Archives par mot-clé : Romans

Épilogue : Toujours plus

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Épilogue : Toujours plus

« Je ne suis pas certain que j’avais beaucoup visité Omnosmos la première fois que je suis venu ici. Manelena ? »

« Hmm… D’après mes souvenirs, nous étions plus concentrés sur la bibliothèque et sur la tour d’Ernold. Nous n’avons pas vraiment eu l’envie et la motivation de regarder ailleurs. Et pourtant, c’est la capitale du monde. »

« De la surface, maintenant. Il va falloir préciser cela tant que nous ne serons pas sûr que les démons puissent vivre parmi nous sans qu’ils ne soient en danger. »

« À ce sujet, Ernold, vous parlez de démons mais justement, il y en a pourtant pas mal dans les rues et les gens ne sont pas si inquiets que ça. »

« Oh ça, c’est bien parce que justement, nous sommes habitués à avoir de toutes les races présentes que nous réagissons différemment des autres. Et puis, cela ne ferait pas une très bonne publicité si Omnosmos, avec son grand archimage gnomold, n’était pas apte à intégrer une nouvelle race intelligente en son sein. »

« Je vois, je vois, c’est donc normal. Mais c’est fabuleux. Ils sont vraiment à leur place. On ne dirait pas que cela fait à peine une année que les portes sont ouvertes. »

« Eh oui, c’est que j’ai pris très à cœur ce projet, Tery. Je ne voulais pas que des démons, plongés dans l’inconnu, soient inquiets et méfiants de ce qui pouvait les attendre à la surface. C’est pourquoi je suis plutôt satisfait du résultat. »

« Tu peux l’être Ernold, vraiment. Mais bon, d’ailleurs, qui est-ce qui dirige encore Omnosmos ? Je crois que j’ai oublié depuis le temps. »

« Il n’y a pas vraiment de dirigeant puisque nous sommes au milieu du monde. Néanmoins, les archimages sont souvent ceux qui règlent les différends si cela s’avère nécessaire. Mais bon, actuellement, nous n’avons pas à nous préoccuper de ça. »

« Ernold, Tery, je sais que cela fait longtemps que vous n’avez pas parlé ensemble, tous les deux, mais vous pouvez vous dépêcher ? Tout le monde attend après vous. »

Oups ! Sa grand-mère était moyennement contente par rapport à la situation. En même temps, il était vrai qu’il discutait beaucoup avec Ernold, oubliant un peu les autres personnes. Le vieux gnomold était un puits de connaissance et comme auparavant, Tery adorait en savoir plus en vue de tout ce qu’il savait.

Heureusement, lorsqu’il fut temps de manger un morceau et bien que tout le monde les regardait avec étrangeté, le jeune homme était entouré par Manelena et Elen, étant obligé de discuter avec l’une ou l’autre tandis qu’Ernold s’était attiré l’intérêt du plus jeune présent à table, si on excluait Klary qui dormait paisiblement à côté d’Elen, celle-ci la regardant toujours du coin de l’œil.

« Ah vous voilà donc ! Nous avons eu du mal à vous trouver ! Surtout quand nous avons appris que vous n’étiez plus dans la bibliothèque ! »

« Sérest… Séran. » murmura Elen en marmonnant un peu, guère décidée à les appeler par le terme convenant à la relation entre elle et eux alors que deux personnes se présentaient à leur table, Sérest reprenant la parole :

« Nous sommes désolés du retard. Même si nous n’étions peut-être pas réellement invités, nous ne voulions pas abandonner une telle occasion de revoir Ernold. »

« Ma famille vous doit tout, Zélisia, Alzar. Depuis des générations et des générations, nous vous accompagnons jusqu’au bout. Vous êtes les bienvenus à ma table et cela sans même qu’il n’y ait besoin de discuter, soyez-en sûrs. »

« Nous le savons parfaitement. Hmm… Cette table a vraiment beaucoup de convives. Je suis certaine que l’aubergiste va faire sa soirée grâce à nous. »

Toujours avec un petit sourire aux lèvres, Sérest, comme amusée par la situation, vint chercher une place de libre, invitant Séran à faire de même. Installés à table, le silence vint flotter pendant quelques secondes avant que les discussions ne reprennent, Sérest comme Séran évoquant plusieurs faits datant d’époques lointaines et reculées, de moments où nul ne pouvait apporter la preuve de leurs dires.

Même si la situation pouvait paraître gênante avec l’arrivée de Sérest et Séran, il suffisait de voir sa mère discuter avec eux pour que le jeune homme se sente un peu mieux. De plus, le couple d’anciennes divinités discutait aussi avec ses grands-parents en plus d’Ernold. Ils avaient un sujet sur tout ce qui les entouraient.
Le temps défila à une vitesse folle, Zalek comme Wandy ayant réussi à trouver leurs repères même s’ils étaient bien plus jeunes que le reste des personnes. Entre leurs discussions avec Ernold qui prenait du temps pour eux ou alors avec Sérest et Séran, ils n’hésitaient plus tellement à communiquer maintenant. D’un autre côté, cela était une excellente nouvelle, montrant par là qu’ils étaient en confiance.

C’est enfin lorsqu’ils retournèrent à la bibliothèque, en fin d’après-midi, que Tery remettait l’image dans les pensées de tous. Oui, maintenant qu’ils étaient vraiment tous réunis, ils pouvaient donc la faire cette dite image hein ? Cela ne serait tellement une idée absurde. Cependant, trouver une pièce vide, cela sera facile, surtout que la bibliothèque était fermée mais pour prendre l’image ? Se tournant vers Elen, il vint rougir légèrement alors qu’elle faisait de même de son côté.

« Je ne sais pas du tout à quoi tu penses, Tery. Ou alors, je le sais, mais tu ferais mieux de retirer ce sourire niais, d’accord ? »

« Ce n’est pas un sourire niais, Elen. Par contre, je me disais que… pour tout ça, si on doit se réunir, on va devoir laisser quelqu’un en retrait pour prendre l’image. »

Ah. Maintenant qu’il en parlait, c’était vrai. Justement, c’était ça à ce qu’il avait pensé. D’après ses souvenirs, Elen lui avait parlé d’un miroir ou autre pour faire son image mais ici ? Alors que chacun réfléchissait à qui allait se « sacrifier » pour cela, la femme-golem plaça une main sur l’épaule de Tery, le faisant sursauter. Ce n’est pas qu’il avait presque oublié son existence mais les réactions qu’elle avait sur le moment.

« Merci Clari mais ça ne serait pas pareil si… tu n’es pas sur l’image. »

Il voyait bien que cela ne dérangeait pas la femme-golem, surtout quand celle-ci ne s’exprimait pas le moins du monde comme à son habitude. Visiblement bien embêté une nouvelle fois, il ne savait pas quoi dire ou faire sur le moment.

« Je vais trouver une solution et… »

« Tery, pourquoi tu ne vas pas créer un golem, tout simplement ? Qui irait prendre l’image de nous tous avec Clari ? Si Clari peut le faire, tu peux donc aisément créer un golem qui aurait alors tout ce qu’il faut pour l’image. »

« AH ! Mais oui ! Pourquoi je n’y ai pas pensé, Manelena ? »

« Car c’est la chose la plus évidente et aisée à mettre en place et que comme souvent, tu devais sûrement réfléchir à une méthode abracadabrantesque comme à ton habitude, n’est-ce pas ? Tu peux nous le dire, je ne pense pas que l’on va se mettre en colère. »

« Pfiou… Non, Manelena. Ton idée est très bien et je n‘ai pas du tout envie de me frotter à toi, surtout que malgré tes propos, je n’ai pas tellement réfléchi. »

Mais maintenant qu’elle en avait parlé, il n’allait pas hésiter un seul instant ! D’un geste vif, le voilà en train de concentrer sa magie pour créer un golem fait de bois, d’une taille d’environ quarante centimètres. Comme un petit être famélique mais humanoïde, le golem pouvait tenir l’objet permettant de capturer leur image.

« Juste une petite question : combien d’utilisations maximum on peut faire avec cet objet ? J’ai peur que mon golem n’y arrive pas du premier coup. »

« Vu qu’il s’agit d’un objet provenant d’Omnosmos, tu n’as pas à t’en faire. Tu peux faire une dizaine d’images et voir lesquelles tu voudras garder ensuite pour permettre de les sortir ensuite. Cela n’est pas un souci. »

« Hahaha, d’accord. Tant mieux alors, j’avoue que j’étais légèrement inquiet. Bon eh bien, que tous et toutes se mettent en position ! »

Et pendant ce temps, il expliquait à son golem miniature ce qu’il devait faire. Comme à un enfant, le jeune homme prit un peu plus de temps, discutant avec sa création plutôt que de lui donner des ordres directs.

« Voilà, je pense que ça sera bon. »

« Alors, qu’est-ce que tu attends pour venir prendre place à mes côtés, Tery ? Une invitation de ma part ? Il faut en profiter pendant que Klary dort. »

Hahaha ! Il se retint de sourire alors qu’il se plaçait avec vivacité aux côtés d’Elen. Plus que joyeux, il regarda le beau monde qui était là. Bon, c’était un étrange tableau, avec des membres de presque toutes les races, sauf un Mékalarmien mais voilà bon, on ne pouvait pas tout avoir non plus hein ? Aaaah ! Bon ! Combien d’images ils allaient prendre ?

« Je tiens à rappeler que de base, nous devons envoyer ces images à leur père, Tery. »

« Oui Manelena mais cela ne change pas qu’il va falloir quand même choisir parmi toutes ces images présentes, non ? Elise ? Zalek ? Wandy ? Vu que c’est pour votre père, cela serait bien mieux que ça soit vous qui preniez la décision. »

« Oh euh… On a pris des images où nous étions juste tous les trois, non ? »

Zalek avait posé une question toute simple, regardant Elise et Wandy. Les deux jeunes demoiselles hochèrent la tête, montrant la dite-image avant que Zalek ne s’exclame :

« Je pense prendre celle-là ! Comme ça, père saura que nous sommes tous les trois en sécurité. Mais en même temps, il faudra lui écrire, non ? Lui donner de nos nouvelles, ce qui s’est passé, dire que nous allons bien ! »

« Tout sera fait en temps et en heure, Zalek. Bon, de mon côté, je crois que je vais prendre celle-là. Tery est proche de moi et puis, nous sommes tous présents. » vint compléter Wandy tout en souriant, rougissant un peu en regardant le jeune homme aux cheveux bruns.

« Tery, il va vraiment falloir que toi et moi, nous discutions tous les deux. »

GLOUPS ! Il n’avait rien fait de mal ! Pourquoi est-ce qu’Elen lui lançait des éclairs dans les yeux ? Enfin, pour Elise, elle avait décidé de prendre une autre image où le groupe était réuni au complet. Trois images ? Pourquoi pas cinq ? Pendant qu’ils réfléchissaient à ce qu’ils allaient envoyer en complément, Tery demanda à Wandy et Zalek d’écrire quelques mots pour leur père. Il fit de même avec Elise bien qu’il comptait sur elle pour qu’elle explique bien mieux la situation à son paternel.

Plusieurs lettres allaient partir en même temps pour être certain que l’une d’entre elles arrive à son destinataire. C’était peut-être une version un peu exagérée mais prendre un maximum de précaution était nécessaire au cas où. Au moins, il remarquait que chacun et chacune y mettait du sien pour accompagner les lettres.


L’envoi sera fait en pleine nuit, avec tout le monde regardant partir les différentes lettres ailées. Tant qu’ils étaient là, Tery avait quelques questions pour Sérest et Séran, se tournant vers eux avant de leur poser directement :

« Je voulais savoir, vu que vous vous y connaissiez. Hmm… Comment dire cela mais ces lettres, est-ce une invention de votre part ? Elles sont considérées comme vivantes en partie, non ? Et je me disais qu’un objet aussi utile était vraiment impressionnant. »

« Hmmm, non, ce n’est pas de notre fait mais il est vrai que ces lettres existent depuis la création de ce monde ou presque. À l’époque comme aujourd’hui, il est vrai que la communication a toujours été un point majeur. »

« Donc ce n’est pas vous mais alors qui ? Enfin, quelqu’un s’est bien dit : « Il me faut un moyen de communiquer rapidement et sans me te tromper de destinataire. » »

« Alors, tu as sûrement une idée de qui pourrais faire une telle chose, non ? »

« Ce n’est quand même pas… »

« Non, ce n’est pas le Dévoreur, hahaha, mais celle qu’il aimait. Nul ne pouvait rivaliser avec lui dans le domaine des golems, cela ne voulait pas dire que d’autres personnes n’avaient pas des capacités insoupçonnées. Comme les peuples étaient en guerre, elle a trouvé le moyen de créer ces lettres ailées pour qu’ils puissent retrouver la personne à qui on écrit. »

La femme du Dévoreur. De ce qu’il avait compris et entendu, elle était celle pour qui il s’était battu durant tout ce temps. Elle était aussi celle par qui tout s’était déclenché à sa mort. Il ne dit rien de plus, la soirée se passant tranquillement. Pour l’occasion, plongé dans le sommeil, il l’avait entendu. Il lui parlait. Il communiquait avec lui.

Le Dévoreur… Le Dévoreur lui chuchotait à quel point ils se ressemblaient, tous les deux. Qu’ils avaient tous les deux perdus un être cher fait de chair et qu’ils lui avaient redonné la vie sous une autre forme. Tout cela à cause de la haine des races de la surface comme celle des profondeurs.

Qu’est-ce que le Dévoreur lui voulait ? Il demandait des explications, cherchant des réponses, sans forcément les avoir. Pourquoi est-ce que le Dévoreur le focalisait autant que ça ? Contrairement à auparavant, le Dévoreur lui donnait ce qu’il désirait. Il lui permettait de comprendre que s’il était plus aisé de parler, c’est bien parce qu’il en savait plus à son sujet. Qu’il n’y avait plus aucune raison de cacher cela.

Ils étaient proches, bien plus proches que Tery ne voulait le croire. Ils avaient le même vécu, le même sang, il était impossible de les dissocier. C’était cela qu’il devait s’ancrer dans le crâne. Il était impossible pour lui d’échapper à son destin. Qu’importe s’il pensait que tout allait pour le mieux, qu’il allait retrouver une paix bien méritée, le monde dans sa globalité ne pouvait rendre un homme vraiment heureux… et il allait le comprendre bien assez tôt.

Se redressant, couvert de sueur et haletant, Tery rouvrit les yeux, regardant droit devant lui. C’était la première fois… depuis sa crise souterraine, que les paroles du Dévoreur étaient aussi intenses, aussi présentes dans son esprit. Lentement, il sentit une main caresser son bras droit avant qu’un murmure féminin ne se fasse entendre :

« Hmm… Tery… Il se passe quelque chose ? »

« Oh… Elen, tu dormais, désolé. Je t’ai réveillée ? »

« Je suis encore… un peu courbaturée et fatiguée mais… Qu’est-ce qu’il y a ? »

Elle s’était redressée, tenant la couverture à hauteur de sa poitrine avant de la relâcher, quelques secondes après, dévoilant alors le pan supérieur de son corps nu. Elle n’avait aucune raison de se cacher devant lui.

« Le Dévoreur… il est revenu me parler. Il s’était calmé, après tout ce temps… mais il revient… et c’était plus intense qu’auparavant. Il a recommencé à me comparer à lui, à donner les ressemblances entre lui et moi, à évoquer ces différents points. Je suis vraiment sûr qu’il veut… m’obtenir. Il m’a aussi… déclaré que ce que je ressens actuellement n’est que temporaire, que le bonheur d’un homme n’est rien pour le monde qui l’entoure. »

« Le Dévoreur peut gentiment aller voir ailleurs si cela ne lui convient pas. »

Elle lui avait répondu assez sèchement bien que ses propos n’étaient pas dirigés vers lui. Tendant ses bras, elle récupéra le jeune homme, collant sa tête contre elle avant de lui murmurer avec plus de délicatesse :

« Celui ou celle qui veut m’empêcher d’être heureuse aura affaire à moi. Même si ce n’est que quelques années, quelques décennies, j’interdis à quiconque de vouloir me retirer le bonheur que j’ai de t’avoir à mes côtés. »

« Mais cela revient à dire que je n’en ai pas fini avec toute cette histoire. »

« Je le sais bien, Tery, je le sais plus que bien mais… maintenant, il faut vraiment que je trouve un moyen qui nous rende impossible à nous séparer. »

« Il y a bien des chaînes, des boulets ou autres, non ? » dit-il en rigolant légèrement, Elen lui tapotant délicatement le crâne.

« Je ne voulais pas plaisanter à ce sujet, Tery. Je suis sérieuse, je m’en fais vraiment pour toi et tout. Ah… Même si bien entendu, tu n’es pas exempt de défaut et que je suis certaine que le Dévoreur n’a pas couché avec une autre femme, lui. »

« Cela me fait une différence assez importante mais… il n’y a pas de quoi s’en réjouir. » murmura le jeune homme aux cheveux bruns, yeux baissés, finissant par se libérer de l’étreinte d’Elen.

« Nullement, oui. Mais tout cela pour te dire encore une fois. Ne t’inquiète pas. Je suis là, je suis leur fille, à ces deux soi-disant divinités et je compte bien profiter de ce qu’ils m’ont offert comme pouvoirs à ma naissance pour m’occuper de ceux qui me dérangent. »

« Tu sais que lorsque tu parles ainsi, tu donnes plus l’impression de vouloir contrôler le monde que protéger quelqu’un ? Tu me confirmes que tu ne veux pas raser les différentes races sur notre planète, hein ? »

« Hmm, pour le moment, ce n’est pas dans mes projets personnels. Et toi ? Est-ce que tu as des ambitions de la sorte, Tery ? »

« Pas du tout. Pas vraiment. Et pourquoi pas pour le moment ? »

Elle commençait à l’inquiéter… ou non. Il savait pertinemment que ce n’était pas le genre d’Elen. Simplement, pendant plusieurs minutes, ils continuèrent de discuter tous les deux, de tout et de rien. Quand enfin, le sommeil revint le frapper de plein fouet et que ses yeux se fermaient plus qu’ils ne restaient ouverts, il revint prendre Elen dans ses bras.

Apaisé et soulagé, l’avoir auprès de sa personne lui permettait d’oublier la majorité de ses soucis. Qu’importe le temps qui s’était écoulé, ce qui s’était passé durant ces longs mois sans pouvoir l’avoir à ses côtés, il suffisait juste d’une nuit, de quelques paroles pour qu’il soit ailleurs. Hmm… Il n’avait vraiment aucune idée de ce qui allait l’attendre dans le futur mais dans ce dernier, elle était à ses côtés et… cela lui suffisait amplement.

Au plus profond du monde souterrain, en plein dans la capitale démoniaque, plusieurs lettres se faufilèrent dans le palais impérial. Comme si les gardes avaient reçu l’ordre de l’empereur même, ces premiers ne firent aucun mouvement pour arrêter les lettres. Quelques minutes plus tard, assis dans ce qui semblait être un fauteuil d’une stature aussi royale que celui que la personne nichée dessus, Malark tenait les lettres d’une main, l’autre contenant la première qu’il venait de recevoir, accompagnée d’une image.

« Je vois. Ils sont entre de bonnes mains. Je savais que je pouvais leur faire confiance. »

Ses enfants. Les plus jeunes d’entre eux. Ceux qui n’avaient pas été perverti par toute cette engeance démoniaque qui ne voulait que s’entretuer et se dévorer en espérant devenir toujours plus fort, encore et encore, comme lui l’avait fait avec sa propre fratrie. Mais il n’est pas aveugle. Les Démons ne sont pas le seul peuple à vivre de la sorte.

Il a fallu moins d’une année pour comprendre que les races à la surface ne sont guère mieux pour la majorité. Il a suffi de discuter avec Tery et Manelena pour comprendre que chaque race a ses propres problèmes, son propre lot de traîtres, de manipulations parmi les nobles, le bas-peuple. Qu’importe le système utilisé, que cela soit via des clans, une dictature, une démocratie ou autre, il y aura toujours des personnes pour en abuser, par une méthode ou une autre. Il s’était résigné avec le temps, il était rentré dans le moule. Pourquoi faire une monarchie différente de ses prédécesseurs ? Ses premiers enfants avaient mal tourné et il avait totalement oublié l’existence d’Elise, en projet commun avec Tery. Seuls ses plus jeunes enfants avaient réussi à ne pas subir plus de pression avant qu’il ne soit trop tard. Pour cela, il en sera éternellement reconnaissant envers Tery et son groupe.

« Malheureusement, le monde ne nous fera pas un seul cadeau. »

Ce qui voulait dire explicitement que la moindre gentillesse envers autrui pouvait être considérée comme une marque de faiblesse. C’était un combat éternel et perdu d’avance. Même ceux qui ne voulaient pas se mêler de tout cela, finissaient inlassablement par y être intégré, contre leur fré. Oui… Si le Dévoreur était devenu ainsi, c’était bien parce que malgré sa puissance, il n’avait pas voulu se mêler au conflit entre les démons et les autres races. Le résultat avait été effroyable : la perte de sa bien-aimée l’avait rendu fou, l’invitant alors à dévorer tout ce qui se trouvait sur son passage, qu’importe la race ou la puissance. Il avait fallu le sacrifice physique de tout le peuple de ce monde pour réussir à sceller le Dévoreur ainsi que les démons qui n’avaient rien demandé à cela.

« Ils sont tous présents. Tous autour de nous… Tous ceux des différentes races, qui n’hésitent pas à vouloir profiter de ce nouveau monde souterrain pour obtenir plus de puissance, de force et de connaissances. Et… inversement. »

Les Honoriens, les Mékalarmiens, les Gnomolds… Ces races étaient les principales à vouloir se confronter à eux. Pour Shunter comme Traslord, les paroles de Tery lui avaient permis de comprendre que ces deux nations n’envisageaient aucun mouvement belliqueux à l’encontre des démons. Claudiska ? Cela restait une terre assez neutre pour le moment.

Le monde continuait de tourner et s’était ouvert aux autres. Au plus profond de la capitale démoniaque, il savait qu’il était réveillé, qu’il allait se mettre en action. Depuis le jour où Tery s’en était rapproché, les engrenages du destin s’étaient alors mis en marche.

Chapitre 59 : Tous ensemble

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 59 : Tous ensemble

« Je sais que je vais paraître embêtant mais l’image, est-ce que l’on ne pourrait pas plutôt la prendre à Omnosmos ? »

« Pourquoi est-ce que tu demandes ça maintenant, Tery ? »

« Je ne sais pas… Je crois que j’ai envie que ma mère et mes grands-parents soient là eux aussi. Peut-être que j’exagère mais sans eux, je ne suis pas certain que j’aurais été jusqu’au bout. Surtout ma mère. »

« Il est vrai que ta mère est une femme très forte, Tery. Je suis d’accord avec ce point de vue. Ah… De mon côté, je suis soulagée de savoir que je peux laisser Shunter aux mains d’Hémurion sans avoir à m’en faire. »

« Je pense pareil que Manelena. Sans ta mère, jamais je n’aurais réussi à survivre et à m’occuper de Klary. C’est grâce à elle que j’ai réussi à élever notre enfant. »

Satisfait d’avoir les avis des personnes les plus importantes, du moins à ses yeux, il attendit quand même ce qu’en pensait Elise et Royan. Héraisty, de son côté, était juste ravie à l’idée de découvrir encore un autre lieu. Quant à Krawnia, moins il la voyait, mieux c’était. Bien qu’il pouvait sentir sa présence dans son dos, plus il l’ignorait, plus il était certain que ça lui conviendrait personnellement.

« Pfiou… Heureusement, Midès par rapport à Omnosmos, ce n’est pas comme le village de Leskar. Nous ne devrions avoir que quelques jours de marche. »

« Faisons néanmoins attention aux gnomolds. Même avec Ernold de notre côté, nous risquons vraiment de tomber sur un ou deux clans belliqueux. »

Ah… Les propos de Manelena étaient fondés. Mais après tout, tous les gnomolds n’étaient pas forcément contre eux. Il y en avait bien quelques-uns qui pouvaient prôner la discussion et le dialogue plutôt que l’affrontement jusqu’ç la mort. Il fallait juste espérer qu’il s’agira de ce type de gnomolds s’ils en rencontraient sur leur chemin.


Ne perdant plus de temps, toute la troupe se dirigea alors vers Omnosmos à toute hâte. Heureusement pour eux, les journées passèrent sans encombre, aucune bête sauvage ou des gnomolds hargneux venant leur barrer la route. Dans Omnosmos, comme pour Midès, il fut question de se séparer, chacun ayant quartier libre.

Après l’ouverture des portes démoniaques, il était vrai que le centre du monde s’était retrouvé avec une sacrée surprise mais heureusement Earnos avait géré cela de main de grand archimage. D’ailleurs, chose étonnante, dans la capitale, déjà plusieurs démons se trouvaient là, conversant avec d’autres races.

Et chose encore plus étonnante, dans la bibliothèque, Tery retrouva son grand-père en pleine discussion importante avec l’un de ces êtres cornus. Néanmoins, la discussion s’arrêta aussitôt lorsque son grand-père le remarqua, s’avançant à toute hâte vers lui, bras ouverts pour venir l’étreindre chaleureusement. Puis se tournant en arrière, il cria :

« Jésiane, préviens notre fille ! Tery est de retour ! Et il n’est pas seul ! »

« Combien de fois je t’ai déjà dit de ne pas lever la voix dans… Tery ?! »

La voix de la vieille femme n’avait pas terminé sa phrase qu’il entendit des pas précipités se diriger vers lui. Et malgré son grand âge, la vieille dame n’avait pas perdu de sa vélocité. Sans même qu’il ne puisse faire quelque chose, il fut libéré des bras de Périk pour recevoir… une baffe sur la joue de la part de sa grand-mère.

« Celle-là, tu l’as bien méritée ! Tery… Oh mon enfant… mon petit enfant… »

Hein que quoi ? Il était pas certain de tout saisir, simplement qu’il venait de s’en prendre une sans même savoir d’où elle venait avant de sentir sa grand-mère l’enlacer avec force et tendresse, ce qui était assez spécial en soi.

« Je le retiens, ma fille. Tu peux y aller de bon cœur ! »

Le retenir ? C’est vrai qu’il ne pouvait pas… AH ! Il venait de se prendre une seconde baffe, pas très discrète, en plein sur l’autre joue. Mais hey, ça commençait à faire sérieusement mal. Est-ce qu’elles s’en… Oh ! Sa mère !

« Maman ! Aie, aie, aie, là, tu me serres trop fort ! Après mamie, c’est toi ! »

« Quand j’ai un imbécile de fils qui ne fait que me causer des ennuis, c’est normal que de lui mettre quelques claques pour que ses idées se remettant à la normale ! Ah qu’est-ce que je raconte… Je dis n’importe quoi ! »

Et ce n’étaient pas les pleurs qui allaient arranger tout ça, non ? Il entendait parfaitement sa mère qui sanglotait et il se sentait mal à l’aise, comme auparavant. En même temps, ce n’était pas comme s’il avait réellement pu la voir avant cet instant.

« Maman, je suis vraiment désolé, je ne voulais pas… »

« Tu peux l’être ! Et tu peux continuer comme ça pour les prochains jours ! J’espère pour toi que tu as de très bonnes explications à ce sujet ! »

« Tout d’abord, tu ne voudrais pas que je te présente Klary ? Et que je fasse de même pour mamie et papi ? Cela serait la première fois pour eux, je crois. »

Vite ! Il espérait s’en sortir en utilisant un tel argument. Si ce n’était pas le cas, il pouvait alors se considérer plus ou moins foutu, hahaha. Il espérait ne pas en arriver là, ça serait sacrément triste en vrai.

« Klary ? Klary ? Mais c’est… Enfin, tu veux dire que… »

« Eh bien, Elen et moi, vu que nous nous sommes retrouvés, nous avons décidé de lui donner enfin un prénom. Et donc, il s’agit de Klary. Cela se prononce pareil… mais ça ne s’écrit pas de la même façon. »

« Oooooh ! Elen ! Klary ! Est-ce que je peux voir mon arrière-petite-fille alors ? »

On pouvait dire au revoir à la tranquillité de la bibliothèque. Heureusement, vue l’heure, il n’y avait pas grand-monde et le grand-père de Tery fit une petite mine désolée bien qu’amusée par la situation.

Comme il était si rare de voir sa femme s’emporter de la sorte, il valait mieux faire comme si de rien n’était. Le vieil homme invita le reste des personnes présentes à le suivre, il était temps de les emmener dans une salle pour qu’ils puissent se reposer mais surtout parler librement. De toute façon, pour la bibliothèque, ils avaient aussi deux autres employés qui pouvaient gérer cela pendant leurs absences.

« Vous allez avoir beaucoup à nous raconter, les enfants. »

« Les enfants ? » répéta Manelena en haussant un sourcil, Perik arborant un sourire en tournant son regard vers elle, disant :

« Pour moi, vous restez de jeunes enfants. C’est cela l’avantage de l’âge. Vous pouvez bien nous laisser cela, non ? »

« Bah… Faites comme vous voulez. De toute façon, je pense qu’une partie d’entre nous n’ira pas se joindre à la conversation. »

Elle avait juste désigné du regard quatre générations de femmes dans un coin : la plus jeune, âgée d’à peine une année était dans les bras de la plus vieille. Entre les deux, il y avait la mère et de l’enfant et la belle-mère de cette personne. Elle poussa juste un petit soupir, détournant les yeux comme gênée par quelque chose. Discrètement, ses mains se posèrent sur son ventre avant qu’elle ne plonge dans le silence.

« Bref ! Maintenant que nous sommes tous là, on va pouvoir parler de choses sérieuses… après avoir pris de vos nouvelles et surtout que vous nous racontiez tout ce qui s’est passé. C’est que du temps s’est écoulé depuis la dernière fois. Oh d’ailleurs, pendant que nous sommes ici, j’ai demandé que l’on contacte Ernold pour qu’il puisse venir si cela lui est possible. De ce que j’ai compris, c’est pour lui que vous êtes venus et… »

« Oh pour lui à la base, mais aussi pour vous pour une tout autre raison. »

Il avait coupé la parole à son grand-père, non pas par effronterie mais comme pour rassurer les deux vieilles personnes. Non, ils n’étaient pas venus les voir par « dépit », loin de là. C’était même tout le contraire. Il estimait que c’était tout aussi important que de rencontrer Ernold. Peut-être devait-il arrêter de faire durer le suspense et parler de suite de son idée ?

« Nous aimerions prendre quelques images de nous tous ensemble pour les envoyer au père d’Elise, Zalek et Wandy. »

« Tery, d’ailleurs, je pense que je peux aller les chercher, non ? Je me dis que… ça pourrait leur faire du bien de rencontrer tes grands-parents. »

Il était vrai qu’ils avaient laissé Zalek et Wandy dans la bibliothèque, accompagnés de Clari, par mesure de sécurité tandis qu’ils discutaient de choses importantes entre eux. D’accord ! Il acceptait la proposition d’Elise, acceptation partagée par les autres personnes présentes.

Quelques minutes plus tard, l’adolescente et le jeune enfant rentrèrent dans la pièce, accompagnés par Elise. Un peu impressionnés par le monde réuni dans un espace plus petit que d’habitude, ils levèrent la tête vers les personnes qu’ils ne connaissaient pas. Jésiana, avec un petit sourire, leur dit :

« Eh bien, rapprochez-vous donc. Périk, je crois que nous avons de quoi nourrir ces petits anges, non ? Tu veux bien aller chercher les gâteaux ? »

« Tes désirs sont mes ordres, ma mie. »

Elle leva les yeux vers le plafond comme pour dire que ce genre de petit compliment, devant des enfants et autrui, ce n’était pas nécessaire. Elle s’excusa auprès des personnes présentes bien que tous ne semblaient pas s’en offusquer.

« Alors, quels sont vos prénoms ? Tout d’abord, toi, mon petit ? »

« Euh… Euh… Ben… Euh… Zalek, madame. Je m’appelle Zalek. Euh… Je suis enchanté. »

Il fit une petite courbette respectueuse, comme il l’avait appris en tant que jeune noble. Il tremblait un peu, difficile de savoir si c’était de peur ou d’émotion tandis que sa sœur aînée commença à faire de même tout en disant :

« Je me présente à mon tour : je me nomme Wandy. Je suis heureuse de vous rencontrer, madame, monsieur. »

« Mince ! Euh, je suis vraiment désolé, monsieur, je n’ai pas… »

« Ils sont adorables comme tout. Comme nous n’avons pas connu notre petit-fils à cet âge, on va pouvoir se rattraper avec vous deux, n’est-ce pas ? »

Périk n’avait pas laissé le temps à Zalek de s’excuser proprement, se rapprochant de lui pour caresser le sommet de son crâne avec tendresse. Sursautant un peu, l’enfant bredouilla quelques paroles tandis que Périk lui montrait un petit plateau qu’il avait ramené avec diverses confiseries, pâtisseries et boissons.

« Servez-vous donc, il en est de même pour nos autres invités mais priorité aux plus jeunes. »

« Cela va de soi. Et Tery, que je ne te vois pas essayer d’en chaparder un discrètement. »

« Hey maman ! J’ai passé l’âge de faire ça ! » s’exclama Tery, s’étant rapproché du plateau tout en tournant le dos à ce dernier.

« Alors, tu n’as aucune raison de rester trop près du plateau. Ramène-toi auprès de ta femme et de ta fille au lieu. »

Aie, aie, aie, il était tellement content de retrouver sa mère mais y avait des petites choses qui ne lui manquaient pas. Enfin, il pensait cela en plaisantant, gardant ceci pour lui alors qu’il s’exécutait, retrouvant alors sa petite famille. Aucune remarque n’avait été faite par rapport au terme désignant qu’Elen était sa femme. Même si cela n’avait jamais été officiel.

Bien installé, il n’osa plus tellement bouger et surtout prendre la parole à nouveau. Bon… Et maintenant ? Il ne pouvait même plus récupérer un biscuit à cette distance et il était plus stressé qu’il ne le pensait.

« Pour cette image à envoyer à l’empereur Malark, qu’est-ce que vous voulez faire exactement ? Du moins, comment voulez-vous le faire exactement ? »

« Euh eh bien, j’avais envie que tout le monde soit là. Ernold, c’est peut-être un peu exagéré de demander sa présence, surtout pour une chose aussi ridicule mais à part ça, peut-être que l’on verra quand il arrivera. En attendant, je peux déjà vous raconter une partie de tout ce qui s’est passé depuis. »

Bien sûr en essayant d’omettre certains éléments plus que sordides que les enfants n’avaient pas forcément besoin d’entendre, même s’ils étaient issus de la race des démons. Bien entendu, il faisait aussi un léger oubli sur ce qui s’était passé charnellement avec Manelena bien qu’il parlait quand même de la vois qu’il entendait et de ce qui se trouvait dans la capitale démoniaque, c’est-à-dire le Dévoreur.

« Quelle histoire saugrenue et… Tery. »

« Maman, ça ne change rien par rapport à toi et moi. Mais aussi par rapport à mamie, papi et moi aussi. Enfin, je veux dire par là, que je vous considère toujours de ma famille. Après, ce n’est pas exactement pareil que ce que à quoi vous vous attendiez mais… »

Il ne termina pas sa phrase, se prenant un coup de poing sur le crâne qui lui arracha un cri de douleur alors que sa mère s’était positionnée dans son dos pour le prendre dans ses bras.

« De ce que tu as dit, même si… cet homme n’est pas ton père et s’est juste servi de moi comme cobaye, cela ne change pas le fait que tu es la chair de ma chair, non ? Tu restes à cinquante pour cent un Vanian. Enfin, vu que cette personne n’était qu’un démon qui a osé me manipuler, on peut même retirer sa participation et te considérer à cent pour cent comme mon fils et un membre en entier de notre famille, n’est-ce pas ? »

Il n’osa pas répondre à sa mère, baissant les yeux. Il avait préféré fermer ses derniers bien que sa respiration s’accélérait fortement. Pfiou… Pfiou… Il ne se sentait pas bien. C’était juste que les propos de sa mère. Lentement, déglutissant, il chuchota :

« Oui, c’est vrai. Même si… je ne suis pas le meilleur des fils… »

« Oh ça, ni même des petits-fils, d’après ce que disent tes grands-parents. Mais bon, je ne suis pas la mieux placée pour faire la morale en vue de comment je me suis enfuie en étant à peine jeune adulte d’Omnosmos. »

« Et on peut voir le résultat aujourd’hui, ma fille. »

Hein ? C’était lui ou alors sa mère et sa grand-mère s’envoyaient quelques pics ? Il n’était pas vraiment certain de vouloir s’en mêler. Surtout s’il ne voulait pas décéder sur place. Mais c’est en entendant quelques rires qu’il comprit enfin que cela n’était juste que quelques taquineries de la part des femmes de sa vie envers elles-mêmes.

« Même si ton soi-disant mari a été un déchet jusqu’au bout en fin de compte, tu as donné naissance à un enfant merveilleux, même s’il ses particularités. Mais bon, si notre famille n’était pas unique en soi, cela rendrait la vie bien triste. »

« Messire Perik ! Le grand archimage Ernold vient d’arriver ! » signala une voix derrière la porte, tout simplement l’un des employés de la bibliothèque.

« Je vais aller le chercher, je reviens tout de suite. » déclara le grand-père de Tery avant de quitter la pièce. Pendant quelques minutes, le temps de faire les salutations mais aussi d’éviter un effet de foule en voyant Ernold dans la bibliothèque, les personnes installées dans la pièce discutèrent entre elles.

Les questions provenant principalement des femmes Vanian tandis que les réponses arrivaient principalement de Manelena et Tery, parfois de Clari ou Elen. Royan, quant à lui, observait parfois Wandy et Zalek, sans un mot, puis Elise.

« Hohoho. Perik m’avait dit qu’il y avait du monde mais je ne m’attendais pas à y voir autant de personnes. »

Une voix, plus chevrotante que les autres, signe d’un âge avancé, se fit entendre alors que Perik revenait dans la pièce. Accompagné par un petit être bossu tenant fermement un sceptre finement ouvragé, comme ses habits, le grand-père de Tery l’invita à prendre place et à s’asseoir. Aussitôt, Zalek s’était levé de sa propre place, disant :

« Vous… vous pouvez vous asseoir ici, monsieur. »

« En voilà un enfant bien élevé. Le petit tremblement dans la voix me fait comprendre que tu as légèrement peur de ma personne et que tu n’étais pas certain de la marche à suivre, n’est-ce pas ? Mais ne t’en fait pas, je ne te veux aucun mal. »

« D… D’accord, monsieur. » bredouilla Zalek avant d’aller rejoindre Elise, se cachant à moitié derrière elle. Il avait peut-être plus d’une décennie, il restait facilement impressionnable sur diverses choses difficiles à cacher.

« Bon bon bon, cela ne vous dérange pas de me rappeler un peu tout ce que j’ai malheureusement louper ? Mon vieil âge et mes dispositions n’étant pas les mêmes que les vôtres, je m’excuse quand même de ne pas avoir été présent dès le début. »

« Ne vous inquiétez pas, messire Ernold. Je vais me charger de cela. Il n’y a pas grand-chose de plus à dire et j’ai gardé quelques informations pour votre arrivée. »

Cela pour éviter une certaine lassitude même si c’était assez étrange dans les faits. Pour autant, il n’allait pas se restreindre. Comme convenu, le voilà maintenant en train de communiquer une nouvelle fois les diverses informations par rapport au Dévoreur mais aussi ce qui s’était passé dans la capitale démoniaque, que cela soit avec les armées des autres enfants royaux, son lien avec le Dévoreur, la construction des divers tunnels reliant les démons à la Surface, les projets de paix et tout le reste. Lorsqu’il en avait terminé, il avait senti comme une légère pointe à la gorge, signe qu’il s’était exprimé plus que nécessaire mais il ne regrettait rien du tout. Pendant qu’il buvait, Ernold prit la parole :

« Le monde a vraiment changé pour le mieux. Je savais qu’en laissant les portes démoniaques s’ouvrirent, nous pourrions alors œuvrer à réparer les erreurs du passé. »

« Les erreurs du passé. Même si nous ne sommes pas responsables de tout cela, il est vrai qu’il est de notre devoir de permettre aux générations futures de vivre dans un monde qui serait entre les différentes races. »

« Même si d’après ce que vous m’avez dit, avec certains clans d’Honoros mais aussi parmi les Gnomolds, cela ne semble pas être une tâche aisée. Rajoutons le fait que les Mékalarmiens sont toujours aussi belliqueux et nous ne sommes donc pas tirés d’affaire complètement. »

« Oui, je sais que les nouvelles ne sont pas toujours bonnes, je tiens à m’excuser. »

« T’excuser, Tery ? T’excuser de quoi ? Ce n’est pas à toi de faire tous les efforts du monde. Ce que vous avez déjà accompli, chacun de votre côté est une chose merveilleuse dont peu de gens peuvent se vanter. Et même ainsi, vous ne le faites pas. »

Des paroles rassurantes de la part d’Ernold. Des paroles dont il avait tellement besoin même si elles avaient été répétées maintes fois en d’autres situations. Un manque total de confiance, comme à son habitude. Il poussa un profond soupir, fatigué et usé par son cerveau qui ne voulait jamais réellement le lâcher sur ce point.

« Bon, assez parler de vos aventures. Cela fait si longtemps que je n’ai pas pu vous voir, je pense que vous avez bien mérité de souffler un peu et puis… nous avons encore tant de choses à nous dire. Ne soyons pas si pressés. »

Tous acquiescèrent de la tête avant que la grand-mère de Tery ne signale qu’ils avaient tout le reste de la journée pour cela. Ils n’allaient pas parler des malheurs du monde alors qu’ils avaient la chance d’être tous réunis aujourd’hui, complétant les propos d’Ernold.

« Comme le dit si bien dame Jésiana, vous comptez rester ici pour quelques jours, n’est-ce pas ? Vous n’êtes pas si pressés de partir. Et même, pour partir où ? Avez-vous des idées de ce que vous comptez accomplir ? »

« Pour le moment, pas le moins du monde. Mais avec les armées démoniaques d’Halyza et Haiktos qui rôdent et qui se lient à certains clans d’Honoros, je ne pense pas que nous soyons tranquilles. Mais oui, se reposer quelques semaines sans avoir à courir à droite ou à gauche, je pense que ça serait bien pour tout le monde. »

« Je suis d’accord avec Tery. Pour l’occasion, nous venons de nous retrouver et je n’ai pas envie que d’une manière ou d’une autre, nous finissons encore séparés par la force du destin. Je ne sais pas où sont Sérest et Séran, ils ne sont jamais là quand nous avons besoin d’eux mais bon… ils font leurs vies, tant qu’ils ne manigancent rien de mal. »

Un petit rire gêné se fit entendre parmi les membres présents. En même temps, Elen était la mieux placée pour savoir que ses… parents étaient du genre à faire ce qui leur passait par la tête. Elle ne cherchait pas à les retenir et ne comptait pas le faire mais… ils avaient déjà assez fait de dégâts même si leurs intentions n’étaient pas mauvaises. Jésiana tapa dans ses mains : il était temps d’y aller. Ils allaient se promener un peu dans Omnosmos !

Chapitre 58 : Maréchal

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 58 : Maréchal

« Comme dit, pour Omnosmos, cela attendra les prochains jours. Ernold peut patienter. Nous pouvons nous rendre à Midès au plus tôt. »

« Plus vite j’ai des nouvelles, plus vite je peux laisser Hémurion continuer à gérer mon royaume. Je n’ai pas envie de perdre plus de temps ici. »

Manelena n’était pas vraiment grincheuse mais il était aisé de voir qu’elle était plus que motivée à l’idée de ne pas trop tarder. Tery la regarda avec une petite pointe d’interrogation, lui demandant calmement :

« Tu préfères tellement rester à nos côtés, Manelena, plutôt que de devoir faire ton royal travail, c’est bien ça ? »

« Tu peux éviter de le faire avec une telle confidence, Tery. Je ne rechigne pas à mon rôle, simplement, je ne suis pas une femme à rester en retrait pendant que mon royaume est en danger. On ne sait rien ce qui peut nous attendre et je ne vais pas me tourner les pouces jusqu’à ce qu’un messager me signale que c’est déjà trop tard. S’il y a un problème, je veux le régler directement à la source, voilà tout. »

Oui, ça lui correspondait bien. Tery ne fit aucune autre marque alors que déjà un groupe composé des diverses races venait se préparer pour le voyage jusqu’à Midès. Comme convenu, Elen et Royan restaient avec le reste des troupes tandis qu’Héraisty pouvait accompagner Tery pour découvrir Midès pour la première fois.

« Mettons nous alors en route. »

Bien qu’il laissait Manelena prendre les devants, les troupes démoniaques préféraient lui obéir directement même si elles ne montraient aucune réticence à écouter les directives de Manelena. Sur le trajet, les démons observaient les environs avec intérêt et appréciation, comme s’ils découvraient un tout nouveau monde.

« Héhéhé, je savais que ça vous plairait. Et encore, vous n’avez pas vu les autres régions et royaumes. Vous seriez étonnés des changements importants entre eux. »

« Ah bon ? Comment ça ? À quel point ? » demanda l’un des soldats se trouvant à côté de Tery, le visage de ce dernier se fendant d’un sourire.

« Eh bien, le roi Royan, que vous connaissez, provient de Traslord. Son royaume est en réalité découpé en trois parties : celle proche de Shunter est un terrain verglacé, recouvert souvent par la neige et la glace, aux températures glaciales. La seconde, celle centrale est constituée de plusieurs petites îles entourées par l’océan. Enfin, la troisième, proche de Claudiska, se veut être un terrain permettant aux îles et nuages dans le ciel de rejoindre la terre ferme. »

« Et pour Shunter, quelles sont les différences dans ce royaume ? »

« Je ne veux pas dire n’importe quoi et donc des bêtises, donc Elen ou Manelena pourront me corriger mais pour Shunter, cela concerne plutôt les terrains verdoyants, les montagnes et tout ce qui a trait à la végétation et la terre. »

« On peut dire ça comme ça. Il a plus ou moins raison. Nous sommes plus ou moins liés aux plantes mais principalement à la terre sous toutes ses formes. Que cela soit de la boue, des rochers ou alors tout simplement des monts. »

Qu’ils profitent du spectacle puisqu’il était vrai qu’ils n’étaient pas sûrs de savoir quand est-ce qu’ils pourront le revoir. Ce qui était une bonne nouvelle, c’est le fait que les autres races issues de cette armée hétéroclite étaient plus amusées voire attendries par les réactions qui paraissaient presque infantiles de la part des démons.

« Vous inquiétez donc pas. Quand tout sera fini, on vous invitera chez nous. Vous allez en voir du pays, j’vous le dis ! »

« Shunter est pas mal mais rien ne vaut Honoros pour les chaleurs. Et si vous êtes du genre combattif, vous ne serez pas déçus du voyage ! »

« Pour Mékalarma, il faudra régler quelques soucis qui sont en interne mais qui sait, peut-être qu’un jour, il sera possible de s’ouvrir aux autres races ? »

« Ça parle, ça parle mais ça n’évoque même pas Claudiska ! Voir au-dessus des nuages en regardant les autres comme s’ils étaient de simples fourmis, ça c’est la vie ! Enfin, pour ça, il vous faudra quelques objets confectionnés bien de chez nous comme des longue-vue et tout le reste, héhéhé ! »

Chaque soldat, issu d’un royaume y allait de son petit commentaire, mettant en valeur là d’où il provenait et son affiliation. Pour autant, vu que tout cela était bon enfant, Tery n’avait aucune raison de les arrêter. De plus, ce n’était pas comme s’ils allaient se faire attaquer hein ? Une telle armée effrayerait la plus courageuse des bêtes.

Le seul ennui serait causé par les gnomolds s’ils décidaient de présenter à nouveau mais ça, ils ne pouvaient pas vraiment y faire grand-chose. Il fallait espérer qu’Ernold avait envoyé un nouveau message aux différents clans gnomolds pour qu’ils comprennent quand il fallait s’arrêter, surtout maintenant qu’eux, de leur côté, ils étaient au courant de la raison de leur colère, colère qui était aisément compréhensible.

« Ah… J’imagine que tout ne sera jamais résolu aussi vite que j’aimerais que ça soit le cas. »

Car oui, là, ils allaient à Midès simplement pour avoir des nouvelles. Résoudre le conflit avec les gnomolds était une autre paire de manches. Enfin, ce n’était pas le moment de se poser plus de questions à ce sujet.

Aux abords de Midès, très vite, tout un groupe de soldats s’était rapproché à vive allure, armes dans les mains. Tournant son visage vers Manelena, Tery lui demanda du regard si elle n’avait pas envoyé quelqu’un justement pour les prévenir. Elle haussa simplement les épaules avant de répondre à cette question muette :

« Je préférais leur faire une petite surprise. Cela me permet d’avoir les réactions sur le fait par rapport à toute cette situation. Je voulais être certaine que l’on ne tente pas de me cacher des choses. Au moins, ils sont prompts à réagir, ce qui est une qualité, il faut le reconnaître, n’est-ce pas ? Ah… Bon, je vais aller m’expliquer. »

Comme si de rien n’était, Manelena s’était alors avancée par rapport au reste de l’armée. Rien qu’en reconnaissant l’armure de plaques noire qu’arborait l’imposante femme, les soldats de Midès s’immobilisèrent avant de se mettre au garde-à-vous. D’abord perturbés, puis gênés, ils semblaient déblatérer bon nombre de propos difficiles à interpréter, surtout que Tery n’était pas à côté pour les comprendre.

Revenant vers l’armée, Manelena déclara qu’ils pouvaient se diriger à l’intérieur de Midès bien qu’ils allaient éviter les quartiers commerçants. Il n’y avait pas vraiment besoin d’expliquer tout cela. La venue d’une armée, même si elle allait s’installer dans les quartiers de celles de Midès, surtout composée comme maintenant, allait clairement attirer l’attention. Donc s’ils pouvaient réduire cette dite-attention au minimum, il était plus que d’accord pour que ça se passe ainsi.

L’arrivée dans Midès, comme il fallait s’en douter, attirait des regards. Les citoyens se poussaient, les soldats de Midès demandant aux gens de bien vouloir reculer pour les laisser passer. Bien entendu, impossible de ne pas entendre les murmures et autres interrogations. Ils n’étaient pas des bêtes de foire, ce n’était pas pour autant que les soldats démoniaques n’attiraient pas les regards. Il en était sûrement de même pour les rares mékalarmiens aux écailles blanches.

« Tery, Héraisty, Elen, vous pouvez m’accompagner. Je vais aller rendre visiter à Hémurion. Maintenant, il est impossible qu’il ne soit pas au courant de mon arrivée. »

Et ce fut exactement le cas. Lorsqu’ils arrivèrent jusqu’au château royal, Hémurion les attendait dans des vêtements qui lui donnaient plus l’apparence d’un officier militaire que d’un remplaçant au monarque du royaume. Visiblement, il avait gardé la tête sur les épaules.

« Mes salutations, reine Manelena. Je n’ai pas eu l’honneur et le plaisir d’avoir des nouvelles au sujet de votre arrivée. Veuillez donc ex… »

« Bah. On ne va pas faire toute une cérémonie pour mon retour. Et je suis plus satisfaite de voir que le royaume est toujours debout avec toi aux commandes que d’avoir des troupes alignées sur les côtés pour me saluer. »

« Mais si vous êtes de retour, cela veut dire que votre projet a finalement abouti ? »

« Oui, comme tu as pu le voir avec de nombreux soldats de l’armée qui nous accompagne, beaucoup de démons sont présents. Et de votre côté ? »

« Comme vous me l’aviez demandé, si les démons n’attaquent pas à vue, nous avons fait de même. Néanmoins, j’ai tenu à être informé de leurs présences pour éviter que cela ne cause plus de troubles que prévu. »

« Bonne nouvelle. Y a-t-il eu néanmoins des démons belliqueux ou non alors ? »

« Pas que je sache. Néanmoins, je n’ai pas obtenu toutes les informations nécessaires. Cela ne m’étonnerait pas qu’à certains endroits, l’absence d’informations ne soit pas une bonne chose. Et il ne faut pas oublier les gnomolds. »

« Oui, pour ces derniers aussi, j’ai demandé à ce qu’ils ne soient pas attaqués à vue là aussi mais… les gnomolds sont plus agressifs que d’habitude. Beaucoup d’entre eux hurlent que nous nous sommes alliés aux démons. »

« Ce qui n’est pas faux en un sens. Bah… Une partie des gnomolds a du mal à s’adapter à tout ce qui est en train de se passer. Ne vous préoccupez pas d’eux. »

Balayant tout ça d’un geste de la main, la femme en armure noire avait fait disparaître son casque avant de soupirer. Comme si elle voulait tout de suite se débarrasser du plus gênant, elle reprit calmement la parole :

« Hémurion, tu dois t’en douter mais je ne suis pas de retour pour reprendre mes fonctions. Je n’en ai pas encore fini actuellement. »

« Oui, je dois vous signaler aussi qu’à l’heure actuelle, bien que le peuple reste encore surpris de votre décision, celui-ci est à mon écoute en vue du décret royal que vous avez fait avant de partir. Le fait que vous n’ayez pas hésité un instant à me nommer à ce poste après la rébellion a marqué les esprits dans le bon sens. »

« Même si bien sûr, il y a de très fortes chances que les nobles n’aient pas apprécié cela. De ce côté, aucun souci ? Pas de tentative de meurtre ? »

Il haussa simplement les épaules, ne répondant pas verbalement bien que ce geste en dît plus que nécessaire. Manelena ferma les yeux avant de taper dans ses mains :

« De toute façon, je comptais le faire dès que j’étais de retour. Il va me falloir faire une annonce solennelle mais bref, Hémurion, je vais te nommer Maréchal. Depuis que j’ai récupéré le trône, cette place est libre. »

« Vous êtes certaine ? » demanda Hémurion, s’interrogeant sur la rapidité d’action de la reine de Shunter alors qu’elle venait à peine de rentrer.

« Oui. Un homme qui a su réunir le peuple sous une même bannière ne peut qu’être apprécié par ses soldats. Même si… »

« Je ne suis pas certain que les fils et filles de noble apprécieront de travailler sous les ordres d’un maréchal qui n’a pas de statut social comme eux. »

« Si ce n’est que ça, je pourrais toujours te donner un titre en prime mais quelque chose me dit que tu n’aimerais pas forcément cette idée. »

« Vous êtes partie pendant plusieurs mois et pourtant, vous me donnez l’impression de me connaître bien plus que je ne le pensais. »

« Hmm ? Non, je suis juste apte à juger qui me semble de confiance ou non. Tu connais mon histoire, non ? Par rapport au fait que j’ai gravi les échelons militaires alors que personne ne connaissait mes origines. C’est pourquoi des coups dans le dos et autres, j’en ai eu aussi durant toute mon existence. »

« Soit, j’accepte alors votre proposition mais j’aimerais éviter les cérémonies. »

« Nous ne ferons une néanmoins, non pas devant le peuple de Midès mais devant un comité qui ira transmettre cette nouvelle à tous et à toutes. »

« Je n’ai pas à vous désobéir. Si vous estimez que c’est le meilleur choix, je ne peux alors que l’accepter. Est-ce que je pourrais choisir une partie de ce comité ? »

« Bien entendu. Comme ce sont des personnes qui te sont proches, c’est même mieux pour que l’information se transmette le plus rapidement possible. Bon… Ce n’est pas tout ça mais je veux bien plus de détails sur tout ce que tu m’as dit. Elen, Tery, faites donc visiter le palais et Midès à Héraisty. Oh… Et vous pouvez aussi dire aux soldats de notre armée qu’ils ont leur permission pour se promener dans Midès. Cependant, pour les soldats démoniaques, qu’ils soient accompagnés par un autre, mesure de précaution. »

« Oui, même si nous ne sommes venus qu’en petit nombre, j’imagine que bon nombre de soldats sont motivés à l’idée de pouvoir envoyer un message à leurs familles. »

« Tery, cela nous permettra de nous promener et… Hmm, non rien. »

Elen avait pris la parole après Tery mais s’arrêta dans ses propos. Elle aurait bien aimé évoquer le fait d’une balade en couple mais vu qu’il y avait Héraisty, autant dire qu’il valait mieux abandonner l’idée. Après, un simple regard vers la démone à lunettes lui faisait comprendre qu’ils pouvaient voir ça un autre jour. Hérubéria trépignait presque d’impatience de découvrir tout ce que Midès avait à dévoiler. Tery remercia Manelena, celle-ci chuchotant à voix basse qu’elle compte bien rattraper ce retard plus tard personnellement.

Quelques minutes plus tard, les voilà tous partis du château, vagabondant dans les ruelles. Klary dans ses bras, Tery demandait juste à Clari, la femme-golem, de les suivre en silence, bien que cela était habituelle pour elle. Pendant ce temps ? Eh bien, Elen montrait diverses boutiques à Héraisty. Celle-ci, ouvrait de grands yeux émerveillés, comme une enfant devant une confiserie.

« Elen ? Je peux te laisser gérer Héraisty ? »

« Oui, bien entendu mais pourquoi tu me demandes ça ? Tu vas quelque part ? »

« Non, non, c’est juste que les trucs entre demoiselles, ce n’est pas la même chose. Je ne suis pas sûr de montrer des choses qui pourraient plaire à Héraisty comme toi tu en serais capable, c’est tout, hahaha ! »

« C’est étrange la façon dont tu dis ça. Enfin, oui, tu veux que l’on se fasse une après-midi entre filles ? Mais et toi ? Cela va aller avec Klary ? »

« Hey, j’ai bien le droit d’avoir ma fille rien qu’à moi pour quelques heures non ? »

« Hmm… Bon, d’accord. Mais fais vraiment attention, d’accord ? Clari ? Je peux te charger de bien le surveiller ? »

S’adressant à la femme-golem, Elen ne s’attendait pas à une réponse verbale de la part de cette dernière mais sursauta presque au moment où Clari hocha la tête positivement.

« Mince, elle m’a vraiment répondu, Tery ! Tu as vu, dis, dis ?! »

« J’ai vu, j’ai vu, ne t’en fait pas, Elen. Elle est souvent comme ça, hahaha. Je t’avais pourtant prévenue, non ? Bon, Héraisty, tu restes aux côtés d’Elen ? »

« Aucun problème ! C’est vrai que cet endroit semble aussi voire plus grand notre capitale à nous chez les démons. »

« Et encore, il y a quelques zones hors de la ville, mais elles ne sont pas sous la surveillance des gardes donc évitez de vous y rendre, d’accord ? »

C’était l’une des petites choses que Manelena lui avait appris pendant ces longues journées dans la capitale. Ça et d’autres choses. La liste serait un peu trop longue s’il commençait à les énumérer et puis les petits gazouillis de Klary l’extirpaient très vite de ses pensées. Est-ce qu’il devait garder son enfant dans ses bras ? Ou non ? Il n’était pas si stupide au point de ne pas savoir que certaines femmes portaient leurs plus jeunes dans un tissu accroché en bandoulière assez solide.

Ben tiens, ça ne serait pas parfait pour débuter justement ? Maintenant, comme ce n’était pas vraiment le genre d’endroits où il se rendait habituellement, il fallait avouer qu’il se sentait juste un petit peu perdu, rien de plus.

« Tery ? Tu n’étais pas parti ? Qu’est-ce que tu fais devant un magasin de couture ? »

« Elen ? Héraisty ? C’est plutôt à moi de… Non, en un sens, ça semble logique. Qu’est-ce que je raconte, moi. Euh, eh bien, je me disais que j’aimerais bien acheter quelque chose qui me permettrait de tenir Klary contre moi tout en ayant les mains disponibles. »

« Oooooh. Je vois, je vois ! Elen, Tery, veuillez me suivre à l’intérieur, je sais ce qu’il vous faut ! On pourra aussi en prendre un pour Elen ! »

Euh, d’habitude, ce n’était pas plutôt l’inverse ? Genre, la personne étrangère à la ville qui se faisait tirée à l’intérieur des boutiques ? Enfin, Héraisty restait Héraisty et il ne devait pas oublier surtout qu’avant d’être une démone, Héraisty était une femme. Même s’il était vrai qu’il lui connaissait plus un côté très sérieux à cause de leur première rencontre, ah…

« Alors, est-ce que vous avez une couleur primaire qui vous plaît, tous les deux ? »

« Je dirais rouge, personnellement. » déclara Tery, Elen répondant à la suite :

« La même pour moi. Le rouge a une certaine importance à mes yeux. »

« Héhéhé, c’est vrai que pour notre première rencontre, tu en portais beaucoup. »

Il rigola légèrement, le rouge paraissant aux joues d’Elen. En même temps, cette première rencontre commençait à remonter à plusieurs années. Est-ce qu’ils ne pouvaient pas parler d’autre chose ? C’était assez gênant, surtout en vue de la tenue de l’époque. Le justaucorps et toutes ces choses. Elle n’avait plus besoin de porter cela pour se déplacer aussi rapidement mais bon… et puis, ça serait plus pour uniquement les yeux de Tery qu’elle le remettrait.

« Qu’est-ce que vous pensez de ceci ? Il y a aussi du cuir pour la solidité. »

« Elen ? Comme tu t’y connais mieux que moi, tu peux lui répondre ? »

Non pas qu’il ne se sentait pas concerné mais Héraisty partait dans un domaine dans lequel il n’était clairement pas à l’aise. Elen rigola à son tour, venant écouter ce qu’Héraisty lui proposait tandis que lui-même s’amusait avec son enfant. Il vint rassurer aussi la marchande, surtout par rapport à la femme-golem derrière lui, expliquant qu’elle n’agira pas sans qu’il ne lui en donne l’ordre et qu’elle n’avait rien à craindre.

« Est-ce que vous pourriez en faire un aussi pour homme ? »

« Pour homme ? Ce n’est pas une demande banale mais cela peut s’arranger. J’imagine que c’est pour l’enfant que ce jeune homme porte, c’est bien ça ? »

« C’est exact. Merci de votre compréhension. Nous pouvons patienter. Cela serait prêt dans combien de temps si possible ? »

« D’ici moins d’une heure. Cependant, si cela ne vous dérange pas, il faudrait me payer d’avance pour les retouches. Comme il s’agit de modifier directement un article, vous comprendrez qu’après les modifications effectuées, cet article ne sera plus réellement disponible à la vente. »

Héraisty se tourna vers Tery, attendant que celui-ci dise quelque chose. Le jeune homme se rapprocha de la commerçante, tenant fermement son enfant d’une main avant de placer l’argent nécessaire de l’autre main dans celle de la commerçante.

« J’espère que ça sera suffisant pour deux articles. Il en faudrait aussi un pour ma femme même si celui-ci ne nécessitera peut-être pas de modification. »

« Cela sera fait comme vous le désirez. Votre femme peut déjà récupérer votre achat. »

Elen fit un léger sourire, se dirigeant vers la marchande pour la suivre et donc prendre de quoi mettre Klary. Quelques minutes plus tard, l’enfant avait quitté les bras de Tery pour se retrouver contre la poitrine de la jeune femme aux cheveux blonds.

« Voilà… Tu es bien installée, Klary ? Oh… Tu as l’air encore fatiguée, non ? »

Silencieuse. Elle était une enfant très silencieuse. Tout le contraire des plus jeunes quand elle se trouvait à l’orphelinat. Elle avait eu peur sur le moment que cela soit anormal mais la mère de Tery l’avait rassurée à ce sujet.

« Continuons notre visite du marché alors ? Qu’est-ce que vous en dites ? Vu que de toute façon, il nous faudra attendre une heure. Autant qu’elle soit utilisée de cette façon, non, » déclara Héraisty, la démone à lunettes, toujours guillerette, étant comme infatigable maintenant qu’ils avaient débuté tout cela.

Tery et Elen se regardèrent, faisant un discret sourire l’un à l’autre avant de venir chercher à joindre leurs mains, Elen tenant Klary de l’autre.

Chapitre 57 : Respirer

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 57 : Respirer

« Aaaaaaaaaah ! »

Un petit cri, comme celui d’une victoire, se fit entendre. Combien de semaines s’étaient-elles écoulées depuis qu’il avait retrouvé Elen et les autres ? Il ne comptait plus mais… tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

« Enfin de l’air frais ! Et surtout la chaleur du soleil ! »

Oui, il s’exprimait à voix haute mais il n’était pas le seul à être ravi de la tournure des évènements. En même temps, comment pouvait-il en être autrement alors qu’ils se retrouvaient tous dehors ? Le tunnel avait été bouclé, la durée ayant été grandement raccourcie grâce au travail de ses golems.

« Qu’est-ce que cela fait du bien ! Aaaaah… Je sais que je me répète mais… »

« Non mais tu as raison d’en profiter, Tery. Tout le monde pense pareil que toi. »

Elen était à ses côtés, le jeune homme ne pouvant s’empêcher d’avoir de l’allégresse au cœur. Le tunnel était terminé et sécurisé. Surtout, maintenant, il était temps de voir où ils avaient atterri. Car oui, ils avaient creusé pour atteindre la surface sans réellement savoir où ils se trouvaient. Bien entendu, les précautions étaient t-elles qu’elles évitaient d’ouvrir juste avec de l’eau comme à Traslord.

« Bon, déjà d’après les environs, ce n’est pas Claudiska, ni Traslord, ni Mékalarma… »

« Il ne reste pas trop de choix, Tery. Nous sommes plus dans les alentours de Shunter que d’Honoros de toute façon. La question ne se pose pas vraiment. »

Manelena était arrivée à son tour à ses côtés, poussant un petit soupir aux propos de Tery qui cherchait à se questionner sur leur localisation. D’un autre côté, il était vrai qu’il n’avait pas vraiment cherché. Mais de vertes prairies, des petits monts, un terrain comme il en avait toujours connu étant enfant. Hmm…

« Instinctivement, nous sommes donc remontés à Shunter. Mais où donc dans Shunter ? »

« Il y a juste à attendre que des gardes se ramènent. Cela va dépendre du temps qu’ils vont mettre et encore… s’ils ne viennent pas au bout d’une journée, c’est que la sécurité du royaume laisse vraiment à désirer. »

Manelena ne semblait pas tellement désireuse de retourner à son rôle de reine de Shunter. En même temps, ce n’était pas à lui de lui faire un reproche en vue de comment il avait réglé toute la situation hein ?

« Bon eh bien, toute façon, en vue du travail effectué, je pense que tous et toutes ont mérité de se reposer. Et puis, il faut sécuriser cette entrée et tout le reste. »

« Il est vrai que nous ne sommes pas sortis d’un gros roc situé à la surface mais d’un terrain plat. Dès cet instant, nous commençons des choses nouvelles. »

« J’imagine que la paix avec les démons en fait partie. »

Tery avait rigolé légèrement à ses propres paroles mais autour de lui, tous étaient d’accord avec ce qu’il venait de proférer. En même temps, ses paroles étaient sincères. Il ne cachait pas l’idée qu’il avait et cela depuis le début.

« Je vais aller explorer un peu les environs en réalité. »

« Je vais t’accompagner, Tery. Cela fera du bien à Klary de profiter du temps. »

Eh bien ! Il vint saluer Manelena et les autres, s’excusant avant de chuchoter à Elise de proposer la même avec Royan mais aussi à Wandy et Zalek. Elise accepta la proposition, signalant qu’elle était très bonne et qu’elle allait le faire tout de suite.

Accompagné d’Elen, tenant Klary dans ses bras, le jeune homme aux cheveux bruns s’était mis en route. Il n’y avait aucune direction réellement choisie. Il ne savait même pas s’il partait vers le nord ou un autre point cardinal.

« Ne t’inquiète pas, Elen. Nous ne perdrons pas. Même si cela ne se voit pas forcément, j’ai demandé à Clari de tracer un petit chemin dans le sol. »

Un bref regard de la part de la jeune femme en direction de la femme golem derrière eux et elle voyait bien que ladite femme-golem qui utilisait un bâton fait de pierre qu’elle traînait « mollement » derrière elle, traçant une ligne dans l’herbe et la terre.

De nouvelles minutes s’écoulèrent, sans même que le jeune homme aux cheveux bruns ne se sente fatigué. Avec une maintenant celle d’Elen, il avançait à un rythme calme et lent jusqu’à grimper ce qui semblait être une colline. En observant à l’horizon, il eut un petit rire avant de déclarer d’une voix amusée :

« Je ne pensais pas que nous étions aussi proches… »

« Hmm ? Oh. Difficile de ne pas reconnaître cette ville. Mais est-ce que c’est vraiment un coup du sort que de nous avoir emmené ici ? »

« Je n’en sais rien du tout, Elen, mais j’imagine que Manelena ne sera ravie qu’à moitié de savoir que nous sommes plus proches de Midès que nous le pensions. »

« Avant de retourner voir les autres, nous pourrions en profiter un peu non ? »

Profiter de l’instant présent ? Hmm… Installé tout simplement sur le sol, assis aux côtés d’Elen, celle-ci gardait Klary dans ses bras, l’enfant dormant paisiblement. La femme-golem portant le même nom s’était mise derrière Tery, en position stationnaire.

« Pourquoi pas, Elen ? Si tu restes auprès de moi, je veux bien. »

« Ce n’est pas comme si je te laissais vraiment le choix non plus, tu ne crois pas, Tery ? Mais… cela te convient et te plaît d’être avec moi ? »

« Quelle question ! J’ai la chance de pouvoir te garder à mes côtés et te serrer dans mes bras. Je n’ai aucun souci à cela. »

Cependant, il ne savait pas s’il pouvait se permettre quelques petites marques d’affection. Hier, avant d’aller dormir, elle était venue dans le même lit mais là… ce n’était pas pareil. Ah… Il avait l’impression de recommencer depuis le tout début.

« Oui, de la chance. Est-ce que l’on peut vraiment appeler cela de la chance, Tery ? Je veux dire, toi et moi, c’est si compliqué dans le fond. Mon éveil à des sentiments que je ne connaissais pas, toi aussi quand tu es devenu un démon, ou plutôt que tu as montré les premières traces de ton existence démoniaque. »

« Qu’importe les évènements, qu’importe le passé, qu’importe les lieux, tout ce qui m’a permis de te rencontrer, depuis le premier jour, près de Leskar, à maintenant, je suis heureux et je m’estime chanceux. Qui sait ce qui se serait passé si je n’avais pas été sauvé par toi ? Je serais peut-être mort horriblement par les gnomolds. »

« Ah… Et de mon côté, j’aurais emmené le monde à sa destruction avec l’ouverture des portes démoniaques à cause de ces médaillons. Encore qu’en y réfléchissant bien, c’est plus ou moins ce qui s’est passé, sans le côté destruction non ? »

Elle rigola. La situation était tellement absurde et pourtant, elle rigolait. Avec tendresse, elle déposa l’enfant sur le côté, faisant attention. Sans même qu’il ne lui en donne l’ordre, la femme-golem s’était rapproché de l’enfant, le récupérant dans ses bras, comme pour le border. Elen cligna des yeux, observant Tery en chuchotant :

« Qu’est-ce que tu… »

« Tu peux lui faire confiance. Quelquefois, elle agit par elle-même. C’est pour ça que je pense que c’est vraiment Clari, même si je ne saurais pas l’expliquer. J’imagine qu’elle veut nous laisser un peu d’intimité. »

« Un peu d’intimité ? Et pour quelle raison est-ce qu’elle ferait cela ? Je veux dire, toi et moi, nous ne faisons que nous parler, non ? »

« Sûrement. Elle s’imagine des choses. Ah… Tu sais, j’ai eu l’impression de grandir et devenir adulte en étant à tes côtés, Elen. Je veux dire par là que même si j’étais déjà considéré comme majeur en quittant le village de Leskar, je me suis senti enfin comme un homme en parcourant le monde à tes côtés. »

« Il en est de même pour moi, Tery. Sans toi, je ne me serais jamais éveillée à des sentiments que je ne connaissais pas. Avant de te connaître, mes seules émotions étaient basées sur le fait de rendre heureux l’Oracle et d’obéir à ses ordres. Mais après t’avoir rencontré, quelque chose en moi a commencé à germer. Les graines du doute mais aussi de l’amour. Il s’agissait d’une émotion différente de celle que je portais envers l’Oracle ou celle qui m’a élevée depuis que j’étais toute petite. Je ne savais pas comment réagir, je ne voyais pas comment me contrôler et bien souvent, je n’avais aucune idée du fait que j’exagérais. »

« Tu me faisais un peu peur, à être aussi… collante, à croire que les autres… »

« Étaient mes ennemies non ? Car je te voulais toute à moi. Je voulais te forcer à ne regarder que ma personne et aucune autre. Peut-être est-ce à cause de cela que tu as eu un moment de faiblesse envers Manelena ? Elle sait comment t’aimer, comment te faire l’aimer. »

« Je crois que c’est parce que c’est l’extrême opposé de ce que tu représentais à mes yeux. Déjà dans la bibliothèque, elle ne m’a embrassé que brièvement mais cela m’a permis de comprendre ses sentiments. Pourtant, je n’avais jamais imaginé qu’elle pensait cela à mon sujet. Tu sais, elle m’a pris par surprise de ce côté. »

« Je veux bien te le croire. À cause de son rôle de maréchale et aussi du fait qu’elle cachait qu’elle était la fille du roi, elle a gardé bien trop souvent ses sentiments ancrés au plus profond d’elle. Enfin, cela ne l’a pas empêché de faire des choses avec toi. »

Bien entendu, ils revenaient à ce détail plus que fâcheux, n’est-ce pas ? Il ne pouvait pas en vouloir à Elen de parler à nouveau de ce sujet. Mais voilà, c’était bien normal que de… Ah. Il chercha à couper toutes ses pensées jusqu’à ce que le sujet change un peu.

« Tery ? Est-ce que tu m’écoutes ? J’ai l’impression de parler dans le vide. »

« Non non. Tu ne parles pas dans le vide. Je me disais juste qu’il ne faudrait pas trop tarder non plus. Nous sommes donc proches de Midès. On devrait prévenir sans perdre trop de temps non plus hein ? »

« Tu as raison, tu as raison. Bon, allons… Ah. Clari est vraiment très motivée à son rôle. »

Elen avait fait cette remarque en jetant un œil à la femme-golem. Celle-ci gardait l’enfant dans ses bras, immobile. Seuls les bras se mouvaient avec lenteur pour suivre un rythme régulier de balancier.

« Vraiment, je ne lui connaissais pas une telle capacité. »

« Elle a donc quelques petites surprises à dévoiler. Comme quoi, nous ne sommes pas prêts d’en avoir fini avec elle, tu te rends compte, Tery ? »

« Je m’en rend plus que compte, Elen. On pourra la laisser être notre nourrice pour Klary, qu’est-ce que tu en dis ? »

« Que c’est une idée plus que saugrenue mais ça ne serait pas la première. Et je me demande à quel point elle est aussi développée. »

« Je ne peux pas t’en dire plus car je n’en sais rien, Elen. Il me faudra le découvrir par moi-même. Quelquefois, elle ne me répond pas du tout. Parfois, j’ai l’impression qu’elle est apte à me parler ou à me comprendre. »

« Et de toute façon, en vue de tes connaissances sur les golems, il n’y a aucune personne que ça soit à la surface ou dans le monde souterrain qui pourra t’aider. Tu devras trouver tout ceci par toi-même et uniquement par toi. »

« C’est ça, Elen. Enfin, même les livres ne peuvent pas m’aider. »

La marche de retour fût aussi paisible que celle d’avant. Retrouvant Manelena et le reste de l’armée, il signala donc qu’ils n’étaient pas si loin de Midès et que la capitale était même visible à bonne distance. Manelena marmonna dans sa barbe.

« J’imagine que je ne vais pas pouvoir me dérober plus longtemps à mon rôle. »

« Désolé pour toi, Manelena. Après, nous pouvons toujours parler avec Hémurion et déjà savoir comment tout cela se passe depuis ton départ, non ? »

« Je me tiens au courant, Tery, merci. Ce n’est pas pour cela que je grogne. Je n’aime pas l’idée de vous laisser vous débrouiller seuls pendant que je ne suis pas là. »

« Hey, je ne suis pas un enfant et le reste de l’armée non plus hein ? Tu n’as pas à t’en faire à ce point. Je suis certain que l’on peut se débrouiller même si oui, j’espère que tu reviendras assez rapidement. Ce n’est pas pareil sans toi. »

« Joli rattrapage. J’allais presque répliquer que tu étais en train de dire que tu n’avais même pas besoin que je sois là, dans l’armée. »

« Ohla ! Je n’aurai jamais osé dire une telle chose, Manelena ! Je ne suis pas ainsi, il en est hors de question ! Mais… si tu veux, on peut être plusieurs à t’accompagner ? »

Songeuse, la femme en armure noire observa Tery pendant quelques secondes, remarquant aussitôt Elene qui s’était rapprochée de lui, pas vraiment discrètement. Impossible d’envisager le voyage de l’un sans l’autre.

« Hmm… Nous pourrions emporter les enfants royaux, cela leur fera du bien de voir la capitale. Elise et Royan peuvent rester ici. »

« Est-ce que je peux venir aussi ? »

« Héraisty ? Bien entendu, bien entendu ! »

D’ailleurs, avec tout ça, il ne parlait plus beaucoup la démone ces derniers temps. Cela le dérangeait un peu car elle était bien l’une des rares cornues à qui il pouvait avoir totalement confiance. Celle-ci s’exclama avec joie qu’elle allait se préparer, s’arrêtant alors qu’elle allait déjà faire quelques pas.

« Euh… Par rapport à mes cornes et ma queue, qu’est-ce que je vais faire, Manelena ? »

« Tu peux rester comme tu es. Si cela dérange l’un de mes citoyens, il n’aura qu’à venir me le dire en face. Je pourrais alors lui répondre proprement et comme il le faut. »

« Si cela ne t’embête pas, je pourrais rester à tes côtés alors ? Non pas que je ne vais pas me sentir en sécurité mais bon, ça sera mieux que… »

« Je ne suis pas faite pour être guide. Enfin, Tery et Elen seront là eux aussi, tu pourras toujours rester non-loin d’eux s’il le faut. Moi-même, je vais avoir pas mal de choses à faire, Héraisty. De toute façon, avec Tery aussi, tu n’auras pas de problèmes. »

Tery rigola en entendant son nom. La question ne se posait même pas. Tant qu’il était là, il n’y avait pas à s’en faire. Enfin, il disait cela mais ce n’était pas pour autant qu’il allait en être totalement convaincu. Pour autant, il gardait cette pensée pour lui-même.

Alors que les préparations pour le voyage vers Midès le lendemain étaient en cours, très vite, il y eut de l’affolement autour d’eux. Bien qu’ils ne craignissent aucune attaque, surtout en vue du résultat de la précédente sur leurs armées combinées, un soldat vint chercher Tery avec inquiétude, disant d’une voix troublée :

« Un… Un gnomold ! Un gnomold veut vous parler, messire Tery ! Il a dit qu’il avait un message urgent de la part d’un certain Ernold ! »

« Ernold ? Comment est-ce qu’il a pu… Ah… Je ne devrais même pas me poser cette question. Je ne devrais plus être étonné par rapport à lui. Faites-le rentrer. »

« Vous… Vous êtes certain ? C’est un gnomold ! Il pourrait tenter de vous attaquer alors que vous abaissez votre surveillance ! »

« Je ne m’inquiète pas le moins du monde à ce sujet. Ne vous en faites pas pour moi et faites-le venir jusqu’à ma tente maintenant. »

Il ne laissait pas de place au questionnement. Le soldat s’éloigna, quelques minutes s’écoulant avant qu’une voix à l’extérieur ne signale que le gnomold était arrivé. Quelques secondes après, c’était une forme bossue qui fit son apparition, Tery ayant à nouveau un sourire aux lèvres en la regardant.

« Un apprenti d’Ernold, non ? »

« Oh ? Vous vous rappelez de moi ? » demanda aussitôt la silhouette voutée, ayant une fourrure noire sur une bonne partie du corps mais surtout des habits de très bonne facture, ne pouvant provenir que d’un lieu assez aisé.

« Eh bien, je vais être honnête. La réponse est non mais… je sais que vous êtes de l’entourage d’Ernold. Déjà, vos habits sont de qualité, votre allure vous donne l’air savant et bref, je sais que je n’ai pas trop à m’inquiéter. Un gnomold qui utilise le nom d’Ernold pour sa propre personne aurait de graves problèmes dans les communautés gnomolds. »

« Ernold avait raison quand il parlait de vous. Il disait que votre allure et caractère simplet, il vous arrivait d’avoir des éclairs de génie. »

Le jeune homme resta bouche bée pendant quelques secondes alors qu’il entendait des petits rires. Le gnomold ne comprit pas ce qu’il venait de déclencher, étonné des réactions alors que même Manelena se retenait de pouffer de rire.

« D’accord. Je crois que la prochaine fois que j’irais voir Ernold, je lui dirais un peu le fond de ma pensée par rapport à ce que vous venez de m’annoncer. Néanmoins, parlons plutôt de votre présence. Pourquoi est-ce qu’Ernold vous a envoyé et surtout, comment savait-il que nous sortions par ici ? »

« Eh bien, Ernold s’est tenu au courant par rapport aux gnomolds qui ont osé vous attaquer auparavant. À partir de là, il a défini un périmètre d’où vous pourriez sortir, surtout que plusieurs semaines se sont écoulées depuis cette attaque. »

« D’accord, d’accord. Cela ne répond qu’en partie à ma question mais à part cela ? Pourquoi est-ce qu’Ernold vous a envoyé ici ? »

« Il voulait se mettre en contact avec vous dans les plus brefs délais. En apprendre plus au sujet de ce qui se passe dans le monde souterrain. Beaucoup de clans gnomolds venant s’opposer à l’idée que les démons puissent vivre à la surface, il préfère avoir votre avis personnel, à vous qui avez exploré le monde dans son ensemble. »

« J’ai beaucoup de choses à faire auparavant mais cela sera avec plaisir de retourner à Omnosmos. Comment cela se passe-t-il par rapport aux portes situées sous la capitale du monde d’ailleurs ? Et les démons qui en sortent ? »

« Aucun démon n’en sort justement. Même si elles ne sont plus scellées comme auparavant, rares sont les démons à connaître leur existence à la base. Ernold a d’ailleurs réagit assez vite par rapport à cela en venant mettre des protections et des éclaireurs pour signaler si des démons se présentent quand même. »

« D’accord, d’accord. Eh bien, pour le moment, vous êtes la bienvenue pour rester parmi nous. Comme dit, je ne peux pas venir tout de suite à Omnosmos car il nous faut prendre des nouvelles des différents royaumes. »

« Ernold comprend cela. Il sait que vous êtes accompagné par la royauté de Traslord et Shunter, deux royaumes qui sont très chers à votre cœur. C’est pourquoi il n’a pas précisé de date limite pour que vous veniez le voir. D’ailleurs, une partie de son message concerne la joie qu’il a de savoir que vous êtes toujours vivant et toujours aussi prompt à œuvrer pour que le monde retrouve sa splendeur d’antan. »

« Je ne peux pas dire si c’est vraiment ainsi que je veux que tout se produise mais c’est un peu mon objectif. Je veux surtout que les démons puissent retourner à la surface et que tous et toutes retrouvent un certain calme. »

Il ne saurait réellement expliquer le terme « calme » alors qu’il voyait bien l’air dubitatif du gnomold mais aussi de son entourage. Juste qu’après toutes ces années, à courir à gauche et à droite, avec toujours un objectif qui consistait à aller plus loin, à faire toujours autre chose, il n’avait jamais pris la peine et le temps de se poser réellement.

« J’ai toujours eu quelque chose à faire. »

La remarque, dite à voix haute, était plus ou lui-même que pour son entourage. D’un profond soupir, il ne pouvait pas penser autrement. Même dans le monde souterrain, dans la capitale des démons, il avait toujours eu quelque chose à faire.

C’en était désolant d’un point de vue extérieur mais comme il s’y était habitué au fil des années, cela ne lui faisait ni chaud, ni froid en réalité. Bon ! Il était peut-être temps de se préparer pour le voyage vers Midès non ? Même s’il n’avait pas le temps de souffler, cela ne voulait pas dire qu’il allait se tourner les pouces !

Chapitre 56 : Un problème ailé

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 56 : Un problème ailé

« Tu as l’air de bonne humeur, Tery. »

« C’est exact, Manelena. Disons que je pense que peu à peu, nos problèmes diminuent les uns après les autres. Et donc, on peut enfin se dire que tout commence à être réglé. »

« Hmm ? Ah oui ? Tu en es certain de tout ça ? »

« Pas totalement mais au moins, j’ai la bonne mentalité pour avancer et continuer donc j’imagine que ça reste une bonne chose, non ? »

« On peut dire ça comme ça. Oui, c’est une bonne façon de voir tout cela. Mais je ne sais pas, tu as l’air… plus joyeux encore. Qu’est-ce qui te rend aussi extatique ? »

« Hum. Je pense que moi et Elen, nous sommes peu à peu partis sur de meilleures bases. »

« C’est une excellente nouvelle, alors. Elle a enfin compris que tu ne t’étais pas enfui avec la première femme rencontrée ? »

Même s’il sentait un peu l’ironie dans la voix de Manelena, il fit comme si de rien n’était. Enfin, il n’allait pas l’ignorer non plus. Il lui adressa simplement un sourire, réfléchissant à quoi lui répondre avant de finalement dire :

« Non, j’ai juste expliqué que si c’était pour le meilleur, cela ne me dérangerait pas de rester séparés tant que le bonheur de notre enfant n’était pas mis de côté. De fil en aiguille, j’ai exprimé aussi que ce qui s’était passé, ce n’était pas avec n’importe qui et elle a répondu aussi qu’avec toi, cela pouvait passer car elle était au courant de tes sentiments. Cependant, une autre femme, elle ne m’aurait jamais pardonné. »

« Hum ? Est-ce que cela veut dire que je suis un cas à part ? »

Elle était maintenant d’humeur taquine, comme si elle venait d’apprendre quelque chose qui lui plaisait plus que nécessaire. Le jeune homme la regarda, haussant simplement un sourcil.

« J’imagine que oui, mais je ne vais pas tenter le diable non plus. Bon, je vais te laisser, Manelena. Je dois réfléchir à la sécurité de la lettre. Je me demande si je ne vais pas l’accompagner quand même d’un démon. »

« Un démon auquel tu aurais une sacrée confiance alors même si ça perd un peu l’idée de la lettre en elle-même. Tu es certain ? »

« On fera avec ce que l’on peut, faute de mieux. Même si oui, je vois où tu veux en venir. Ah… J’ai encore le temps d’y réfléchir. C’est simplement qu’une lettre, avec les capacités des démons, je ne suis pas sûr qu’elle puisse atteindre l’empereur Malark sans aucun problème. »

« Il faudra faire confiance à cette lettre. D’ailleurs, tu devrais aussi envisager d’en mettre une autre dans la lettre que tu enverras, pour être certain que l’empereur Malark puisse y répondre et ainsi confirmer que c’est bien lui qui l’a reçue. Je pense que ses enfants reconnaîtront son écriture, voilà tout. »

« Nous verrons pour la lettre lorsque nous retournerons à la surface. Il en existe différentes sortes, je suis donc certaine qu’il y en aura une qui pourra convenir pour ce que nous cherchons, Tery. Bon, tu voulais que je te laisse seul, je vais le faire et… je suis contente pour toi et Elen. Enfin, j’imagine que je dois dire ça comme ça. »

« Tu n’as pas l’air très sincère, Manelena. »

« Oh, juste l’air ? Je ne donne que cette impression ? Bizarre. »

Et sans plus tergiverser, elle ne fit qu’un petit mouvement de la main avant de s’éloigner, l’air de rien. Elle n’avait plus sa place à ses côtés pour le moment, elle le savait parfaitement. Tery la regarda partir avant de se donner des petites claques sur les joues pour retrouver une certaine contenance.

Quand il avait évoqué l’idée de la lettre à Wandy et Zalek, il ne s’était pas attendu à ce qu’ils soient aussi enthousiastes à cette idée. Néanmoins, cela avait été une très bonne surprise et ils avaient même déclarés qu’ils pouvaient y mettre leurs propres sceaux royaux à côté du contenu de la lettre pour confirmer leur authenticité. Clignant des yeux sur le moment, il avait demandé comment des enfants aussi jeunes pouvaient déjà avoir une telle chose. Un peu piquée au vif bien qu’elle rougît, Wandy déclara que cela n’avait rien d’anormal. En tant que royauté, chaque enfant avait son propre sceau pour éviter une confusion dans les écrits envoyés par chacun et chacune.

« Et bien entendu, impossible d’utiliser le sceau d’un autre membre de la famille, sauf en les dévorant. Mais tu te doutes que c’est très déconseillé et peu apprécié. »

« En même temps, si les gens respectaient les consignes, cela se saurait, n’est-ce pas, Wandy ? » murmura Tery en souriant à l’adolescente, celle-ci se grattant la joue, un peu gênée par le regard de l’homme aux yeux émeraude.

« On va dire que cela ne se prive pas de se donner des coups dans le dos et dès le plus jeune âge. Peut-être que nous serions déjà morts si nous n’avions pas connu Elise et Tery. »

« Tu n’es pas obligée de dire mon prénom comme ça, hahaha. Cela donne l’impression que je n’existe pas alors que je suis juste à tes côtés, hahaha. »

« Ah euh désolée, désolée, désolée, messire Tery ! Ce n’était pas voulu de ma part ! C’est juste que… je ne sais pas trop comment me placer par rapport à vous. »

« Te placer ? Hmm… Eh bien, je ne vois pas trop où tu veux en venir mais disons que si cela peut te rassurer, j’estime que tu es quelqu’un de la famille ou presque. Un peu comme je vois ça avec Royan, Elise et tout le reste. Je considère Elise comme une sœur en vue de nos rapprochements car nous sommes tous les deux des démons. »

« Donc je suis un peu comme une petite sœur à vos yeux, c’est cela ? »

« On peut dire ça comme ça même si c’est très présomptueux de ma part. »

« Non non ! Ici, il n’est pas question de royauté ou autre ! Euh… D’accord. »

« Je suis fils unique et il n’y avait qu’une personne que j’ai considéré comme ma grande sœur pendant des années. Donc je suis plutôt content que tu acceptes, Wandy. Tu crois que Zalek serait d’accord de son côté ? »

« Oh bien sûr que oui ! Je crois que c’est déjà plus ou moins le cas depuis longtemps ! En même temps, notre frère et notre sœur aîné, vous avez très bien vu de vos propres yeux qu’ils ne pensent pas vraiment à nous. »

« Oui, je dirais plutôt le contraire mais pas vraiment d’une belle façon. »

« Je sais bien que vous êtes un peu ironique sur le coup, messire Tery mais merci de votre considération à notre égard. »

C’était surtout bien triste que des enfants de leur âge soient plongés dans le jeu de la royauté et de la noblesse. Tout cela pour acquérir plus de pouvoirs. Ils n’étaient pas deux mauvais enfants et il était plus heureux d’avoir réussi à les extirper de tout cela avant qu’il ne soit trop tard. Surtout que Zalek restait un enfant encore très influençable.

Laissant Wandy retrouver son jeune frère, lui-même avait fait à peine quelques pas qu’il sentit une présence lui écraser le dos, accompagné d’un battement d’ailes. Sans même avoir à se retourner, il savait de qui il s’agissait. Pourtant, son visage se posa sur celui d’une femme aux étranges ailes mélangeant celles d’une chauve-souris et celles d’un oiseau, le patagium des premières étant dépourvues de plumage.

« Krawnia ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »

« Tery ! Tu es enfin seul, sans enfin que d’autres personnes ne viennent nous interrompre. Tu pourrais quand même tenter d’être seul pour moi, tu sais ? »

« Et pourquoi est-ce que je ferais cela ? » répliqua-t-il avec lenteur, s’interrogeant sur les propos de la femme ailée.

« Eh bien… car j’en ai envie ? Et que c’est bien mieux d’être tranquilles dans ces moments-là, tu ne crois pas ? »

« De quels moments est-ce que tu parles exactement ? J’ai l’impression que tu tentes de me dire quelque chose mais je ne vois pas où tu veux en venir. »

« Rooooh ! Il fait l’innocent, hahaha ! Mais je te l’avais pourtant dit et répété que ça serait notre destinée. J’ai compris en ce jour béni par Zéliia que tu étais celui que j’attendais. Je ne pouvais pas quitter la tour mais cela est du passé. Maintenant, je peux enfin suivre ton existence et savoir alors ce que l’avenir nous réserve. »

« Krawnia, je vais être honnête encore une fois… j’ai l’impression de me répéter mais je compte simplement mener ma vie, tranquillement, sans me poser trop de questions. Je préfère que tu le saches dès maintenant. »

« Mais bien entendu, Tery. Mais bien entendu. Simplement, maintenant, il te faudra compter sur ma présence dans ta vie, hahaha ! Aaaaah… »

D’accord. Il valait mieux ne pas relever une telle chose de la part de cette personne. Il savait à quel point Krawnia était bizarre mais cela ne s’était pas amélioré. Il allait plutôt se concentrer sur l’avancée des travaux par rapport au tunnel les emmenant à la surface.

Comme il fallait s’en douter, le fait d’avoir bien plus de personnes permettait un travail plus rapide et efficace, surtout que lui-même utilisait ses golems pour les épauler. D’ailleurs, même si ce n’était pas la première fois qu’il utilisait ses golems, il remarquait à chaque fois l’étonnement de chacun et chacune dès qu’il les appelait.

Bon… Même Clari bien qu’elle n’eût pas vraiment l’apparence d’un golem, avait une puissance bien supérieure à ses autres créations. Ses capacités pour soulever les matériaux, briser des rochers et autres, étaient telles qu’il était difficile d’ignorer tout ça.

« Quand même… Tery… Entre le prénom de notre fille et ce golem, elle te manque, non ? »

« Trop souvent, Elen. » murmura le jeune homme en sentant la présence de la demoiselle à ses côtés. « Elle est la représentation de mes erreurs passées. »

« Mais ce n’est plus le cas, Tery. Tu pourrais la laisser reposer en paix, non ? »

« Elle est en paix, Elen. Elle me protège, comme elle l’avait toujours fait. Mais… si je n’avais pas été aussi simplet à cet instant, tout cela ne se serait jamais produit. »

Il n’y avait aucune tristesse dans sa voix. Son deuil était fait depuis bien longtemps. Mais… en regardant Clari, il était aisé de voir qu’il gardait une affection particulière pour elle.

« Avec votre aide, le tunnel sera creusé à une vitesse bien supérieure à celle prévue. »

« Et nous avons aussi bien plus d’éclaireurs pour nous permettre de vérifier les alentours. Rien n’est à signaler. »

« Je pense que les gnomolds sont en partie responsables de l’absence de problèmes autour de nous. Ils ne sont pas vraiment discrets à la base. »

Les paroles d’Elen étaient véridiques. Les gnomolds étaient sûrement en train de se confronter aux monstres souterrains mais aussi aux démons qu’ils rencontraient sur leur chemin. De plus, ils allaient sûrement attendre des renforts… s’ils voulaient relancer une nouvelle attaque sur eux.

Mais cela serait tout simplement du suicide, de leur part… ce qui collerait bien d’ailleurs à leur caractère habituel. Ah… Il n’allait pas faire de remarques à ce sujet. Il fallait juste avancer dans ce projet sans s’en préoccuper.

Cependant, Elen restait à ses côtés, gardant leur enfant dans ses bras. Il ne savait pas pourquoi elle voulait se montrer aussi présente mais il n’allait pas s’en plaindre. Il voyait bien qu’elle était en train de regarder un peu autour de lui. Pour quelle raison ? Faisant de même, bien que discrètement, il comprit bien rapidement :

« Ah… Elle ne peut pas me lâcher un peu ? Je ne sais pas ce qui cloche chez elle. »

« Elle n’était pas aussi… folle auparavant. Dans la tour, elle paraissait même normale mais depuis que je l’ai revue, elle s’est toujours comportée de la sorte. »

« Je ne sais pas… je ne sais pas du tout. Elle est perturbante mais pas dans le bon sens. Je n’ai aucune idée de ce qu’elle peut mijoter. Elle a dit qu’elle voulait me suivre car c’était notre destin ou quelque chose du genre. »

« Et ce n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Déjà Manelena, maintenant elle. Heureusement qu’Elise est amoureuse de Royan. »

« Hmm ? Est-ce que c’est… pour ça que tu restes à mes côtés, Elen ? »

« Bien sûr que oui. Et aussi car… tu veux faire quelques efforts, Tery. C’est normal alors que de vouloir te récompenser pour ça, non ? Tu ne crois pas ? »

Il ne croyait pas en grand-chose à l’heure actuelle, il devait se l’avouer. Pour autant, savoir qu’Elen voulait le récompenser, ça lui mettait du baume au cœur. Le seul truc, c’est qu’il ne comprenait vraiment pas la psyché féminine. Encore hier, elle était prête à tout simplement tirer un trait sur leur histoire et … Ah non, c’était lui en fait.

« Hi ! Qu’est-ce que… Tery ? »

Bah ! Il avait placé une main sur l’épaule droite d’Elen, l’emmenant contre lui avant de poser sa tête contre la sienne, fermant les yeux. Elen était plus petite que lui et c’était… sensiblement différent de tout le reste. Il se sentait mieux.

« On peut rester ainsi pendant quelques minutes, Elen ? »

« Tu en profites un peu trop, Tery. Je t’en veux encore, tu le sais, non ? »

« Je le sais parfaitement mais je peux te promettre de ne pas te garder trop longtemps contre moi. C’est juste… apaisant. J’ai tellement l’impression que ma tête se vide complètement de toute pensée néfaste quand tu es à mes côtés. »

« Tu peux continuer à baratiner autant que d’habitude, Tery. Tes propos ne marcheront plus comme auparavant, tu vas devoir le comprendre. »

Baratiner ? Cela reviendrait à prétendre qu’il mentait un peu en lui adressant la parole, ce qui n’était pas du tout le cas, loin de là. Il était vraiment heureux de sentir Elen contre lui, sans avoir à craindre quoi que ce soit.

« Elen, Elen, Elen… Te sentir auprès de moi me manque tellement ! »

« Mais pourquoi est-ce que tu dis des choses comme ça ? Tu sais parfaitement que je ne vais pas tomber dans un piège aussi grossier et… Pfff. »

Elle soupirait mais c’était maintenant au tour de la demoiselle de commencer à venir le serrer contre son cœur. Sans aucune hésitation, l’étreinte se fit plus passionnelle, chacun cherchant à écouter les battements de cœur de l’autre.

Le temps s’écoula, lentement, mais pas assez pour les deux personnes. Lorsqu’il fut enfin l’heure de s’extirper des bras de son partenaire, Elen fixa Tery du regard, lui accordant un petit sourire. Sourire qui vint disparaître avant qu’elle ne place un doigt sur les lèvres du jeune homme aux cheveux bruns.

« Tu n’es pas pardonné aussi aisément, Tery mais… disons que tu en prends le chemin alors, c’est à toi de faire encore plus d’efforts, compris ? »

« Mademoiselle Elen, le message est très bien passé. Je reconnais la chance de t’avoir à mes côtés depuis le tout premier jour… et aussi de te connaître. »

« Tu peux continuer à parler comme ça, ça ne me dérange pas le moins du monde. »

« Alors, je peux en rajouter encore et encore s’il le faut et… »

« Allons plutôt voir la progression du tunnel. Même si tu n’as pas besoin de regarder tes golems travailler, ça serait bien que l’on vérifie qu’ils ne font pas n’importe quoi hein ? »

Elle l’avait coupé dans son élan mais il avait cru entendre un petit rire de sa part. Il en avait totalement oublié la présence de Krawnia. Même s’il sentait son regard posé sur lui, il pouvait faire comme si elle n’existait pas quand Elen était à ses côtés. Bon… Ce n’était pas tout ça mais elle avait raison.

Avec ses golems, le travail du tunnel, le placement des fortifications pour solidifier le tunnel et être certain qu’il ne s’écroule pas, l’installation de divers bâtiments pour permettre une surveillance constante de ce dernier, tout allait tellement vite dans le domaine de la construction, c’était impressionnant.

Intéressant, très intéressant. Il savait bien que les gens adoraient ces golems et que même les démons appréciaient ces derniers mais… c’était si intéressant. Et en même temps, plutôt flatteur. Il avait repris la lecture des divers livres sur les golems mais il avait la sensation maintenant qu’ils n’étaient plus aussi utiles qu’auparavant, comme si depuis la création de Clari, il pouvait donner vie à n’importe quelle entité.

Enfin n’importe quelle entité. Il ne se prenait pas pour Zélisia ou Alzar. Il n’avait pas l’étoffe d’un dieu et clairement, ce n’était pas du tout son genre de penser de la sorte mais… il ne savait pas pourquoi, cela lui donnait quand même cette impression. Peut-être qu’il devrait en parler aux deux intéressés ? Mais pas maintenant.

« Tery ? Où est-ce que tu comptes aller ? »

« Eh bien, me reposer dans ma tente, Elen. Chacun a terminé son travail aujourd’hui, il est donc normal que l’on aille souffler un peu, non ? »

« C’est exact mais… qu’est-ce que tu dirais de venir te reposer avec moi et Klary ? »

« Tu es certaine de ton choix ? Je veux dire, pourquoi est-ce que tu fais ça ? »

« Je n’aime pas voir Krawnia rôder autour de toi, Tery ; »

« Ah. Oui, c’est vrai. En un sens, c’est peut-être mieux que je sois à tes côtés. »

« Et deux fois plutôt qu’une. Viens par là. »

Elle était sacrément entreprenante ou c’était lui ? Elle le prenait par le bras, ne lui laissant pas vraiment la possibilité d’échapper à sa prise. Pas que ça le dérange, loin de là mais… hmm… Depuis qu’il y avait Krawnia dans les alentours, Elen n’était guère motivée à le laisser seul. Elle avait tellement peur de quelque chose ou quoi ?

« Elen, nous sommes à l’intérieur de la tente, tu n’es plus obligée de jouer la comédie. »

« Je ne joue rien du tout ! Je vais juste leur faire comprendre que ce n’est pas parce que tu as eu une absence quand je n’étais pas là que tu es disponible. »

Disponible ? De quoi est-ce qu’elle parlait exactement ? Il continuait de l’observer avec un petit peu d’appréhension avant qu’elle ne se colle à lui. Elle émit un léger grognement de mécontentement, marmonnant :

« Ces gens qui pensent qu’il suffit d’une fois pour qu’il soit sur le marché. »

« Elen, tu es encore en train de te parler seule. »

« Je voulais juste qu’il comprenne la portée de ses erreurs et que tout cela ne se reproduise plus ou presque mais là… je ne vais pas attendre qu’il s’en aille. »

Bon. Il avait compris : Elen était un peu encore secouée par les évènements, ce qui faisait qu’elle se parlait toute seule ou presque. Mais surtout, elle évoquait clairement ce que lui avait fait. Hmm… Bon, cela lui rappelait quelques mauvais souvenirs et il espérait juste qu’Elen n’était pas en train de retomber dans ses travers. D’un autre côté, en vue de ses propres fautes, il n’avait clairement pas la motivation à vouloir la contredire ou l’empêcher de prendre la parole.

Oui, ce qu’il allait faire, c’était juste voir Klary et l’observer. C’était son petit ange à lui et à Elen. Dire qu’elle avait déjà pris quelques centimètres. C’est qu’un enfant, ça grandissait très vite. Combien de temps depuis qu’elle était née ? Il lui faudra demander à Elen ou même à sa mère pour l’occasion.

Est-ce qu’il allait la soulever ? Non, il valait mieux ne pas la réveiller par erreur. Il s’installa tout simplement sur le lit, observant Elen qui continuait de marmonner tout en lui jetant quelques regards pas vraiment discrets.

Il était peut-être un peu inquiet sur le coup mais… que pouvait-il y faire ? Ce n’était pas comme si la jeune femme allait se laisser faire, loin de là hein ? Hmm… Elle s’était maintenant bien positionnée en face de lui, déclarant d’une voix qui ne laissait pas de place à l’opposition :

« Tery, tu dors avec moi ce soir. »

D’accord. Il valait vraiment mieux éviter de la contrarier.

Chapitre 55 : Montrer des preuves

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 55 : Montrer des preuves

« Il y a quelque chose de spécial, Tery ? Pour que tu décides de tous nous réunir ? »

« Est-ce que j’ai vraiment ma place à vos côtés, Tery ? »

« J’espère que c’est important… mais vu qu’il y a Sérest et Séran, j’imagine que oui. »

Tout le monde était présent. Tout le monde et Héraisty. Ils avaient repris la tente principale où Tery s’était entretenu avec Royan, Elise et les autres par rapport au futur de cette armée réunie. Mais là, il n’y qu’une dizaine de personnes. Oui, il avait autorisé Héraisty à venir et il avait préféré éviter que Wandy et Zalek, la jeune sœur et le jeune frère d’Elise, soient mis au courant de ce qui allait se faire entendre dans cette tente.

« Sérest, Séran, je vais vous laisser prendre la parole, vu que c’est ce que vous attendiez depuis le début, n’est-ce pas ? Donc à vous. »

« Hmm… Ce n’est pas exactement en ces termes, Tery, tu le sais bien, non ? Bref, nous voulions vous parler du Dévoreur, de sa liaison avec Tery et aussi de ce qui risque de se passer dans un futur assez proche. »

« Sa relation avec Tery ? » demanda Elen, un peu soucieuse tandis qu’il faisait comme si de rien n’était. C’était vrai… Maintenant qu’il y pensait, il avait juste évoqué une partie de ses soucis à Elen avant qu’ils ne se disputent au sujet de ce qui s’était passé avec Manelena.

« La voix qu’il entendait et diverses autres choses. De toute façon, on va vous donner une idée globale de la situation, ça sera bien mieux. »

Chacun prit place, laissant la parole à Séran qui avait été celui qui s’adressait à eux parmi les deux personnes du couple. De son côté, Sérest avait les bras croisés à hauteur de sa poitrine, plongée dans son mutisme.

« Tout d’abord, une chose principale à savoir : Tery est issu du Dévoreur. Le démon qu’il considérait son père n’était qu’un simple transporteur. Normalement, toutes les tentatives pour faire un enfant issu du Dévoreur étaient vouées à l’échec. Les femmes qui portaient l’enfant n’arrivaient jamais à lui donner vie. »

« … … … Comment est-ce que ma mère a réussi ça ? »

Maintenant, il n’était plus en colère mais angoissé. Sa mère, il lui en avait fait souvent voir des vertes et des pas mûrs mais… pas au point de vouloir attenter à sa vie. Rien que de penser au fait de ce qui aurait pu lui arriver, il se sentait mal.

« Ta mère est une femme issue de la noblesse d’Omnosmos. De plus, ses parents étant des êtres dotés de capacités magiques assez importantes, elle-même était donc une personne assez exceptionnelle. Déjà, d’après nos hypothèses à Sérest et moi-même, nous pensons que le Dévoreur n’aurait pas accepté une démone comme porteuse de son enfant. Lui-même étant un démon, cela ne correspondait pas à son désir profond. »

« Mais pourquoi cela n’aurait pas été possible ? Normalement, les démons préfè… »

« Car Révix était amoureux d’une femme de la surface et non pas d’une démone. »

Et ? Il attendait la suite car il ne pensait pas que ça serait pour une raison aussi ridicule. S’il suffisait juste d’aimer une personne d’une certaine race pour bloquer les autres races génétiquement, cela se saurait. Encore qu’en y réfléchissant, c’était sûrement possible de nos jours mais il ne s’était jamais posé la question. Cela serait bien le genre des Mékalarmiens tiens… Bon … Ce n’était pas tout ça.

« Et donc, à cause de cela, s’il devait y avoir un descendant du Dévoreur, il était impossible que cela soit un démon pur. Je pense que l’empereur Malark a été le seul à avoir l’esprit assez ouvert pour tenter une telle chose alors que les précédents empereurs et impératrices pensaient uniquement à la pureté de leur race. »

« J’ai l’impression d’être comme Elen sur le coup. Vous avez mis des siècles voire plus à avoir un enfant et j’ai la sensation que c’est la même pour le Dévoreur. Encore que ce dernier n’était sûrement pas au courant. »

« C’est exact. Il y a de très fortes chances qu’il ait appris ton existence uniquement à partir du moment où tu as commencé à développer tes origines démoniaques. L’Empereur Malark a néanmoins la même idée saugrenue que ses prédécesseurs : utiliser le Dévoreur. »

« Sûrement mais peut-être pas pour les mêmes raisons que ces derniers. » rétorqua Tery, croisant les bras. Il avait bien remarqué une chose chez l’Empereur : il aimait ses enfants mais pas au point d’ignorer les décisions à prendre quand ces derniers agissaient stupidement. Il lui donnait donc la sensation d’être un monarque réfléchi.

« Et pour quelles raisons penses-tu qu’il voudrait l’éveiller ou l’utiliser alors, Tery ? »

« Je n’en sais trop rien mais… déjà, je ne pense pas que ça soit pour la guerre ou tout autre acte militaire. L’Empereur n’est pas un homme qui se lance inutilement dans les batailles. Il suffit de voir où nous ne sommes actuellement avec vous. Il n’a jamais cherché ouvertement à attaquer les races de la surface. »

« Néanmoins, en mettant en danger la vie de ses plus jeunes enfants et les réactions de certaines races de la surface, il est clair que mon père n’allait pas se laisser faire non plus. »

« Je ne pensais pas à cela mais… il faut une autre raison. Pourquoi continuer à tenter de réveiller le Dévoreur maintenant que les portes sont ouvertes ? »

« Peut-être que ce n’est pas ce qu’il veut mais qu’il est trop tard ? Le mieux serait de le lui demander mais je ne pense pas que vous soyez intéressés à l’idée de le rencontrer, n’est-ce pas ? Enfin, pas de cette manière. »

« Je crois que nous présenter en tant qu’avatars de Zélisia et Alzar ne soit pas très apprécié chez les démons, Tery. »

« C’est bien ce que je pensais. Bon… L’autre solution sera de lui envoyer une lettre avec les dernières nouvelles à donner. C’est ce qu’on pourrait faire pendant qu’on réfléchirait à une solution par rapport aux armées liés à ses deux aînés. »

Il n’oubliait pas ce que les démons avaient dit lorsqu’ils avaient abandonné les traîtres d’Honoros. Il y avait de très fortes chances que les deux aînés aient chacun des clans sous leurs bannières et avec les mêmes « conditions ».

« Nous devons regarder de tous les côtés, ce qui complique grandement la chose, Tery. »

« Je le sais bien. Il ne faut pas croire que tous les démons à la capitale apprécieraient notre présence et notre retour. Et comme je ne suis pas vraiment doué pour avoir des éclaireurs et espions dans les autres armées, autant dire que je ne suis pas vraiment tiré d’affaire. »

« Il ne faut pas voir les choses du mauvais côté, Tery. »

« Oui, mais justement, ce mauvais côté, cela me fait dire que peut-être qu’il y a justement des espions dans l’armée. En fait, cela ne m’étonnerait même pas. Mais bon, je ne vais pas faire une chasse au démon alors que je n’ai aucune preuve. Surtout qu’il y a un risque l’espion ne soit même pas un démon mais quelqu’un de la surface. »

Beaucoup trop. Maintenant qu’il y avait deux armées réunies, il valait mieux retourner à la surface. C’était le constat qu’il venait d’établir par rapport à tout ça. Bon il fallait maintenant en discuter avec les autres.
Ah… Et il devait aussi vraiment trouver le moyen de se réconcilier avec Elen. Pas uniquement pour eux deux, ni pour leur enfant mais pour tous ceux qui l’entouraient. Un conflit permanent provoquera des disputes et autres alors que ce n’était pas ce qu’il voulait, loin de là. Il n’avait pas la tête à de telles choses.

Hmm… mais à côté, il était fautif et malgré toutes ses tentatives, il ne voyait pas comment arranger les choses. Faire semblant comme si de rien n’était, cela ne serait qu’aggraver la situation. Peut-être qu’il pourra voir pour lui en parler dans un détour, en faisant autre chose ? Pendant qu’ils discutaient d’autres sujets ?

« Bon, avec tout cela, que faisons-nous réellement pour l’empereur Malark ? »

« Trois de ses enfants sont avec nous. Il ne faudrait pas qu’il pense que nous les retenons en otage. J’ai bien une idée mais encore une fois, il faudrait aller à la surface. »

« Quelle est cette idée, Tery ? » demanda une nouvelle fois Manelena, celle-ci le regardant avec insistance.

« Je ne suis pas certain que les démons puissent se promener aisément à la surface mais ça serait une bonne idée que de retourner à celle-ci. Nous pourrons nous installer dans un campement à Shunter et surtout, ça permettrait à nos royautés de faire acte de présence. Je ne suis pas sûr qu’une absence prolongée soit bonne. »

« Merci de t’inquiéter pour nous, Tery, mais je fais confiance à Hémurion. S’il a réussi à avoir le peuple de son côté, je sais qu’il œuvre pour ce dernier. Même s’il est vrai que je dois faire attention à ce qu’il ne change pas les fondations de Shunter pendant mon absence. »

« Cela serait embêtant que tu ne sois plus reine de Shunter quand tu reviens, Manelena. »

« Hmm… Très embêtant, oui. »

Le ton de la femme aux cheveux argentés était plus évasif qu’autre chose. Elle n’était pas si pressée que ça de rentrer ? Il ne pouvait pas vraiment l’en empêcher mais bon… Bref, il alalit continuer ce qu’il était en train de dire :

« Je pensais donc à un campement situé dans Shunter. Cela permettra aussi à nos compagnons Mékalarmiens de prendre leurs aises en ces lieux. Il en est de même pour les démons mais vu que notre armée est composée de bon nombre de races, le mieux serait de faire un campement voire même une base pour permettre enfin de souffler un peu. Là, nous sommes constamment sur le qui-vive. Sinon, pour contacter l’empereur Malark sans savoir à se déplacer, j’aimerais savoir une chose, Sérest, Séran. »

« Hmm ? Et laquelle est-ce donc ? Nous n’avons pas les réponses à tout, tu t’en doutes. »

« Je voulais savoir. Vous connaissez le système de lettres volantes pour communiquer ? »

« Un système pas vraiment sécurisé mais oui ? Pourquoi cela ? Est-ce que tu voudrais dire par là que tu veux envoyer une lettre à l’empereur Malark ? Mais il y a de très fortes chances que ces lettres n’arrivent pas jusqu’à lui, non ? »

« Peut-être qu’en y mettant le sceau royal et comme ils n’ont pas l’habitude de ce moyen de communication dans le monde souterrain, cela pourrait passer, non ? »

« Cela peut se tenter, oui. Je ne peux pas te dire si c’est une bonne ou mauvaise chose, Tery. Mais tu penses qu’une lettre suffira ? »

« Non, non, je ne pense pas qu’une lettre suffirait. Je veux aussi apporter une autre preuve. »

Son regard se posa sur Elen, celle-ci l’observant en clignant des yeux avant de faire une petite mine boudeuse et dépitée. Pour autant, des rougeurs parcoururent les joues du jeune homme en la regardant, Elen ayant peu à peu la même teinte sans pouvoir expliquer la raison.

« Il y a aussi une magie qui permet de capturer une scène pour la mettre sur papier. Cela permet d’immortaliser certains moments de la vie d’une personne. Je crois que c’est assez rare et que ça coûte plutôt cher mais, je me disais que nous pourrions capturer une scène où nous sommes tous ensemble, les trois membres de la famille royale démoniaque au milieu d’entre nous, pour rassurer l’empereur ? »

« Hmm, je ne suis pas certain que cela ira vraiment le rassurer sauf si la lettre est écrite par Elise, Wandy et Zalek. Avec l’authenticité de de cette lettre, cela devrait alors suffire. »

« Attends, attends, attends, Tery ! Quand tu parles de l’illustration capturée via la magie, est-ce que tu penses à… »

« Oui, oui, je pense à ce que tu m’avais envoyé et inversement, il y a quelques années. J’ai toujours ces dernières avec moi mais bon, c’est confidentiel et personnel. »

« Mais mais mais, depuis quand ?! Aaaaaah ! »

Elen baissa les yeux, complètement choquée et perturbée par ce qu’elle venait d’apprendre, rouge jusqu’aux oreilles alors que certaines personnes souriaient en observant la confusion visible chez la jeune femme aux cheveux blonds.

« Depuis le tout début. Je n’ai eu aucune raison de ne pas garder cela avec moi. C’est bien trop précieux pour que je ne le garde pas avec moi. »

« Imbécile. » dit-elle tout simplement, n’osant plus continuer la conversation avant que Tery ne reprenne à son tour :

« Voilà donc mon idée. Ce n’est pas grand-chose mais qui sait, peut-être que cela conviendrait ? Qu’est-ce que vous en pensez tous ? »

« Faute de mieux. Mais j’imagine qu’il te faudra quelqu’un pour écrire une lettre correcte, non ? Je peux m’en occuper. » répondit Manelena, Tery balayant cette proposition d’un revers de la main, se tournant vers Elise :

« Il vaut mieux que ça soit toi, Elise, qui écrive cette lettre. »

« Je n’ai pas l’éloquence et l’instruction nécessaires pour cela mais je peux faire de mon mieux. J’imagine que c’est pour rendre le tout plus authentique. »

« Alors, tu demanderas à ton frère et à ta sœur. J’espère que tu ne prendras pas cela comme une moquerie mais je pense qu’ils ont les connaissances nécessaires pour ça. Et puis, Manelena pourra t’aider aussi. Il faut que ça soit vos sentiments qui soient écrits sur le papier. Peut-être que Wandy et Zalek pourront aussi dire des choses qui pourront rassurer l’empereur Malark sur la véracité de vos écrits ? »

« J’imagine que la réunion va toucher à sa fin, alors. »

« C’est exact, Manelena. Merci encore à vous tous. Nous ferons la lettre et la capture de scène quand nous serons à la surface. Nous avons du travail à faire avec le tunnel. »

Oui, il n’oubliait pas que tout cela n’était pas pour tout de suite. Alors que tous étaient en train de se séparer pour retourner à leurs tâches, il sentit une main se poser sur son épaule. Sans même se retourner, il murmura :

« Elen, qu’est-ce qu’il y a ? »

« Est-ce que… nous pouvons parler, toi et moi, Tery ? »

« Bien entendu, Elen ! Bien entendu ! Tu veux que l’on aille quelque part ? »

« Là où nous serons seuls, juste toi et moi, personne d’autre. »

« Alors, je vais te suivre, Elen. » termina le jeune homme aux cheveux bruns, faisant un mouvement pour inviter Elen à prendre les devants. Indirectement, il… pouvait la contempler de dos. Elle avait toujours cette certaine allure qui et féminité. Non, ce n’était pas le moment de laisser aller à ses plus bas instincts. Il valait mieux que ça.

Des minutes passèrent jusqu’à ce qu’ils sortent du campement. Hmm… Elle n’allait quand même pas chercher à le tuer hein ? Non, qu’est-ce qu’il pensait ? Il hocha la tête négativement avant d’entendre Elen lui dire :

« Tu peux me rendre ces illustrations, Tery ? Je… »

« Hors de question. Elles sont à moi, c’est un cadeau et je te laisse les tiennes. Mais elles sont trop importantes pour que je vienne te les rendre. »

« Rends-les-moi, Tery ! Rends-moi ces illustrations ! »

Elle s’était rapprochée de lui, venant taper du poing contre son torse sans pour autant lui arracher un cri de douleur. La laissant faire, il n’osa pas pour autant la toucher de ses mains, murmurant d’une voix lente :

« Je sais que… j’ai fait des choses impardonnables. Ah… Nous ne sommes même pas mariés, nous avons un enfant, j’ai eu une aventure… ah… Pfiou… Mais comment je peux dire ça correctement, Elen ? Je suis juste certain d’une chose. »

« Je préfère quand tu te tais, Tery. Comment est-ce que tu veux que… »

« Tu puisses me croire encore ? Hmm… Je ne sais pas vraiment si ça serait possible si on veut être réalistes mais… On en a eu des hauts et des bas et… »

« Je veux juste que tu t’imagines si j’étais dans les bras d’un autre. »

Elle ne lui avait pas laissé terminer sa phrase mais il connaissait déjà la réponse à cette phrase de la part d’Elen. Il ne pourrait pas le supporter. Imaginer Elen nue, en train de s’ébattre dans les bras d’autrui, non.

« Je me le suis souvent imaginé, surtout en considérant que j’étais passé pour mort à tes yeux ou dans ton cœur, Elen. »

« Et… qu’est-ce que tu as ressenti ? »

« De la colère, de la rage, de la peine mais… aussi de l’affliction. Je me disais que c’était mérité en vue de ce que je t’avais fait auparavant. Avec tout ce que nous avons vécu, toi et moi, je me demande même comment nous avons fait pour tenir aussi longtemps. »

« Qu’est-ce que tu veux dire par là, Tery ? Tu as un ton un peu inquiétant. »

« Pfiou… Hmm.. Je n’ai pas envie que l’on se sépare à nouveau. On se retrouve enfin après tout ce temps. Mais en même temps, avec ce que j’ai fait, quelque chose s’est brisé à jamais, non ? Alors… je me dis, que si tu es d’accord, on peut tenter de tout faire pour que notre enfant soit élevé correctement ? Si tu me laisses la possibilité de la voir hein ? »

« Je ne vais pas te retirer ce droit, Tery. Je… Enfin, c’est notre fille et… »

« Mais ça serait une bonne solution, non ? Enfin, s’il te plaît, je voudrais les garder. »

« Mais qu’est-ce qui t’arrive ? On dirait que… tu veux tirer un trait sur toute notre histoire, je… je ne veux pas ça. »

« Moi non plus mais je dois me montrer plus raisonnable dans mes demandes et dans ce que je veux faire. Ah…Elen, même si ses parents ne seront pas ensemble, nous pouvons élever Klary, d’accord ? Enfin, chacun de notre côté, on se reverra fréquemment, on se parlera mais chacun pourra refaire sa vie avec la personne qu’il veut. »

Silencieuse. Elle était restée silencieuse, comme pour mieux accuser le coup. Puis, comme si elle était abattue, elle murmura :

« Est-ce que tu ne veux pas te battre un peu pour nous, Tery ? Tu as pourtant l’habitude de te battre dans les combats les plus ardus et les plus désespérés… alors pourquoi pas celui-ci ? Pourquoi est-ce que tu ne veux pas… chercher à lutter pour celui-là ? »

« Je n’ai jamais considéré ça comme un combat, du moins, pas à mes yeux. Peut-être que je me fais des illusions, peut-être que je me trompe complètement. »

« Pourquoi est-ce que… tu… enfin tu… »

« Pourquoi quoi ? Elen, ah… vraiment. Je veux juste que tu sois heureuse et notre enfant aussi. Et ce n’est pas avec mon comportement que je vais y arriver. »

« J’ai envie que tu reviennes, pourquoi tu ne comprends pas ça ?! C’est si complique que ça de voir que je veux juste que tu ne t’éloignes pas à nouveau ?! Même avec tout ce que tu as fait, j’ai envie que tu reviennes ! Surtout si c’était avec Manelena et non pas une illustre inconnue. Ce n’est pas comme… si tu folâtrais à droite et à gauche. »

« À part Manelena, il n’y a jamais rien eu d’autre et il n’y aura jamais rien d’autre. Tu peux en être assurée, Elen. Je n’ai jamais envisagé une telle chose et jamais cela n’arrivera. »

« Laisse-moi juste un peu de temps et… fais-toi pardonner, d’une manière ou d’une autre. Manelena… peut passer car elle… ne cachait pas ses sentiments envers toi et qu’elle te protégeait à sa manière mais une autre femme et je… je ne pourrais jamais te pardonner si cela doit arriver, Tery. »

« Cela n’arrivera pas, Elen. »

Il avait parlé avec fermeté et conviction. Outre Manelena et Elen, aucune autre femme n’avait réussi à capturer son cœur. Ce n’était certainement pas Krawnia qui pourrait arriver à le faire chavirer. Ah… Oh ? Elen s’était jetée dans ses bras, sans hésitation. Elle se nichait contre son torse et il se demandait encore comment réagir.

Et puis zut ! Réfléchir trop longtemps provoquerait plus de remous qu’autre chose. Il avait décidé de la garder contre lui, caressant ses cheveux blonds. Devenus plus longs avec le temps, ils lui allaient jusqu’au milieu du dos, ce qui la rendait encore plus belle à ses yeux. Ah… Est-ce que c’était vraiment résolu ? Tout ce qui s’était passé ? Il n’en savait trop rien mais… s’il n’y avait ne serait-ce qu’une petite marge de progression pour retourner à la normale, alors il allait tout faire pour la prendre.

Chapitre 54 : Sommeil profond

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 54 : Sommeil profond

« Cela ne semble pas être la grande forme avec notre fille, Herik. »

« J’imagine que ça se voit aisément, n’est-ce pas ? Comment est-ce que vous allez tous les deux ? Je veux dire, retrouver votre fille, tout ça, surtout après ce que vous avez fait. Je crois que vous êtes pas mieux logés que moi, non ? »

Le jeune homme était face à Clari, la femme-golem parfaitement immobile tandis qu’il tenait un livre en main. Sérest et Séran étaient de chaque côté de Tery, parlant avec lui alors qu’il cherchait à se concentrer sans forcément y arriver, maintenant qu’ils étaient là.

« Oh, de ce côté, nous ne faisons pas de soucis. Nous avons parlé longtemps avec elle et il faudrait que tu fasses pareil, tu ne crois pas ? »

« Est-ce que vous avez… déjà fait un adultère, l’un ou l’autre ? »

Question assez sèche de la part du jeune homme. Oui, il avait posé la question qui dérangeait et il n’en était pas peu fier. Ses yeux verts fixaient Sérest. S’il ne se trompait pas, auparavant, il s’agissait d’Alzar donc obtenir une réponse de sa part.

« Non, jamais, du moins, pas à ma connaissance, Séran ? »

« Cela ne m’a jamais traversé l’esprit, je dois avouer. Des personnes qui nous aimaient et nous idolâtraient ,cela arrivait bien plus souvent qu’on ne le pensait mais à part ça… »

« Pas même une seule fois ? En plusieurs siècles ou millénaires ? Rien de rien ? »

Il avait cligné, surpris mais surtout méfiant par rapport à leurs propos. Non pas qu’il n’avait pas confiance mais… ils occultaient souvent la vérité et ils en cachaient une bonne partie, c’était pourquoi il avait encore un peu de mal à y croire. Il préférait quand même être certain de ce que ces deux personnes avançaient. Une simple mesure de … précaution. Précaution par rapport à quoi ? Il en avait aucune idée en réalité.

« Non, non. Nous avions quelques différends tous les deux, nous étions focalisés l’un sur l’autre et disons qu’au bout d’un moment, eh bien, nous avons été obligés de nous lier. C’est venu ainsi, rien de plus, rien de moins. »

« D’accord… J’imagine que ma relation avec Elen n’était peut-être pas au beau fixe dès le départ. Je me suis peut être trompé depuis le début. »

Il était triste de faire un tel constat mais il ne pouvait pas y faire grand-chose. Il devait comprendre que la situation n’était clairement pas en sa faveur. Mais… Pourquoi est-ce qu’il pensait ainsi ? Ce n’était pas comme si… enfin si. Il était fautif. Il était responsable de toute la situation. Une main se posa sur son épaule, le faisant relever son visage vers Séran.

« Tery, les mœurs changent. Pour certains, la liberté d’aimer plusieurs personnes est plus importante que celle d’en aimer une seule. Ce que tu dois te demander est : si elle accepte que j’ai une relation avec une autre femme, est-ce que je dois accepter qu’elle ait une relation avec un autre homme que moi ? »

… … … La remarque de Séran venait de le statufier. Oui. Il ne s’était jamais posé la question mais qui sait ? Peut-être qu’Elen avait eu aussi… une relation avec autrui ? Cette idée venait de l’effrayer complètement et il sentait presque son corps trembler rien qu’en y pensant.

Elen… avec quelqu’un d’autre. Pourquoi maintenant ? Pourquoi est-ce que Séran venait de parasiter son esprit avec ça ? Qu’est-ce qu’il lui avait fait pour mériter un tel sort ? Le jeune homme aux cheveux bruns s’était mis à trembler légèrement avant que la voix de Sérest ne reprenne avec douceur :

« Séran, nous n’étions pas venus pour cela, je tiens à te rappeler. Maintenant que nous avons Tery non-loin de nous, nous devons lui en parler. »

« Me parler de quoi ? Je crois que … j’en ai assez entendu aujourd’hui, non ? »

« Parler du Dévoreur mais aussi en savoir plus sur ce qui le concerne. En vue de ta relation particulière avec lui, nous préférons avoir un maximum d’informations. »

« C’est vrai que vous l’avez connu… et si vous voulez tout savoir, il me parle beaucoup moins… même si j’ai peur qu’il revienne de temps à autre. »

« Rien que le fait qu’il arrive à communiquer avec toi est très mauvais. » compléta Séran après les dires de Tery, celui-ci posant ses yeux verts sur l’homme.

« Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? J’avais déjà compris que ce n’était pas une bonne chose vu que j’avais l’impression de devenir fou… mais maintenant, l’entendre de vive voix, de votre part est encore moins rassurant. Enfin, surtout en vue de ce que vous êtes réellement… alors pourquoi… ou du moins… Enfin, on m’a dit ce que je suis et… »

« Commençons par d’abord faire un résumé de ce que tu as appris sur le Dévoreur mais aussi sur sa situation… dans la capitale démoniaque. »

« Sa situation ? Seul l’Empereur Malark est au courant de son existence, j’imagine… ou alors, sa famille. Je ne sais pas trop si d’autres savent qu’il a existé ou du moins qu’il existe encore. En fait, je ne suis même pas certain que les démons savent de qui il s’agit. »

« Hmm… D’accord. Nous nous en doutions en vue de la situation mais maintenant que tu en parles concrètement, il est vrai que l’existence même du Dévoreur est totalement inconnue de la majorité du public. »

« Sauf que chez moi, je suis bien loin d’en avoir terminé. Je ne sais pas quand il va revenir mais il m’a vraiment… pourri mon existence. C’est en partie pour cela que moi et Manelena, nous avons tous les deux… »

Il ne chercha pas à terminer sa phrase. Il n’y avait pas besoin de rentrer plus dans les détails et en vue de ce qu’ils avaient évoqué avec Elen auparavant, il n’était vraiment pas d’humeur.

« C’était une façon comme une autre de calmer la personne. Le Dévoreur était quelqu’un de très porté sur les sentiments. Réussir à contrôler cette émotion par le charnel était une solution très dangereuse mais dont visiblement l’efficacité semble avoir faite ses preuves. »

Est-ce qu’ils étaient obligés de parler de ça comme si c’était une expérience concluante ? Il avait l’impression d’être un cobaye. Rien que son existence était le fruit d’une série de tests donc bon… il était à nouveau de mauvaise humeur, maintenant.

« On peut passer à autre chose que ma coucherie avec Manelena ? »

« Nous n’avons pas lancé le sujet, Tery. Il n’y a que toi qui nous a emmené sur ce dernier, je tiens à le préciser. » déclara Séran avec une petite pointe d’amusement, le jeune homme se renfrognant sur place. Vraiment ? C’était ça, sa réponse ?

« Oui bref… Qu’est-ce qu’il y avec le Dévoreur au final ? »

« Notre seule question est : que s’est-il passé exactement ? Est-ce que tu peux nous en parler ou non ? Car tu as parlé de perte de contrôle, n’est-ce pas ? »

« J’ai l’impression… que ça a un rapport avec les golems. Je me rappelle aussi que Clari me prenait ma magie constamment, ce qui faisait que j’étais particulièrement affaibli et fatigué. Et la voix devenait de plus en plus forte. »

« Hmm… Hmm… D’accord, d’accord. Oui, si tu veux tout savoir, les golems, du moins, le tout premier golem a été crée par le Dévoreur. Il y avait une raison bien particulière à cela et il semblerait que dans ton cas précis, la raison soit la même. »

Son cas précis ? Quelle même raison ? Des golems, il en avait fait des dizaines hein ? Et de plusieurs sortes, même des vraiment glauques comme ceux faits de sang. En vue du regard interrogatif qu’il portait sur Séran, celui-ci reprit :

« Est-ce que tu es plus ou moins au courant de l’histoire du Dévoreur ? Comment est-ce qu’il s’appelait, ce qu’il était, ce qu’il faisait ? »

« Euh… Pfiou… Il faut me laisser quelques secondes pour m’en rappeler et je vous dirais ça car j’avoue que je ne suis pas vraiment certain à ce sujet. »

Le jeune homme aux cheveux bruns était maintenant pensif et songeur. Est-ce que l’empereur Malark lui en avait parlé ? Est-ce que la voix du Dévoreur lui-même avait évoqué ce sujet ? Hum… Bon, à part le fait qu’il était certain que le Dévoreur était une entité démoniaque…

« Vous pouvez en reparler, j’ai peut-être préféré mettre ça de côté dans mon esprit. Je sais juste que c’était un démon et que… eh bien, il a été scellé dans la capitale démoniaque. »

« Pas seulement mais oui, c’est déjà un point assez important. Autre chose ? »

« Hmmm… Si je ne me trompe pas, y a aussi le fait qu’il était très puissant ? Peut-être le plus puissant de son époque ? »

Sérest hocha la tête positivement, comme pour confirmer les propos du jeune homme. Celui-ci se demandait si cela allait être une série de questions dont il devait tenter de deviner les réponses ou alors s’ils allaient vraiment lui permettre d’en savoir plus ? Mais il avait la chance d’avoir les deux anciennes divinités devant lui, c’était le bon moment !

« Zélisia et moi-même, à cette époque, nous avions crée diverses races. Alors que Zélisia donnait divers pouvoirs aux races présentes suivant leurs origines, de mon côté, je préférais me focaliser sur les démons. Et bien entendu, à cette époque, nous étions plus prompts à nous affronter qu’autre chose. »

« Bien qu’en réalité, nous laissions nos races avoir leur libre arbitre. Nous voulions simplement donner naissance à des espèces humanoïdes ainsi qu’aux animaux et autres. »

« Je ne suis pas vraiment là pour… comment ça s’appelle, la Génèse de ce monde. Je veux juste obtenir plus d’information sur un point que j’estime important, c’est tout. Est-ce que vous pouvez m’en dire plus à ce sujet ou non ? »

« Eh bien, ce démon ne voulait rien à voir avec la guerre éternelle entre les races de la surface et la race démoniaque. »

« Là encore, je le savais plus ou moins, oui. Mais ensuite ? D’ailleurs, comment est-ce que le Dévoreur s’appelait ? »

« Le prénom du Dévoreur ? C’est vrai qu’il a été perdu depuis tout ce temps. Séran, est-ce que tu t’en rappelles ? J’ai peur de me tromper. »

Voilà qu’Alzar, du moins Sérest avec sa forme féminine, interrogeait l’être ressemblant à un honorien. Celui-ci gardait son sourire habituel, plongeant dans un court moment de réflexion en vue du questionnement de la part de Sérest.

« Si je ne me trompe pas, il s’appelait Révix. »

« C’est bien ça, Séran. Voilà, tu sais son nom maintenant, Tery. Qu’est-ce que cela t’a apporté de plus ? Est-ce que tu veux nous le dire ? »

« Juste que l’appeler le Dévoreur… cela ne me plaît pas. Vous connaissez mes origines alors, non ? Du moins, je pense que vous avez été mis au courant à ce sujet, c’est ça ? »

« Nous avions quelques doutes sur ta personne, oui. Surtout lorsque nous avons remarqué ton intérêt très poussé sur les golems. Est-ce que tu es au courant que les golems, du moins, ceux qui ont eu les livres des golems n’ont que rarement dépassé les deux ou trois volumes ? »

« Ah oui ? Mais qu’est-ce que cela change en vrai ? »

« Eh bien, tu n’as pas remarqué que chaque nouveau livre contenait étrangement ce dont tu avais besoin par rapport aux golems lorsque tu les ouvrais ? Et que tu étais le seul à pouvoir les lire ? Eh bien, il s’agit de la magie du Dévoreur. »

« Hein ? De Révix ? Appelez-le Révix, je préfère ça. » dit Tery, maintenant plus que concerné par ce qu’il venait d’apprendre.

« Révix était son ancien nom. Il n’était plus que l’ombre de lui-même. Il ne peut plus porter ce nom, Tery. Désolée mais je tu ne pourras pas me faire changer d’avis à ce sujet. »

Sérest qui refusait d’appeler Révix par son véritable prénom. Le jeune homme aux cheveux bruns fronça un peu les sourcils, Séran prenant une profonde respiration avant de soupirer.

« Ne lui en veut pas, Tery. Nous avons une très mauvaise relation avec Révix. Nous ne pouvons pas oublier qu’il a faillit détruire tout ce que nous avions crées depuis le début. J’espère que tu comprendras la raison des grognements de Sérest. »

« Oui et non ? J’ai l’impression qu’il me manque encore quelques petits détails à ce sujet. Est-ce que vous allez me les donner ou non ? »

« Des détails, des détails, jusqu’à quand tu vas en demander pour que tu sois satisfait ? »

Ah oui. Sérest était vraiment irritée par la demande que Tery avait formulé auparavant. Il ne s’attendait pas le moins du monde à une telle réaction, il fallait l’avouer.

« Jusqu’à ce que j’ai réussi à obtenir toutes les informations que je désire, c’est assez simple. Vous parliez des golems mais… je ne savais pas donc qu’il avait été à l’origine de tout ça. »

« Les golems étaient l’oeuvre la plus importante de son existence. On pouvait même prétendre que c’était ça qui le maintenait en vie. Ça et une personne. Mais ses golems n’étaient pas menaçants ou des êtres juste bons à tuer des monstres ou d’autres personnes. Tu peux le remarquer avec Clari, non ? »

Vrai. Clari était pas juste un bloc de pierre noir aux allures d’une femme chère à son coeur. Non, elle n’était pas simplement un morceau de roche juste bon à le défendre quand cela était nécessaire. Elle était bien plus que ça. Elle avait une importance, une existence qu’il ne pouvait renier en faisant comme si de rien n’était.

« Clari… est… Je ne pensais pas la créer un jour. Cela m’est venu comme ça. Je crois que j’étais désespéré mais… Ah… Je ne sais plus exactement. »

« Révix mettait ses sentiments dans chacune de ses créations mais aucune n’avait une apparence totalement humaine comme Clari. »

« Ah ? Mais… euh… Est-ce que ça veut dire que je suis plus avancé que lui ? »

« Pas du tout, loin de là. Non, je me suis mal exprimée. Il n’y a jamais eu de golem à apparence humaine avant Clari… depuis le Dévoreur s’est endormi. Mais auparavant, il y a bien eu une création… mais pouvait-on vraiment la considérer comme humaine ? C’est assez difficile à dire en réalité. »

« Pourquoi est-ce que vous dites ça ? Qu’est-ce que sa création avait de différente ? Est-ce qu’il la considérait comme humaine ? »

« Tery, est-ce que tu sais la chose que même nous nous ne pouvons faire ? Malgré les pouvoirs que nous possédons ? »

« Euh… Sur le coup, je n’arrive pas à y réfléchir. Séran, tu me poses cette question sans même vraiment me prévenir. Mais une chose que même la magie la plus puissante ne peut réaliser ? Alors que vous êtes des divinités ? »

« Oui. Car il y a une différence entre ce que les gens pensent et ce que nous sommes en réalité. Sérest et moi n’avons jamais été des divinités, seulement des êtres dotés d’une magie infiniment plus puissante que les autres. »

« Ce qui fait de vous des divinités, plus ou moins, selon le point de vue. Bon, à part cela, où je voulais en venir donc… même si vous prétendez ne pas être des dieux, vous oubliez un peu le fait que vous êtes surpuissants et centenaires voire millénaires non ? En terme d’âge. »

« Continuer à vivre ne fait pas de nous des êtres immortels. Simplement, tant que nous ne sommes pas tués complètement, nous pouvons revenir à la vie. Oui, nous avons une sorte de « jeunesse éternelle » même si dans les faits, nous continuons de vieillir mais à un rythme vraiment très lent, encore plus lent que les démons. »

« Oui… Enfin, vous êtes pas immortels mais vous ne pouvez pas vraiment disparaître, vous êtes capables de vous régénérer voire d’avoir un autre corps donc bref… On va quand même dire que vous avez pas mal d’atouts dans vos manches hein ? »

« C’est exact mais nous pouvons mourir… nous étions même prêts à cela pour ouvrir les portes démoniaques, je tiens à te rappeler. »

« Oui, bref, mais maintenant, c’est quoi la chose dont vous parliez ? Dont même vous êtes totalement incapables ? Qu’est-ce que c’est ? »

« Ramener à la vie les morts. Voilà ce que nous ne pouvons pas faire. Lorsque quelqu’un décède, il est impossible de le faire revenir. Et c’est cela qui a emmené Révix à devenir le Dévoreur. Car nous avons été incapables d’exaucer son souhait. »

« Hein son souhait ? S’il était le plus puissant des démons, au point de vous faire peur et de vous obliger créer les portes démoniaques, qu’est-ce que c’était que son souhait ? »

« Hmm… Peut-être devrions-nous d’abord raconter un peu la vie de Révix. » répondit Séran alors que Sérest se renfrognait une nouvelle fois.

« Je ne sais pas si c’est le bon endroit pour en discuter. »

Oui, ils n’étaient pas au milieu de nulle part mais en même temps, il n’oubliait pas le fait qu’ils parlaient sans réellement se cacher. Et peut-être que le sujet était un peu trop important pour lui seul ?

« Je me dis que peut-être que ça serait mieux si Elen, Elise, Manelena, enfin, bref, tout le monde de mon entourage soit au courant. »

« Comme tu le désires. Ce que tu ne dois pas oublier, c’est que tu es concerné personnellement par tout ça. C’est pourquoi certaines choses sont peut-être plus privées pour toi et qu’il vaudrait mieux que tu sois le seul à les connaître. »

« J’ai déjà caché beaucoup trop d’informations à Elen. J’ai vu le résultat. »

« C’est plutôt la vérité qui a donné ce résultat catastrophique. »

Encore à jouer sur les nuances. Ils étaient un peu fatigants quand ils le voulaient. Mais en même temps, il voulait qu’Elen et les autres en apprennent plus eux aussi. Dans le cas échéant où s’il devait devenir à nouveau « fou », qu’ils puissent réagir en conséquence et savoir ce qu’ils devaient faire.

« Juste une chose, Tery. Le Dévoreur ne te parle plus pour le moment ? »

« Pour le moment, il est calme. Je n’ai pas l’impression de l’entendre. Je sais juste qu’il peut revenir comme ça, sans prévenir. »

« Donc il est quand même endormi. Le mieux serait qu’il replonge définitivement dans ce sommeil dont il n’aurait jamais dû s’extirper. »

« On ne peut pas faire confiance aux paroles de Tery, Séran ! Rien ne nous dit qu’il ne va pas finir par revenir définitivement ! On devrait plutôt aller là-bas et se préparer à en finir une bonne fois pour toutes avec lui. »

« Qu’est-ce qui pourrait se passer s’il se réveillait ? »

« Il continuera ce qu’il avait débuté la première fois : éliminer toute existence que ça soit à la surface ou sous cette dernière. Il en veut à toutes les races peuplant ce monde. »

Sérest avait répondu avec un certain air dédaigneux. Là encore, il était loin le moment où la femme ailée ne faisait que sourire tendrement. Comme si la personnalité de sa précédente forme reprenait le dessus.

« Et j’imagine que le fait que je puisse entendre sa voix ne me permet pas d’essayer de comprendre son mode de pensée et donc d’envisager de le calmer ? »

« Foutaises. Il vaut mieux éviter de croire de telles idioties. Cela ne mènera à rien de bon ! »

« Est-ce que tu es capable de communiquer avec lui, Tery ? »

La question posée par Séran laissa un léger flottement dans l’air. Le silence s’installa, Sérest ayant maintenant ses yeux rivés sur le jeune homme aux cheveux bruns, attendant sa réponse alors que Séran faisait de même. Converser avec Révix ?

« J’ai plutôt l’impression de ne que l’entendre. Je ne suis pas certain que je sois capable de faire de même. Je n’ai pas vraiment essayé… d’avoir une conversation avec lui. Il me donnait plus mal au crâne qu’autre chose. »

Il allait être honnête encore une fois. Même s’il sentait qu’il venait de donner une réponse décevante, autant ne pas mentir à ce sujet. S’il avait été capable de comprendre et parler avec le Dévoreur, il l’aurait fait depuis tout ce temps.

« Bon, on a visiblement perdu notre temps. Allons réunir les autres pour leur parler du Dévoreur et raconter son histoire. »

Ah… Sérest avait mis un terme définitif à la conversation. Bon ben… quand il fallait y aller.

Chapitre 53 : SA chair

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 53 : SA chair

« Elen ? Est-ce que tu veux bien m’adresser la parole ? »

« Pas réellement. Pas vraiment, oui. Mais à côté, je ne peux pas t’en empêcher, Tery. »

« Je sais bien mais… je n’ai pas envie que toi et moi soyons en froid même si ça serait amplement mérité en vue… de la situation. »

« Je préfère éviter d’en parler plus longtemps. Je crois que j’en ai assez entendu, Tery. Simplement, j’imagine que je me suis un peu bercée d’illusions. »

« Il ne faut pas dire ça, Elen ! Je… Enfin, je… »

« Tery, est-ce que c’était si bien que ça ? Ou peut-être pas assez ? Mais cela explique quand même pourquoi tu étais un peu distant, hier. J’imagine que tu t’es peut-être lassé de moi. »

« Oh non, non ! Elen, ce n’est pas ça. Je me suis senti fautif, et à raison, mais je ne voulais pas profiter de ça alors que tu ne savais rien, c’est tout. »

C’était aussi simple que ça mais le regard de dépit qu’elle lui lança en disait tellement long. Et lorsqu’elle l’accompagna de quelques mots, il sentait presque un poignard se nicher en plein coeur, surtout en vue de la pointe de tristesse qui en émanait :

« Et après ? Qu’est-ce que… cela aurait changé, Tery ? Maintenant que je suis au courant, est-ce que c’est un laisser-passer pour faire des choses avec elle ? »

« Je n’ai pas dit ça… Elen. Pas du tout. Je… Enfin, je ne veux pas que tu le prennes comme ça ! Ce n’était pas ça que je voulais et… Elen. »

« Tery Vanian. Tu es le père de notre enfant. Je sais qu’il est difficile pour les hommes de se retenir face à leurs pulsions mais… avec Manelena ? Non, je ne sais pas si c’est pire ou tant mieux… car c’est une personne proche de chez nous et digne de confiance. Enfin, du moins, je le croyais jusqu’à aujourd’hui. »

« Non ! Manelena est digne de confiance ! Ce n’est pas parce que… elle et moi, nous… Tu sais où je veux en venir, Elen. Manelena, je lui confierais ma vie, comme avec toi. Je ne peux pas te laisser l’insulter comme je ne peux pas envisager ma vie sans toi ! »

Alors qu’elle s’apprêtait déjà à réagir avec virulence aux propos de Tery, elle s’arrêta pendant quelques secondes, finissant par baisser les yeux. Elle chuchota :

« Comment ne pas considérer cela comme un mensonge, Tery ? »

« … Si tu en est à douter de ça, je crois que oui. Il vaut mieux plutôt patienter. Je serais patient. Je n’ai pas pu te voir pendant des mois et plus. J’étais si heureux de te revoir et de te retrouver. Mais je paye le prix de mes fautes. »

« Qu’est-ce que tu vas faire, Tery ? »

« Me concentrer sur ce que nous allons faire maintenant. Je vais me réunir avec les haut-gradés militaires. Il faut rassurer tout le monde vu que nous sommes deux armées réunies en une seule maintenant. Il risque d’y avoir des dissensions. Je vais me charger de ça. »

Et autant ne pas continuer à chercher à discuter. Personne ne gagnait dans cette affaire. Il valait mieux attendre un peu, en reparler plus tard. Il jeta juste un dernier regard à Elen puis hochera la tête comme pour signaler son départ, quittant la tente où il avait cherché à discuter avec elle. Manelena n’était pas loin, bras croisés. Loin de l’air sévère habituel, elle paraissait soucieuse, attendant que Tery lui explique comment tout cela s’était passé.

« Manelena… Peut-être que tu devrais aller lui parler, seule à seule. »

« Je ne suis pas certaine qu’elle voudra m’écouter, Tery mais… d’accord. Si tu penses que c’est pour le mieux, je vais aller le faire tout de suite. »

« Merci beaucoup, Manelena. Merci… vraiment pour tout. »

Il prit une profonde respiration, restant immobile pendant quelques secondes. Oui, il avait juste pris une bonne décision. Continuer à vouloir arranger les choses, c’était l’exemple parfait de ce qu’il ne fallait pas faire .Oui, il était coupable de tout ça. Mais vouloir se faire pardonner à chaque fois, cela accentuerait la culpabilité et rien de bon n’en sortirait..

Heureusement, en se rendant dans la tente où il allait pouvoir communiquer avec les autres membres de l’armée. Hmm… D’ailleurs, maintenant qu’ils étaient réunis, ils allaient devoir trouver un nom, n’est-ce pas ? Ah… Il était vraiment pas motivé sur le coup.

Chercher un nom lui rappelait celui de sa fille et indirectement de la dispute avec Elen. Il valait mieux se concentrer sur ce qui allait l’attendre. Se tournant vers Royan et Elise, il leur adresse la parole, calmement :

« Est-ce que vous pouvez me faire un petit bilan de vos objectifs futurs ? Enfin de ce vers quoi vous comptiez partir maintenant ? »

« Eh bien, nous étions normalement en train de travailler sur de nouvelles routes menant à la surface, non-contrôlées par les démons mais par nous. Pour Honoros, avec le fait que certains clans soient du côté des démons, on a eu quelques soucis mais sinon, nos projets progressaient plutôt bien normalement. »

« De notre côté, nous étions en train de remonter aussi à la surface. Disons que notre armée a eu quelques revers, des allers, des retours, bref de ce côté, c’est assez compliqué. De plus, avec quelques soucis du côté de l’empereur ou plutôt de ses enfants, on va dire que la situation n’est en rien arrangée. »

« Il va nous falloir plus de détails. D’ailleurs, nous avons réussi à extraire quelques informations des démons capturés. Il semblerait qu’ils étaient au service d’Hélyza et que d’autres étaient au service d’Haiktos. De ce que nous avons compris, ils avaient pour but d’éliminer l’autre groupe si cela devait dégénérer. J’imagine que les démons étaient au courant mais pas réellement les clans honoriens qui pensaient qu’ils formaient une seule et grosse coalition. » répondit Elisa après les remarques de Tery. Elle avait tourné son visage vers Royan comme pour avoir une confirmation visuelle de ses propos.

« Ce n’est pas aussi simple que ça mais dans les grandes lignes, on peut dire que ça correspond plus ou moins à ça. » compléta alors Royan en voyant bien qu’Elise n’avait plus grand-chose à dire. Ses propres paroles n’étaient pas forcément plus utiles en réalité. « Bon, ce que je veux dire, c’est que dans les faits, ces clans d’Honoros étaient autant en harmonie que lorsque les démons n’étaient pas présents. Leur alliance ne tenait qu’à un fil et il a suffit alors de le briser, en leur montrant qu’ils étaient loin d’être impressionnants pour que tout cela dégénère comme si de rien n’était. »

« Est-ce que nous pouvons rejoindre la conversation ? »

Une voix féminine que beaucoup reconnurent et voilà que les têtes se tournaient alors vers Sérest, accompagnée de Séran. Royan les invita à s’asseoir à leur côté, leur indiquant par là qu’ils pouvaient aussi prendre la parole.

« Merci beaucoup. Séran et moi avions principalement une question qui nous taraudait et je voulais donc savoir le point de vue de votre alliance maintenant que c’est : qu’est-ce que vous comptez faire par rapport aux démons ? Nous sommes responsables de l’ouverture des portes démoniaques mais cela n’empêche pas que vous pourriez les refermer si vous le désirez réellement. C’est pourquoi nous vous posons cette question. »

« De notre côté, en vue de la composition de notre-dite alliance, j’imagine que c’est plus ou moins assez visible, non ? Du moins, je crois que cela m’embêterait grandement en vue de ma relation avec Royan, hahaha. »

Il était vrai qu’Elise pouvait servir d’exemple par rapport à son amour envers Royan et inversement. Et il y avait d’autres cas dans l’armée, même avant qu’ils ne soient réunis avec les troupes de Tery. D’ailleurs, ce dernier regardait Sérest et Séran, longuement et sûrement avant de prononcer à son tour :

« De mon côté, je n’ai pas trop de possibilités. Si je veux revoir ma mère, mes grands-parents et autres, il me faut pouvoir me rendre à la surface hein ? Donc bon, j’ai bien appris aussi à connaître les démons et ceux comme Héraisty montrent bien qu’ils ne sont pas différents de nous. Donc oui, je ne compte pas tenter de bloquer les issus et autres. »

« Et j’imagine que tu as d’autres questions en tête à nous poser, n’est-ce pas, Tery ? »

À le voir réagir et se redresser sur place, ils savent parfaitement qu’ils visaient juste. Simplement, ils auraient pu attendre qu’ils soient en privé pour… Oui non, la dernière fois qu’il a discuté en privé, ça ne s’est pas bien passé, il valait mieux ignorer tout ça.

« Le plus important dans tout ça, c’est que nous avons réussi à réunir nos forces. Séparés, nous étions à la merci des autres armées mais maintenant, nous pouvons aisément remonter à la surface mais aussi installer divers camps souterrains. »

« C’est exact, Royan. C’est une bonne chose. Par contre, j’ai une petite question, parmi les personnes présentes, je vois qu’il y a de toutes les races, mais ces personnes sont celles qui dirigent une race spécifiquement ou alors, c’est plus… disparate. »

« Plutôt le second point, Tery. Il vaut mieux t’expliquer un peu plus en détails. »

Royan s’était mis alors à expliquer que sans que cela ne marche vraiment au mérite, les différentes gradés militaires ici présents étaient connus pour leurs sens tactique mais aussi pour leur diplomatie envers les autres races. Ainsi, chaque groupe de l’armée était composé des différentes races et d’ailleurs, Tery posa ses yeux sur un mékalarmien. Maintenant qu’il prenait le temps, n’était-ce pas la première fois qu’il en voyait un ici ?

« Oh… Je vois que tu as remarqué ces derniers. Ce sont des mékalarmiens portant les lignes de Zélisia. Ils sont donc très rares. »

« Difficile de dire ça quand ils sont les seuls mékalarmiens à être présents dans notre armée, n’est-ce pas ? Mais comment se fait-il qu’ils soient là ? »

« Eh bien.. .Disons que chez eux, il est peut-être bon de t’expliquer au sujet des mékalarmiens. Je ne sais pas si tu as été mis au courant sur leurs méthodes pour combattre les démons. Assez horrible en soi. »

Et encore d’autres informations. Ce n’était pas juste question de sacrifice mais aussi de mutilation de mékalarmiens en les gardant vivants pour utiliser plusieurs parties de leurs corps comme catalyseurs magiques et autres atrocités. Bien entendu, ils arrivaient à régénérer leurs membres tant qu’ils étaient en vie et grâce à la magie de Zélisia mais cela n’empêchait pas qu’au bout d’un moment, ils finissaient complètement brisés.

« Et lorsqu’ils sont brisés, ils ne sont plus utilisables, c’est ça ? »

« C’est du barbarisme et je ne peux pas supporter ça. Quand ces mékalarmiens sont venus nous voir, nous avons décidé de les accepter. Ce n’est pas qu’ils n’ont aucun… mépris envers les démons, mais celui envers leur propre race est bien plus fort maintenant. »

« Et surtout, depuis que nous avons appris à connaître les démons comme les autres races, nous avons remarqué à quel point beaucoup d’entre nous étaient dans l’erreur. » siffla doucement le lézard humanoïde aux écailles blanches. Oui, même s’il venait de couper la parole à Royan, cela ne sembla pas le déranger plus que ça, loin de là même.

« C’est exact. On va dire que des décennies voire des siècles de réclusion et d’enfermement n’ont pas aidé les esprits mékalarmiens à s’éveiller. Même si certains d’entre eux prenaient quand même ce risque, ils étaient reniés de leurs pays ensuite. Et pareil pour leur descendance. D’ailleurs, petite précision à ce sujet : il n’était pas rare qu’un mékalarmien « pur souche » cherche à abattre d’une manière ou d’une autre un mékalarmien qui avait quitté Mékalarma. Oui… Très sympathique, n’est-ce pas ? »

« Vraiment… Je ne pensais pas que ça se passait ainsi. Après, je ne suis pas là pour juger les autres races. J’ai parcouru ce monde en quelques années et j’ai rencontré de toutes les espèces mais en vue de ce que je suis moi-même et des ennuis causés, je serais très mal place si je devais alors commencer à me plaindre pour un oui ou pour un non. »

« Là n’est pas le sujet. Mais bref, voilà donc les explications sur la présence de nombreux haut-placés militaires dans cette tente, Tery. »

« On a tellement de sujets à discuter…. Je peux en savoir plus sur l’avancée du chemin ? »

« Avant que vous n’arriviez pour nous sauver la mise ? Hmm… Eh bien, tout d’abord, heureusement que vous étiez là, ensuite, cette attaque nous a permis de faire une certaine… purge dans notre armée, en vue que les traîtres n’ont pas hésité à se dévoiler dès qu’ils ont vu que nous étions en difficultés, il ne doit plus en rester beaucoup. De plus, avec vous maintenant dans les environs, il ne devrait plus y avoir de soucis de ce côté. Je pense qu’ils se tiendront tranquilles… »

« Et si ce n’est pas le cas… » commença à dire Manelena sur un ton doux mais plus que menaçant, certains haut-gradés déglutissant, qu’importe s’ils avaient juste un peu moins de grade qu’elle sur le terrain actuel. Elle était arrivée une dizaine de minutes après Tery.

« Si on peut passer à l’essentiel, du moins, le chemin ? Merci beaucoup. »

Pas qu’il était énervé ou agacé, mais peut-être juste un peu. En réalité, il s’emportait simplement à cause de toute l’histoire avec Elen. Il voulait éviter de le montrer mais… c’était vraiment très difficile. Rester calme et… Hmm ? Manelena le regardait de ses yeux rubis. Oui, ne pas montrer cela aux autres.

« Bon… D’accord, d’accord. Nous avons assez tergiversé, c’est vrai. »

Le jeune homme aux cheveux bleus était pensif, observant brièvement Tery puis Manelena. L’allure générale du premier montrait bien que quelque chose de mauvais s’était passé entre lui et Elen. La seconde, quant à elle, passait bien plus de temps à regarder Tery qu’à son habitude, signe que cela avait aussi un rapport avec elle.

« Pour le chemin, le plus difficile est de bien travailler les fondations. Nous avons quelques personnes très douées dans la magie de terre mais pas aussi imposantes que toi, Tery. »

« J’imagine que votre problème réside dans le fait que vous avez peur que tout s’écroule. Travailler la terre et ensuite la solidifier… pour créer des piliers assez stables qui supportent le tout… Vous avez aussi prévu plusieurs chemins qui mènent à une seule et même sortie ? »

« Hum ? Comment ça, Tery ? » demanda Royan, tout le monde s’étant tourné vers le jeune homme aux cheveux bruns, celui-ci clignant des yeux. Il était aussi étonné qu’eux sur le fait que tous apportent leur attention sur lui.

« Eh bien, si un chemin s’écroule, qu’un autre soit disponible, voire plusieurs autres, pour que la route reste accessible. Bien entendu, il faudra une vérification accrue à la sortie puisqu’elle sera unique mais sinon, cela ne me semble pas si étrange que ça non ? »

« Non, non. Tu as d’autres idées en tête ? »

« Hmm… Eh bien, mes golems ne sont pas éternels, je veux dire, à part Clari qui me pompe ma magie en continu même si depuis, ça va mieux. Mais je pourrais les utiliser pour vous épauler, surtout pour permettre à atteindre et maintenir des plafonds le temps que l’on préparer les piliers, cela fera un sacré gain de temps non ? Au lieu d’avoir plusieurs installations à monter et démonter à chaque fois, les golems n’auront qu’à se déplacer. Par contre, cela veut dire que je pourrais n’aider que sur un chantier, pas plusieurs à la fois. Sauf si ces chantiers ne sont pas trop éloignés. »

C’était bien le genre de question sur laquelle il aurait dû travaillé depuis des années. De combien de mètres était sa portée avec un golem ? De même, est-ce qu’il pouvait communiquer avec lui s’il ne le voyait pas directement ? Pouvait-il voir avec les yeux de son golem ? Tellement de questions arrivaient dans sa tête à cet instant !

« Je suis désolé mais je crois que j’ai quelque chose d’important à faire ! »

Il s’était relevé rapidement, s’excusant après être parti. Il allait faire des tests ! Les livres, il avait toujours les livres avec lui ! Et les différents golems, ce n’était pas important. Ce n’était pas sur la constitution d’un golem qu’il voulait travailler mais sur le lien avec ce dernier. Et en pensant à Clari, il savait parfaitement que ça devait être réalisable !

« Tery, Tery ! Hey, tu es parti comme une flèche ! »

Ah ! La voix de Manelena ! S’arrêtant alors qu’il avait déjà quitté la tente depuis quelques mètres, il attendit qu’elle arrive à sa hauteur avant de lui répondre :

« Oui, pardon encore, Manelena. J’ai eu une idée et j’ai envie de la mettre en place tout de suite. De toute façon, je n’ai pas le choix. »

« Je sais bien qu’avec Elen, c’est assez compliqué mais… j’ai tenté et maintenant, je ne peux que la laisser décider par elle-même. »

« Merci, Manelena, c’est plus que suffisant. Je pense qu’en me concentrant sur ce que j’ai en tête, cela devrait aller. Je vais travailler comme un forcené et on verra ce que ça donnera. »

« Hmm… Tu es sûr que ce n’est pas pour te dédouaner ? »

« Pas vraiment. J’ai lancé un sujet sur les golems et maintenant que j’y repense et que je n’ai pas besoin d’être le soutien de toute une armée grâce à tout le monde, je vais pouvoir me concentrer sur les golems ! »

« D’accord. Et tu veux te concentrer comment ? Tu peux m’en dire plus ? »

« Je veux bien mais ça sera par rapport à mes livres. J’aimerais voir si j’arrive à voir avec les yeux de mon golem… voire même à le contrôler directement. Je ne sais pas du tout comment imaginer ça mais peut-être que ces livres m’en diront plus. Je veux voir aussi si je peux leur donner des ordres et à quelle distance ils peuvent aller jusqu’à ce qu’ils ne m’obéissent plus et surtout quel serait le résultat d’un abandon de contrôle. Est-ce qu’ils disparaissent ? Deviennent fous ? Je ne sais rien de tout ça en réalité ! »

« Tery… Tu ne vas pas trop en faire ? »

« Tu me connais, non ? Je ne suis pas comme ça, Manelena. » répondit le jeune homme dans un grand sourire alors qu’elle fronçait presqu’aussitôt les sourcils, pas du tout rassurée.

« Justement, que trop bien. Tery, je ne pourrais pas récupérer les morceaux si tu foires une nouvelle fois. Après, cela peut être une méthode comme une autre pour qu’Elen se focalise sur toi malgré ce que nous avons fait, toi et moi. »

« Ce n’est pas vraiment une méthode ou autre. Simplement, les golems, j’ai un peu occulté ces derniers depuis le temps… mais je veux arranger ça. »

« Tu ne devrais pas plutôt te focaliser sur régler tout ça avec Elen ? »

« Je pourrais, je le voudrais, mais non, il vaut mieux que je tempère. Tu sais très bien à quel point Elen m’aime et inversement. Mais elle, son amour, elle l’exprime vraiment de façon très… impressionnante dira t-on. »

« Non. Depuis cet incident à Omnosmos, elle s’est justement calmée et elle est bien plus modérée qu’auparavant, Tery. »

« Je le sais très bien mais… hum… Je veux juste avoir quelque chose à faire. Je crois que si je me tourmente à chercher cinquante mille solutions pour régler ce problème, je vais faire encore plus de mal aux personnes autour de moi qu’autre chose. Je ne veux pas ça. »

« Il suffirait tout simplement de n’avoir plus aucune relation de ce type avec moi, Tery. »

« Et donc, de te laisser en arrière et souffrir comme auparavant. C’est moi qui a accepté, d’une manière ou d’une autre, d’avoir un tel rapport avec toi. Je ne veux pas porter toute la souffrance des deux mondes mais ça ne change pas que pour moi, tu es beaucoup trop importante pour que l’une de mes actions te fasse souffrir. Je ne sais pas comment quand mais je trouverais une solution dans le futur. »

« Tu es beaucoup trop naïf, comme à ton habitude mais… on sait aussi bien l’un que l’autre que c’est pour ça que je t’aime et il en est de même pour Elen. »

Il resta interdit pendant quelques secondes, la regardant comme s’il avait vu un fantôme. Clignant des yeux, elle mit plusieurs secondes à son tour avant de dire :

« Eh bien euh… Qu’est-ce qui se passe avec toi, maintenant, Tery ? »

« Non, c’est juste que je ne suis pas forcément habitué à ce que tu le dises à voix haute. »

« Je n’ai plus aucune raison de le cacher. De toute façon, les gens de notre portion de notre armée le savent. Et d’ailleurs, j’imagine que beaucoup d’entre eux doivent nous juger. »

« Je n’en suis pas si certain que ça en réalité. Je te rappelle que pour les démons, cela ne les dérange pas d’avoir plusieurs maîtresses ou amants ? »

« Oh, tu sais, à la surface, c’est la même. Rien ne l’interdit, c’est peut-être juste mal vu par certaines personnes ou communautés, rien de plus, rien de moins. »

« Mais je ne suis pas… Ah… Je vais voir Clari et prendre mes livres sur les golems. »

Il valait mieux aussi écourter cette conversation. Elle n’avait que trop durer et surtout, il allait s’en vouloir plus qu’autre chose. Il en était sûr et certain. Lui qui avait été si heureux de retrouver Elen était maintenant en train de mettre à nouveau de la distance avec elle. Il n’y avait donc vraiment rien qui pouvait aller pour le mieux dans ce monde entre lui et Elen ?

Chapitre 52 : De longues explications

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 52 : De longues explications

« Ah… Qu’est-ce que ça a fait du bien de pouvoir fêter un tel évènement. »

« Même si dans les faits, on ne doit pas oublier qu’il y avait aussi un hommage, c’était une belle chose. Bon… Comme les tentes ne sont pas encore préparées, j’imagine que je vais aller dormir dans la mienne, Elen. Dors bien, on se revoit demain. »

Il avait embrassé aussitôt la jeune femme aux cheveux blonds, celle-ci se laissant faire tout en venant chercher sa main. Avec amusement et en l’empêchant de s’éloigner, elle arrêta le baiser pour murmurer :

« Tu ne comptes quand même pas t’enfuir maintenant, Tery ? Qu’est-ce que nous avions dit, toi et moi ? Pendant cette fête ? »

« Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Nous n’avons rien préparé et je pense que ça serait plus catastrophique qu’autre chose. Je pense que c’est déconseillé et… »

« Si tu penses que je vais manquer de place, nous n’aurons qu’à nous serrer, toi et moi… toi contre moi et inversement. »

Elle se fait un peu enjôleuse et câline. Elle a de la suite dans les idées mais pourtant, le jeune homme aux cheveux bruns tente de se montrer imperméable à tout ça ou presque. Il a du mal, beaucoup de mal… à résister et il sentait qu’il n’allait pas tenir très longtemps.

« La proposition est intéressante, très intéressante mais au cas où, je préfère te prévenir. Je ne suis pas certain que pour les câlins, c’est mieux… »

« De ne pas en faire, n’est-ce pas ? Enfin, pas plus que ce que la décence ne veuille. »

Elle disait cela avec une petite pointe de tristesse mais elle retrouva bien vite le sourire, montrant par là qu’elle n’était pas le genre de femme à se plaindre de la situation. Non, mais il était hors de question qu’ils dorment séparément ce soir.

« Je veux juste que tu viennes avec moi, Tery. Te sentir contre moi n’est pas trop te demander, non ? Nous sommes d’accord, n’est-ce pas ? »

« Nous le sommes, oui. Je veux bien… Alors, il faut y aller. »

Est-ce qu’il attendait demain matin ? Maintenant qu’il avait la promesse de ne pas profiter de la situation ? Car cette histoire le tiraillait. Plus qu’il ne l’aurait jamais cru. Il ne savait pas pourquoi exactement. Du remord ? C’était sûrement ça… mais l y avait autre chose, de plus profond. Un malaise.

« J’ai vraiment l’impression que tu me caches tes soucis, Tery. Tout ne s’est pas si bien passé que ça avant que nous n’arriviez jusqu’à nous ? »

« Comment est-ce que tu l’as deviné, Elen ? Enfin, c’était bien avant. Dans la capitale démoniaque et tout le reste. Je pense qu’il faudra que je vienne t’en parler plus en détails… mais peut-être demain matin, d’accord ? »

« Demain matin, oui. Car tu dois être vraiment exténué par tout ça. Vous avez beaucoup voyagé et vous avez ensuite combattu et… »

« Vous n’êtes pas forcément mieux logé hein ? Mais oui… Allons-y. »

Il se répétait comme pour se donner du courage. Il ne pouvait reporter cela indéfiniment. Non, en réalité, il s’était même convaincu qu’il allait régler ça dès demain. Mais comment emmener sur ce sujet épineux ? Et tout le reste. Déglutissant, il rentra à nouveau dans la tente en même temps qu’elle.

Elle n’avait pas changé en quelques heures et pourtant… pourtant… tout semblait si différent. Il entendait la respiration de Klary, leur enfant, qui dormait paisiblement dans un coin de la tente et il sentait la main gauche d’Elen qui tremblait dans la sienne.

« Bon, ne tardons pas plus longtemps, hein ? L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. »

« Ou ceux qui se lèvent en vie, Elen. » compléta le jeune homme aux cheveux bruns avant de tout simplement faire un petit rire.

« C’est vraiment sinistre e que tu viens de dire, Tery ! »

« Et pourtant, c’est réaliste, Elen. Dans l’armée, tu ne sais jamais si tu verras le lendemain, non ? Ce soir aurait pu être ton… qu’est-ce que je raconte, moi ? Pardon Elen, pardon, pardon, pardon. Je ne voulais pas ! »

Il avait tenté de faire la conversation et voilà le résultat. Il était franchement pas très doué avec elle hein ? Elle tremblait de plus, sanglotant même en bafouillant :

« C’est … C’est vrai… j’ai faillit mourir ce soir. Klary aussi. Sans vou, je… je n’étais pas sûre que nous aurions survécu. Et si c’était arrivé, je ne sais pas si je m’en serais remise… de ne pas t’avoir retrouvé après tout ce qui s’était passé. »

Quel imbécile ! Mais quel imbécile ! Il l’embrassa une dizaine de fois, caressant ses hanches, son dos, son visage, maintes fois, allant la traîner jusqu’au lit qui ne permettait réellement qu’une seule personne.

Très vite, les habits tombèrent au sol et les promesses se dissipèrent. Elle étouffait ses cris comme lui alors qu’il se chargeait de la rassurer de la plus belle des façons entre un homme et une femme qui s’aimaient l’un et l’autre.

Ils s’étaient étreints, sans s’arrêter, recommençant plusieurs fois malgré la fatigue qui vint les envahir l’un et l’autre après une première séance d’embrassades. Enfin, lorsque l’un comme l’autre n’avait plus la force de bouger et de se mouvoir, Tery avait alors insisté pour qu’Elen se place contre son coeur, leur respiration haletante.

« Fais de beaux rêves, Elen. Je serais toujours là, à tes côtés. Tu peux dormir en paix. »

« Je sais maintenant que tu es à mes côtés, Tery et que tu m’aimes comme au premier jour. » chuchota t-elle avant de sombrer dans le sommeil, rapidement rejointe par son aimé.

Le lendemain matin, personne ne vint les déranger, sauf une petite voix qu brailla. Alors qu’Elen allait se lever, Tery l’avait retenue, l’embrassant sur le bord des lèvres tout en lui disant d’une voix tendre :

« Je vais prendre mes fonctions de père dès maintenant, non ? »

« Tu pourrais la border mais… je pense que pour cette fonction, seule sa mère peut s’en charger. » répondit-elle dans un petit rendre avant de se redresser pour se mettre assise, laissant sa poitrine nue paraître à l’air libre.

Comme s’il avait compris ce qu’elle voulait dire par là, Tery récupéra le bambin avec une extrême tendresse, finissant par l’emmener à sa mère qui vint lui donner aussitôt le sein. Poussant un petit gémissement, elle murmura :

« Elle commence aussi à faire ses dents, Tery. Mais pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ? Tu as l’air un peu béat. »

« Je me dis simplement que j’ai le plus beau des tableaux devant les yeux et que je suis le seul à pouvoir l’admirer. »

« Et oui, tu es un petit privilégié. J’espère que tu arrives à t’en rendre compte, Tery ? »

« Grand privilégié même. » murmura Tery avant de se mettre assis à côté d’elle. Encore une fois, ce n’était pas le moment mais peut-être qu’après le repas de la petite, ils allaient pouvoir discuter, elle et lui ? Hmm… Il réfléchissait s’il devait emmener le sujet devant Manelene aussi ou non. Comme elle était concernée, ça ne serait pas étonnant.

« Et voilà, est-ce que tu veux la prendre dans tes bras à nouveau, Tery ? Le temps que je me rhabille correctement ? »

Mais c’était avec joie ! Sans même lui permettre de douter de sa réponse, il était déjà venu récupérer l’enfant pour le poser contre son épaule, tapotant doucement son dos jusqu’à ce que le bruit caractéristique d’un bébé en bonne santé se fasse entendre après son repas.

« Voilà, Tery. Nous pouvons sortir. Par contre, est-ce que tu veux garder Klary avec toi ? »

« J’ai perdu une année sans l’avoir dans mes bras. Cela serait la moindre des choses que de vouloir rattraper le temps perdu avec mon enfant. Donc ne t’en fait pas, Elen, oui, je vais la prendre et oooh… Bon ben, je vais aussi me charger de ça. »

Il semblerait qu’il faille aussi changer son linge. Par contre, pour l’occasion, il allait avoir besoin de l’aide d’Elen car il n’y connaissait rien du tout. Hors de la tente, quelques soldats les regardèrent tous les deux, Elen conseillant à Tery les diverses choses à faire pour éviter d’abîmer la peau de leur enfant tout en le nettoyant correctement.

« Pfiou, il faut quand même reconnaître que c’est assez épuisant. »

« Et tu envisages alors ça tous les jours, plusieurs fois par jour ? Hahaha… Je ne pensais pas que j’aurais un enfant et pourtant, le voilà devant mes yeux… avec mon homme. »

Son homme. Cela sonnait si doux à ses oreilles et il ne pouvait s’empêcher de sourire. Pourtant, il sentit un regard se poser sur eux, un plus appuyé que les autres. Très vite, il remarqua que Manelena les observait, sans son casque, sans même son armure de métal noir dont elle avait tant l’habitude.

« Manelena ! Tu peux venir s’il te plaît ? »

C’était lui qui avait prononcé ces mots. Aussi surprise que la jeune femme blonde à ses côtés, celle aux yeux rubis s’avança jusqu’à eux, arrivant à leur hauteur bien vite.

« Qu’est-ce qu’il y a Tery ? Pourquoi est-ce que tu voulais me voir ? »

« Je voulais te parler, ainsi qu’à Elen, si tu as quelques minutes devant toi. »

Aussitôt, il remarqua qu’elle venait de se raidir. Elle qui cachait si facilement ses émotions, laissait paraître une certaine nervosité et appréhension. Elle était dans le même état d’esprit que lui. Mais plus profondément, il avait presque… la sensation qu’elle lui était reconnaissante. Il ne savait pas de quoi mais oui, il y avait de la reconnaissance.

« B… Bien, d’accord. Tery, je veux bien. Mais tu veux en parler ici ? »

« Est-ce que les alentours du campement sont sécurisés ? Et Elen, est-ce que je peux confier Klary à la nourrice ? Car je voudrais que tu viennes aussi. »

Voilà qu’elle le regardait avec suspicion, finissant néanmoins par acquiescer à ses deux demandes. Elle récupéra l’enfant,, observant Tery et Manelena pendant quelques secondes avant de s’éloigner.

« Tery, est-ce que tu vas… »

« Autant percer l’abcès tout de suite. J’ai bien remarqué que ça te faisait souffrir beaucoup trop à mes yeux… et ce n’est pas à toi de subir ça à cause de mes frasques. »

« Tery, ce n’est pas ça, pas du tout. Je veux dire que… je ne regrette rien. J’ai fait ce que j’avais envie de faire. La question qu’il faut se poser, c’est : Et toi ? »

« C’est bien plus compliqué que je ne le pensais… et je ne peux pas tirer un trait sur tout ça en ignorant ce que nous avons fait. C’est pour ça que je veux en parler à Elen dès maintenant. »

« D’accord, Tery. … … … Merci Tery. »

Une voix étonnamment douce de sa part. Une part d’elle qu’il ne lui connaissait pas. Il avait l’impression d’entendre une Manelena qu’il n’avait jamais encore connue auparavant. En la regardant brièvement, elle était rouge aux joues et était comme intimidée.

« Il n’y a pas de quoi, Manelena. On ne doit pas vivre avec nos regrets. Je me suis déjà excusé envers toi, plusieurs fois. Maintenant, je dois le faire envers Elen. »

« T’excuser de quoi donc, Tery ? Je suis de retour. »

« De quelque chose qui nous concerne, tous les trois. »

Et le voilà maintenant en train de prendre le chemin menant à l’une des sorties du campement. Sans un regard vers les personnes autour d’eux, Tery prenait les devants pour emmener Elen et Manelena loin de tout ça, à une distance telle qu’il était certain que personne n’allait pouvoir les entendre.

« Voilà, je crois que ça devrait aller. Bon… Elen, il faut que je te raconte comment tout ça s’est passé à la capitale démoniaque. Comment les non-démons étaient traités et ainsi de suite. En reprenant depuis le début, tu comprendras et… je dois aussi te révéler des choses. »

Oui. Ce n’était pas en édulcorant tout ça qu’il allait arranger le tout, il le savait bien… mais au moins, il aurait l’âme en paix. Bon… Il devait commencer par comment avait été accueilli l’armée démoniaque lorsqu’ils étaient revenus.

Il ne cachait rien, rien du tout. Comment cela avait emmené à la mort d’un non-démon, la vision des nobles et des gens de la capitale sur les races de la surface. Comment Manelena avait joué le rôle de son esclave, comment il avait commencé à perdre la tête, à devenir peu à peu fou, surtout en apprenant la vérité sur ses origines.

« Un jour, Tery a vraiment perdu les pédales et… »

« Manelena, je préfère que ça soit moi qui raconte. C’est ma responsabilité. »

« Une responsabilité se prend à deux, Tery, surtout dans cette situation et… »

« J’ai tout simplement violenté Manelena et violé cette dernière. »

C’était dit. C’était fait. Maintenant qu’il le disait à voix haute, de façon « officielle », il reconnaissait encore plus l’horreur qu’il venait de proférer. Il avait violé la reine de Shunter, il avait violé une femme avec qui il avait été proche depuis des années, une amie et…

« C’est sérieux, n’est-ce pas ? »

La voix d’Elen était si faible, on pouvait à peine l’entendre. Pourtant, Tery comme Manelena avaient parfaitement entendu ses propos, les uns après les autres. Le jeune homme regarda la demoiselle aux cheveux argentés, disant :

« C’est plus que sérieux. Même si je n’étais pas dans mon état normal, j’ai agi comme un monstre, comme un démon. Je n’étais pas moi-même, j’ai griffé et blessé Manelena en de nombreux endroits et… »

« Tery, est-ce que tu te rends compte ? De ce que tu as fait ? Est-ce que tu… comprends ce que ça veut dire ? »

« Je vais arrêter ça tout de suite avant que tu ne prennes tout le blâme pour ma personne, Tery. Je ne vais pas te laisser te sacrifier sans rien à côté. Elen, même s’il est vrai que Tery n’était pas lui-même en de nombreuses fois à cause du Dévoreur, tu dois savoir que… »

« Ce n’était pas vraiment un viol si tu étais consentante, c’est ça ? »

Elle avait coupé la parole à Manelena, avec froideur, les yeux bleus d’Elen devenant rouges pendant un bref instant avant de reprendre leur couleur initiale. Prise en défaut, Manelena mit quelques instants, reprenant contenance pour lui répondre :

« C’est exact. Je ne l’ai jamais cachée, du moins à toi et au reste de mon entourage. Si je pouvais l’aider à retrouver ses esprits tout en ayant enfin son corps, je faisais d’une pierre, deux coups. Et surtout, j’ai profité de sa culpabilité pour recommencer plusieurs fois en prétextant que c’était pour éviter qu’il ne replonge. »

« Qu’est-ce que tu racontes, Manelena ?! Maintenant, c’est toi qui… »

« ASSEZ TOUS LES DEUX ! » coupa sèchement Elen en criant. « Vous êtes tous les deux responsables et coupables dans cette situation ! Vous pouvez baratiner ce que vous voulez, ça ne changera rien à la situation ! »

« Elen, je… » commença à dire Tery, la femme aux cheveux blonds tournant son visage vers lui, reprenant en hurlant :

« TAIS-TOI AUSSI ! Je ne veux rien entendre, Tery ! Pas de ta part ! Aucun de vous deux n’est plus une victime que l’autre, c’est compris ?! Et moi, dans tout ça ?! Alors que j’étais en train de me morfondre et quand te revoyant enfin, je pensais que tout allait enfin être résolu ! Que j’allais enfin t’avoir à mes côtés mais maintenant, en plus de me planter en plein ventre à Omnosmos, c’est un coup de poignard en plein coeur, c’est ça ?! »

Il se décomposait sur place. La réaction d’Elen était légitime. Qu’importe les circonstances, il y avait eu adultère et il ne pouvait pas le nier. Mais maintenant que le mal était fait ? Comment est-ce qu’elle allait faire ? Comment devait-elle réagir ?

« Manelena, le pire dans tout ça, c’est que tu étais pleinement consciente de ce que tu faisais. Tu ne t’es jamais posée de questions et… »

« J’ai le droit de l’aimer autant que toi, Elen ! Même si ce n’est pas comme ça qu’une reine devrait se tenir envers son peuple et… »

« Ou une amie envers une autre ! Il n’est pas question de royauté, démon ou autre ! Il est question du fait que tu savais que Tery et moi avions un enfant ! Tu savais ce que ça représentait ! Tu savais tout à notre sujet ! »

« Je le reconnais amplement, Elen. Mais si tu veux être rassurée, mon but n’est pas de briser votre couple, loin de là. »

« Je le sais ! Je sais parfaitement tout ça ! Je le sais mais… C’est rageant. Vraiment rageant… de savoir que pendant que je me morfondais dans mon coin, vous étiez tous les deux… »

Elle ne termina pas sa phrase, serrant les poings alors que son visage s’affaissait en direction du sol. Elle n’arrivait pas à compléter ce qu’elle voulait dire. Les deux personnes en face ne firent aucun geste, baissant les yeux à leur tour. Il avait daigné lui dire la vérité, mais est-ce que cela avait été le bon choix ? Il n’en savait rien du tout.

« Elen… Est-ce que je peux… faire quelque chose ? »

« Non. C’est bon. » répondit Elen, ayant fermé ses yeux, relevant son visage. Prenant une profonde respiration, sa poitrine se soulevant sur le moment, elle reprit d’une voix qui se voulait calme : « Ce n’est pas… comme si c’était avec n’importe qui. Ce n’est pas comme s’il n’y avait aucun sentiment derrière tout ça, non ? »

« S’il faut le répéter, je le ferais, Elen. » déclara Manelena même si elle n’en menait pas large par rapport à d’habitude. « Je ne sais pas du côté de Tery mais… »

« Tu es la seule avec qui ça arriverait, Manelena. »

Là aussi, il se montrait formel, quitte à finir d’achever la jeune femme aux cheveux blonds mais… il voulait vraiment que tout soit résolu aujourd’hui, à cet instant précis. Les yeux d’Elen se rouvrirent, d’un rouge flamboyant, posés sur Tery et Manelena.

« Tery, Manelena. Est-ce que vous comptez recommencer dans mon dos ? Sans que je ne sois au courant ? Soyez honnêtes. »

« Si j’en ai la possibilité, je ne m’en cacherais pas, Elen. Mais pas dans ton dos, tu le sauras. »

Elen eut un petit rictus de colère aux propos de Manelena. Sourire pincé, elle lui demanda :

« En quelque sorte, tu es en train de me demander l’autorisation d’être la maîtresse de Tery alors que tu es la reine de Shunter, c’est ça ? »

« Non pas en tant que reine de Shunter, ni même maréchale de son armée, mais simplement en tant que femme, voilà tout. »

Qu’est-ce qui était en train de se passer ? Il n’était pas certain qu’il avait voix au chapitre mais surtout, est-ce que vraiment… Non. Il valait mieux se taire et attendre de voir comment tout cela allait se tasser. Il n’était pas certain qu’ouvrir la bouche à cet instant soit conseillé.

« Je crois… qu’il vaut mieux que j’aille retrouver ma fille, Manelena. »

« Tout n’est pas à décider en une journée, oui. Mais maintenant, tu es au courant de tout ce qui s’est passé. Que cela soit dans la sphère publique comme privée. Il faudra aussi que vous nous parliez des évènements de votre côté. »

« Cela attendra un autre jour ou plus tard dans la journée. Je crois que je suis déjà fatiguée alors que nous sommes en pleine matinée. »

« Euh, attends-moi, Elen ! » s’écria Tery en voyant la jeune femme aux cheveux blonds prendre le chemin du retour.

Très vite, Tery avait rejoint Elen, celle-ci ne lui adressant pas la parole, Manelena poussant un profond soupir. Du courage, ils en avaient eu… mais cela n’avait rien changé sur la gravité des évènements. Comment est-ce que leur relation allait se porter maintenant que la vérité avait éclaté et cela dès le lendemain de leurs retrouvailles ?

Chapitre 51 : Réunis pour de bon

ShiroiRyu
Les derniers articles par ShiroiRyu (tout voir)

Chapitre 51 : Réunis pour de bon

« Vous en avez assez ou vous en voulez encore ? »

« Bordel, ce n’était pas vraiment prévu que ça arrive aussi vite, tout ça ! Qu’est-ce qu’on fait ? On applique le plan ? »

« Je voudrais bien mais je ne sais pas si nous sommes encore assez pour ça. J’ai vraiment pas envie de mourir de mon côté, je dois t’avouer ! »

Les démons se regardaient entre eux, observant les honoriens qui les accompagnaient, blessés et haletants. Puis leurs regards se posèrent sur Manelena qui était arrivée, tandis qu’autour d’eux, de nombreux cris se faisaient entendre.

« Oui, on peut le dire que la situation n’est pas vraiment à notre avantage, ouais. »

« Bon… Ben, on va appliquer alors la solution qu’elle nous avait donnée. On a ce qu’il faut au cas où ? On sait pas trop comment ils vont réagir. »

« Bah ! C’est pas notre problème ! Allez zou, tu peux le lancer ! »

Elles n’avaient aucune idée de ce qu’ils préparaient. Les deux démons qui discutaient entre eux ignoraient superbement Manelena et Elen, celles-ci étant occupées avec les honoriens qui continuaient de se battre jusqu’à la mort. Même s’ils étaient capables de trahir leur propre race, ils n’hésitaient pas dans ce qu’ils accomplissaient, jusqu’au bout.

Ou alors, était-ce la peur de subir le même sort que leur camarade qui avait eu la gorge tranchée quelques minutes ? Les deux femmes ne s’en préoccupaient pas. Ils avaient tenté de s’en prendre à elles, ils devaient donc en payer le prix… de leurs morts.

« Bon sang… Vraiment ? Ils avaient que ça en tête ?! »

Manelena avait crié en remarquant enfin ce que les démons venaient de préparer. Celui qui tenait une étrange fiole l’avait subitement jeté sur son compère, celui-ci poussant un cri de surprise en l’insultant de tous les noms. Mais très vite, il avait été alors projeté en avant, au beau milieu des honoriens qui étaient leurs alliés. Ces derniers s’étaient retournés pour regarder ce qui se passait, ayant un soubresaut de dégoût et d’horreur en voyant le démon qui avait reçu la fiole en train de se déformer.


Oui des morceaux de chair sortaient de son être, prenant la forme de nombreuses mains pointues et griffues, son visage comme le reste de son corps ayant peu à peu l’apparence d’un amalgame n’ayant plus aucune réelle consistance physique. La seule chose qui intéressait l’immondice de chair était d’emporter tout sur son passage, le faisant sur les honoriens qui étaient les plus proches victimes.

« Qu’est-ce qu’ils ont foutu ? C’était quoi ça ?! On doit lutter comment contre ça ? »

« Je vous le jure. Heureusement que nous étions au courant qu’ils avaient des trucs du genre avec eux ! LES GARS ! BALANCEZ TOUT CE QUE VOUS AVEZ EN TERME DE FLAMMES ET GLACES ! »

Manelena avait crié juste à côté d’Elen, celle-ci faisant une mimique en gémissant de douleur. Elle ne s’était pas attendue à un tel cri mais ce n’était pas comme si elle avait son mot à dire à ce sujet ! Elle ne comprit pas tout der suite avant de voir un déluge de flammes de toutes sortes mais aussi de pieux de glace s’abattre sur l’amas de chair en mouvement.


Les secondes s’écoulèrent, des pans entiers de chair tombant au sol en même temps que d’autres gelaient sur place, se brisant, morceaux par morceaux. En moins d’une minute après que le monstre se déplaçait, il ne restait plus rien de ce dernier. Alors que la dangerosité de la chose aurait causé des problèmes colossaux, la réaction de Manelena avait été aussi rapide et vive que l’éclair.

« Je vais finir par me dire que ton rôle de maréchale n’était pas volé. »

« Tsss. C’est comme ça que tu envisages nos retrouvailles, Elen ? J’imagine que je dois éviter de t’emmener jusqu’à Tery alors. »

« Ah non non ! Tu savais bien que je plaisantais et que… Ah ! Tu faisais de même hein ? » dit la jeune femme, comme pris en défaut par rapport aux propos de Manelena, celle-ci ne faisant qu’un petit sourire avant de reprendre :

« Bon bon bon… J’imagine que Tery devrait arriver rapidement par ici. Il doit sûrement s’inquiéter à cause de mon cri. »

Oui. Elle se montrait taquine mais Elen le méritait. Pourtant, comme si de rien n’était, elle fit un pas en arrière avant de signaler qu’elle partait en direction de la tente où se trouvait la fille d’Elen, allant discuter avec la femme que l’on pouvait considérer comme nourrice. Elen, de son côté, l’avait juste regardé faire ça , un peu circonspecte.

« Ben mince, je me disais bien que c’était une bonne idée que de chercher à avoir des espions parmi les groupes démons et honoriens. »

Une voix masculine. Une voix unique dans le monde de la surface comme celui sous terre. Elle avait eu un petit tremblement rien qu’à l’entendre.

« Mais au moins, ce qui est fait est fait. On ne va pas se plaindre d’un ménage bien accompli. Les rares démons et honoriens encore vivants ont réussi à fuir pour la grosse majorité. D’autres sont en train d’être interrogés à la façon des différentes races. J’avoue juste que je ne suis pas trop fan de ces méthodes donc je préfère éviter d’être présent. »

La voix était proche, encore plus proche qu’auparavant. Une belle voix puisqu’elle appartenait à l’unique personne qui avait réussi à ravir son coeur. Pourquoi est-ce qu’elle avait tant de mal à pivoter sur elle-même pour le regarder ? Est-ce qu’elle avait peur qu’il ne soit qu’une chimère ? Un mirage ?

« Sinon, est-ce que mademoiselle Elen va daigner se retourner pour moi ? »

« Si… Si… Si je me retourne, comment est-ce que je peux être sûre que tu ne vas pas disparaître subitement ? Qu’encore une fois, on va finir par se séparer pendant de longs mois. J’en ai assez de nos séparations. J’en ai vraiment assez. »

« Elen, s’il te plaît, je veux que tu te retournes. »

« Non ! Tu vas devoir m’y forcer ! Je veux… »

Deux mains se posèrent sans plus attendre sur ses épaules, la faisant tressaillir. L’une glissa jusqu’à son cou, remontant jusqu’à sa joue pour la caresser alors que l’autre descendait jusqu’à sa hanche gauche, venant l’aider à se retourner lentement mais sûrement. Voilà… C’était mieux, beaucoup mieux. Ils étaient face à face.

« Tu es toujours aussi ravissante, Elen. »

« Avec les yeux rougis par les larmes, le nez en train de renifler et mes sanglots ? Tu es qu’un menteur, Tery. Tu n’es qu’un sale menteur ! »

« Non, non, je le pense sincèrement, Elen. Et pas besoin de se cacher derrière un masque, sous une capuche, emmitouflé derrière un masque et… »

« Tu veux juste pas te taire et m’embrasser… s’il te plaît, au lieu ? »

Elle lui avait coupé la parole, non pas sèchement, mais avec le regard brillant d’une femme qui avait encore besoin d’être convaincue. Non pas par des paroles mais par un seul et unique geste. Le jeune homme eut un petit rire tendre, ses mains finissant par se placer dans le dos d’Elen avant d’enfin ramener le corps de la femme aux cheveux blonds contre le sien. Nichés l’un contre l’autre, les deux êtres s’observèrent quelques secondes, yeux dans:les yeux, Elen passant une de ses mains sur son visage, pour essuyer les larmes qui le parcouraient. Elle ferma les yeux en même temps qu’il venait joindre ses lèvres aux siennes.


Le baiser continua pendant plusieurs secondes, Elen venant l’appuyer plus fermement, ramenant une main pour la poser derrière la nuque de Tery. Il n’allait pas s’échapper maintenant alors qu’elle’ avait la preuve qu’il était là, devant elle. Des secondes s’écoulèrent, encore et encore et enfin, elle était obligée de le libérer, autant pour elle que pour lui. Reprenant sa respiration bruyamment, elle chuchota :

« Comment faire… pour que tu ne t’échappes plus, Tery ? »

« Je ne peux rien te promettre… rien du tout, Elen. Je veux juste que tu penses… Non, avant toute chose, je dois m’excuser. »

« T’excuser de ton absence ? D’être parti sans voir ta fille ? »

« Il y a tant de choses dont je devrais m’excuser mais la plus importante reste ce que je t’ai fait. Ce qui s’est trouvé ici. »

La main gauche de Tery alla jusqu’au ventre d’Elen, la faisant frissonner. Pas uniquement par la chaleur de Tery mais autre chose. Instinctivement, son ventre s’était rétracté comme pour se protéger. Elle trembla, relevant ses yeux saphir vers Tery :

« Pardon Tery, je suis… vraiment désolée. Je… »

« C’est à moi de m’excuser, Elen. Je n’étais pas moi-même et.. »

« Je sais qu’avec Clari et tout, la situation à Omnosmos et tout, c’était compliqué et … »

« Non non et non. Ce n’est pas que ça ! C’est tout… vraiment tout. »

Elle ne pouvait pas l’exprimer d’une autre manière et lui non plus. Ils avaient tellement à discuter, tellement à parler, tellement à faire et pourtant, ils étaient comme deux adolescents alors qu’ils se connaissaient maintenant depuis plusieurs années.

« Est-ce que je peux enfin aller la voir ? Tu crois que c’est possible, Elen ? »

« Il y a déjà Manelena à l’intérieur mais aussi sa nourrice. Disons que pour les moments où je dois me battre, il valait mieux qu’une personne la surveille. Je ne pouvais pas la laisser seule. Mais par contre, ça ne va pas être que juste la voir hein ? Il y a autre chose, que l’on doit faire depuis qu’elle est née. »

« Je vois de quoi tu parles mais il va falloir que l’on prenne du temps, tous les deux, pour ça, tu le sais, non ? Enfin, pour ne pas faire de bêtises. »

« Du temps, on va en avoir, n’est-ce pas ? Cette nuit et toutes les autres. »

Elle voulait confirmer cette chose avec Tery. Elle voulait lui faire comprendre ce que ça représentait pour elle cet instant précisément. Elle avait posé à nouveau ses yeux sur lui, dans les siens. Elle voulait être rassurée.

« Elen… S’il le faut, on ira s’attacher l’un à l’autre, par une corde, par des menottes de pierre ou d’une autre façon et… »

« J’ai une autre idée mais elle attendra cette nuit, Tery. Allez, viens. Je vais t’emmener à elle. Je suis tellement émue… elle va enfin voir son père. »

Voir sa fille. Après tout ce temps. Il en a aussi quelques tremblements et il sentait la main d’Elen qui était moite comme la sienne. Hahaha. Il voulait en rire, il voulait en pleurer mais vraiment… dans tous les cas, il avait le coeur qui battait la chamade.

« Comment est-ce que je vais devoir me comporter devant elle ? Elle a bientôt une année, non ? Et pendant tout ce temps, tu as attendu que je sois là, c’est ça ? »

« Plus ou moins… mais l’attente en valait la chandelle. Après tout ce temps, je peux enfin être réunie avec ma famille. »

« Et moi donc. Hahaha, mince, je crois que j’ai une poussière dans l’oeil. »

« Sûrement une poussière dans l’oeil, oui. » chuchota t-elle pendant qu’ils pénétraient tous les deux dans la tente de la jeune femme.

« J’imagine que c’est à moi d’aller faire un tour des environs pour savoir le nombre de blessés et de morts, hein ? Bon… Quand il faut y aller, faut y aller. Dites, vous m’accompagnez ? Ils veulent être seuls. » déclara Manelena en se relevant, se tournant vers la nourrice.

Celle-ci regarda Tery puis Elen, la jeune femme aux cheveux blonds faisant un hochement de tête positif avant que la nourrice ne se lève à son tour, partant en compagnie de Manelena. Le jeune homme attendit quelques instants, Elen lui chuchotant :

« Allez, viens, je vais te la présenter. »

« Il est vrai que Manelena n’avait pas tort et…Rah. Je ne vais pas me défiler maintenant. J’arrive tout de suite, Elen. »

Il avait dit cela avec un peu de dépit envers lui-même. Le jeune homme aux cheveux bruns s’avança doucement mais sûrement, faisant quelques pas en direction du petit être qui dormait paisiblement dans un berceau de fortune.

« Elle n’a pas été réveillée malgré tout ce qui s’est passé ? »

« J’ai plus l’impression qu’elle a été réveillée mais que trop fatiguée, elle s’est rendormie aussi vite. Alors, qu’est-ce que tu en penses ? »

Il s’était placé du côté droit du berceau alors qu’Elen était déjà un peu penchée au-dessus, ayant pris place sur le côté gauche. Pour toute réponse à la remarque d’Elen, il reprit :

« Magnifique. Belle comme un ange. Comme sa mère. Je savais bien que les bébés pouvaient avoir les traits de leurs parents mais je crois qu’elle tire tout cela de toi. »

« Tu devrais arrêter tes sottises. Tu ne le vois pas car elle dort mais elle a tes yeux. »

« Par contre, indéniablement, elle a tes cheveux, de jolies boucles blondes. D’ailleurs, je ne te l’ai pas dit mais… tu es magnifique comme ça, en ayant laissé tes cheveux pousser sur les côtés. Cela te va très bien. »

« Oh ! Euh… Tu sais, ça ne fait que quelques centimètres de plus par rapport à Omnosmos mais tu aimes bien donc ? »

« Plus qu’aimer. Ah… Pour le prénom, est-ce que tu veux que l’on y réfléchisses maintenant ou alors, tu veux attendre que tout soit plus tranquille ? »

« Je voudrais maintenant, Tery. Je sais bien que c’est un peu rapide et qu’en réalité, nous n’avons même pas pu en parler et… »

« D’accord, d’accord, Elen mais avant… »

Il s’était un peu penché au-dessus du berceau, sans se retenir à ce dernier, tendant ses lèvres pour aller chercher une nouvelle fois un baiser chez elle. Baiser qu’elle vint lui offrir comme pour se rassurer. Elle avait peur que Tery trouve qu’elle fasse du zèle, comme auparavant et que… enfin… Elle ne saurait pas l’expliquer.

« Bon, déjà c’est une fille… donc à partir de là, le choix des prénoms ne concernera pas ceux de nature masculine, nous sommes d’accord, Elen ? »

Elle hocha la tête, ayant un petit sourire aux lèvres. La remarque était un peu stupide de la part de Tery mais elle comprenait que c’était sa façon à lui de vouloir amorcer un sujet des plus importants, un sujet qui les concernait tous les deux, une preuve parfaite que le couple était à nouveau mais surtout enfin réuni.

« J’aime bien les prénoms qui finissent en a, je dois t’avouer, Elen. »

« Hmm ? Tu veux déjà me rendre un petit peu jalouse, c’est ça ? » dit-elle en souriant, évoquant par là le fait que la seule femme portant un nom de la sorte avait quitté la tente quelques minutes auparavant. Hochant la tête négativement, il répondit en bredouillant :

« No… Non, pas comme ça. Enfin, pas de cette manière. Enfin, je ne pensais pas ça comme ça, Elen, promis. Mais euh… Enfin… »

« Je plaisantais, Tery. Sincèrement, on ne va pas se disputer pour si peu, surtout pour ça, non ? Alors, un prénom féminin en A. Hmm… Je voudrais bien qu’il soit en deux syllabes, comme toi et moi, qu’est-ce que tu en dis ? »

« J’en dis que de bonnes choses de mon côté. Donc… En deux syllabes ? Elle est notre enfant à tous les deux, toi de nature démoniaque, moi qui est issues de deux entités divines. »

« Je ne suis pas certain que nous ayons besoin de voir aussi loin, non ? Hahaha. »

Et les voilà tous les deux en train de parler pendant plusieurs heures. Bien entendu, l’enfant s’était réveillé entre temps et c’était un jeune homme tremblant de tout son être qui vint le prendre dans ses bras et le border avec tendresse, sous le regard ému d’Elen.

Les pertes étaient nombreuses, très nombreuses et ils avaient été obligés de s’arrêter pour fêter néanmoins la réunion entre les deux groupes. Entre l’armée démoniaque avec ses rares membres venant de la surface et l’inverse du côté d’Elen, ou plutôt de celui d’Elise et Royan, il avait fallut aussi rendre un hommage aux disparus.

« Il s’en est vraiment passé beaucoup de choses. Et dire que j’avais l’impression que le temps se déroulait beaucoup plus lentement. Je me suis bien trompé, Tery. »

« Mais ça ne change pas le fait que je suis content de voir que tu te portes bien, Royan. Et d’après les regards éloquents de la part d’Elise, j’imagine qu’entre vous deux, c’est devenu officiel ? Vous avez bien mis autant de temps que moi et Elen, je crois. »

« Disons que si je me suis servi de toi comme exemple d’homme à suivre dans mon existence… » commença à dire Royan avec sérieux.

« Eh bien, tu étais très mal barré, hahaha ! … … … C’est flatteur, Royan même si je ne suis pas certain que je sois vraiment un bon exemple à suivre. »

« C’est à moi d’en décider, Tery. Alors comment se nomme votre enfant ? Vous vous êtes décidés tous les deux ? »

« Oui, nous avons réussi à trouver un prénom pour la petite demoiselle qui dort paisiblement dans la tente. Elen, tu veux bien donner ce prénom ? »

Elle avait attendu si longtemps pour ça. Il était normal que ça soit à elle l’honneur de pouvoir l’annoncer. Oui, ils s’étaient mis tous les deux d’accord et déjà, la jeune femme aux cheveux blonds pouvait sentir le regard des personnes proches se poser sur elle. Que cela soit Jésiana, Elise, Manelena ou même des personnes que Tery ou Elen ne connaissait pas de l’un ou l’autre groupe, tous semblaient attendre les paroles d’Elen.

Embarrassée, la jeune femme aux yeux bleus se tritura un peu les doigts, l’une de ses mains venant sentir celle de Tery. Celui-ci avait croisé ses propres doigts avec les siens, lui souriant doucement comme pour lui insuffler du courage. Prononcer ce prénom, à voix haute, c’était à cet instant qu’il fallait le faire.

« Notre fille portera le prénom de Klary. »

Oui, au final, Tery avait abandonné l’idée d’un prénom terminant en a. Pendant qu’ils avaient discuté des différents choix ou autres, il avait remarqué qu’autant si une nourrice veillait particulièrement sur l’enfant, une autre personne qui n’était plus là, faisait de même sur lui. La seule trace de sa présence était sous la forme d’une femme faite de pierre noire. L’hommage était clairement visible pour les personnes proches de Tery et tous avaient hoché la tête comme pour signaler que c’était un très beau prénom.

Alors que certains portaient leurs verres pour l’occasion, Tery remarqua Manelena qui semblait songeuse voir un peu… attristée ? Pourquoi est-ce qu’elle n’était pas aussi soulagée ou heureuse que les autres ? Déglutissant, il se posait maintenant mille questions avant que chacune ne lui ramène à une seule et même réponse : leur relation.

Manelena pouvait être fière, forte, royale et tout… cela ne changeait en rien ce qui s’était passé entre elle et lui. Et là, actuellement, il se pavanait avec Elen, comme si tout cette histoire n’avait jamais existé. Oui. Il allait devoir discuter avec Elen de tout ce qui s’était passé. Il ne pouvait pas cacher la vérité.

Mais quand ? Pas maintenant, non ? Il remarqua le fait que Manelena se lève, signalant qu’elle était un peu fatiguée par les combats avant de s’éloigner. Il avait envie de la rejoindre, de lui parler et de la rassurer. Mais d’un autre côté, il était tiraillé par les retrouvailles avec Elen. Il ne pouvait pas partir en faisant comme si de rien n’était.

Demain, il parlera à Manelena. Demain, il racontera tout à Elen. Demain, il se promettait de tout faire pour régler la situation. Il ne voulait pas que cela perdure, il ne voulait pas que tout cela finisse par fragiliser voire même briser ce qu’ils venaient à peine de reconstruire.

« Tery ? Tu sembles avoir la tête ailleurs. Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Oh, rien. Je me disais, ce soir ou demain, quand nous serons plus tranquilles, on pourra parler pendant longtemps, très longtemps. »

« C’est exact. Et dire que je vais avoir ta présence à mes côtés en dormant ce soir… »

Une légère rougeur vint envahir les joues de la jeune femme aux cheveux blonds, Lui-même se retrouva gêné par la gêne d’Elen et pourtant, ce soir, il se promettait de ne rien faire de plus que dormir à ses côtés. Il attendra que tout soit réglé demain.