutôt assez imposant quand on le regardait comme cela. Il le prit en main, murmurant :
« Moins d’une semaine … après qu’elle m’ait raconté son histoire … Elle m’a embarqué et emmené en ville. Oh … On s’est promené … mais je me rappelle de la boutique dans laquelle nous sommes rentrés. C’était vraiment … spécial … En fait, c’est surtout qu’à la base, je m’y attendais pas. Mais quand on la connait mieux … On se dit que ça lui correspond bien. Pourquoi il est si épais, hein ? »
« Pour … Pourquoi cela, Personne ? » demanda Crusaé en tremblant un peu.
Il allait lui répondre. Le médaillon s’ouvrit, laissant s’entendre une petite symphonie au piano. Du piano ? Cela ressemblait à la boîte à musique qu’elle lui avait offerte il y a de cela des années. Oh bien entendu, ce n’était pas le même son mais … L’idée était là ? Non … Cette musique … Les notes de piano résonnaient dans la pièce, peu à peu alors qu’il plaçait le médaillon autour de son bras, l’objet noir pendant en direction du sol. Une petite gravure … Ce n’était même pas une photo … C’était gravé … et peint … Assis sur les genoux d’Omera, le jeune garçon avait un sourire aux lèvres. Un sourire qui se trouvait aussi sur celles de la Luxray. La jeune femme avait sa veste refermée contrairement à son habitude et avait même laissé paraître ses oreilles de Luxray. Elle semblait si heureuse sur la gravure, sa main posée sur celle de Personne, l’autre le tenant sur les hanches.
« Quand on regarde … cette image … On se dit bien … Voilà une mère et son fils … Ils forment une magnifique famille … Mais ce n’était pas la vérité. Il y avait plus que ça. Bien plus … C’est vrai … Heureusement que Crusaé a refusé … Ca m’a permis de mettre de la clairvoyance dans mes idées. Metsubi … Crusaé … Je vous aime vraiment plus que tout … ou presque … Et si je ne peux pas choisir les deux, alors je n’en choisirai pas une. Omera … Je reste amoureux d’Omera. Je suis désolé … les filles. Mais Omera est encore présente, bien ancrée dans ma mémoire. Ce qui s’est passé avec elle … C’est autre chose. »
Chacun avait souffert ici … Chacun avait eut ses moments de tristesse, ses joies, ses peines mais … Ce médaillon lui avait montré à quel point il était important pour Omera et combien elle était importante pour lui. Il avait voulut l’oublier après sa mort … et il s’était même résolu à cette idée, mettant le médaillon dans un coin pour ne plus s’en rappeler. Mais ce n’était pas possible … Dans le fond …
Les notes de piano s’arrêtèrent de jouer au même moment où il refermait le médaillon. Cette gravure … Même avec Lasty … qui avait été comme une mère pour lui … Il n’avait jamais fait une telle chose. Peut-être était-ce parce que les sentiments n’étaient pas les mêmes ? Parce que contrairement avec Metsubi, Crusaé et Lasty, il avait eut vraiment l’impression de sortir Omera du désespoir dans lequel elle s’était ancrée à cause de son passé ? Il ne le savait pas … Il ne connaissait pas la réponse à cette question. Simplement … Il était fallait arrêter de se cacher … de se voiler la face. Il plaça le médaillon autour de son cou, disant à Crusaé et Lasty :
« Pardon … Dans le fond … Même si elle est morte, je ne devrais pas la trahir. Elle a juré de me protéger … de me servir jusqu’au bout … Je ne peux pas refuser cela. Omera est trop importante pour moi … Toutes ses morts le sont … Restons amis … simplement, d’accord ? »
Il s’inclina respectueusement devant les deux adolescentes. Crusaé était abasourdie tandis que Metsubi hochait la tête pour dire qu’elle avait bien compris. Qui était … cette femme réellement ? Cette Luxray ? Pour avoir autant marqué l’adolescent même après sa mort ? Elle voulait obtenir une réponse … mais elle ne pouvait pas. Elle devait abandonner … ce combat ? Puisqu’il était perdu d’avance ?
C’était bizarre … Il se sentait soulagé maintenant. Maintenant qu’il avait dit ce qu’il avait sur le cœur, il se sentait mieux … Metsubi et Crusaé étaient là et c’était important. Mais maintenant qu’il avait parlé d’Omera … qu’il avait tout raconté … Il se sentait apaisé. Omera était peut-être morte mais elle restait là … ancrée … et maintenant … S’il la revoyait en pleine ville … Il irait la voir. Il avait grandit … et il continuerait de grandir pour elle.