Archives par mot-clé : Roman

Chapitre 44 : Des journées difficiles

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 44 : Des journées difficiles

Le réveil avait été bien plus appréciable qu’il ne l’aurait pensé. En même temps, avec Manelena dans ses bras, difficile de réellement se plaindre de la situation, n’est-ce pas ? Le jeune homme aux cheveux bruns ne s’était pas levé tout de suite, appréciant ces moments où il pouvait sentir Manelena contre lui.

Lorsque ce fut au tour de la femme aux cheveux argentés de se réveiller, il l’avait juste regardé, en silence, sans qu’un seul mot ne quitte ses lèvres. Y avait-il vraiment besoin de parler ? Elle colla son front contre le sien, rapprochant ses lèvres, son souffle chaud se faisant sentir contre les siennes.

« Manelena, je… » commença à dire Tery avant qu’elle ne scelle qu’un court instant un baiser. Elle se retira de ses bras avant de chuchoter :

« J’imagine que les paroles d’hier à l’encontre de Krawnia me concernent aussi, n’est-ce pas, Tery ? Ou… »

« Tu te trompes sur ce point. Je… Toi… Je suis indécis, désolé. Je suis vraiment un être horrible pour jouer avec tes sentiments. »

« Et moi ? Qu’est-ce que je devrais dire réellement ? Sans cette cruauté qui est la tienne, je n’aurais jamais eu cette possibilité, dans cette foutue capitale démoniaque hein ? »

« Je préfère ne pas trop y repenser, sincèrement. Cela ne me plaît pas vraiment. »

Elle fit juste un fin sourire et quitta définitivement sa couche avant de se lever et de s’étirer, permettant à Tery de profiter de la vision de ses courbes si souvent cachées sous cette épaisse armure noire depuis leur départ de la capitale démoniaque.

Captant aisément le regard de Tery sur elle, elle ne fit rien pour autant l’émoustiller plus que ça. Ce n’était pas l’heure pour cela et puis, il ne fallait pas oublier qu’elle était reine de Shunter. Elle avait quand même un peu de décence. Elle ne pouvait pas se pavaner comme une paon pour attirer la cible de ses désirs.

« Avec tout ça, nous avons encore beaucoup à faire, Tery. »

« Beaucoup à faire, beaucoup à faire. Le terme est peut-être un peu exagéré, non ? »

« Nous n’avons pas tant avancé que ça par rapport aux gnomolds. Et il ne faut pas oublier que l’armée d’Haiktos reste dans les environs. »

« Oui, c’est vrai. Bon, je vais aussi me lever. Je ne peux pas paresser plus que nécessaire. Je dois montrer l’exemple aussi, de mon côté. »

« C’est le mieux à faire. Par contre, tu vas sûrement t’attendre à des regards et des remarques de la part de l’autre cinglée. »

« Humpf, je le sais parfaitement et je m’y attends, ne t’en fait pas. Ce n’est pas comme si elle avait son mot à dire à ce sujet, Manelenea. »

Son mot ? Il était aisé de savoir de qui ils parlaient tous les deux. Il n’y avait qu’une seule personne dans leur champ de vision : Krawnia. Néanmoins, lorsqu’il quitta sa tente quelques secondes après Manelena, il n’y avait pas de demoiselle ailée qui l’attendait. Non.

Elle était encore là, néanmoins ? Il posa la question à quelques soldats, certains lui disant que oui, d’autres qu’elle s’était rapprochée de sa tente sans pour autant y pénétrer à l’intérieur. En même temps, il y avait des gardes pour surveiller sa tente, question de sécurité. Il était hors de question que le jeune homme reste sans protection.

« D’accord, d’accord. Elle n’a rien fait de bizarre à part cela ? »

« Pas vraiment. Elle traînait dans les environs sans rien dire ou faire. Je crois qu’elle voulait rentrer mais elle s’est arrêtée, puis elle a émis un léger grognement avant de se retourner et de s’éloigner. Rien de plus. »

« D’accord, d’accord. Donc en quelque sorte, elle est restée comme à son habitude, du moins, du peu que l’on peut connaître d’elle. »

« C’est peut-être pas dit de façon élégante mais ouais, y a de ça, chef. » compléta le soldat en hochant la tête positivement..

« Sur le coup, je ne suis pas sûr que l’élégance ait une quelconque importance hein ? »

« C’est pas faux, chef. Mais bref, je vais pas vous mentir qu’elle fait peur à pas mal d’entre nous. Même les démons ne l’apprécient pas. »

« Tant qu’elle n’est pas une menace pour notre armée et que je n’ai pas l’impression qu’elle risque d’exploser à tout instant, elle reste notre alliée. »

« D’accord, d’accord. Je voulais juste vous dire ça. Même si c’est juste la première journée, le truc, c’est qu’avec ce qui s’est passé avec les gnomolds, les autres sont vraiment pas rassurés. Ils ont peur qu’elle décide de les agresser comme ça, du jour au lendemain. »

« C’est normal en vue de comment elle a décidé d’agir. »

Et il s’éloigna enfin pour ne pas continuer cette discussion. Comme les oreilles indiscrètes pouvaient très aisément trouver leur domaine dans la base, il voulait éviter que ce message ne se transmette à Krawnia, surtout si le temps qu’il arrive à ses oreilles, il ait été modifié à cause des petites inconsistances.

« Ah… Pfiou… Je n’ai pas eu le temps hier mais je vais le faire aujourd’hui. »

Il allait plutôt se concentrer sur autre chose : l’histoire des gnomolds avec les démons. Il n’y avait peut-être que peu de chances qu’elle soit au courant mais qui ne tentait rien n’avait rien. Il se dirigea vers Héraisty, la voyant au loin en train de parler avec d’autres personnes. Attendant qu’elle ait terminé, il se rapprocha d’elle avant de la saluer en lui baisant les joues. Se laissant faire, elle lui demanda s’il avait bien dormi avec un petit sourire amusé.

« Euh, bien entendu, Héraisty, et toi ? »

« Oh, comme un loir. Disons que de toute façon, en vue de la situation actuelle, j’ai essayé de ne penser à rien et de tout simplement me concentrer sur ce qui va nous attendre. »

« Oui… Enfin, justement, je voulais te parler de quelque chose. Est-ce que tu étais au courant par rapport aux gnomolds ? Enfin, pas pour leur transformation mais… ce système de sacrifice de la part des divinités ? »

« Pour les gnomolds en eux-mêmes, je ne pouvais pas le savoir. Comme Zélisia et Alzar ont utilisé la magie des différents peuples pour sceller le monde souterrain, il n’y a aucune trace des « résultats » causés par cela puisqu’il n’y avait aucun démon pour en parler. Par contre, au sujet de la magie en elle-même, ce n’est pas la première fois que j’en entendais parler mais… cela ne modifiait pas le corps de façon permanente et interne. »

« Oh ? Et donc, qu’est-ce que tu peux en dire exactement ? »

« Ce que je peux en dire… Hmm… Eh bien… En fait, certains peuvent se faire via des contrats et autres. Un peu comme de l’esclavage. Les familles les plus nobles parmi les démons ont de nombreux esclaves, tu t’en doutes, non ? Eh bien, certains d’entre eux servent juste de « garde-manger ». Ils sont juste nourris et logés sans avoir réellement d’autres utilités. Ils ne peuvent pas quitter les environs des logements où ils sont entassés. »

« Mais c’est vraiment horrible. Enfin, je veux dire, c’est de l’esclavagisme oui, comme les autres mais… là, ils n’ont même aucune autre utilité que juste vivre pour mourir plus tard ? »

« Oh. Il y a d’autres types de magie qui permettent de récupérer celle des environs. Et cela sans contrat mais disons que ce n’est pas à la portée de tout le monde. »

« D’accord, d’accord. J’aimerais dire que je vois bien mais… ce que tu m’as dit, je ne savais pas que ça se faisait ainsi. »

« Oh, pourtant, la royauté et les plus haut-gradés militaires dans le monde démoniaque ont justement de quoi se préparer à ça. Ils ont de quoi se sustenter et d’utiliser des magies qui ne sont normalement guère accessibles à leurs personnes. »

« Est-ce que les pouvoirs magiques de l’empereur Malark sont du même genre ? » questionna Tery en se rappelant l’étrange sort de la part de l’empereur.

« De ce que je connais de lui, il est capable de produire ses sorts sans avoir besoin d’un « garde-manger » à côté. Il est dit qu’en terme de magie, il est l’un voire le plus puissant des empereurs depuis des siècles voire des millénaires. Mais difficile de confirmer ou infirmer ceci quand on ne peut pas vraiment comparer. »

« Oui, c’est vrai. Enfin, donc en un sens… tu en sais mais pas plus que ça. Donc tu penses que les gnomolds disaient la vérité ? Du moins, pour toi, tu en es sûre ou non ? »

« Sûre et certaine. Il ne mentait pas. Et je pense que pas mal de démons connaissent au moins, via des rumeurs, au sujet de cette capacité. Mais ils devaient sûrement penser que ce n’était possible que pour eux. Que d’autres en soient capables, c’est peut-être cela qu’ils auront du mal à croire mais rien de plus. »

Hmm. Oui. C’était une bonne remarque de la part d’Héraisty. Mais au moins, il avait eu plus ou moins une confirmation : tout le monde considérait que les gnomolds n’avaient pas menti en racontant cette histoire. Alors qu’il s’apprêtait à partir en remerciant la démone, celle-ci avait toujours le même sourire qu’auparavant, disant d’une voix douce :

« Et de ton côté, tu as vraiment bien dormi, Tery ? »

« Euh… Oui, oui, mais pourquoi est-ce que tu me poses à nouveau cette question ? »

« Eh bien, je ne sais pas trop. Il semblerait qu’une personne avait décidé de se rendre discrètement dans ta tente, hier. Elle m’avait demandé quelques conseils pour faire cela de façon à ce que personne ne le remarque. »

« Eh bien, disons qu’elle s’est plantée grandement sur ce point. »

« Hmm ? Comment cela ? Qu’est-ce qu’elle a fait comme erreur ? »

« Oh, simplement le fait de quitter la tente ce matin, comme si de rien n’était. J’imagine que les gardes n’étaient pas au courant de sa présence, en vue de ce que tu viens de me dire. »

Il remarqua bien qu’Héraisty était en train de se demander s’il blaguait mais il hocha la tête négativement sans prononcer une parole de plus. Héraisty poussa un profond soupir, reprenant la parole pour dire d’une voix lente :

« J’imagine qu’elle était si heureuse d’avoir un instant avec toi qu’elle a abaissé sa garde lorsqu’il fallait éviter que ça ne soit le cas. »

« Bah, ce n’est pas si grave que ça. Je veux dire, j’imagine que c’est un secret de polichinelle. Et si cela peut te rassurer, il ne s’est rien passé entre elle et moi. »

« Mais pourquoi est-ce que cela devrait me rassurer ? »

« Eh bien, je ne sais pas trop mais… je m’imagine souvent que tu fais tout ça pour nous donc voilà, je pensais que ça serait normal que de te remercier, il ne faut pas ? »

« Je vous apprécie grandement, et peut-être plus. Surtout toi, Tery. Depuis que tu es venu dans ma vie, tout a changé radicalement. »

« Fais attention, on dirait vraiment que tu veux me complimenter. »

« Mais c’est exactement ce que je suis en train de faire, hahaha. Entre toi et Elise, j’ai découvert tout un nouveau monde. Et de nouvelles races. Et puis, j’ai tellement à en apprendre sur vous autres, je ne peux que continuer cela. »

« Tu sais que nous ne sommes pas des sujets d’expérience hein ? »

« Bien sûr que non, Tery. Je suis juste heureuse et contente. » répliqua la femme démoniaque.

« Alors je n’ai qu’à travailler pour que tu le restes. »

« Cela ne devrait pas être une tâche trop difficile, hahaha. »

Elle continuait de lui sourire et oui, il était plutôt heureux de la tournure des évènements. Il se sentait un peu soulagé. Même s’il avait toujours cette pensée néfaste par rapport à Krawnia, cela ne changeait pas qu’il devait se calmer et faire la part des choses. C’était pourquoi il allait prendre sur lui-même et juste voir le bon côté.

« De toute façon, tu sais où me trouver si tu as un besoin présent de venir parler, n’est-ce pas, Tery ? Il te suffira juste de venir dans ma tente. »

« Et que les soldats se posent des questions ? Ils finiront par se faire des idées. »

« Oh, je pense que c’est déjà le cas. Tu sais bien que les démons sont polygames, non ? Certains démons et démones ne font que chercher l’être le plus fort ou attirant, qu’importe le nombre de prétendants ou prétendantes aux pieds du dit être. »

« Mais je ne suis pas vraiment comme ça, désolé de le déclarer. J’espère que tu ne seras pas trop déçue par cette révélation, hahaha. »

« Pas le moins du monde puisque je ne suis pas attirée de cette façon par toi. Pas trop déçu non plus de ton côté ? »

Elle venait de répliquer presqu’aussitôt. Alors que les paroles étaient un peu directes et franches, le sourire qu’elle arborait montrait aisément qu’elle ne voulait pas qu’il le prenne mal. Pour toute réponse, il tira doucement la langue :

« Peut-être juste un petit peu ? Réellement, entre le désir et l’amour, c’est vraiment compliqué et différent. Et je ne veux pas que tu penses que c’est le second. »

« Car c’est le premier ? Hmm… Intéressant ! Mais je note cela pour un autre moment. Tu n’es pas le genre de démon à succomber réellement à tes désirs, n’est-ce pas ? Je veux dire, il suffit de voir avec Manelena pour comprendre que c’est… plus que ça. »

« Je suis assez perdu sur ce point. Je sais que… j’ai l’impression d’avoir tout le temps cette discussion, que cela soit avec toi ou alors dans ma tête mais… »

« Ce n’est pas un souci, si tu en as envie d’en parler, tu sais que je suis là. Et je sais aussi très bien que tu ne sais pas sur quel pied danser par rapport à Elen et Manelena. »

Il fit juste une petite moue qui se voulait souriante mais il était aisé de voir qu’il était plus triste qu’autre chose. Les évènements n’étaient pas anodins et le fait de ne pas voir Elen depuis si longtemps et surtout sans que cela tourne mal avait sûrement influencé sur sa décision mais… renier ce qu’il ressentait pour Manelena, cela ferait de lui un lâche.

« Je vais aller retrouver le reste des troupes. Je crois que l’on va être bon pour stationner un peu dans les environs. Nous sommes pas encore en sécurité mais je crois que plusieurs jours de repos sont réellement nécessaires. En venant jusqu’à toi, j’ai vu les soldats. »

« Ils n’ont pas une bonne mine et c’est difficile… de faire quelque chose pour les aider. »

« Ils sont stressés. Ils ne peuvent pas… penser autrement à ce qui s’est passé malheureusement. À partir de là, ils n’ont donc que leurs pensées à ruminer. »

« Peut-être qu’avec le temps, cela passera, tu crois ? »

« Pas vraiment mais il n’y a aucune parole réellement réconfortante dans ce genre de situation. Au grand maximum, nous pourrions voir pour faire quelque chose pour évacuer tout ça, via un travail à accomplir mais… ce n’est pas aussi simple. »

Il en savait quelque chose. Pour quelqu’un qui avait ruminé son passé pendant de longues années, et Manelena étant dans le même cas que lui, il était difficile de tirer un trait comme ça. Un évènement pour leur faire oublier leurs soucis ?

Difficile. Les loisirs des démons n’étaient pas mêmes que ceux de la surface. Et même à la surface, ils n’étaient pas forcément tous à avoir les mêmes loisirs. Souvent à cause de leurs différences raciales. Bref, tout ça était très compliqué et rien n’allait arranger la chose.

« Je suis complètement perdu. Cela ne sert à rien. »

« Mais non, Tery. Tu trouveras une solution. Comme tu en as trouvé une pour Elise, une pour Manelena, une pour nous tous. Tu devrais arrêter de te dévaloriser. »

« Ce n’est même pas une question de me dévaloriser ou autre. C’est simplement que… je me sens parfois si faible. J’ai l’impression d’être juste transporté d’histoire en histoire. Comme si je n’étais qu’une simple marionnette. »

« Hmm… Non, tu es responsable de tes décisions, je ne pense pas que tu peux prétendre cela, Tery, loin de là. »

« Si seulement j’arrivais à me convaincre autant que tu tentes de me convaincre, je suis sûr qu’à nous deux, nous devrions arriver à quelque chose. »

« Et si tu allais voir Manelena ? C’est toujours elle qui est là pour te remonter les bretelles, non ? Allez, zou, tu devrais y aller maintenant ! »

Et c’était presque si elle décidait de le mettre dehors. Oh, il savait parfaitement que ce n’était pas le cas mais elle voulait le motiver. Elle posa une main sur son dos avant de le pousser légèrement en avant, comme pour l’inciter à faire le premier pas.

Ce n’était pas bien difficile de retrouver Manelena, contrairement à Krawnia d’ailleurs. Il ne l’avait vraiment pas vue de la matinée. Dans tous les cas, ce n’était pas un souci. Léger sourire aux lèvres, il se rapprocha de Manelena.

« Hmm ? Eh bien, ce sourire en dit long. Qu’est-ce qui te tracasse, Tery ? »

« Ah… On dirait bien que je n’ai pas réussi à le rendre plus sincère que je le pensais. Comme quoi, je me suis bien trompé, hahaha. Ah… C’est juste comme ça. »

« Héraisty t’a sûrement envoyé si tu viens vers moi. Ce n’est pas de ton plein gré. »

« Hey ! Tu donnes l’impression que je viens juste te voir quand j’ai des soucis. »

« Des soucis ? Pas tout le temps mais disons que je suis un peu comme ton phare dans la nuit souterraine, tu ne crois pas ? »

« C’est joliment dit et… c’est peut-être un peu vrai, Manelena. Mais si je vais encore te raconter mes ennuis, tu ne risques pas de te lasser. »

« Sûrement, oui. Et si je vais sûrement finir par trouver cela super chiant, désolée de ne pas être désolée de te le dire concrètement hein ? »

« Ce n’est pas grave. C’est juste comme d’habitude, n’est-ce pas ? Bon… C’est au sujet des gnomolds. Je ne sais pas si cela était une bonne idée que de les laisser partir. »

« Hmm ? Tu voulais les tuer donc ? » demanda Manelena, le regardant avec un peu d’étonnement, Tery faisant rapidement un geste négatif de la main.

« Non, non ! Pas du tout ! Je ne pensais pas ça. Pas de la sorte. Je me disais juste si cela était vraiment utile… que de les faire partir. Peut-être que si nous avions décidé… »

« De les garder avec nous, nous aurions alors réussi à les « apprivoiser » et à en savoir plus ? Non, tu te trompes lourdement, Tery. Ils étaient prêts à reprendre le combat si ce gnomold avait décidé. Mais en vue de la surprise de ses partenaires, il semblerait que ce secret soit bien gardé. Si tu veux vraiment en connaître plus, il faudra voir avec Ernold si un jour, nous arrivons à remonter à la surface. »

« Tu crois qu’Ernold nous en dira plus ? »

« Il vaut mieux pour lui. Je suis certaine qu’il est en partie responsable de cette situation déplorable avec les gnomolds. Mais aussi l’ouverture des portes démoniaques, je suis certaine qu’il n’y avait pas que le couple de dieux derrière tout ça. Cela ne m’étonnerait pas qu’ils aient travaillé de concert dans cette histoire. »

Il… devait avouer qu’il n’avait jamais fait le rapprochement. Maintenant qu’elle en parlait, c’était vrai. Cela n’était pas si anormal que ça. Cela semblait même assez logique à bien y réfléchir. La situation durant ces dernières années montrait bien qu’ils avaient été… ah. Comme des pantins. Le terme venait de traverser son esprit et… il se sentait à nouveau très las sur le moment. Cela n’allait jamais s’arrêter hein ?

« On aura besoin de tellement d’explications. Je ne sais même pas ce qui va nous attendre au final, Manelena. »

« Ce qui va nous attendre ? Hmm… Difficile à dire, il faut avouer. Nous allons continuer à monter au fur et à mesure jusqu’à arriver à la surface, gardons ce but en tête. Et cela malgré tout ce qui s’est passé dernièrement. »

C’est vrai. Garder cet objectif principal en tête. Avec l’armée ennemie et les gnomolds, ils avaient beaucoup dérivé. Il avait bien fait d’écouter les paroles d’Héraisty : Encore une fois, Manelena avait les idées bien plus lucides que lui.

Chapitre 43 : La vie d’antan

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 43 : La vie d’antan

« Confirmation qu’ils sont tous partis ? »

« Un éclaireur a décidé de les suivre discrètement oui, c’est bien le cas. Ils ne sont plus autour de nous. Nous sommes en sécurité. »

« Pendant ce temps, j’avais demandé un bilan pour savoir combien d’hommes nous avons perdus et aussi l’état des blessés. »

« Les pertes sont minimes, les blessés sont néanmoins assez importants, voire même graves. Mais aucun n’est en danger de mort. »

« D’accord, il y a plus ou moins une bonne nouvelle. Nous allons perdre quelques heures mais essayez de trouver les cadavres de tous les démons vivants dans les environs. On va quand même leur offrir une sépulture décente. »

C’était la moindre des choses. Ils n’avaient pas demandé à se faire exterminer par des créatures dont ils n’avaient jamais entendu parler avant aujourd’hui. Ah… Et c’était vraiment pas joyeux. Durant le combat, il n’avait pas vraiment été se préoccuper de ça mais… que ça soit femmes et enfants, ils n’avaient fait aucune distinction à ce sujet.

Ah… Et bien entendu, certaines femmes avaient protégé leurs enfants du mieux qu’elles le pouvaient mais cela n’avait pas réussi à les sauver. C’était bien là l’horreur de la guerre. Et en un sens… Il se disait qu’il avait été chanceux que cela n’ait été qu’armée contre armée lorsqu’il s’était retrouvé aux côtés de Manelena, enfin la maréchale Nali à l’époque. Au moins, dans une bataille de la sorte, ils affrontaient des êtres qui étaient eux aussi préparés à mourir.

Mais les villageois ? Ils n’avaient rien demandé. Ils n’étaient que de nombreuses victimes… et à l’heure actuelle, les démons étaient bien plus nombreux à faire partie de ce côté que l’inverse. Oui, comme il se trouvait parmi eux, il avait aisément pu voir à quel point les dégâts étaient nombreux.

Comme les démons se combattaient entre eux à cause de cette capacité à pouvoir se nourrir d’autrui pour obtenir plus de pouvoirs, les démons étaient son propre ennemi sur ce terrain. Et comme la peur était la règle première des races de la surface par rapport aux démons, les premiers n’hésitaient pas à attaquer les seconds même s’ils n’étaient pas belliqueux.

C’était un gros bordel, il le reconnaissait amplement et il espérait vraiment qu’un jour, tout cela allait se résoudre. Même si Sérest et Séran étaient deux dieux imbéciles, leurs intentions n’avaient jamais été mauvaises et ils aspiraient à un monde en paix. Avec une pensée aussi simplette que ça, s’il le disait à haute voix, on irait lui rire au nez… mais c’était sûrement possible. Une paix globale et complète, non, il ne fallait pas rêver. Mais que les cinq nations de la surface soient en paix avec celle des démons, c’était possible.

Surtout que pour Mékalarma, il suffisait de mettre en position les nombreux mékalarmiens porteurs des lignes de Zélisia, qui avaient été manipulés et torturés par les autres mékalarmiens. Peut-être qu’il pensait aussi à les manipuler, c’était vrai, mais pour une bonne cause. Enfin, ils n’en étaient pas encore là, bien loin même.

« Qu’allons nous faire maintenant, Tery ? »

« Cela ne sert à rien de rester par ici et je pense que pour les gnomolds, il y a une bonne chance qu’ils remontent à la surface. On va pouvoir continuer notre chemin. »

« Au cas où, Tery, tu te doutes que nous risquons fortement de rencontrer d’autres villages dans cet état mais avec… des morts depuis plusieurs jours voire semaines hein ? »

« Je le sais bien… Les gnomolds seront sûrement passés par là, il n’en est pas possible autrement mais qu’est-ce que je peux vraiment y faire ? »

« Rien du tout. » termina de compléter Manelena alors qu’il marmonnait quelques paroles dans sa barbe. Elle venait de l’extirper de ses pensées mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Il fallait avancer à nouveau, sans un regard de plus vers les morts. Il avait juste une partie de ses pensées qui était concentrée sur les gnomolds.

Ce fut après une bonne heure de marche, lorsqu’ils s’étaient remis en route qu’il avait finalement posé la question qui le taraudait à Manelena. Qu’est-ce qu’elle pensait exactement de la situation avec les gnomolds ? Pendant qu’elle restait à ses côtés, elle pensa pendant quelques instants avant de dire :

« Ce gnomold qui a pris la parole était sincère. Cela peut sembler tirer par les cheveux mais il y avait quelques mois, années, nous n’étions même pas au courant de l’existence des démons donc bon, rien d’impossible. »

« Mais maintenant ? Qu’est-ce qu’on doit faire surtout ? »

« Hmm ? Rien du tout ? Ce n’est pas à nous de gérer la crise des gnomolds. On ne peut pas se concentrer sur une histoire perdue depuis des millénaires. N’oublions pas nos premiers objectifs, d’accord, Tery ? »

« D’accord, c’est vrai. J’ai un peu tendance à m’éparpiller pour ne pas changer. »

Et ce n’était pas vraiment dit d’une façon gênée ou autre, c’était juste un constat. Il n’était pas d’humeur à plaisanter de toute façon, en vue de la situation actuelle. Mais il n’avait pas envie de s’énerver en direction de Manelena qui n’avait rien fait.

« Disons plutôt que c’est à cause d’une nouvelle à laquelle personne ne pouvait s’attendre, que ça soit pour des personnes comme nous ou pour les démons. »

« Comme nous ? Tu me considères encore comme un citoyen de Shunter ? »

La question paraissait absurde, vraiment absurde puisqu’elle avait fait disparaître son casque pour le regarder de ses yeux rubis. Elle se demandait s’il était sérieux mais à le voir ainsi, elle lui donna une petite baffe sur le dos du crâne, ayant fait disparaître son gantelet juste avant. Elle répondit :

« Nous avons déjà eu cette conversation, Tery. De nombreuses fois, même. Tu es Tery Vanian. Tu es né à la surface, tu as une mère là-bas, des amis aussi. Tu es de là-bas. »

« Hahaha… Oui. Parlons d’autre chose. Il vaut mieux sinon tu risques de te mettre en colère et je préfère éviter cela, surtout si je suis fautif. »

« Tu crains tellement mon courroux ? Enfin bon… Si ce n’est que ça, je peux te donner des idées d’autres sujets. Comme savoir ce que tu comptes faire lorsque nous allons retrouver Elen et les autres ? Tu as déjà prévu un truc ? »

« Pas vraiment. Enfin, ma priorité va être de voir mon enfant, j’imagine. Pouvoir le prendre dans mes bras et le regarder. Car tu sais, j’ai toujours du mal à croire que je suis père. Ce n’était pas vraiment la vie que j’envisageais en quittant mon village natal à l’époque. »

« Cela ne m’étonne pas. Tu crois que je me voyais être assise sur un trône ? Alors que j’ai toujours été rejetée par mon père ? »

« Pas vraiment, j’imagine. Comme quoi, parfois, on part vraiment bien loin de ce que l’on imaginait avoir prévu pour soi. Mais… Est-ce que tu regrettes tout ça maintenant ? »

« Pas le moins du monde. Je suis plus que satisfaite de la situation actuelle même si je ne suis pas encore totalement heureuse. Il me manque un petit truc que je ne peux malheureusement pas obtenir aussi aisément que je le voudrais. »

« Et c’est quoi ce… petit truc ? » demanda Tery tout en scrutant Manelena du regard. Qu’est-ce qu’une reine comme elle pouvait désirer de plus que ce qu’elle avait déjà maintenant ? Elle rétorqua, remettant son casque sur son crâne :

« Rien de spécial et qui te concerne. Enfin, on peut dire ça comme ça même si ça sonne un peu faux malheureusement. »

« Un peu faux malheureusement ? Tu ne veux pas me le dire car c’est sensé être secret ou alors juste parce que c’est moi ? »

« Principalement parce que c’est toi. Et que je suis certaine que tu es capable de deviner de ce dont il s’agit si tu décides d’y réfléchir un peu plus longuement. »

Y réfléchir un peu plus longuement ? C’était peut-être bien plus personnel qu’il ne le pensait alors. Et si tel était le cas, il valait mieux pour lui alors ne pas s’en mêler plus longuement. Peut-être qu’il ferait mieux tout simplement de…

« OOOOOOOOH ! De quoi est-ce que vous parlez ? OOOOOH ! Tery ! »

Ah oui. Elle. C’était étrange de ressentir un peu de colère envers une personne qui ne lui voulait absolument pas de mal mais voilà… Krawnia était agaçante. Bien plus que dans la tour et s’il ne faisait rien, cela n’allait pas s’arranger. Surtout qu’elle était apparue comme une ombre dans son dos, sans même que Manelena ou lui-même ne la remarque. S’il avait commencé à discuter d’un sujet très important et grave, elle aurait pu tout entendre.

« Bon, Krawnia, il va falloir que l’on discute, toi et moi. »

« Mais quand tu le veux, Tery ! Je suis pendue à tes lèvres quand tu le désires ! »

« Ce n’est pas ce que j’ai dit. Ah… Et puis, j’étais en train de discuter avec Manelena. »

« Hmm, hmm, oh, ce n’est pas bien important ça. Elle peut rester, Tery ! »

« Ce n’est pas là où je voulais en venir… » commença à soupirer le jeune homme. Ne pas montrer son agacement, ne pas montrer. Cela ne servirait à rien, ça serait contre-productif et surtout, il tentait de dire du regard à Manelena de ne pas réagir.

« Je compte bien rester, oui, puisque j’étais en train de discuter avec Tery, Krawnia. »

« Oh mais oui, mais oui, tu peux parler. De toute façon, tu n’es qu’une connaissance pour lui, non ? Enfin, une amie, c’est bien ça ? »

Sur le coup, la femme en armure noire s’était arrêtée. Comme si elle venait d’être touchée en plein coeur par la remarque, elle s’apprêtait à répliquer mais Tery l’arrêta, posant sa main sur le gantelet noir de Manelena.

« Elle est plus qu’une amie puisqu’elle est la personne en qui j’ai le plus confiance à l’heure actuelle dans le monde souterrain. Je pourrais lui confier ma vie en toute sérénité. »

Krawnia regarda Tery avec de grands yeux, presque étonnée par ses propos alors que lui-même sentait la poigne de Manelena se faire moins forte. Krawnia pencha la tête sur le côté, fixant encore une fois la femme en armure puis Tery avant de dire :

« Oh, je commence à voir, oui. Mais ce n’est pas bien grave. »

« Disons que ça l’est quand même vu que tu t’interroges sur le degré de ma relation avec elle. Je la connais depuis bien plus longtemps que je ne te connais. »

« Oh, mais ne t’en fait pas, cela s’arrangera très vite hahaha ! Il faut juste me laisser un peu de temps, rien de plus ! »

« Et je trouve d’ailleurs ton caractère vraiment étrange. Je ne sais pas ce qui s’est passé depuis la dernière fois mais tu as l’air radicalement différente, tu le conçois ? »

« Je suis surtout libre de cette foutue tour dont je ne pouvais pas me débarrasser ! Maintenant qu’il n’y a plus besoin de gardienne pour garder le gardien, il n’y avait plus aucune raison de rester à garder cet endroit ! Hahaha ! »

« D’accord, d’accord mais tu sais, tu n’es pas obligée de me coller. »

« Il me le faut, il me le faut ! Tu sais quoi ? Je vais te raconter tout ce qui s’est passé depuis que tu es parti ! Tu verras, comme c’est assez long ! »

« Assez long ? Hmm… Tu peux garder cela pour plus tard ? Nous verrons cela cette nuit, d’accord ? Maintenant, si tu veux bien me laisser, il me faut discuter de choses assez importantes avec Manelena. »

« Hmm… D’accord. » marmonna Krawnia en faisant une petite moue dépitée.

Et maintenant, elle s’éloignait enfin et il poussa un profond soupir soulagé. Sincèrement, il aurait tellement préféré que ça ne se passe pas ainsi mais bon, il ne pouvait rien y faire et ça l’énervait passablement, il devait avouer.

« Elle est assez irritante quand elle décide de s’y mettre. »

« Je le sais bien… mais elle a l’air… un peu folle. Je ne suis pas certain que ça soit vraiment conseillé de la garder à nos côtés. » murmure doucement Tery pour éviter qu’il ne soit entendu. Bien entendu, il ne pouvait rien y faire mais…

« Cela serait contre-productif. Elle est très utile et sait se battre. Je sais bien que cela serait peut-être pas vraiment ton genre mais… »

« Si je dois un peu la manipuler, je pense que je le ferais. Si c’est pour la sécurité de tout le monde, je préfère ne pas prendre trop de risque. »

« C’est compréhensible. Ah… Je ne vais pas mentir, je suis assez fatiguée avec toutes ces bêtises. Mais maintenant, nous en sommes débarrassés pour au moins quelques heures. »

« Je n’avais pas la tête à supporter ces élucubrations. »

Et maintenant, ils pouvaient alors parler de tout et de rien. Mais voilà, est-ce qu’ils avaient un nouveau sujet de conversation ? Ils avaient été coupé en plein dans leur élan. C’était assez triste mais bon… maintenant, il ne voyait pas vraiment quoi dire d’autre.

Et comme convenu, ils étaient arrivés jusqu’à la nuit et il devait tenir parole… en quelque sorte. Krawnia était venue le voir dès qu’ils avaient terminé et elle voulait absolument lui raconter sa vie depuis son départ de la tour.

« Alors, il faut savoir que tout d’abord, j’ai été réprimandée car je n’ai pas réussi vraiment à défendre le gardien de la tour. Mais bon, qu’est-ce que je pouvais y faire réellement hein ? Je veux dire, qu’est-ce que ça aurait changé ? »

« Je ne vois pas où tu veux en venir réellement. Tu veux bien me donner plus de détails ? Car sinon, je vais être assez perdu, je crois bien. »

« Eh bien, c’était prévu qu’il meure non ? Alors, pourquoi est-ce que je devais réellement me sentir concernée par tout ça ? »

« Eh bien, c’était plus ou moins ton travail. Donc ça ne serait pas si étonnant que ça que tu te concentres dessus quand même. »

Pourquoi est-ce qu’il était avec elle ? Pourquoi est-ce qu’il était aussi exaspéré ? Car il n’avait pas le sentiment que cette femme ailée l’apprécie réellement. Non, elle était vraiment comme une… fanatique. Oui, une fanatique qui était juste captivée par ce à quoi elle vouait un… culte ? Un culte… sur sa propre personne ? Vraiment ? Maintenant qu’il avait juste imaginé cette idée, il commençait à être vraiment effrayé. Cela ne lui plaisait pas du tout.

« Dans tous les cas, j’en avais juste rien à faire de tout ça. Ce sont eux qui m’ont obligée ! »

« C’est vrai que tu en avais parlé à l’époque. »

Et il tentait de raviver des souvenirs. Comme il ne s’y intéressait guère réellement, c’était plus compliqué que prévu mais il allait quand même tenter de faire de son mieux de ce côté. Elle avait bien raconté y a longtemps qu’elle était considérée comme une sorte de « pestiférée » par ses semblables, non ?

« Ce n’était pas à cause de tes ailes que tu as été enfermée là-bas ? »

« Si, bien entendu ! Car oui, il paraîtrait que des ailes qui ne sont pas uniformes peuvent causer un grand malheur et tout le reste ! Ce n’est pas crédible du tout, n’est-ce pas hein ? Tu ne trouves pas ? Qu’ils racontent n’importe quoi ? »

« Disons qu’il y a l’art et la manière… et qu’ils ne semblent pas doués dans l’un et l’autre. »

C’était sa façon à lui de répondre aux propos de la femme ailée. Celle-ci avait toujours son petit air dément dans le regard et il se sentait encore une fois plus que mal à l’aise. Si elle continuait à le fixer ainsi, il n’était pas certain de pouvoir tenir plus longtemps une conversation avec elle. Il détourna légèrement la tête avant de dire :

« Dans tous les cas, ce qui est fait est fait. »

« Et oui ! Mais maintenant, ils n’ont plus de possibilités de me retenir ! Cela les embête tellement hahaha ! De toute façon, ils ne sont plus là pour donner leurs avis. »

« Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? »

« Ce que ça veut dire, hahaha ! Ils ont voulu se battre avec moi car ils voulaient m’empêcher de partir. Malheureusement, ils ne peuvent que le regretter ! »

« Tu étais obligée d’en arriver à de telles extrémités ? »

« Ooooooh ! Ils ne m’ont pas vraiment laissé le choix, hein ? Moi, si on veut m’empêcher de faire quelque chose, eh bien, je vais forcer ! C’est tout ! »

Il avait l’impression de converser avec une sourde. Il était certain que cette discussion n’allait mener nulle part. Il était alors temps de changer de sujet et de demander autre chose. Prenant une profonde respiration, il demanda :

« Tu étais au courant pour la situation avec les gnomolds ? »

« Hmm ? Bien sûr que non. Pourquoi est-ce que je me serais intéressée à eux ? Je veux dire, leur passé, ça ne me concerne pas. Ils peuvent pleurer, j’en avais rien à faire. Je voulais juste pouvoir te revoir, Tery ! »

Et la dernière phrase avait une intonation qui ne lui plaisait pas vraiment. Il connaissait cet autre type de regard. Elen l’avait eu parfois, pendant qu’ils avaient un peu de temps pour eux deux. C’était le regard d’une carnassière. Elle avait de la suite dans les idées sauf qu’il en était hors de question ! Pas avec elle ! Pas du tout !

« Je tiens à le répéter mais je suis un homme marié et je ne vais pas trahir ma femme. »

« Hmm… Hmm.. Mais d’ailleurs, cette femme n’est pas celle avec qui tu étais auparavant, non ? Je veux dire, là, il s’agit de la reine de Shunter, si je ne me trompe pas. Auparavant, tu étais avec une femme aux cheveux blonds. »

Gloups ! Il vint déglutir, comme pris en défaut. Elle avait très vite compris ce qui s’était passé entre Manelena et lui ? Pourtant, il ne le criait pas sur tous les toits. Non, ils évitaient même d’en parler ou d’y faire allusion. Depuis qu’ils avaient quitté la capitale, ils n’avaient rien fait et il ne comptait rien faire de plus.

« La reine de Shunter est la reine de Shunter. Et je compte bien retrouver Elen. »

« Ah oui Elen ! C’était son nom, c’est vrai ! Ce n’est pas que je l’ai oublié mais on va dire que ce n’était pas vraiment ma préoccupation première, hahaha ! »

Et elle trouvait cela amusant ? Ce n’était pas du tout son cas personnellement, loin de là. Mais la conversation était maintenant terminée. Il s’apprêtait à lui dire de partir mais elle avait déjà repris la parole, enjouée :

« Les gens d’ici sont très loquaces. Enfin, pour certains d’entre eux. D’autres m’en veulent pour avoir tué quelques uns des leurs mais ce n’est pas grave, hein ? Je veux dire, ils devaient s’attendre à mourir en venant se confronter à moi. C’est la guerre ! »

« Cela ne veut pas dire qu’ils doivent faire comme si de rien n’était. Cela ne fonctionne pas de la sorte, Krawnia. »

« BAH ! Je vous jure, les mentalités des gens de l’extérieur. Vous aimez vraiment vous compliquer la vie, n’est-ce pas ? Vous autres. »

« Ce n’est pas une question de se prendre la tête. Par contre, je vais aller me coucher. Tu peux donc aller dans ta tente. Tu en as normalement une à toi. »

Elle s’exclama que oui avant de lui sourire. Encore ce sourire qui le mettait mal à l’aise. Mais heureusement, elle quitta bien la tente et il pouvait enfin se reposer. Du moins, il tentait car il ne trouvait pas le sommeil, couché en observant la toile de la tente.

Quand il entendit du mouvement, il ferma subitement les yeux, s’immobilisant complètement. Des pas qui se rapprochaient de lui. Des pas certains, confiants, qui allaient directement vers lui… et la couverture se releva avant qu’un corps ne vienne se nicher contre le sien.

« Je vais lui faire comprendre quelque chose à cette folle. »

Une seule phrase, une voix et un corps aisément reconnaissables. Un corps qui était bien installé contre le sien. Il sentait les bras de Manelena le ramener contre elle mais aussi ses jambes venir l’entourer. Elle ne fit rien de plus, elle savait qu’il était réveillé mais elle ne comptait pas s’arrêter, loin de là. Et il comprenait parfaitement ce qu’elle cherchait à accomplir. Elle voulait le marquer de son odeur, de son empreinte. Peut-être qu’il n’avait pas assez bien… compris à quel point Manelena l’aimait.

Chapitre 41 : Abandon

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 41 : Abandon

« Ne laissez aucun gnomold en vie ! Éliminez-tous jusqu’à ce qu’ils disparaissent ! »

Il avait crié une nouvelle fois la consigne aux soldats avant de se concentrer pour faire apparaître ses griffes de pierre. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas de monstres issus d’anciens démons ou de créatures des souterrains. Non, c’était des gnomolds, des êtres qui avaient montré une intelligence et des capacités bien plus développées qu’on n’aurait pu jamais le croire. Un petit grognement de dépit quitta ses lèvres au moment où il se disait :

« Pourquoi est-ce qu’ils ne peuvent pas tous être comme Ernold ? »

« Tery, tu n’as pas le temps de penser à ces inepties. Il va falloir que tu montres l’exemple ! Élimine des gnomolds à la pelle comme démonstration ! »

Une démonstration de boucherie. Oui, bien sûr. Il n’avait pas perdu la main au point d’être en danger face aux gnomolds, n’est-ce pas ? Même s’il n’était pas stupide, il savait pertinemment à quel point ces créatures étaient dangereuses, encore plus envers les démons.

Il avait fini par se jeter dans la bataille, sans même une once d’hésitation. S’il commençait à douter de ce qu’il faisait, autant abandonner tout de suite. Rapidement, il se retrouva à hauteur d’un gnomold, parant sa lame avec une griffe avant de nicher son autre griffe dans le corps du gnomold.

Hmm… Bien entendu, c’est ce qu’il pensait. Cela ne pouvait pas être aussi simple. Alors qu’il avait imaginé traverser le corps du gnomold avec facilité, il ne pouvait que constater qu’il n’avait pas réussi à percer aussi bien qu’il l’aurait désiré.

« Tss… Vous êtes vraiment tenaces, hein ? »

« Toi ! Toi ! Toi ! C’est toi ! C’est toi le responsable de tout ça ! Nous avons été mis au courant ! C’est toi qui doit payer ! C’est toi qui doit souffrir ! »

« Au courant de quoi ? Hmm… Enfin, qu’importe ! Je ne vais pas perdre mon temps plus longtemps par rapport à ceci ! »

De sa griffe qui avait paré le coup, il recommença une nouvelle frappe, plus puissant que la précédente pour venir trancher le bras poilu qui tenait l’arme du gnomold. Celui-ci poussa un hurlement très vite éteint par la seconde griffe qui s’était insinuée dans sa bouche.

« C’est beaucoup plus simple quand on décide de passer par des raccourcis. »

Il venait de dire cela à ceux qui combattaient à ses côtés. Si les gnomolds avaient la peau dure, il ne fallait pas hésiter à passer par d’autres endroits. Qu’ils ciblent les yeux, la gueule, bref des zones moins protégées et qui avaient une bien plus grande efficacité.

Jetant un œil sur le côté, il cherchait à voir si Manelena n’avait pas de problème. Mais bon, comme il s’en doutait, elle était plus qu’apte à se battre et était même surtout très motivée. Visiblement, des adversaires plus coriaces, ça lui manquait. Ou alors, elle en profitait pour se déchaîner après tout ce qui s’était passé dans la capitale ? Difficile à dire.

Dans tous les cas, il était en train d’observer la bataille du mieux qu’il le pouvait. En tant que combattant au corps à corps, il était difficile d’avoir une vision d’ensemble et donc, il ne pouvait que compter sur ses yeux. Est-ce que son armée arrivait à prendre le dessus sur les gnomolds ? Beaucoup avaient déjà expérimenté un combat face à eux mais cela ne changeait pas que les gnomolds étaient toujours galvanisés en affrontant les démons.

« Ils ont vraiment l’air de ne pas les porter dans leurs coeurs. »

Le pire est qu’il avait toujours considéré les gnomolds comme une engeance maléfique pour les différentes nations de ce monde. Au final, il s’avérait que les gnomolds considéraient eux-mêmes les démons comme encore plus mauvais qu’eux. Et dire que lui avait crû que si Ernold était un gnomold capable d’être le grand archimage, il y avait une chance pour tous les gnomolds. Non, il ne devait pas penser comme ça. S’il voulait oeuvrer pour un monde en paix avec les démons, il fallait faire comprendre que les démons n’étaient pas tous mauvais. Et donc qu’il en était de même avec les gnomolds !

Sauf que ce n’était pas le moment de se déconcentrer. Ces gnomolds n’étaient clairement pas là pour chercher ne serait-ce qu’une parcelle de dialogue. Ils espéraient surtout les éliminer et cela sans même avoir envie de dialoguer. Il suffisait de voir ce qui s’était passé avant qu’ils ne les trouvent. Il était hors de question de faire ne serait-ce qu’une seule concession en leur direction.

« Reculez un peu et soufflez pour les plus blessés d’entre vous ! »

Une consigne toute simple mais qui pourtant montrait la difficulté de la situation. S’il devait annoncé une telle chose, c’est que ses soldats étaient blessés plus qu’on ne pouvait le croire. Dans tous les cas, il préférait jouer la précaution et la sécurité.

« Ces gnomolds savent aussi se soigner et sont vraiment de grosses teignes. »

Il avait dit cela aux démons à ses côtés. Certains étaient déjà essoufflés et blessés mais tous étaient encore bien vaillants. Néanmoins, il voulait vraiment que ça soit gravé dans leurs crânes que ces gnomolds ne comptaient pas en laisser réchapper l’un des leurs si par malheur, ils n’arrivaient pas à les battre.

« Vous êtes à nos côtés, chef. Vous ne devriez pas vous en faire pour ça. Nous, on s’inquiète pas, on sait ce qui nous attendait en vous suivant hein ? »

« Et puis, c’est un peu pareil pour ceux de la surface. Ils suivent leur reine Manelena. S’ils s’inquiétaient pour aussi peu, ils devraient alors arrêter d’être des soldats. »

« Ne disons pas cela non plus. Certains sont peut-être juste moins « engagés » que nous dans cette lutte. Enfin, normalement de notre côté, nous sommes en grande partie originaires des familles nobles les moins aisées de la capitale donc nous savons qu’il n’y a pas vraiment de possibilités comme avenir autre que ça. »

« Ouais, et je peux te dire à quel point ma famille était fière et heureuse de voir que j’étais revenu de la surface en vie et surtout avec une personne de celle-ci. De base, nous n’étions déjà pas vraiment une famille importante alors bon… »

« Concentration, les gars ! J’arrive pas à croire que c’est moi qui vient de dire ça ! »

Oui, maintenant qu’il avait lancé un peu le sujet, les soldats étaient en train de discuter. En même temps, ils le pouvaient vu qu’ils n’étaient pas en affrontement direct avec les gnomolds, une autre partie de l’armée étant occupée avec eux.

« Par contre, qu’est-ce que nous devons faire ? J’ai entendu parler d’une créature ailée qui accompagne les gnomolds. Elle est bien plus puissante qu’eux et arrive à martyriser nos troupes. On dirait qu’elle s’amuse plus qu’autre chose. »

« Vous savez par où elle se trouve ? Si tel est le cas, je peux essayer de m’en charger personnellement. Cela sera bien mieux que rien. »

« Sur le flanc droit, vous êtes certain que ça va aller et… »

« C’est plutôt à moi de dire ça ! Faites comme je l’ai dit ! Les blessés en arrière et ne vous faites pas prendre en tenaille ! Soignez un maximum si possible et tout sera bon ! » s’écria Tery avant de se mettre à courir pour s’éloigner.


De toute façon, ils n’étaient pas seuls. Ils avaient Manelena avec eux, ça devrait aller ! Il n’avait pas à s’inquiéter pour si peu ! Maintenant, il allait mettre la main sur cette fameuse personne qui causait bien plus de problème qu’autre chose.

Comment la repérer ? En regardant vers les cieux ? Cela ne semblait pas être une mauvaise idée si on décidait d’y accorder de l’importance. Dans tous les cas, il devait quand même se préparer mentalement à une forte confrontation.

« HIHIHIHI ! Eh bien, c’est tout ce que les démons ont à me mettre sous la dent ? Dire que je pensais que vous seriez plus costauds que les autres vu que vous étiez en un gros grand groupe ! Mais même les gnomolds peuvent vous éliminer ! Hahaha ! »

Une voix féminine. Il n’arrivait pas vraiment à la reconnaître mais il avait quand même la sensation de l’avoir déjà entendue auparavant… mais il y a bien longtemps. Il tourna sa tête vers l’origine de cette voix, regardant en hauteur avant de cligner des yeux.

Une aile de chauve-souris et une autre couverte par les plumes. Une femme provenant de Claudiska ! Impossible de ne pas la reconnaître mais même ainsi… Il y avait autre chose. Il connaissait la race mais cette personne… Il était certain de…

« OOOOH ! OOOOOOOOH ! OOOOOOOOOOOOOH ! »

Un cri strident, accompagné par deux autres et la bataille semblait comme s’être stoppée. Oui, toutes les têtes se retournèrent vers la femme ailée, celle-ci ayant déployé chacune de ses ailes, un sourire parcourant ses lèvres alors qu’il était certain qu’elle était en train de le fixer du regard. Un regard exalté.

« Tu es donc là ! Te voilà enfin ! Tery Vanian ! Je n’ai jamais pu t’oublier ! HAHAHA ! »

« Euh… Euh… Oui ? » dit-il en tentant de rester sur ses gardes.

Le truc, c’est qu’il ne ressentait aucune animosité de la part de cette femme. Elle n’était pas un danger pour lui… mais pour son entourage. Et c’était pourquoi il était encore plus méfiant. Pourtant, il eut juste le temps de cligner des yeux… qu’elle était là.

Oui. Elle était à sa hauteur, son sourire pouvant être presque ravissant s’il n’était pas dérangeant. Oui, il se sentit déglutir, comme pris d’une certaine nausée. Mais pourtant, il était prêt à réagir si elle venait l’attaquer et…

« OOOOOH ! Que ça fait si longtemps ! Tellement longtemps que j’attendais de te revoir ! JE t’ai cherché partout ! Dans toute la surface et dans ce monde souterrain ! Je t’ai enfin retrouvé après tout ce temps ! »

Et le voilà maintenant embrassé par la jeune femme ailée, celle-ci le gardant contre elle alors que ses propres griffes avaient été prêtes à réagir… avant de s’arrêter. Il venait de recevoir une embrassade de la part de cette femme et maintenant qu’elle était collée à lui, il arrivait enfin à la reconnaître ! Mais bien entendu ! Comment est-ce qu’il avait pu oublier ça ?

« Tu es la gardienne du pilier ! Enfin de l’époque ! Du pilier de l’aigle bicéphale ! Krawnia, si je ne me trompe pas ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Et en même temps, accompagnée par des gnomolds ! C’est toi qui… »

« Oh ! Ces gnomolds, ils ne m’intéressent pas le moins du monde, tu sais ! » coupa t-elle en faisant un geste de la main comme pour balayer ce sujet qui ne l’intéressait guère.

« Euh je crois que je vais avoir besoin de bien plus d’explications et informations que ça. »

« Oh mais donc après cette bataille, n’est-ce pas ? Si ce n’est que ça, je vais vous aider ! Ce sont les gnomolds, vos ennemis ? »

« Oui mais tu sais, avec ce que tu as fait et… » commença à dire Tery, encore plus perplexe qu’auparavant tandis que la femme ailée le décollait enfin de ses bras.

« Alors, ça ne sera pas bien difficile. J’ai réussi à en exterminer pas mal avant qu’ils ne viennent m’autoriser à les accompagner. Les gnomolds sont si agressifs et mauvais par nature, c’est à se demander pourquoi ils existent ! »

« Car ils ont le droit d’exister, comme les démons. » dit-il en grognant un peu, mécontent alors qu’il n’oubliait pas qu’ils étaient en plein combat.

« Le droit d’exister ? Hmmm… C’est un peu bizarre comme concept mais d’accord ! Mais pourtant, vous n’hésitez pas à les tuer, non ? »

« Car nous ne faisons que nous défendre. Mais nous n’allons pas les provoquer sur leurs terres pour venir les abattre. C’est là toute la différence. »

Pourquoi est-ce qu’il avait la sensation qu’elle n’avait pas du tout le même mode de pensée que lui ? Est-ce que la solitude dans cette tour lui avait bouffé le cerveau plus qu’il ne le pensait ? Enfin, ce n’était pas à lui de lui donner des cours. C’était une femme adulte, elle pouvait normalement se débrouiller seule sans avoir besoin d’un soutien.

Ou alors il se trompait complètement ? Mais avec tout ça, il pouvait maintenant compter sur une nouvelle partenaire pour ce combat contre les gnomolds même s’il sentait que ce n’était que le début d’une nouvelle source d’ennuis.

« MANIPULATEUR ! Les démons sont tous des manipulateurs ! »

Le cri de rage d’un gnomold venait de briser le cours de ses pensées. Ah… C’était sûrement un des gnomolds qui venaient de tomber sur Krawnia. Ou plutôt l’inverse. Et des manipulateurs ? Il n’avait rien faire pour ça tandis qu’il retournait auprès de Manelena. Celle-ci le regardait avec perplexité en demandant :

« Est-ce que tu veux bien m’expliquer ce qui se passe ? Je crois me rappeler de cette femme ailée mais à part ça, elle est quoi ? »

« Krawnia. Je n’ai pas tout saisi mais elle était avec les gnomolds mais dès qu’elle m’a vu, elle est passée de notre côté. »

« Hmm ? Et tu as décidé de la laisser faire ? Je suis pas certaine de comprendre exactement où tu veux en venir, je dois avouer. »

« Je ne sais même pas ce que je veux exactement non plus de mon côté aussi. » soupira Tery en marmonnant quelques autres mots.

Elle voyait bien qu’il était vraiment embêté par la situation. Oui, il n’était pas ravi de la présence de Krawnia mais surtout de ce changement de camp aussi surprenant qu’impromptu. Comme quoi s’il ne faisait pas attention, cela pouvait vraiment finir… mal.

« Bon, Tery, tu sais ? Ne va pas te mettre martel en tête. On s’occupe d’exterminer les gnomolds et ensuite, on ira interroger Krawnia. Je crois qu’elle a pas mal de choses à nous dire. D’accord ? Cela te va ? »

« De toute façon, je n’ai pas trop le choix, non ? »

Il n’avait pas vraiment dit cela avec ironie mais plus avec dépit. Les gnomolds étaient tous comme enragés, encore plus qu’auparavant. La trahison de Krawnia avait vraiment fait du mal à leur organisation.

« RÉUNISSEZ-VOUS ENSEMBLE ! FAUT LES BUTER ! TOUS ! »

Oh ? Il y avait sûrement un gradé parmi les gnomolds. C’était normal. Jamais cette espèce n’aurait laissé Krawnia les diriger. Ils avaient sûrement utilisé la femme ailée comme elle les avait utilisés. Oui… C’était tout à fait logique.

La voix provenait d’où ? Il n’avait pas eu la possibilité de s’y attarder et il espérait que Manelena pourrait le guider. D’ailleurs, ce fût ce que la femme en armure noire avait comme idée en tête puisqu’elle s’était mise à courir en disant aux soldats de se débrouiller sans elle. Alors qu’il se présentait à ses côtés, elle lui déclara :

« Coupons la tête et le corps tombera. Enfin, ça marche généralement comme ça. »

Pour les groupes, n’est-ce pas ? Mais ici, il s’agissait de gnomolds. Ce n’était pas vraiment la même chose et elle le savait aussi bien que lui. Si un chef tombait, un autre aurait la force et la volonté d’en trouver un autre aussitôt, et cela en plein combat.

Oui, à sa connaissance, il ne se rappelait pas avoir vraiment connu de gnomolds craintifs et effrayés. Non, même s’ils étaient apeurés, ils ne fuyaient jamais. Ils étaient toujours prompts à se battre et à attaquer tout ce qui leur faisaient face.

Et là, c’était exactement ce qui était en train de se passer. Il avait réussi à retrouver Krawnia, Manelena l’ayant guidé jusqu’à elle. Maintenant ? Qu’est-ce qu’il allait pouvoir dire ou faire ? Les gnomolds étaient encore nombreux et Krawnia était légèrement blessée.

« Vous vous vous… C’est vous ! C’est toi ! Le démon responsable de cette trahison ! »

« Ooooooh ! Tery ! Tu es venu voir comment j’allais ? C’est si gentil mais tu n’as pas à t’inquiéter, je vais parfaitement bien, oui ! »

« Non, non, ce n’est pas ça. Enfin, peut-être un peu mais… ces gnomolds. Vous êtes vraiment venus pour moi ? » demanda Tery alors qu’il s’adressait au gnomold qui s’était exprimé avec virulence en le voyant arriver.

« Tous les démons mais surtout celui qui a ouvert ces portes ! C’est toi et toi seul ! »

« Pour autant, Ernold, le grand archimage d’Omnosmos ne semblait pas être plus préoccupé que ça. Alors pourquoi vous autres, vous êtes incapables de réagir comme lui ? »

Il avait posé une nouvelle question, restant sur ses gardes. Oui, il tentait quand même la communication avec ces saletés ! Ces saletés qui n’ont pas hésité un seul instant à tuer des femmes et des enfants.

« Je devrais vous le faire payer, vous le savez bien hein ? Mais je veux une raison ! Je veux savoir pourquoi vous vous focalisez absolument sur moi ! »

« Traîtres ! Tous ces enfoirés sont des traîtres ! Tous des traîtres qui se sont rapprochés des mondes ! Vous êtes des déchets ! Tu les as tous manipulés ! »

« Je n’ai rien manipulé du tout. Manelena n’a pas été contrôlée par moi ou autre. Vous racontez n’importe quoi mais comme bien souvent, avec vous, les gnomolds, il n’y a pas de demie-mesure, hein ? »

« Comment est-ce que tu nous parles ? Saleté ! JE VAIS TE … »

« LA FERME ! » hurla aussi violemment Tery que le gnomold. POURQUOI ?! Pourquoi fallait-il absolument que ça se passe toujours ainsi ?! « J’ai fait des efforts avec Ernold, j’ai fait des efforts avec Rokar ! Et pourtant, il a attaqué mon village natal ! Mais non, vous, vous voulez juste tout foutre en l’air comme si de rien n’était ! »

« Vous ne pouvez pas comprendre ! Surtout pas un foutu démon ! Tes ancêtres ne t’ont donc rien appris ?! Vrai que vous avez été enfermés pendant des siècles ! »

« Heureusement, je suis né à la surface et d’une mère formidable alors que mon père était un démon ! Donc vos excuses foireuses ne marchent pas avec moi. »

« Excuses, excuses, excuses ! FOUTU DÉMON ! »

« Vous pouvez prétendre ce que vous voulez mais ça ne changera rien aux faits. Vous êtes belliqueux et n’envisagez que la manière forte. À partir de là, il n’est pas possible de vous comprendre car vous faites tout pour que l’on ne vous comprenne pas. »

Le gnomold était énervé, les autres aussi. Les démons étaient en train de souffler, les soldats aussi. Tout le monde semblait considérer ce répit comme salvateur mais lui-même continuait d’allumer la mèche qui mènerait à une nouvelle bataille.

Oui… S’il agissait comme ça, c’était la seule récompense qu’il allait avoir mais il fallait percer l’abcès avant qu’il ne soit trop tard. Avant que ça ne dégénère encore plus. Il avait besoin de plus d’explications. Ces gnomolds étaient sur le point de craquer, il le savait ! Et Krawnia était dans le même état d’esprit, prête à tout ravager.

« Tu n’as rien remarqué pour notre race, n’est-ce pas ? Tu en vois même ici présent ! Ils sont tous là ! Il y a de toutes les sortes ! »

De toutes les sortes ? Comment ça ? Qu’est-ce que le gnomold racontait ? Oui, il y avait des gnomolds, mais aussi des shunteriens et autres. Enfin, de son côté, ils avaient un peu de toutes les races sauf des mékalarmiens. Mais les mékalarmiens, pour qu’ils travaillent avec une autre race, il fallait se lever tôt. Comme dépité en voyant Tery se retourner brièvement vers ses camarades, le gnomold reprit :

« Tsss, il fallait s’en douter. T’es complètement aveugle. Et pourtant, je suis certain que d’autres parmi vous l’ont remarqué. »

« Tery, il veut parler des caractéristiques physiques des gnomolds. Comme les honoriens, mékalarmiens et autres, les gnomolds, suivant leur nation d’origine, ont des caractéristiques différentes. Du genre, ceux issus de Mékalarma ont des écailles sous leurs fourrures.  Et ce sont d’ailleurs les plus teigneux à combattre. » chuchota Manelena.

« Ah ! On parlait de ça ! Hmm… Oui, j’étais au courant, hmm… Enfin, je veux dire, j’avais bien remarqué ça mais… quel est le rapport ? C’est juste une race qui arrive à s’acclimater à son environnement, non ? Des animaux en sont capables aussi. »

« AH ! HAHAHAHA ! Ça se voit que vous êtes trop stupides pour comprendre. En même temps, en parlant de ceux qui ont décidé d’abandonner leurs ancêtres, il ne fallait pas s’attendre à quelque chose de plus intelligent de votre part ! »

« Et qu’est-ce que tu veux… Hein ? »

Il s’était arrêté dans ses paroles, interloqué par celles du gnomold. À côté de lui, il sentait que Manelena était dans le même état d’esprit. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Abandonner leurs ancêtres ? Et c’était quoi le rapport avec les gnomolds ? Il manquait une information capitale ! Et encore une fois, les gnomolds la détenaient !