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Chapitre 34 : Se sentir bien

ShiroiRyu
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Chapitre 34 : Se sentir bien

La nuit s’était mieux passé qu’elle ne l’aurai cru. Il s’était levé tranquillement, faisant attention à son masque toujours posé sur son visage même quand il dormait. Question de sécurité puisqu’il n’était pas seul. Il faisait confiance à la mère de Tery mais quand même. Pendant le reste de la journée, il ne fit rien, rien du tout même. Il n’avait même pas cherché à se promener dans le village. Il ne savait pas pourquoi mais il ne s’était pas senti motivé à faire une telle chose. C’est pourquoi il était resté avec Léa toute la journée. Du moins, avec … Juste dans la maisonnette. Il avait passé la majorité de son temps dans la chambre de Tery, pensant à celui et essayant de deviner un peu comment s’était déroulée son enfance. Finalement, la voix de Léa lui demanda de quitter la chambre pour venir la rejoindre. Celle-ci l’attendait dans la cuisine, un sourire tendre aux lèvres. Il s’installa sur une chaise, ne disant rien du tout jusqu’à ce que la mère de Tery ne prenne la parole :

« Vous semblez songeur… J’espère que ce n’est pas de ma faute… »
Il hocha la tête d’un air négatif avant de poser un coude sur la table, lui signalant qu’il mangerait dès que ce serait prêt. Il retourna dans ses pensées, se demandant ce qu’il comptait faire. Il ne devait pas rester ici, c’était beaucoup trop dangereux. Peut-être quelques jours encore, peut-être quelques heures… Mais après ? Il ne valait mieux pas se poser trop de questions et attendre trop longtemps. Il prit une profonde respiration, sursautant légèrement alors que Léa posait une posait une assiette devant lui :
« Voilà, c’est prêt… Messire… Vous ne voulez vraiment pas me donner votre nom ? Ça serait bien plus simple… pour s’exprimer. »
« A force, je me demande si ça ne serait pas une meilleure solution. Je… Je m’appelle… Ah… Je ne peux pas vous le dire. Votre fils ne le sait même pas et je n’ai pas envie qu’il le sache. Donc je ne sais pas si… »
« Vous n’avez pas à vous en faire. Je resterais muette. Il y a tellement de secrets dans ce monde. Moi-même, j’en porte un alors vous voyez … »
Elle ? La mère de Tery avait un secret ? Il la regarda d’un air dubitatif, se demandant s’il devait la croire ou non. Enfin si. Ce n’était pas impossible mais ce secret valait-il la peine d’être gardé ? Il y avait peu de chance mais bon… Contrairement à son secret personnel, il y avait tout un fossé… ou peut-être que non ? Etait-ce plutôt son secret qui était risible ?
« Je m’appelle… Neel… » murmura-t-il faiblement.
Hein ?! Ses mots avaient dépassé sa pensée alors qu’il tremblait subitement. C’était… C’était la première fois qu’il disait son nom à une personne autre que madame Liza et l’Oracle. C’était… affreux ! Comment avait-il pu faire une telle chose ?! NON ! Il la regarda avec effarement, la femme aux yeux verts semblant surprise de sa réaction. Avec délicatesse, elle posa sa main sur la sienne gantée de rouge, lui disant doucement :
« Je ne dirais rien sur ce nom, je vous le promets… Neel. »
« Sincèrement. Ne le dites à personne. Je… Je ne veux vraiment pas vous tuer. Comprenez-moi… Je déteste tuer des personnes… que j’apprécie. »
« Je ne comprends pas mais je peux accepter cette décision. Je vous le jure, je resterais muette. J’ai déjà mon propre secret mis sous sceau. » reprit la femme aux cheveux noirs.

« Ne le répétez à personne… Je ne devais pas le donner mais ma langue a fourché. Je pensais être plus capable que cela et je vois que je me suis trompé. Je ne suis… »
« Personne n’est parfait. Tout le monde est faillible. Vous autant qu’un autre. »
Oui mais… Mais… Il ne devait pas être perfectible… Ce n’était pas comme ça que l’Oracle l’avait élevé ! Il devait être parfait ! Ne jamais parler de lui, de ce qu’il était, garder sa mission secrète. Garder sa mission secrète. Non ! Ça, c’était une bêtise. Car sinon, il aurait échoué depuis le départ, dès le moment où il s’était adressé à Tery ! Encore que maintenant, c’était déjà trop tard. Peut-être qu’ils devaient manger ? A force de discuter, ils en oubliaient les raisons qui les avaient fait venir dans la cuisine.
Léa commença à préparer le repas tandis qu’il restait plongé dans son mutisme, n’ouvrant plus la bouche pour s’adresser à elle. Qu’est-ce qui… Qu’est-ce qui lui avait pris de parler de tout ça avec elle ? Il n’arrivait pas à comprendre pourquoi il lui avait donné son nom ! Il ne l’avait jamais fait auparavant ! Même pas à Tery ! Pourtant, il aurait bien voulu… Il aurait même voulu lui dire plus… mais à cause de ses bêtises, il n’avait rien pu faire. Est-ce qu’il se sentait plus en confiance avec elle ? Peut-être…

Pendant qu’il était plongé dans ses réflexions, Léa était en train de préparer la table. Les assiettes, les couverts, tout fut déposé les uns après les autres. Finalement, Neel vint réagir en se redressant de sa chaise, bredouillant quelques excuses :

« Pardonnez-moi ! J’aurai dû vous aider au lieu de rester assis à ne rien faire ! »

« Ce n’est pas bien grave. Restez donc plongé dans vos réflexions. Le repas ne sera prêt que dans quelques minutes. » répondit avec douceur la femme aux cheveux noirs.

Et pendant ce temps, il n’allait rien faire ? Il en était hors de question ! Mais comment est-ce qu’il pouvait aider la mère de Tery ? Car elle n’allait pas vouloir de changer d’avis par rapport aux couverts sur la table. Hmm …. C’était quand même gênant, très gênant même. Un coude posé sur la table, l’être au masque blanc observa la femme qui s’affairait à préparer de quoi se sustenter pour la journée. Le temps s’écoula sans que l’un ou l’autre n’ouvre la bouche, jusqu’à ce qu’elle prenne une assiette. Finalement, elle vint dire :

« Bon appétit, messire Neel. Au moins, dorénavant, vous aurez un prénom… »
« Si vous pouviez… essayer de l’utiliser le moins possible… Je vous en remercierais. »
Elle hocha la tête pour lui dire qu’elle avait bien compris, commençant à lui servir son repas tandis qu’il se mettait à manger de la même façon qu’il buvait, c’est-à-dire à travers son masque. De cette façon, il était peut-être ridicule mais au moins, personne n’arrivait à voir ce qu’il y avait dessous. Ils mangèrent tranquillement, chacun allant se coucher dans sa chambre tandis qu’il plongeait dans ses songes… Tery allait-il venir dans son village ?
Peut-être… que oui… Peut-être que non… Tery était quand même la première personne extérieure à l’orphelinat avec qui il s’était lié, c’était quelque chose de vraiment important à ses yeux. Cela comptait énormément et il ne pouvait le nier… C’était pour ça qu’il regrettait amèrement tous les gestes commis dans la grotte de Litan Deseria. Demain serait un autre tour de toute façon. Il resta plongé dans ses pensées, son masque se retirant très légèrement, laissant voir une mèche de cheveux blonds se positionner devant son œil droit. Fatigué. Tellement fatigué. Il devait se préparer à partir de toute façon.
Lorsque le lendemain arriva, il remarqua tout de suite que quelque chose avait changé… Mais quoi ?! Il se redressa complètement, voyant son masque blanc qui tombait de son visage. NON ! Il n’était pas attaché ? Et cette couverture ? Comment cela se faisait-il qu’elle soit aussi bien placée sur lui à son réveil ? Ah… Qu’il arrête de penser comme ça… Sinon, il allait sombrer dans la paranoïa, ce n’était pas la meilleure des idées.

« C’était juste une petite erreur… Rien de bien grave… Ce n’est pas comme si… »
Et si c’était le cas ? Et si… Léa avait vu son visage ? NON ! Si c’était le cas, la décision était irrémédiable. La mort. C’est ce qui l’attendrait ! Mais ce n’était pas possible ! Il n’allait quand même pas lui poser de questions à ce sujet. Peut-être qu’en observant la réaction de Léa pendant les prochaines heures, il allait tout de suite savoir si quelque chose avait changé ou non ! Il repositionna correctement son masque devant lui avant de se diriger vers la cuisine. Lorsqu’il arriva, la mère de Tery le salua et il fit de même.
Rien. Rien de bien différent. Elle semblait être la même qu’auparavant. Peut-être qu’il se faisait des illusions. Oui. Ça devait être ça. Ça devait être comme ça. Il n’y avait pas d’autres solutions toute façon. Il poussa un léger soupir, Léa lui demandant s’il y avait un problème. Il lui répondit que non, que tout allait bien et qu’il allait passer la journée à faire ses explorations bien que cela servait à rien. Elle s’écria :

« Ne dites pas cela ! Vous n’allez pas abandonner maintenant ! Je vous l’ai pourtant répété ! Si vous avez quelque chose à accomplir et que cette chose est importante, vous devez TOUT faire pour y arriver ! Est-ce bien compris ? »
« Et si… cela mènera à la perte d’une personne que l’on apprécie ? Est-ce que je devrais quand même continuer ? Est-ce que vous pensez que cela en vaut la peine ? »
« Là… Je… Je pense qu’il faut peser le pour et le contre. Mais surtout laisser de côté tout ce qui concerne les personnes autour de nous. J’ai dû prendre des décisions très graves dans le passé, quitte à tout abandonner. Mais tout ce qui m’importait était MON bonheur et celui de l’homme que j’aimais. C’est pourquoi j’ai pris la décision qui me pensait être la meilleure. »
« Je me demande si j’ai fait le bon choix à ce moment. Des fois, j’aimerais vraiment revenir en arrière. Je pars tout de suite, je ne mangerais pas. » annonça l’être masqué.
HEY ! Mais… Mais… Il devait se nourrir correctement ! Elle alla le retenir par le bras, des veines brunes apparaissant sur sa main droite, la forçant à s’asseoir alors que Neel paraissait surpris par une telle puissance. En fait, c’était même la première fois qu’il la voyait ainsi. Pourquoi une telle femme se trouvait dans un village de ce genre ? Il retira légèrement son bras, se le massant avant de baisser la tête.
Forte. Cette femme savait parfaitement utiliser sa magie. Ce n’était pas quelque chose que l’on utilisait occasionnellement. Cette femme était vraiment inquiétante. Il y avait de quoi l’être. Méfiance. Il devait réellement se méfier d’elle aussi. Cette personne était loin d’être normale. Le reste de la journée se déroula sans lui, il était parti pour tracer peu à peu une carte des environs. Puisqu’il ne pouvait pas avoir d’informations sur l’endroit où se trouvait précisément cette créature, pourquoi ne pas se créer une carte en notant quelques mots dessus… Peut-être qu’à partir de là, il pourrait tracer un parcours régulier l’emmenant jusqu’à cette créature ou alors dans l’endroit qu’elle préférait…


Enfin bon, ça ne changeait rien du tout à tout ce qui allait se passer. Il était encore très loin d’avoir de bons résultats. En fait, son gros problème était plutôt le fait qu’il avait l’impression de ne pas avancer car il restait là, à discuter avec Léa de tout et de rien. Parfois, ils sortaient tous les deux de la maisonnette mais en même temps, il n’avançait pas dans ses recherches. Il prenait beaucoup trop de temps … et il le savait parfaitement. Il devrait avoir honte de ce qu’il était en train de faire … ou plutôt de ne rien faire. Le temps allait s’écouler inexorablement tandis qu’il allait échouer dans sa mission.

« Co… Comment ça ? » bredouilla l’être masqué de blanc.
« Si ! Si ! C’est la vérité ! Regardez cette lettre, messire Neel. » annonça Léa.
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la petite scène où elle lui avait pris le bras avec force. Mais combien de temps était-il resté ici ? Cela faisait déjà plusieurs semaines non ? A force de ne pas partir en expédition, il n’avait jamais remarqué qu’il s’était habitué… à vivre ici. Mais bon… Toute chose avait une fin n’est-ce pas ? Heureuse ou non, ça ne changeait rien.

Léa lui tendait la lettre avec un grand sourire. Il récupéra le papier, le parcourant brièvement du regard. C’était bien l’écriture de Tery. Du moins, d’après ce qu’il se rappelait. Cela faisait tellement … longtemps … Oui. Tellement de temps. Il la lut à haute voix :
« Elle est vraiment là ?! Je n’arrive pas à y croire ! Peut-être que c’est le Destin Maman ! Tu veux savoir quelque chose ? Je suis dans la troupe qui se dirige vers le village de Leskar. Je me demande comment vont réagir les villageois lorsqu’ils me verront. Par contre, je n’ai pas d’armure scintillante, je suis peut-être un lieutenant mais je ne suis qu’un débutant. Je n’ai pas encore les muscles pour prendre de gros morceaux de métal sur moi. Enfin bon, tout ça pour te dire que je te présenterais l’un de mes amis, Olin. Il n’est pas forcément très malin mais c’est le premier à venir aider dès qu’il y a besoin d’un coup de main. Préviens l’Ombre de rester à la maison, j’ai à lui parler. Je ne peux pas t’envoyer d’argent par contre, ça ne fait pas encore un mois pour la nouvelle paye, pardon. »

Après avoir terminé de lire, l’être masqué de blanc paru un peu gêné par les écrits de Tery. Non … Ca ne servait à rien. Il ne fallait même pas y penser. C’était tout simplement absurde d’imaginer une telle chose. Il ne pouvait pas … C’était impossible ! Impossible pour lui !

« Rester ici ? Je ne peux pas… Je dois partir… Je m’en excuse. »
Il avait prononcé ces quelques paroles d’une voix confuse alors que Léa arrêtait de sourire. Il lui rendit sa lettre, la femme aux cheveux noirs fronçant les sourcils comme si quelque chose la gênait. Elle lui demanda d’une voix calme :
« Qu’est-ce que vous comptez faire ? Vous ne semblez pas vouloir que mon fils vous revoie… n’est-ce pas ? Alors, vous allez quitter le village ? Quelles sont réellement vos… relations avec mon fils ? Neel ? »
Plus de messire ? AH ! Il n’avait pas à s’expliquer. Il soupira longuement, fermant ses yeux bleus derrière son masque sans lui répondre. Il hocha simplement la tête. Il s’excusa avec une pointe de tristesse dans la voix, lui disant qu’il ne pouvait pas rester plus longtemps… Ce n’était pas à cause de Tery mais de lui. Même s’il n’avait rien dit au sujet de sa tentative de meurtre sur Tery, il se sentait mal envers Léa.
« Je vais prendre… mes affaires et m’en aller maintenant. Au revoir… madame Léa. »
Il évitait d’avoir des trémolos dans la voix, c’était simplement que … Il ne savait pas comment l’exprimer. Il s’était simplement senti parfaitement bien ici. Il retourna dans la chambre, prenant ses affaires tout en essayant de ne plus penser à toute cette histoire. Lorsqu’il quitta la chambre, Léa était là, le visage triste.

« Vous êtes sûr de votre choix, Neel ? » demanda-t-elle faiblement.

« Je ne peux pas voir votre fils … J’en suis désolé mais c’est une question de sécurité. »

« Une question de sécurité ? Et pour quelle raison cela devrait-il être une sécurité ? Expliquez-vous donc au lieu de toujours chercher à fuir. »

… … … Il ne pouvait pas. C’était aussi simple que ça. Il passa à côté d’elle, se dirigeant vers la sortie de la maisonnette. Il quitta celle-ci, regardant derrière lui alors que Léa était sur le pas de la porte. Tery … Si Tery savait qu’il était ici, ça serait trop grave. Il ne pouvait pas prendre le risque mais en même temps … En même temps …

« En même temps, qu’est-ce que j’y perds ? Non. Je ne dois pas penser de la sorte. »

Sans se retourner, il s’éloigna de la maisonnette. Il allait sûrement trouver une auberge pour dormir aujourd’hui. Ce village devait en posséder un. Il n’était pas aussi pauvre que ça quand même non ? Le village bien entendu, pas lui.

D’ailleurs, pourquoi est-ce qu’il se posait la question ? Il avait visité le village avec la mère de Tery alors il savait qu’il y avait une auberge. Mais en même temps, peut-être qu’il tentait d’oublier cela ? D’oublier qu’il savait ?

« Hum ? Vous n’êtes pas avec Léa, aujourd’hui ? C’est étonnant. »

Hein ? La vieille femme qui avait emporté avec elle la mère de Tery la première fois. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Ah ! Elle portait un cabas qui semblait bien lourd pour une si frêle femme. Aussitôt, l’être masqué de blanc prit le cabas avant de dire :

« Laissez-moi donc vous aider, madame. Et oui, aujourd’hui, la mère de Tery ne m’accompagne pas. Pourquoi une telle question ? »

« Oh … Car depuis que vous êtes là, elle est toujours avec vous. Vous semblez en savoir tellement sur son fils qu’elle est presque accrochée à vous pour en apprendre toujours plus. C’est une bonne chose … puisqu’elle ne sortait plus depuis plusieurs mois. »

« C’est ce que j’ai cru comprendre. Mais quand même, elle aurait pu se déplacer un peu non ? Ce n’est pas comme si ne pas avoir de nouvelles de Tery était si dramatique que cela. »

« Vous ne savez pas … Vous ne voyez pas à quel point il est difficile pour une femme de perdre son mari alors que leur enfant était en bas âge. La seule personne qui lui restait fut alors son fils, Tery. A partir de là, la chose la plus importante dans son monde n’était que son jeune garçon. C’est pourquoi il est alors facile de comprendre sa préoccupation quand Tery a décidé de partir sans même la prévenir. Sans vous, elle n’aurait peut-être jamais eu de nouvelles de son fils. Mais vous êtes arrivé et alors, à partir de là, elle a recommencé à vivre. Mais la plus grande joie de Léa serait de retrouver son fils, qu’il vienne lui donner de ses nouvelles en personne. Oui … Ça serait la meilleure chose à faire. »

« Je … Je vois … » murmura l’être masqué de blanc sur un ton gêné.

« Je vais vous laisser tranquille dès maintenant alors … Merci de vous occuper d’elle en attendant que son fils revienne. Je suis sûre qu’elle est heureuse que vous soyez là. »

« Je ne sais pas vraiment … Enfin, je l’espère. »

Pourtant, la vieille femme semblait réellement convaincue par ses propres paroles. C’était aussi simple que ça d’y croire ? Elle ne savait pas … pas du tout même. C’était un peu étonnant mais en même temps, peut-être qu’elle avait fait une bêtise. Peut-être qu’elle devait retourner là-bas ? Et lorsque Tery reviendrait, elle disparaîtrait comme par magie, sans même laisser de traces de sa présence.

« Merci pour tout. » dit la personne encapuchonnée à la vieille femme qui s’était déjà éloigné. Elle avait parlé assez fort pour qu’elle puisse l’entendre.

Mais la vieille femme ne se retourna pas, ne faisant qu’un petit geste de la main pour la saluer. D’accord … Elle comprenait parfaitement ce qu’elle avait à faire. Faisant demi-tour sur elle-même, la personne masquée se dirigea vers la modeste demeure de Léa. Celle-ci l’attendait sur le pas de la porte, un sourire aux lèvres.

« Messire Neel, vous avez oublié quelque chose ? » demanda-t-elle avec douceur.

« Euh … Vraiment … Je ne peux pas dire ça comme ça … Enfin bref … »

« Oui ? Si vous avez quelque chose à dire, dites-le au lieu de tourner autour. »

« Si ça ne vous dérange pas … J’aimerai savoir si je peux revenir ou non … en attendant que Tery revienne. Après, je ne sais pas ce que je ferai. » chuchota l’être masqué de blanc, baissant la tête sur un ton plus que confus.

« Hum … Je dois y réfléchir. Je ne sais pas, vous êtes partie comme un voleur, vous ne croyez pas ? Ainsi, je ne suis pas sûre que ça soit… Hé ! Qu’est-ce que vous faites ? Je ne faisais que rire ! Bien entendu que vous pouvez revenir ! »

Ah ? Il s’était déjà apprêté à partir sans même demander plus que ça. Mais si Léa avait le sens de l’humour, c’était alors qu’elle allait réellement mieux. Il n’était jamais réellement sûr par rapport à la femme aux cheveux noirs.

« Je pensais que vous étiez … sérieuse, je suis désolé. »

« Pour la première fois depuis longtemps, je suis soulagée grâce à vous. Vous ne pensiez quand même pas que j’allais refuser que vous veniez non ? »

« Je ne sais pas … Je n’ai pas l’habitude de l’humour ces derniers temps. Disons que je préfère éviter dans de telles circonstances mais merci … de bien vouloir m’accueillir à nouveau. » murmura l’être masqué.

« Et vous attendez que je vous prenne la main pour que vous puissiez rentrer ? »

Elle continua de lui sourire alors qu’elle se positionnait sur le côté pour l’inviter à rentrer dans sa modeste demeure. L’être masqué hocha la tête avant de pénétrer à l’intérieur. La femme aux cheveux noirs referma la porte derrière eux, disant :

« Rendez-vous donc dans la cuisine, je pense que nous avons encore à parler longuement de tout ce qui s’est passé, n’est-ce pas ? »

« De tout … ce qui s’est passé ? » bredouilla Neel.

« Exactement. Car je ne compte pas vous lâcher après cette petite scène où vous vouliez partir sans même me donner d’explications. »

Gloups … Elle n’allait pas le lâcher sur cette histoire. Il en était sûr et certain. Il valait mieux pour lui qu’il accepte cela car sinon, il était mal barré. Il accompagna la mère de Tery dans la cuisine, celle-ci lui désignant une chaise pour qu’il vienne s’asseoir.
Pourquoi est-ce qu’à chaque fois qu’il voyait la mère de Tery … ou du moins, quand elle prenait la parole … Il avait l’impression qu’il valait mieux pas la contredire. Elle faisait preuve d’une telle autorité … C’était assez effrayant en soi. Il valait mieux ne pas l’embêter, loin de là car sinon … Gloups.

« Euh … Alors de quoi est-ce que vous voulez parler, madame Léa ? » demanda-t-il après quelques minutes, un peu intimidé.

« Hum ? Maintenant, vous me donnez du madame ? J’ai l’impression de revoir mon fils quand il est effrayé par moi. Sauf que chez lui, c’est un peu ironique. »

« Tery est un peu une tête brûlée. Je vous ai déjà raconté son combat contre un chef de clan gnomold ? Quand il a décidé de partir tout seul ? C’était tout simplement fou et stupide de sa part ! Mais au moins, ça montrait qu’il avait un bon fond. »

« Vous me l’avez déjà raconté … mais je suis toujours disposée à l’écouter une nouvelle fois. » annonça la femme aux cheveux noirs tandis que Neel reprenait la parole. Si tout pouvait être aussi simple … si seulement la tentative d’assassinat ne se serait jamais déroulée, elle aurait pu rester ici bien plus longtemps … oui.

Chapitre 33 : Ne pas oublier ses objectifs

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Chapitre 33 : Ne pas oublier ses objectifs

« Cela me fait si… plaisir d’avoir de ses nouvelles. Vous ne pouvez pas savoir comme je suis si heureuse… d’entendre ce que vous me dites… » murmura la mère de Tery.

« Cela se comprend. Votre fils n’est pas forcément quelqu’un de très brillant intellectuellement mais il a un bon potentiel. » annonça Neel, espérant ne pas être insultant.

« Je veux bien vous croire et les vieilles personnes du village de Leskar le savent aussi. Le problème est que depuis toutes ces années, il n’a jamais montré ce dont il était réellement capable et cela fait que depuis tout ce temps, il ne s’est jamais trouvé d’ami. »

« Il ne s’est jamais trouvé d’ami ? Car il ne savait pas utiliser ses lignes ? Et qu’il ne savait pas se battre ? C’est vraiment… triste comme histoire… Très triste… »

« Je ne dirais pas triste, il l’a cherché et il n’a que ce qu’il mérite. Je ne dis pas que c’est un fils indigne car je comprends ses raisons… J’aurais simplement voulu… qu’il recommence plus tôt… mais grâce à vous, c’est le cas maintenant. Merci… Vraiment un grand merci. »

« Il n’y a pas de quoi, je n’ai fait que ce que j’avais à faire. Vous me comprendrez maintenant que je ne peux pas rester. Je suis à la recherche de cette créature… » annonça l’être masqué.

« Vous parlez de celle qui est dans notre voisinage ? Vous êtes à sa poursuite ? Si vous n’avez pas d’endroit où dormir… Je peux vous donner la chambre de mon fils… Elle est maintenant libre… et puis, ça ne sera qu’un maigre service rendu par rapport à ce que vous avez fait pour moi. Sans vous… Je ne sais pas combien de temps j’aurais tenu… »

« Surement très peu… Vous avez perdu plus de quarante kilogrammes il paraît… OUPS ! Pardonnez-moi ! Je… Je ne voulais pas dire… » bredouilla Neel.

« Vous n’avez pas à vous faire pardonner… Je le sais très bien… J’avais une corpulence très importante… Et imposante dira t-on. »

« Pardon… quand même… Cela ne se fait pas… de parler de ça. »

Elle ne savait pas où se mettre à cause de sa bêtise. Qu’est-ce qui lui avait pris de dire à cette femme si gentille qu’elle était grosse ? Sur le moment… Elle n’avait pu s’en empêcher mais maintenant, elle le regrettait… amèrement. Elle baissa son visage masqué, ne sachant plus quoi dire maintenant qu’elle avait commise une gaffe.

« Et bien… Vous avez perdu la parole ? Ou alors quelque chose vous dérange ? »

« Disons que… J’aimerais me cacher et me faire vraiment très petit… pour ne plus me montrer… Je crois que je suis resté un peu trop longtemps ici. Je ferais mieux de partir et de me mettre tout de suite à la recherche de ce monstre. »

« Vous ne voulez vous donc pas rester ici ? Cela me ferait vraiment plaisir ! Un peu de compagnie… n’est pas gênant… Et puis… Vous connaissez Tery… Vous avez beaucoup d’anecdotes à me raconter à son sujet. Je vous en prie… Est-ce que vous acceptez ? Même si ce n’est que pour quelques journées ! J’ai besoin… d’un peu de compagnie. »

Cette femme était si désespérée sans son fils ? Hum… Elle poussa un léger soupir, se disant que Tery s’était bien gardé de la prévenir au sujet de sa mère. Fils indigne quand il s’y mettait ! Il aurait pu vraiment la prévenir. Neel reprit la parole d’une voix calme :

« Soit… Je veux bien rester quelques jours… De toute façon, cela me fera quelques pièces sur le prix de l’auberge. Et puis… Cela ne me gêne pas de parler de Tery… si c’est ce que vous voulez. Est-ce que je peux visiter sa chambre ? Et déposer mes affaires ? »

« Je vais vous y guider si vous le voulez bien. Pour éviter que vous vous perdiez… »

« Je vous suis alors. Avancez donc devant moi. » termina de dire Neel.

Elle se leva néanmoins la première, déposant tranquillement la tasse sur la table alors que la mère de Tery faisait de même. Faisant quelques pas, elle s’était mise à la guider à travers la modeste demeure. Les deux personnes arrivèrent dans la chambre de Tery, rangée correctement mais quasiment… vide. Désespérément vide même. La mère murmura :

« Oui… Tery n’était pas un jeune garçon qui aimait avoir diverses choses. Il était plutôt du genre à rester seul dans son coin et sur son lit. Très calme mais un peu rebelle. »

« Il n’avait vraiment aucune occupation ? J’aurais bien demandé s’il aimait lire… mais je sais que ce n’était pas le cas… Il n’avait pas d’ami ? »

« Disons que le fait de ne pas vouloir apprendre la magie et les armes… lui a retiré quelques portes… Lorsque les autres s’amusent avec la magie… Lui dans son coin, il ne fait rien du tout. J’espère que vous le comprenez un peu mieux maintenant ? »

« Je ne le voyais pas vraiment triste… plutôt caractériel… » dit l’être masqué de blanc.

« Il tient ça de moi ! Et aussi un peu de son père ! » répondit la femme avec amusement.

« De son père ? Est-ce que vous… voudriez bien m’en parler un peu ? Si cela… ne vous dérange pas… trop d’en parler à un inconnu. »

« Cela ne m’embête pas le moins du monde. Vous devez être un grand ami à Tery pour vouloir savoir ce genre de choses à son sujet. »

Hein ? Mais non ! Ce n’était pas ça ! Pas ça du tout ! C’était simplement… qu’elle voulait apprendre à mieux connaître Tery. Elle balbutia légèrement :

« Est-ce que nous devrions retourner dans le salon ? Ca… Ca serait mieux pour parler du père de Tery.  Enfin… Si vous le voulez bien… »

« Aucun problème à cela. Je vais vous faire visiter toute la maisonnette. Suivez-moi… Je me demandais… N’auriez-vous pas un nom à me donner ? Cela sera plus facile pour parler. »

« Je… Je n’ai pas de nom… Je suis désolé mais je ne peux pas vous le donner. C’est une question de sécurité. Je ne l’ai jamais confié et même Tery ne le connait pas. Le seul nom dont j’étais affublé de sa part… C’était l’Ombre. »

« L’Ombre ? Tiens donc ? Et pourquoi cela ? Car vous êtes discret ? » demanda la femme.

« Je ne sais pas du tout… J’avoue que je n’ai jamais compris pourquoi il m’a appelé ainsi. »

« Des fois… Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête de ce garçon… Enfin bon… »

Pas à pas, Neel découvrait l’habitat où avait vécu Tery. C’est vrai que c’était modeste mais on remarquait que la maisonnette était très bien entretenue. C’était une bonne chose… Une très bonne chose… Mais pourquoi Tery se comportait-il comme ça ? Sa mère ne semblait pourtant pas être mauvaise… C’était même le contraire Elle lui faisait une très bonne impression. Il lui demanda d’une voix calme :

« Mais pourquoi… Je n’arrive pas à saisir… la raison… qui a poussé Tery à être comme ça. Il était une forte tête, mais j’ai réussi à le dompter. Pourquoi ? »

« Je pense que ça doit avoir un rapport avec son père… Vous saviez… Il était au service de l’armée de Shunter… Enfin non… Pas de l’armée de Shunter mais il était le chef de la milice locale, celle chargée de protéger notre village. Vous l’avez déjà vue en rentrant ici. »

« Vous parlez des nombreux gardes positionnés à l’entrée ? » questionna Neel.

«  C’est justement ça ! Enfin bon… Mon mari… était le chef de cette milice… Et comme je vous l’ai dit… Il est mort il y a environ quatorze ans… pendant une attaque. »

« Une attaque ? Vous parlez des Gnomolds ? J’ai entendu dire qu’ils se trouvaient non-loin du village… et qu’ils étaient dirigés par l’un des grands chefs Gnomolds du royaume. Et ce sont eux qui l’ont… tué ? Mais ce village n’est pas détruit… »

« Je ne sais pas ce qui s’est passé ce jour là… Les femmes et les enfants avaient été mis à l’abri mais Tery s’est échappé…. Il voulait voir son père combattre… »

« Il… Il l’a vu mourir alors ? Vous voulez me faire croire que Tery a vu son père mourir devant ses yeux alors qu’il n’avait que cinq ans ? Mais c’est… Mais c’est normal qu’il soit comme ça ! Enfin non… Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé. »

« Ca ne fait rien… Nous n’avons jamais compris ce qui s’était exactement passé et Tery est resté muet durant tout ce temps… à ce sujet. Lui seul sait exactement ce qui s’est passé ce jour là… mais mon mari est mort en héros… comme le reste de la milice. » annonça la femme.

« Et ce fut à partir de là que le village est bien mieux surveillé et gardé ? »

« C’est cela… Des fois, il nous faut l’aide de l’armée de Shunter comme ces dernières semaines… Vous savez, la créature que vous recherchez aussi… »

« Ce n’est pas forcément elle que je recherche mais ce qu’elle possède. D’après ce que j’ai compris, l’armée de Shunter est en route pour venir aider le village et le protéger au cas où ? Il est vrai que les Gnomolds doivent être très excités avec toutes ces choses qui se passent près du village de Leskar. Hum… Oui… C’est exactement ça qu’il faut faire. »

La mère de Tery le regarda en train de se parler à lui-même. Il était plongé dans une intense réflexion, il valait mieux éviter de trop le déranger à ce moment là. Pendant plusieurs secondes, Neel ne disait plus rien, la mère allant nettoyer les deux tasses avant qu’il ne reprenne d’une voix légèrement enjouée :

« Y a-t-il quelqu’un ou un endroit qui me permettrait de visualiser tout le village de Leskar et ses alentours ? Quand je dis quelqu’un… Je parle d’un guide… »

« Je ne sais pas trop… Pourquoi en avez-vous besoin ? »

« Pour me permettre de me repérer. Cela me serait vraiment très utile pour tenter de faire un tour d’horizon sur la situation et ainsi voir ce que je dois faire pour attraper cette créature. »

« Vous devriez aller voir la milice… Ils doivent surement avoir quelques explorateurs aguerris qui vous permettraient de vous guider puisque c’est ce que vous voulez. Vous ne connaissez pas du tout le village ? Je peux vous guider si vous le désirez… »

« Je ne veux pas vous embêter avec cela… Vous n’êtes déjà pas forcément en pleine forme alors bon… Vous comprendrez que votre santé… est importante. » bredouilla Neel.

« Justement, c’est parce qu’elle est importante qu’il est bon que je prenne un peu l’air. C’est à peine si je suis sortie ces derniers mois… Et puis… Les villageois se feront moins d’inquiétude s’ils me voient… » répondit calmement la mère de Tery.

« Comme vous le désirez… Je ne peux pas vous forcer et vous refuser ceci. »

« Alors, si vous voulez bien attendre quelques minutes, le temps que j’enfile quelque chose de plus chaud et correct. Cela ne peut que me faire que du bien. »

« Comme vous le désirez… Alors je vous attendrais sur le pas de la porte. Prenez votre temps, cela ne me gêne pas du tout de devoir attendre. » répéta en boucle l’être masqué.

La femme aux cheveux noirs hocha la tête pour le remercier. Neel était un brave homme… Et cela malgré l’impression inquiétante qu’il donnait lorsqu’on le regardait. Il quitta la maisonnette, observant le soleil qui survolait le ciel. C’était un temps magnifique… vraiment magnifique… et il ne savait pas pourquoi… Il se sentait vraiment apaisé.

« Tery devrait être vraiment fier… d’avoir une mère comme ça… »

Ah… Une mère… Hé… Héhéhé… C’était vraiment pas mal du tout d’avoir du monde qui se souciait de soi. De savoir si on allait bien, si on était en bonne santé, s’il n’y avait pas de gros problèmes. Oui… C’était pas mal du tout… Il poussa un léger soupir amusé alors qu’il attendait que la femme aux cheveux noirs fasse son apparition. Chose qui arriva rapidement.

« Pardonnez-moi de vous faire perdre de votre temps… Nous pouvons nous en aller. »

« Cela ne fait rien… Ca ne me pose aucun souci. » murmura l’être encapuchonné.

« Allons y maintenant alors ? Je vais vous faire visiter le village. »

Oui. C’était exactement ça. Elle s’était retournée pour observer la mère de Tery. Elle avait fait vraiment quarante kilogrammes de plus auparavant ? Il avait du mal à y croire… Beaucoup de mal même, il devait le reconnaître. Comment était-ce possible une telle chose ? Beaucoup trop difficile à croire même. Il se répéta ces mots dans la tête alors qu’elle lui demandait de se déplacer un peu plus rapidement s’il voulait que cela aille plus vite.

« Alors, ici, comme vous pouvez le voir, c’est la boucherie… Ici le forgeron… Et là la boulangerie. Je me dois de signaler que celle-ci est assez connue dans les alentours car notre boulanger utilise des farines et ingrédients venus des cinq pays. »

« Des cinq pays… Hum… Je vois, je vois. Ce n’est pas un très grand village néanmoins. Combien êtes-vous environ ? Cent ? Deux cents ? »

« On doit être dans ces eaux là, c’est vraiment un petit endroit mais tout le monde ici se connaît. C’est pourquoi nous nous appré… »

« Léa ! Tu es enfin sortie de chez toi ? Quelle bonne nouvelle que voilà ! »

Hum ? Neel tourna son visage vers une femme aux cheveux grisâtres. Ainsi, la mère de Tery s’appelait Léa ? C’était un joli nom, ça lui convenait plutôt bien. Léa sembla surprise par cette apparition soudaine, paraissant gênée sans savoir réellement où se mettre. La vieille femme s’approcha d’elle, lui prenant ses deux mains avant de jeter un regard vers Neel, haussant un sourcil inquisiteur. Elle ne connaissait pas cette personne, c’était normal qu’elle se fasse du souci. Léa murmura :

« Bon… Bonjour madame… Jeanne-Francine. Vous allez bien ? »

« C’est plutôt à moi de te demander cela ! Tu ne sortais à peine et discrètement de chez toi ! Nous nous faisions un sang d’encre pour toi ! » s’écria la vieille femme.

« Je… suis désolée… de vous avoir inquiéter comme cela. »

« Et qui est cette personne ? Est-ce elle qui est responsable de cette sortie ? Elle a réussi là où nous avions échoué pendant des mois. » reprit la femme ‘un certain âge.

« Cette… personne m’a apporté des nouvelles de mon Tery… Il se trouve dans l’armée de Shunter. Il paraîtrait même qu’il s’est mis aux armes et à la magie. Vous avez entendu cette nouvelle ? Je suis si contente… Je n’arrive pas à le croire. »

« Tiens donc ! En voilà une nouvelle ! Il était temps qu’il s’y mette. Il n’a plus rien toucher depuis des années. Je me demande si vous n’êtes pas un envoyé de la déesse sainte. Oh ! Ne vous préoccupez pas trop de ça… Nous les anciens, nous nous mettons en croire en cette déesse seulement lorsqu’on se fait vieux et qu’on a plus rien d’autre à penser… Allons, Léa, tu vas venir boire une tasse chez moi, il faut que je te raconte tout ce qui s’est passé pendant ton isolement. Allez, viens donc… »

« Mais je devais faire une visite… » commença à balbutier Léa.

« Cela ne fait rien. Je vais me débrouiller tout seul. Je vous retrouverais sur le pas de la porte lorsque j’aurais terminé d’observer le village. » répondit calmement Neel.

Il fit un petit geste de la main, souriant sous son masque blanc bien que ce n’était pas visible. Léa lui jeta un regard légèrement inquiet et désabusé. Elle ne pouvait même pas remercier la personne qui lui avait parlé de son fils… Les deux femmes s’éloignèrent, le laissant en plan. Pendant plusieurs secondes, il resta parfaitement immobile, ne sachant pas quoi faire. Il ne connaissait pas du tout le village… Pfiou… Il poussa un profond soupir, se remettant en route. Il ne devait pas perdre plus de temps qu’il n’en avait. Comment dire… Il se sentait un peu heureux et déboussolé par tout ce qui se passait. La mère de Tery était contente et cela lui convenait parfaitement. C’était une belle chose… d’avoir une famille.
« Ce n’est pas le cas… de tout le monde… Héhéhé… » murmura-t-il avec un rire nerveux.

Ca ne servait à rien de s’en rappeler de toute façon. Il commença à vagabonder à travers les petites routes de terre. C’était vraiment un village tout ce qu’il y avait de plus normal et basique. En regardant de plus près, il semblait même assez ancien contrairement aux autres qu’il avait déjà visités dans le passé. C’était vraiment bizarre… A croire que ce village était hors du temps et des dernières avancées magiques. Mais bon, pas de temps à perdre, il devait trouver un guide et visiter les environs. Le problème était néanmoins là : il ne savait rien du tout sur la créature qui portait le dernier médaillon, même pas à quoi elle ressemblait. Il pouvait toujours essayer d’aller voir les Gnomolds qui semblaient bien excités mais ce n’était guère une bonne solution.

Une bonne heure passa et il s’était mis à vagabonder en essayant de noter mentalement tous les bâtiments qu’il voyait autour de lui. Oui… Le forgeron faisait du travail de qualité même si cela n’avait rien de bien fantastique. Oui… Le boulanger… Hum ? Oui… Il s’était fait une petite pause et il avait récupéré de quoi se sustenter. Il était vrai que la nourriture de la boulangerie était assez spéciale. Un pain dont la mie restait chaude même à l’intérieur du ventre et il avait tout de suite compris que les ingrédients provenaient d’un autre pays. Hum… Ce n’était vraiment pas mauvais du tout. Encore qu’il… était assez suspect avec son masque blanc. Il n’avait pas pu manger tranquillement avant de se trouver un coin isolé des autres. Même les quelques enfants ou les jeunes adultes s’éloignaient de lui.

Ah… Il n’était pas vraiment un paria mais ce n’était pas le contraire non plus. Il avait bien trouvé un groupe de gardes qui lui avait répondu poliment. Oui, il y avait deux ou trois personnes chargées de faire visiter aux touristes les alentours du village de Leskar, oui… Mais elles n’étaient pas présentes actuellement. Elles étaient parties pendant quelques jours pour aller à Midès. Bon… Alors… Il n’avait rien à faire malheureusement. Il retourna vers la petite maisonnette de Léa, dos contre le mur, le visage baissé vers le sol en croisant les bras.

« Mes… Messire ? Messire ? Vous… Vous dormez ? » murmura une voix féminine.

Hein ?! Il se redressa subitement contre le mur, voyant le visage de la femme aux cheveux noirs devant lui. Du Messire ? Sur le moment… Il avait été surpris… Très surpris… L’appeler comme ça… Ce n’était pas une… paysanne qui devait s’adresser ainsi. Ou alors, elle avait été très bien éduquée. Elle recula de quelques pas après qu’il se soit redressé, cherchant ses mots. Comment est-ce qu’il … AH ! Il s’était endormi pendant combien de temps ? Léa lui fit un petit sourire avant de lui répondre que cela faisait environ deux heures. Il s’était endormi contre le mur pendant deux heures ? Qu’il était ridicule ! Vraiment plus que ridicule. Il ne savait même plus où se mettre. Néanmoins, la mère de Tery reprit la parole, demandant :

« Est-ce que votre visite s’est bien passée ? Avez-vous trouvé ce que vous vouliez ? »

« Oui… Mais ils ne sont pas encore là. Je vais devoir attendre quelques jours avant qu’ils ne reviennent. Je suis désolé de déranger autant. »

Ca ne faisait rien du tout ! Elle l’invita à rentrer, lui demandant s’il avait faim ou non. Il hocha la tête négativement en annonçant que non, signalant qu’il allait tout simplement se coucher quelques temps si cela ne la gênait pas trop. Pourquoi… Pourquoi pensait-il qu’il y avait quelque chose qui clochait ? Le portrait de sa mère que Tery avait donné était bien moins élogieux que celui qu’il voyait en face de lui. Hum… Il préférait ne rien dire, cela valait mieux. Il poussa un nouveau soupir, saluant brièvement Léa avant de se diriger vers la chambre où Tery dormait habituellement.

« C’est désespérément… vide… ici. Il devrait vraiment mettre un peu plus d’objets dans sa chambre… du genre… des livres ? Enfin, qui suis-je pour parler de cela alors que ma propre cabane n’est guère mieux au niveau du décor. » murmura l’être masqué.

Il referma la porte derrière lui, venant se coucher sur le lit en observant le plafond à travers son masque blanc. Les murs étaient blancs, il n’y avait qu’un simple bureau avec une plume, du papier et un pot d’encre fermé. C’était à même de se demander s’il avait été déjà ouvert pendant tout ce temps. Il prit une profonde inspiration, fermant ses yeux sans regarder plus longtemps autour de lui. Qu’importe… Il n’avait pas… à se demander… pourquoi tout ceci se passait ainsi et pourquoi toutes ces choses se déroulaient de la sorte…

Dormir. C’était bizarre de dormir dans un lit qui n’était pas le sien… et de savoir que quelqu’un veillait sur vous… Enfin, veiller, ce n’était pas exactement ça et ce n’était pas déplaisant, loin de là. Dormir avec quelqu’un, dans le même lit, ça lui rappelait les moments où Tery s’était retrouvé salement blessé à cause du chef Gnomold. Quelle aventure à ce moment-là. Il avait été héroïque… Il fallait le dire… Mais il avait tout gâché avec ses actes inconsidérés. Dire qu’il n’avait jamais pensé un seul instant à ce que les lignes du dieu Alzar puissent être inversées et se calmer…

Si Tery se présentait à lui, comment devrait-il réagir ? Bien ? Mal ? Il ne savait pas. Il ne savait pas du tout. Et si sa mère apprenait ce qu’il avait fait à son fils ? C’est vrai… Il avait quand même essayé de le tuer puis de le sauver ! Les faits étaient néanmoins là : une tentative de meurtre sur Tery. S’il était possible de revenir… en arrière, est-ce qu’il réitérait son choix ? Rien n’était moins sûr.

C’était impossible de dormir dans de telles conditions ! Il se retourna plusieurs fois dans le lit, cherchant le sommeil sans arriver pourtant à le trouver. Pourquoi, pourquoi fallait-il toujours que ça se passe ainsi ? Il n’accomplissait que des mauvais choix ! Sauf peut-être ce dernier. Oui, savoir que Léa, la mère de Tery était si heureuse. Cela lui suffisait à oublier tous ses déboires pour quelques temps. Finalement… Tout n’était pas si laid.

Il était las, vraiment las de tout ça. Il voulait se reposer et fermer les yeux et ne plus penser à tout ça. La mère de Tery lui avait écrit à son sujet et deux sentiments contraires l’habitaient au même moment : d’un côté, il se demandait quel serait la réaction de Tery en apprenant qu’il était chez sa mère et de l’autre, il avait peur, peur de lui. Mais était-ce à cause de ses lignes ? Ou alors de la personnalité du jeune homme ? Il n’avait aucune explication, plongeant dans son sommeil sans même s’en rendre compte.

Chapitre 32 : Aux abords de Leskar

ShiroiRyu
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Chapitre 32 : Aux abords de Leskar

« Combien de temps s’est-il écoulé ? Ca m’a l’air si… différent. » murmura l’être masqué.

Et pour cause, le terrain devant elle semblait être saccagé. Des fissures… De très nombreuses fissures… comme si la terre s’était ouverte de l’intérieur. Pourtant, elle était partie depuis à peine… combien de temps ? Trois semaines ? Hum non ! Qu’est-ce qu’elle disait comme bêtise. Cela faisait plusieurs mois qu’elle n’était pas revenue dans cette région. C’était là que se trouvait le village de Leskar. C’était là… qu’elle avait découvert Tery la première fois. Elle s’en rappelait… Il avait été poursuivi par un Gnomold et elle s’en était occupé avec facilité. C’était… le bon vieux temps dira-t-on ?

« Ce n’est pas l’heure pour les souvenirs… Je dois aller au village et fouiller dans les environs. Je n’ai pas de temps à perdre ! » s’écria-t-il pour se donner une certaine contenance.

Elle accéléra le rythme, évitant les nombreuses failles qui ouvraient le terrain devant elle. Qui avait put causer une telle chose ? C’était vraiment énorme… Etait-ce le monstre dont lui avait parlé l’Oracle ? Celui qui avait le dernier médaillon ? Peut-être que c’était le cas… Mais alors… Elle avait de sérieux soucis à se faire, vu l’état dans lequel était le terrain. Le pire était qu’elle n’avait aucune idée de quoi ressemblait le protecteur du médaillon. Elle continua de marcher jusqu’à trouver un petit village, pénétrant dans l’auberge sans même jeter un regard tout autour d’elle. Elle se dirigea vers le comptoir, commandant une cruche d’eau sous les rires de quelques hommes. Elle ne s’en offusquait pas, cela n’en valait pas la peine. Elle n’était pas portée sur la boisson.

« Et à part une carafe… Qu’est-ce vous voulez messire ? » demanda l’aubergiste.

« Quelques informations sur les derniers évènements… Du genre… Ces nombreuses failles que l’on voit en arrivant ici. Est-ce normal ? »

« Je vous laisse trouver la réponse tout seul, z’êtes assez grand non ? »

« S’il vous plaît… Je n’ai vraiment pas envie de plaisanter. Est-ce à cause d’un monstre ou d’un groupe de créatures ? J’aimerais bien le savoir. »

« Vous avez pas à vous en faire pour ça ! L’armée de Shunter va s’en occuper très bientôt. Ils devraient arriver d’ici deux semaines voir un mois. De toute façon, cette bête ne risque pas de venir près de chez nous. Elle nous évite soigneusement. »

« Cette bête ? Vous savez à quoi elle ressemble ? Si c’est le cas… J’aimerais bien le savoir… Et elle se trouve où actuellement ? »

« Me dites pas que vous comptez aller la voir ? C’est vrai qu’elle semble à moitié intelligente mais elle a tué tous les membres des chasseurs envoyés pour tenter de l’éliminer. Elle déteste tous les humains et les gnomolds… Quand à sa localisation… On va dire que ce n’est pas une bonne idée… Elle bouge tout le temps bien qu’elle semble tourner en rond d’après les voyageurs qui arrivent ici. Quand ils partent, ils ns reviennent plus. »

« Tourner en rond ? Autour de quel point ? Le cercle qu’elle dessine doit sûrement dire quelque chose ! Où se trouve le centre de son cercle ? »

« Oh… Je ne sais pas si vous connaissez ce patelin, c’est un petit village paumé près d’un grand fleuve nommé l’Olian. Un chouette fleuve, plutôt beau mais souvent entouré de Gnomolds. Impossible de les déloger ! Paraîtrait même que c’est là-bas que se trouve l’une des réunions les plus importantes de Gnomolds. L’un de leurs grands chefs ou je ne sais quoi.  Z’avez fini avec vos questions ? Je peux aller servir d’autres personnes ? »

« Oui… Oui… Faites donc… Je prendrais une chambre plus tard. » murmura Neel.

« Faites comme vous le voulez… Si vous voulez perdre la vie contre cette bête, c’est à vous de voir. Au passage, vous m’avez même pas demandé le nom du village mais c’est celui de Leskar. Pas sûr que vous le connaissiez… Même pas célèbre ou autre. »

« Merci beaucoup… pour toutes ces informations. » termina de dire l’être masqué.

Neel quitta le tabouret sur lequel il s’était assis, prenant la carafe et le verre d’eau qu’il avait achetés avant de s’asseoir à une table isolée des autres. Plusieurs personnes lui jetèrent un regard intrigué alors qu’il s’était mis à boire à sa méthode, c’est-à-dire jouer avec le flux de l’eau pour le faire arriver entre ses lèvres.

« Alors, mon gars… T’es intéressé par cette sacrée bête ? » demanda une voix forte.

Hum… Voilà qu’un trio s’amusait à venir s’asseoir en face de lui. Comme si il n’avait déjà pas assez de soucis en tête, d’autres s’installaient… Une vingtaine d’années, le plus vieux devait avoir la trentaine grand maximum. Surement le chef des deux autres.

« Pas forcément intéressé… Je dirais plutôt que je me demandais à quoi elle ressemblait… Je n’en ai aucune idée… Pourquoi cette question ? Vous savez où elle se trouve ? »

« Pour sûr ! Enfin bon… On est des chasseurs et on se disait que vue ta dégaine, tu serais peut-être enclin à venir nous rejoindre. On va sûrement aller se faire un max avec cette créature si on arrive à la tuer ! » s’écria l’homme d’une trentaine d’années.

« Ne vaut-il mieux pas attendre l’armée de Shunter pour s’occuper de ce problème ? »

« Peuh ! Je crois que tu ne comprends pas ! Réussir à avoir cette bête, ça serait la gloire et la richesse assurée ! On sera célèbre ! »

« C’est donc juste cela qui vous intéresse ? Désolé, mais je ne crois pas que ça sera possible. »

« Pffff ! Fais comme tu veux ! On s’en doutait un peu qu’un gringalet comme toi craindrait pour sa vie ! Aller, les gars, on s’en va, il en vaut pas la peine ! »

« OUPS ! Ton eau est tombée… Pardon ! Héhéhé ! »

La carafe se brisa au sol sous le coup donné par le coude de l’un des deux acolytes de l’homme qui lui avait fait la proposition. Il poussa un profond soupir, ne cherchant même pas à se lever. Devant le désintérêt complet de l’action qu’il venait de faire, l’homme s’approcha de lui, tentant de lui donner un coup de poing. Il se releva de sa chaise, lui faisant un croche-pied. L’homme tomba au sol, quelques rires se faisant entendre autour d’eux.

« Je n’ai pas de temps à perdre avec ces frivolités. Excusez-moi. »

« Toi… Tu vas me le payer, petit gars ! Je vais te faire ravaler tes dents ! »

L’homme s’était relevé et Neel poussa un profond soupir. Il venait de sortir une dague pour la pointer vers lui ? Hum… Et lui ? Devait-il sortir son arc pour lui planter une flèche dans l’œil ou au beau milieu du front ? Hum… Choix cornélien. Il ne fit aucun geste, esquivant tout simplement la dague de l’homme avant de reprendre la parole d’une voix calme :

« Vous devriez éviter de vous énerver ainsi. Ce n’est pas très bon pour la santé. Qu’est-ce que j’ai fais de mal à part refuser votre proposition et éviter votre coup ? »

« Ma fierté, mon gars ! Ma fierté ! Tu vas payer pour l’avoir bafouer ! »

« L’honneur d’un rustre… Je me demande combien cela vaux. » rétorqua Neel.

« LA FERME ! JE VAIS TE… »

« Stop ! Assez ! C’est bon ! Tu arrêtes tout de suite ou je te vire ! » cria le chef.

« Mais bordel… Il s’est foutu de ma gueule ! » hurla l’homme d’une trentaine d’années.

« Tu as commencé que je sache. Alors tu préfères que je dégage ou non ? »

Tsss ! L’homme lui jeta un regard furieux, regard qu’il ignora superbement alors que le chef s’éloignait sans un mot, accompagné par l’autre homme. Il s’arrêta devant l’entrée de l’auberge, prenant finalement la parole d’une voix douce :

« Je ne sais pas qui tu es… Mais tu comprendras très bientôt que ce n’était pas la meilleure des idées que de nous provoquer. Je m’en vais mais je reviendrais. »

Une menace ? Pfff… Qu’est-ce qu’il en avait à faire de ces menaces ? Comme s’il devait les craindre. Il les observa quitter l’auberge à travers son masque blanc alors que de nombreux soupirs désabusés se faisaient entendre autour d’eux :

« Voilà qu’ils ont recommencé… C’est normal qu’ils ne trouvent personne… Déjà qu’ils veulent tenter de chasser cette créature… Mais avec le comportement des deux zigotos, ils ne risquent pas d’avoir de nouveaux compagnons. »

« Dommage… qu’il soit avec eux, ce n’est pas forcément un sale type quand on le connait. »

« Mais les deux autres sont de gros abrutis. De très gros abrutis ! »

Au moins, ils semblaient tous d’accord. Il devait avouer qu’en jetant un coup d’œil sur les trois protagonistes qui s’étaient montrés au public, le chef semblait bien plus malin que les deux autres. Alors pourquoi traînait-il avec eux ? Humpf… Peut-être une sombre histoire derrière tout ça ? Enfin… Qu’importe… Ce n’était pas son problème et il n’avait pas à s’occuper de ça. Il retourna au comptoir, demandant une chambre pour la nuit tout en sortant quelques pièces de sa bourse. Voilà qui venait d’égayer sa journée.

Le lendemain, elle remercia l’aubergiste pour la nuit passée, repartant directement de ce village sans s’y attacher. Direction le village de Leskar. Au total, combien de temps s’était-il écoulé depuis son départ de l’orphelinat ? Trois semaines ? Quatre ? Elle ne savait pas… Elle n’avait pas compté… A force… Elle ne se préoccupait de cela. Une seule idée restait dans sa tête et elle était très simple. Elle se dit :

« Eviter… que les parents de Tery ne soient en danger. Même si… Il m’en veut… J’estime que j’ai une responsabilité envers eux. Ils doivent m’en vouloir… En y réfléchissant… »

Non… Ces mois passés avec Tery… Si elle s’en rappelait bien… Elle tentait de ramener ses souvenirs les uns après les autres. En y réfléchissant correctement… Est-ce que… Elle se donna une claque sur le masque blanc, celui-ci amortissant le choc. Elle reprit :

« Mais quel idiot ! Il n’a jamais prévenu sa mère et son père qu’il était parti ! Ils doivent être morts d’inquiétude depuis ce temps ! Mais quel imbécile ! Et je ne suis pas mieux que lui ! J’aurais dû lui dire d’écrire depuis tout ce temps ! Ce n’est pas parce… »

Il valait mieux ne pas y penser. Alors maintenant… Elle savait où elle devait se diriger. Direction le village de Leskar ! Et encore… Après ça, elle allait devoir parler avec les deux parents de Tery, leur dire qu’ils n’avaient pas à se faire de souci, omettre de parler de certains points comme sa tentative d’assassinat envers lui et ses fameuses lignes du dieu Alzar. Ses yeux bleus se refermèrent derrière le masque alors qu’elle se remettait en route.

« Plus de temps à perdre. Je dois me dépêcher avant que ce monstre ne vienne détruire le village. Mais quel idiot je peux faire des fois ! » s’écria la personne masquée.

Elle s’était mise à courir à toute vitesse, prenant un pas rapide pour se mettre en direction du village de Leskar. Elle devait y arriver dans la journée ! Ou plutôt au grand maximum dans deux à trois jours ! Si cette créature se rapproche trop du village alors…

Alors cela risquerait de créer de sérieux problèmes, problèmes qu’elle aimerait éviter dans l’avenir ! Elle se dépêcha de courir, se demandant si l’armée de Shunter était déjà arrivée ou non… En y réfléchissant bien, l’armée qui allait se déplacer allait sûrement être celle de la capitale… Donc… Peut-être Tery ? Elle continua de se parler toute seule :

« Si c’est le cas… Alors… Il pourra prévenir sa mère et son père… Mais si ce n’est pas le cas… Je ne peux pas réfléchir à toutes les éventualités ! Je dois le faire quand même ! Tout seul ! Je vais prévenir que leur fils est dans l’armée. »

Oui ! C’était comme ça qu’elle allait faire ! Elle se poserait des questions APRE S ! Elle accéléra le rythme, quitte à utiliser un peu de magie pour se déplacer avec vélocité. Le résultat fut des plus spectaculaires… Des dizaines de kilomètres parcourus en quelques heures à peine… Et voilà qu’elle se trouvait devant le village de Leskar, six gardes étant positionnés devant l’entrée comme en état d’alerte. Que se passait-il ici ? Elle s’approcha calmement de l’entrée, les gardes brandissant leurs lances vers elle.

« Qui êtes-vous et que voulez vous ? » demanda l’un des gardes avant qu’un second précise :

« Veuillez décliner la raison de votre présence dans le village de Leskar. »

« Que se passe t-il ici pour que vous soyez sur le qui-vive ? » questionna Neel.

« Vous n’êtes donc pas au courant ? Vous débarquez d’où pour ne pas savoir ça ? »

« Disons que j’ai fais un voyage… long… très long… Est-ce que c’est en rapport avec la bête qui sévit dans les alentours ? J’en ai entendu parler… » reprit l’être masqué.

« Et bien, si vous le savez, ne posez donc pas la question ! Et vous êtes l’un de ces chasseurs ? Vous venez encore pour tenter de l’abattre ? Je vous dirais plutôt de reculer… et de partir d’ici. Déjà que les gnomolds sont très excités à cause de ces problèmes… »

« En fait… Je n’étais pas venu pour cela… mais plutôt pour me reposer et trouver une auberge. J’ai un message à faire passer à quelques personnes et je sais simplement qu’elles habitent ici. Peut-être que vous pouvez m’aider ? Je ne sais pas trop… »

« Ben, d’abord… Faudrait peut-être nous dire leur nom… Car vous devez sûrement l’avoir sinon ça risque d’être sacrément difficile. »

« Hum… En fait non… Je n’ai même pas leur nom de famille. » bredouilla Neel.

Les six gardes se regardèrent alors qu’elle ne savait pas où se mettre. Si elle aurait été capable de rougir, peut-être qu’elle l’aurait fait. Ils poussèrent ensemble quelques soupirs, rabaissant leur lance alors que celui qui avait parlé reprenait :

« Peut-être que tu as quand même une indication… »

« Je sais juste que leur fils est Tery… Je veux les prévenir et leur donner des nouvelles de leur fils. Je sais où il se trouve et ce qu’il fait. » dit-il avant qu’un garde ne s’exclame :

« Le petit Tery ? Vous êtes vraiment sûr ? J’espère que ce n’est pas une mauvaise blague ! »

« Sa mère est morte d’inquiétude ! La preuve, c’est qu’elle a bien perdu au moins vingt kilogrammes voir trente depuis qu’il est parti ! »

« Elle est même devenue ravissante héhéhé… » annonça l’un des gardes d’un ton las.

« Mais elle n’est pas disponible… Dommage… Enfin, j’espère pour vous que ce n’est pas une mauvaise blague de votre part. Vous pouvez rentrer dans le village mais je vous préviens… Vous la faites pleurer, vous aurez tout le village sur le dos. »

« Le message est très bien passé. Où est-ce que je peux la trouver ? » demanda Neel.

« Vous voyez la petite maisonnette sur la colline tout au fond du village ? C’est là-bas. »

« Je vous remercie encore… de votre hospitalité. Je vais de ce pas la prévenir. »

La prévenir ? En y réfléchissant bien… Ils avaient parlé de sa mère mais nullement de son père ? Est-ce que… cela voulait-il dire ? Peut-être qu’à force… Elle allait en apprendre aussi un peu plus sur Tery, ce qui n’était pas forcément une mauvaise chose … à ses yeux.

Deux petits coups… Aucune réponse… Puis deux autres coups et elle entendit la porte qui se faisait déverrouiller de l’autre côté. Enfin, la porte s’ouvrit, laissant apparaître une femme d’une quarantaine d’années, le visage tiré par la fatigue et les larmes. Elle était maigre… Bien plus maigre que l’idée qu’elle se faisait d’elle. Elle portait une robe verdâtre avec un tablier blanc par-dessus et elle avait deux yeux verts encore rougis par les larmes. La différence avec la femme d’il y a plusieurs mois était saisissante pour ceux qui la connaissait.

« Que… Que me voulez-vous ? Je… Je n’ai pas très envie… d’avoir de la visite. »

« Même si elle concerne votre fils ? Tery ? »

« Te… Tery ? VOUS SAVEZ OU IL SE TROUVE ?! » hurla soudainement la femme.

Aie ! AIE ! Ca faisait sacrément mal ! La femme aux cheveux courts et noirs avait fait apparaître ses veines brunes sur ses mains, empoignant les deux bras de Neel. Elle s’arrêta subitement après quelques instants, reprenant avec tristesse :

« Par… Pardon… Je ne voulais pas… vous faire mal… C’est simplement que… Je n’ai justement… aucune… nouvelle de Tery… Vous voulez rentrer ? »

« Cela serait avec un grand plaisir. » murmura Neel.

« Si ce n’est pas indiscret… Mon fils n’est pas en danger n’est-ce pas ? Je vous demande ça… car votre apparence… est assez inquiétante… malgré votre masque blanc. »

« Il n’est pas rare que l’on me signale ce détail mais vous n’avez pas à vous en faire. Tery n’est pas en danger, loin de là… Enfin… Je pense qu’il doit être en sécurité. Cela fait déjà un mois ou presque que je ne l’ai plus vu. »

« Nous devrions arrêter de parler. Venez donc à l’intérieur au lieu de stationner devant la porte. Vous me raconterez tout devant une tasse de… thé. »

Hum… Elle devait se douter que ce n’était pas réellement du thé qu’elle allait préparer mais pour faire comme si c’était le cas, il valait mieux se taire. Elle suivit la femme aux cheveux noirs, se disant que la couleur de cheveux de Tery ne provenait pas d’elle… donc de son père surement ? Mais elle ne le voyait pas. Est-ce que… C’était plutôt indiscret…

« Si vous voulez bien tout me raconter… pendant que je prépare… »

« Vous voulez que je commence par vous dire ce qui s’est passé depuis le début ou que je vous dise où il est actuellement ? » coupa poliment l’être masqué.

« Venez tout de suite au fait s’il vous plaît. Où est-ce que mon fils se trouve ? »

« Actuellement… Il se trouve dans l’armée de Shunter. Il a fait ses preuves pour y rentrer et je pense qu’il doit très bien se débrouiller. Cela fait environ un mois qu’il est rentré donc je n’en sais pas plus que vous après ça. » reprit Neel, voyant l’étonnement dans les yeux de la femme.

« L’armée… L’armée de Shunter… Est-ce que c’est vrai ? Je ne pensais pas… »

La mère semblait surprise par ses paroles. Pourtant… C’était la stricte vérité. Il n’y avait rien de bien étonnant ou faramineux pourtant. Mais en la regardant, elle se demandait s’il n’y avait pas autre chose derrière tout ça. Elle jeta un regard autour d’elle et de la femme aux cheveux noirs, lui demandant calmement :

« Où se trouve le père de Tery ? Je ne le vois pas du tout… Est-il au travail ? »

« Raino… est mort depuis bientôt quatorze ans… »

« AH ! Pardon ! Pardonnez-moi ! Je ne voulais pas paraître indiscret ! Je… Je… »

« Ca ne fait rien. Comme si vous en étiez responsable non ? Enfin… Une bonne chose… C’est que vous paraissez bien moins impressionnant. » dit la mère de Tery en souriant.

« Que voulez vous dire par là ? Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. »

« Disons simplement que le fait que vous vous comportiez comme ça retire un peu du voile de mystère qui vous entoure. Je devrais plutôt vous remercier… »

« Me remercier ? Je n’arrive pas à saisir la portée de vos paroles… » murmura Neel.

Elle fit virevolter le liquide dans la tasse blanche, l’emmenant au niveau de sa bouche à travers son masque blanc pour le boire. Elle remercia la femme aux cheveux noirs, attendant que celle-ci lui réponde. Elle semblait aller déjà bien mieux maintenant.
« Voulez-vous bien me parler de lui encore ? Je… Cet imbécile n’en fait qu’à sa tête ! J’étais morte d’inquiétude ! Je n’avais aucune nouvelle de lui ! Pourquoi ne m’a-t-il pas écrit une lettre ?! Juste pour me dire où il se trouvait ! » demanda la mère de Tery.
« Je pense qu’il n’en avait pas le temps… Je devrais peut-être me présenter ? Je ne l’ai pas fait… Je suis celui qui s’est chargé de l’entraîner pendant plusieurs mois. Dorénavant, il est capable de se battre avec une arme et avec sa magie. »

« Sa magie ? Vous voulez dire que ses lignes se sont enfin montrées ? Enfin… Je veux dire par là… Il est vraiment… capable ? Mais si vous êtes son maître d’armes… Je veux savoir votre secret ! Dites le moi ! »
« Un secret ? Mais à quel sujet ? Je ne cache… rien… Et je ne dois pas montrer mon visage, vous m’en voyez désolé. » annonça Neel avec calme.
« Je ne parlais pas de ça mais comment vous vous y êtes pris pour lui redonner envie de se battre ? Je ne veux pas dire que j’aime savoir mon fils en danger… mais il était si mou et si… isolé des autres. Il détestait tout ce qui était rapporté à la magie ou les armes. »
Ahhhh ! Ce n’était donc à son sujet qu’elle voulait en savoir mais par rapport à Tery ? Et bien… Elle pouvait bien tout lui dire… sauf bien entendu au sujet des veines noires… et aussi de sa tentative d’assassinat. Elle aurait tout le temps de lui mentir sur quelques parties mais elle pouvait bien commencer par le début… Le sauvetage de Tery. Dire qu’elle était venue au départ simplement pour lui dire qu’il allait bien…

Chapitre 31 : Plusieurs semaines

ShiroiRyu
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Chapitre 31 : Plusieurs semaines

« Long… C’est vraiment long… Très long… »

« Alors comme ça, vous êtes en voyage vers le village de Leskar ? » posa une voix féminine.

« Hein ? Que quoi ? Ah… Euh oui ! Oui ! C’est cela ! »

Elle releva son visage masqué de blanc, s’étant assise à une table. Où est-ce qu’elle se trouvait ? Ah oui… Dans une auberge… Elle avait perdu un peu le sens des réalités à force de réfléchir à tout ça. Elle avait trouvé un petit village en bordure du royaume de Shunter, n’ayant pas encore pénétré à l’intérieur de celui-ci. Une serveuse s’était approchée d’elle, tentant la discussion tout en lui servant ce qu’elle avait commandé.

« Vous semblez un peu rêveur… Vous voulez peut-être que j’aille demander une chambre à l’aubergiste ? Je suis sûre qu’il doit en avoir une de libre. »

« Merci… beaucoup… de votre sollicitude. » répondit l’être masqué.

La femme passa sa main sur celle gantée de rouge, les yeux bleus de Neel l’observant quelques instants s’éloigner avant qu’il ne pousse un profond soupir. Cela faisait déjà une bonne semaine qu’il était parti de l’orphelinat… Il avait prévenu l’Oracle que cela risquerait d’être plus long que prévu à cause du médaillon… Si celui-ci bougeait, alors il devait faire attention à ne pas perdre sa localisation. La serveuse revint quelques minutes plus tard.

« Voilà ! C’est fait ! Vous aurez la chambre numéro quatorze au premier étage. »

« Je vous remercie pour tout ce que vous faites pour moi… »

« Ne vous inquiétez pas, je m’appelle Elise. Si vous voulez, je termine mon service dans une heure, nous pourrons discuter. » annonça la jeune femme à Neel.

« ELISE ! Arrête de gêner les clients et ramène-toi ici plus vite que ça ! Nous n’avons pas que ça à faire de papoter ! Tu as du travail ! » cria une voix masculine.

« Oups… Pardonnez-moi. Je suis désolée… Mais le travail est le travail. »

« Faites donc… Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. » murmura l’être masqué.

La serveuse quitta sa table alors qu’il terminait de manger. Utilisation de la magie… Toujours de la magie… La nourriture s’insinua à travers l’espace de son masque au niveau de sa bouche, lévitant au-dessus de son assiette. Personne ne devait voir son visage… Il se sentait un peu mieux… Il allait retourner à Shunter. En fait, il était tiraillé entre deux sentiments. Il était heureux de retourner dans le royaume de Shunter mais aussi très inquiet. Une seule bavure… et voilà le problème. Il se dirigea vers l’aubergiste, prenant la parole :

« Pardonnez-moi… J’aimerais la clé de ma chambre. Enfin… Dites moi le prix au départ et je vous payerai directement. Je ne reste qu’une journée. »

« Pour votre chambre, d’après Elise, vous voulez la quatorze non ? Vous n’inquiétez pas pour elle, c’est une gentille fille. Elle aime bien s’inquiéter des personnes qu’elle rencontre et qu’elle apprécie. Vous semblez avoir de graves soucis pour qu’elle vienne vers vous mais attention… Je vous interdis de la faire souffrir ! Cette gamine est sous ma protection. »

« Ne vous inquiétez pas pour cela… Je ne la toucherais pas du tout. »

« Je l’espère pour vous. Voilà… Tenez votre clé. » termina de dire l’aubergiste.

Elle ouvrit sa bourse d’argent, celle-ci ayant été renflouée pour le voyage. Elle déposa la monnaie nécessaire pour payer sa chambre, récupérant sa clé avant de jeter un bref regard à Elise. La jeune femme devait avoir dix-sept voir dix-huit ans au grand maximum, elle travaillait déjà aussi durement. Elle avait une frange de cheveux bruns, des yeux couleur noisette et une taille assez élancée bien qu’elle était petite. Sa poitrine était de taille normale mais elle n’était pas vilaine… Très loin de là même. En fait, son sourire semblait s’attirer la sympathie de toutes les personnes présentes en ce lieu et Neel se demanda si ce n’était pas des habitués… spécialement à cause de cette jeune femme.

« Oui je sais… Elle est assez spéciale… Elle met de la joie et de la bonne humeur… alors que la guerre se rapproche inexorablement. Enfin… Nous sommes à la frontière mais nous ne sommes pas dans Shunter, nous n’avons pas à nous inquiéter… Simplement… Une bonne partie des personnes ici présentes ont besoin de se faire remonter le moral car elles proviennent de Shunter… ou partent là-bas. » répondit l’aubergiste en observant Elise.

« La guerre est une chose laide… mais je n’apprend rien à personne à ce sujet. Le problème n’est pas la guerre ou les personnes qui y participent… Ce sont les raisons et les personnes qui dirigent dans l’ombre… Je vous souhaite une bonne soirée, je vais de ce pas dans ma chambre pour m’y reposer. Je compte partir au petit matin… ou alors en début d’après-midi. »

« J’espère que votre nuit se passera tranquillement ! N’oubliez pas de rester éveillé pour Elise. Si elle veut vous parler, c’est la meilleure chose à faire. »

« J’y penserais… si je ne m’écroule pas sur mon lit. » dit l’être masqué de blanc.

Finalement, elle se dirigea vers les escaliers, montant au premier étage en jetant un dernier regard vers Elise. Peut-être que discuter avec elle ne serait pas une mauvaise chose… pour quelques minutes au final. Elle arriva devant la porte de sa chambre, rentrant la clé dans la serrure avant de pénétrer à l’intérieur. C’était modeste… Vraiment très modeste… Mais c’était bien mieux que rien et surtout, c’était très bien entretenu.

« Sûrement de la part d’Elise, je parie. »

Elle avait murmuré cela en retirant son masque blanc, refermant la porte à clé derrière elle avant de jeter le masque sur le lit. Elle alla s’asseoir sur celui-ci, observant la fenêtre ainsi que la lumière de la lune qui éclairait la pièce… Il faisait noir… Elle pointa sa main droite gantée de rouge vers le plafond, visant une petite lampe attachée à celui-ci avant de faire apparaître une flammèche au bout de son doigt. La flammèche quitta ce dernier, se dirigeant avec dextérité vers la lampe avant de l’allumer. Voilà… Maintenant, la pièce était éclairée. Qu’est-ce qu’elle devait faire ? Attendre qu’Elise toque à la porte et discuter avec elle ? Elle se demandait… si elle arriverait à saisir sa véritable nature.

Une bonne heure passa et Neel était resté finalement éveillé. Son masque blanc sur le visage, il s’était dit que ça ne servait à rien de ne pas dormir. Elle n’allait pas venir… et puis… à quoi cela lui servirait de la voir venir ? A discuter ? A nouer une nouvelle relation ? Depuis quand s’attardait-il là-dessus ? Hum… Un seul mot lui venait en tête.

« Tery… Il n’y a qu’à cause de lui que je suis comme ça. »

« Messire ? Messire ? Est-ce que vous êtes là ? » demanda une voix féminine.

Ah… Elise était bien arrivée. Est-ce qu’elle devait lui ouvrir ou non ? Est-ce que c’était une bonne chose ? Lui parler de ses problèmes ? Hum… Elle se leva finalement de son lit, se dirigeant vers la porte avant de l’ouvrir d’un geste lent. Elise s’engouffra à l’intérieur avec un petit rire alors que Neel refermait la porte derrière elle. Vraiment… Elle n’attendit pas, venant s’asseoir sur le lit alors qu’elle gardait ses yeux fixés vers la jeune femme.

« C’est l’une des meilleures chambres de l’auberge ! Je m’en occupe spécialement tous les jours lorsque les gens partent. » annonça Elise.

« Que me voulez-vous ? J’aimerais… bien le savoir… »

« Non ! Ce n’est pas moi qui veut quelque chose mais vous ! » répondit aussitôt Elise.

Lui ? Comment ça ? Où est-ce qu’Elise voulait en venir ? Hum… Il ne fallait pas qu’elle se fasse des idées. Est-ce qu’Elise était de ce genre ? Hum… Non… D’après ce qu’elle voyait, ça ne pouvait pas être ça. Il y avait autre chose. Est-ce que la jeune femme voulait vraiment l’aider ? Lui laisser prendre la parole ? Peut-être…

« Je ne vois pas où vous voulez en venir, mademoiselle. » murmura la personne masquée.

« Je m’appelle Elise, ça sera bien mieux. Vous savez très bien de quoi je veux parler. Cela se lit dans votre regard ! Je ne sais pas pourquoi… mais j’ai ce don. Je suis capable de lire dans les yeux des gens et de savoir qu’ils cachent quelque chose. Je vous avoue que des fois, cela me crée quelques problèmes hihi ! Enfin, c’est un don ou presque … »

« Etait-ce moi qui devait parler ? Ou vous ? Je ne sais plus vraiment… »

« Oups ! Pardonnez-moi… messire ? Ou mademoiselle ? » demanda Elise.

« Qu’est-ce qui vous fait croire que je suis l’un ou l’autre ? »

« Vous voulez donc m’annoncer par là que vous êtes une créature asexuée ? J’aurais beaucoup de mal à le croire sauf votre respect, messire ou mademoiselle. »

Messire ou mademoiselle, messire ou mademoiselle, la jeune femme ne l’agaçait pas… ou ne l’irritait pas… En fait… Elle ne savait pas comment réagir avec elle ? Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas parler avec elle quelques temps ? Mais elle avait l’impression que si elle en disait beaucoup trop… Elle ne découvre qui elle était réellement et si c’était le cas… Alors, cela risquait de ne pas lui plaire à ELLE… Elle sous son masque blanc.

« Je ne suis pas une créature asexuée… Simplement… Je n’aime pas parler de moi. J’en suis désolé… mais il aurait mieux fallut que vous ne me parliez pas. » répondit Neel.

« Et pourquoi ça ? Vous savez… Je ne partirais pas tant que je ne saurais pas ce qui vous tracasse. Vous semblez être du genre à ne pas beaucoup parler aux autres. Vous en avez envie… mais quelque chose vous retient et vous bloque. » annonça la jeune femme.

« Et qu’est-ce qui vous fait dire ça ? » répliqua aussitôt l’être masqué.

« Vos yeux… Ils semblent si tristes. Vous êtes à la recherche de quelqu’un ! Est-ce que je me trompe ? Ou alors, est-ce que j’ai raison. »

« Je suis désolé de vous dire que vous vous êtes… » commença à dire Neel.

« On ne peut pas être parfaite partout on dirait. Je pensais pourtant que c’était le cas… »

Neel observa Elise à travers son masque blanc. Pourtant… Elle n’avait pas tord… Pas du tout même. Cela l’étonnait… Est-ce qu’il était aussi prévisible ? Facile à lire ? C’est vrai qu’il recherchait quelqu’un… sans réellement le rechercher. C’était Tery… tout simplement. Il soupira longuement avant de dire :

« Non… Vous aviez raison… Je recherche bien quelqu’un… Mais ce n’est qu’une partie de ce que je dois faire. Et ce n’est pas le plus important. »

« Vu votre regard… Il l’est pourtant. » reprit Elise.

« Arrêtez de me regarder ! A force de parler de ça, ça devient plutôt gênant ! »

Pfff ! Elle n’arrivait pas à supporter cette jeune femme ! Elle ne lui tapait pas sur les nerfs… C’était simplement que… Elle détestait ça. Elise s’arrêta de sourire, poussant un léger soupir attriste avant de se diriger vers la porte.

« Pardonnez-moi… Des fois, je parle beaucoup trop. Mais je n’aime pas laisser des gens dans la détresse. Ce n’est pas… très joyeux quand ils ne sourient pas. »

« Ce n’est pas parce que je porte un masque figé… que mon visage l’est de même. »

« Je n’ai jamais dit cela… messire. Je disais simplement que votre masque est peut-être ce que vous voulez devenir… mais que sous ce dernier se cache un visage bien triste. »

Il ne lui répondit pas. A quoi bon au final ? Elle voulait s’amuser à ça… Elle allait la laisser continuer sur ce chemin. Il attendit pendant plusieurs minutes mais Elise restait sur le pas de la porte, comme si elle espérait qu’il la retienne. Pfff… Mais pourquoi fallait-il qu’il soit tombé sur l’unique auberge dont la servante avait ce genre de… capacités ?

« Si c’est pour un pourboire… Je suis désolé mais je ne peux pas. »

« Non… Vous savez très bien pourquoi je ne veux pas partir. » répliqua aussitôt Elise.

« C’est bon, c’est bon… Vous avez gagné… Je vais vous dire qui est cette personne que je recherche, pourquoi et ce qui s’est passé. Mais je vous préviens : un seul mot en-dehors et je serais forcé de vous tuer… Et je ne plaisante pas avec ce genre de choses. »

« Juste… Une question… Est-ce que vous êtes un criminel ? »

« Si vous savez lire dans les yeux, vous devriez connaître la réponse non ? »

« Alors je vous fait confiance… Racontez-moi tout ! Je suis toute ouïe ! »

Elle retourna s’asseoir sur le lit alors qu’il passait une main sur son masque blanc. S’il l’aurait pu le retirer, il n’y a aucun doute qu’il ne se serait pas gêné pour pousser un profond soupir tout en se tirant le visage. Vraiment… Des fois… Il s’en voulait de discuter avec les autres. Il commença à raconter son récit, omettant l’histoire en ce qui concerne le médaillon de Tarka. Elle lui expliqua tout ce qui concernait Tery, la jeune femme ne pouvant s’empêcher de prendre la parole et de dire :

« Si j’ai tout compris, vous avez appris à un débutant à se battre ? Après l’avoir sauvé ? »

« C’est plus ou moins… ça dira-t-on. » marmonna Neel.

« Et ensuite, vous avez attaqué les Gnomolds près de Midès ? Mais c’est bien la ville capitale de Shunter ? Comment est-ce là-bas ? On me dit toujours : très grand voir gigantesque ! Il paraît qu’il y a plusieurs quartiers et… »

« Êtes-vous là pour me demander des informations au sujet de mon histoire ou pour une visite vocale de Midès ? » coupa l’être masqué alors que la jeune femme s’arrêtait.

« Oups… Pardon. Je ne recommencerais plus. Continuez donc ! Après avoir affronté des Gnomolds et entraîné ce… Tery, qu’est-ce qui s’est passé ? »

Disons… Que ce qui s’est passé ensuite… Elle n’en était pas vraiment fière. Est-ce qu’elle devait continuer à raconter ? Bah… Au point où elle en était, elle n’avait plus rien à perdre. Elle lui expliqua ce que Tery avait fait pour elle, au sujet de cet argent, du chef Gnomold et aussi des récompenses. Intentionnellement, elle évita de parler du cœur de pierre brun… Pas maintenant… Ça ne servait à rien… Elise demanda après le reste des paroles :

« Ce scorpion ? Il a réussi à le battre alors que vous étiez évanoui ? Mais c’est formidable non ? Mais pourquoi… vous vous êtes séparés ? »

« Car… J’ai essayé de le tuer… Je devais le faire. »

« Le… Le tuer ? Co… Comment ça ? Vous voulez dire… tuer tuer ? » balbutia Elise.

« Il n’y a pas cinquante façons de faire mourir un homme… Enfin si. »

La jeune femme aux cheveux bruns perdit son sourire qui était revenu au moment où Neel avait commencé à parler. Le tuer ? Alors qu’il l’avait éduqué dans l’art de la magie et du combat ? Mais pourquoi une telle chose ? Neel lui en cachait beaucoup trop… mais d’un autre côté, il en avait peut-être déjà trop dit…

« Et vous voulez retourner le voir… mais pourquoi ? Ca ne semble… pas logique. Si vous avez essayé de le tuer… Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? »

« Vous posez beaucoup trop de questions à mon goût. Je suis là pour une autre mission mais j’aimerais simplement me faire pardonner… » marmonna l’être masqué de blanc.

« Vous avez essayé de le tuer… Vous comprenez donc que ça sera très difficile. »

« Qu’importe que cela soit difficile ou non, j’essayerai de mon mieux. Je n’ai pas pu m’expliquer correctement la dernière fois mais je vais changer tout cela. »

« Je vous souhaites la bonne chance ! Je dois aller me coucher. Il se fait tard et la vie d’une serveuse d’auberge n’est guère palpitante bien qu’elle doit se lever chaque matin à l’aurore pour servir ceux qui doivent partir tôt. » annonça la demoiselle en une seule traite.

« Faites comme vous le désirez… Je vous dis bonne nuit. Je n’ai pas besoin de vous guider jusqu’à la sortie. Vous connaissez très bien le chemin non ? »

« Hihihi ! J’espère que nous nous reverrons un jour, vous êtes une personne très très intéressante… Et je suis sûre que je n’ai gratté qu’une légère partie de la couche qui vous recouvre pour vous montrer réellement. Je suis pressée d’en savoir plus à votre sujet ! »

« Veuillez partir… Merci beaucoup et bonne nuit. » répéta une nouvelle fois Neel.

Pfff… Qu’est-ce qu’elle avait à parler de cette façon ? C’était plus que gênant… de raconter tout ce qu’elle voulait dire à Tery. Elle observa la jeune femme qui quittait la chambre en lui faisant un petit sourire. Dès qu’elle ferma la porte, Neel se leva, tournant la clé pour être sûr de ne plus être dérangé. Maintenant…

« Je vais pouvoir enfin me reposer ! » s’écria l’être encapuchonné.

Il retira son masque blanc à nouveau, le déposant sur la table de chevet avant de tirer les rideaux de sa fenêtre. Il se coucha sur le lit, observant le plafond de ses yeux bleus avant de pousser un profond soupir :

« Cela risque quand même… d’être très difficile… Et puis… Je ne suis même pas sûr que je puisse voir Tery. Il me faudrait retourner à Midès… et je n’en ai pas envie. »

Elle n’en avait pas du tout envie. C’était quelque chose qu’elle ne pouvait pas supporter… Se retrouver en face de Tery par inadvertance… C’était affreux ! Qu’est-ce qu’elle lui dirait ? Qu’est-ce qu’elle ferait ? Elle lui dirait son nom ? Neel ? Ou alors son véritable nom ? Et puis lui ? Il réagirait comment ? Très mal, elle en était sûre. On parlait quand même d’une tentative de meurtre, tentative avortée… Et puis bon…

« Comme si il allait m’écouter… Il faut un peu de sérieux… Si je lui disais que l’Oracle voulait parler avec lui car il a réussi à contrôler ses lignes noires… Il me prendrait pour un fou… Hé… Il irait peut-être voir l’Oracle mais je ne suis pas sûr que ça soit pour le saluer… Plutôt pour lui donner un bon coup de poing… Et si… Ils devaient se battre tous les deux ? L’Oracle… Je ne l’ai jamais vu se battre… »

Mais c’était quoi ses pensées ?! Voir l’Oracle se battre ? Voir Tery et l’Oracle se frapper tous les deux ? Ce n’était pas une bonne chose ! Loin de là même ! Il tira les draps de son lit, venant s’enfouir dessous avant d’observer maintenant le mur. Demain… Il partira très rapidement, il n’ira même pas prendre de petit-déjeuner ou autre… Il n’avait pas de temps à perdre… Au final… Au final…

« Je vais me dépêcher d’accomplir tout ça… et je retournerais chez l’Oracle… Et je partirais dans les autres royaumes… Et j’irais… Et j’irais… »

Et il ira… Il ne savait pas où… Il ferma ses yeux bleus, se mettant à dormir en espérant ne plus rêver de Tery et de l’Oracle. C’était si bizarre… Il ne voulait pas… Cela le gênait plus que tout… Il ne devait pas rêver à tout ça… Est-ce qu’il devait aller au village de Leskar ? Peut-être parler un peu avec la mère et le père de Tery ?

« On verra tout ça… demain… On verra ce que je ferais… Rien ne presse… De toute façon… Ca ne me gêne pas d’être seul… tout seul… J’ai l’habitude. »

Largement l’habitude même… Pourquoi changer ce qui se faisait depuis des années ? Enfin, il s’endormit, se laissant emporter par les songes dans lesquels il s’enfonçait. Cette nuit avait été assez perturbante… La venue d’Elise, toutes ses questions par rapport à son histoire avec Tery. Quand même… Pourquoi parler à plus de monde ? Il ne voulait qu’un petit cercle d’amis… s’il pouvait en avoir… bien entendu. Il murmura :

« Je n’arrive pas à dormir… Je suis troublé… comme avant… Dès que je pense à Tery… et à l’Oracle… Pourquoi faire des choix ? Est-ce que je suis devenu vraiment assez grand ? Pour réfléchir tout seul ? Est-ce que c’est vraiment une bonne chose… que d’avoir sa liberté ? »

Elle ne savait pas… Elle ne savait pas du tout justement… C’était pour ça qu’elle ne voulait pas… Qu’elle préférait qu’on lui donne des missions… Que l’on évite de s’attacher à elle… et qu’elle évite de s’attacher aux autres… Et puis… Tuer des enfants…Si Tery l’apprenait, il ne voudrait plus jamais lui adresser la parole, elle en était sûre.

« Marre… J’en ai marre… Laissez-moi tranquille… Laissez-moi seul… »

Seul… Tout seul… Voilà ce qu’il devait être… Une machine sans sentiment et incapable… de ressentir quelque chose… Cela revenait à la même chose mais qu’importe… Il ne voulait plus rien ressentir, que cela soit au niveau de son cœur ou de son corps.

« Tery… Tu n’es qu’un imbécile… A cause de toi… Je me pose trop de questions… A cause de toi… Je commence à changer… A cause de toi… J’ai voulu être une personne que je ne serai jamais. Tu t’es bercé d’illusions… et tu m’as … bercé d’illusions… »
Des illusions… Voilà ce qu’elle avait vécu avec Tery. Et lui aussi… Dire qu’il pensait qu’elle était une maîtresse d’armes mais au final… Elle n’était pas forcément très forte ou puissante… Oh… Elle avait des connaissances, le physique qui allait avec… mais bref… Elle était loin d’être très très forte… Et cela malgré toutes ces années d’entraînement. Ou alors… C’était elle qui se trompait ? Les moments avec Tery avaient été… merveilleux en un sens. Elle ne s’était jamais sentie aussi proche d’une personne… à part l’Oracle… C’était des journées comme ça… dont elle avait besoin. Finalement, le sommeil vint la chercher.

Chapitre 30 : Dernière démarche

ShiroiRyu
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Chapitre 30 : Dernière démarche

« Mon enfant… Ouvre-moi… » murmura une voix douce et tremblante.

« Par… Pardon, Oracle… Je préférais… rester seul… »

« Neel, ce n’est pas en t’enfermant chez toi que tu pourras soigner cette blessure. Tu sais très bien que ce que j’ai fais, c’est pour toi. Je ne veux pas que tu me trahisses… Tu es important à mes yeux, très important. Tu n’es pas n’importe qui. » annonça le vieil homme.

« Laissez-moi seul… Je vous en prie… Oracle… »

« Comme tu le désires mais tu as mes félicitations pour cette mission. Il est triste qu’il y ait néanmoins des pertes civiles. Quand tu te sentiras mieux dans la journée, reviens dans mon bureau. Je te dirais ce que tu dois faire à partir de maintenant. »

ASSEZ ! ELLE EN AVAIT ASSEZ ! Elle ne voulait rien savoir de plus ! Assise sur son lit, elle avait retiré son masque blanc, l’ayant jeté au sol. La blessure qu’elle avait à la hanche avait déjà disparue tandis qu’elle sanglotait. Encore une fois… On l’avait forcé à faire ça. Encore une fois… Elle détestait… Elle détestait ces choses…

« Je me déteste… Je me déteste… Je… Je… » bredouilla t-elle.

Elle fut prise d’un soubresaut, une envie de vomir la reprenant mais elle se retenait. Elle ne devait plus y penser… Elle n’avait pas réussi à dormir de la nuit et il était déjà neuf à dix heures du matin. Elle était lasse… et vide… Vraiment vide… Une bonne demi-heure passa et elle n’avait pas bougé d’un poil. Quelques coups à la porte puis une voix se fit entendre :

« NEEL ! Je t’ordonne de m’ouvrir ! Tu ne dois pas rester seul dans ces moments ! »

« Ma… Madame… Liza ? Veuillez partir… s’il vous plaît. » chuchota l’Ombre.

« Non ! Et je resterais devant cette porte tant que tu ne m’auras pas ouvert ! Est-ce que tu te sens capable de laisser une vieille femme comme moi devant ta porte, abandonnée dans le froid de ces journées ? Non tu le sais très bien. » reprit la femme plus qu’âgée.

« C’est… C’est de la manipulation… madame… Liza… »

« Je ne dirais pas ce vilain mot si tu veux tout savoir. »

« Appelez-le comme… vous le voulez… Je ne veux pas vous ouvrir… J’aimerais être seul… Vraiment tout seul… De toute façon, ça a toujours été comme ça. »

« Tu sais très bien que ce n’est pas vrai ! Ouvre-moi maintenant… » insista madame Liza.

Elle n’avait pas le mental nécessaire pour refuser ce qu’elle lui demandait. C’était stupide… Vraiment stupide… Mais elle n’avait pas le choix…. Elle poussa un profond soupir, se relevant avant de mettre son masque blanc sur le visage. Elle se dirigea vers la porte, l’ouvrant pour laisser la vieille femme rentrer à l’intérieur. Celle-ci la remercia, l’observant quelques instants avant de voir la déchirure de la cape au niveau de la hanche.

« Qu’est-ce que c’est que cela, Neel ? » demanda t-elle.

« Ma punition pour avoir tuer un jeune garçon… » annonça l’Ombre encapuchonnée.

« Arrête de plaisanter avec ça ! Donne-moi ta cape… »

« Mais mais mais… Non… Je ne veux pas… Je veux garder cette entaille. »

Pfff… Vraiment, des fois… Neel pouvait être insupportable ! Elle poussa un petit soupir pour dire qu’elle était d’accord et qu’elle pouvait garder cette entaille mais bon… Maintenant, il fallait s’occuper de ce mental… car là… Il y avait une plaie qui ne s’était pas cicatrisée… Elle alla s’asseoir sur une chaise, invitant Neel à faire de même avant de reprendre la parole d’une voix qui se voulait douce :

« Tu dois en faire ton deuil, Neel. Ce n’est pas en restant immobile ou en te calfeutrant dans un coin que tu pourras avancer. Evite dorénavant d’échouer dans ta mission et tu n’auras plus à subir pareille torture. »

« Je sais… Je sais très bien ce que je dois faire mais c’est affreux… Je… Je ne comprends pas pourquoi on les rejette… Ils ne sont pas mauvais… C’est nous qui les imaginons ainsi ! »

« Est-ce que tu as une petite idée de ce que tu viens de dire, Neel ? » murmura la femme âgée.

« Je… Je… Je le sais très bien… mais… C’était un enfant… » bredouilla l’Ombre.

« Si tu le laissais vivre, d’ici dix ans, il serait devenu un meurtrier, il aurait détruit des villages entiers, est-ce cela que tu auras voulu pour lui ? Est-ce cela que tu aurais voulu pour ces pauvres personnes qui n’auraient rien demandé ? »

« Non… Non… Ce n’est pas ça que je voulais dire ! Je veux simplement… éviter de faire ça… On pourrait le donner à une autre personne non ? »

« Cela était une PUNITION, Neel. PU… NI… TION ! » répéta la vieille femme.

« Mais c’est une punition horrible pour moi ! L’Oracle le savait très bien ! »

Elle s’était mise à sangloter, la vieille femme venant lui tapoter le dos avec délicatesse en lui disant que ce n’était pas si grave. Maintenant, tout était terminé, c’était bon. Elle devait passer à autre chose. Elle lui signala que l’Oracle l’attendait, chose qu’elle savait déjà mais qu’il valait mieux pour elle qu’elle ne le fasse pas trop patienter. Il avait une nouvelle mission… et cela concernait le royaume de Shunter cette fois-ci.

« Tu comprends donc ce que cela veut dire ? » reprit madame Liza.

« Que j’ai… une chance… de me faire pardonner définitiveùent ? »

« Et oui ! Alors je veux que tu te lèves de cette chaise et que tu viennes m’accompagner. Je te laisse dix minutes pour te passer un peu d’eau sur le visage et ensuite, je t’emmène chez l’Oracle. Est-ce que je me suis bien faite comprendre, Neel ? Je l’espère sinon… »

« Oui, le message est très bien passé. J’y vais tout de suite. » répondit l’être masqué.

Elle se dirigea vers la salle de bains, demandant à Liza de bien vouloir patienter quelques minutes. L’eau s’écoula dans la pièce, signe qu’elle était en train de se laver. Un mal… pour un bien. S’il y avait une maigre chance de revoir Tery… Alors, elle le ferait. Plusieurs minutes après, elle se retrouva devant la vieille femme, le masque blanc posé sur son visage, ses deux yeux bleus observant Liza avant de dire :

« Je suis prêt… Nous pouvons y aller quand vous le désirez. »

« Alors dépêchons nous. L’Oracle nous attend. » dit madame Liza.

« J’espère que ce que vous avez dit est vrai… »

« Est-ce que la vieille femme que je suis te mentirais ? Allons, arrête d’être aussi pessimiste. On t’offre la possibilité de revenir dans le royaume de Shunter. »

« Oui… mais si… L’Oracle veut que je termine ma mission… et que je tue Tery ? »

Hum… Elle n’y avait pas réellement pensé à ça mais cela se tenait… Si c’était une nouvelle mission pour éliminer le porteur, alors sa remontée de moral retomberait en chute libre… Rien de bien bon donc… Mais la vieille femme reprit la parole :

« Je croyais t’avoir dit d’arrêter d’être aussi pessimiste, Neel ? Tu ne peux pas savoir ce que l’Oracle va t’annoncer avant même qu’il ne t’en parle ! Peut-être qu’il va te demander d’aller le chercher et de l’emmener ici ? »

« QUOI ?! Cela voudrait dire qu’il veut le tuer de ses propres mains ! Madame… Madame Neel ! Vous entendez ce que vous dites ? » s’écria l’Ombre encapuchonnée.

« Qu’est-ce que la vieille femme que je suis a-t-elle donc fait ? »

« Vous… Vous me faites croire qu’il y a une chance que j’emmène Tery ici mais ce n’est pas possible ! Tery est dans l’armée de Shunter maintenant ! » hurla l’être masqué.

« Et tu penses donc qu’il n’aimerait pas te revoir ? Après que tu lui aies donné quelques explications au sujet de ta mission ? »

« Vous… Vous mélangez tout ! Vous parliez d’aller le chercher et de l’emmener ici… Puis maintenant de lui expliquer tout. »

« Hahaha ! Pardonne donc la vieille dame que je suis. » rigola la vieille femme.

Elle n’arrivait pas à cerner les propos de Liza. Où est-ce qu’elle voulait en venir avec toute cette histoire ? Tery… ne voulait plus la revoir, chose normale. Elle avait essayé de le tuer ! Et puis… Et puis… Il lui avait fait une promesse bien que cela n’avait pas été prononcé de telle sorte… Mais elle ne l’avait pas oublié. Et lui aussi… Elle était sûre que si un jour, ils se retrouvaient alors… Alors… Elle ne voulait pas savoir ce qui arriverait à ce moment là. Cela serait trop affreux pour elle… bien trop affreux. Elles arrivèrent jusqu’au bureau de l’Oracle.

« Rentre… Je reste ici. Votre conversation ne me concerne pas. »

La vieille femme lui indiqua la porte, Neel toquant plusieurs fois à celle-ci avant que la voix de l’Oracle ne se fasse entendre. Il lui demanda de rentrer, chose qu’elle fit en jetant un regard à Madame Liza. Voilà qu’elle allait être seule face à l’Oracle. Elle prit une profonde respiration, refermant la porte derrière elle alors qu’il l’invitait à s’asseoir.

« Neel… Comment vas-tu maintenant ? Est-ce tu… vas mieux ? Je me posais cette question par rapport à ce qui s’est passé cette nuit. » murmura le vieil homme.

« On peut… dire que ça pourrait aller mieux, Oracle. Je… Je n’ai vraiment plus envie de faire ça ! Tu… Tuer des hommes… Je sais que je dois le faire… pour mes missions… mais tuer des enfants… C’est au-dessus de moi ! Oracle ! Vous le savez très bien ! »

Elle avait un peu d’amertume dans sa voix alors qu’elle regardait le vieil homme à travers ses yeux bleus. Elle… Elle ne comprenait pas pourquoi il ne disait plus rien ! Qu’il lui réponde au lieu de rester muet ! Elle trembla un peu sur sa chaise, cherchant à se contrôler et à se calmer. Hausser la voix contre l’Oracle… était tout aussi affreux que l’acte qu’elle avait commis dans la nuit. Après plusieurs secondes, il murmura :

« Je n’avais guère d’autre choix, Neel. C’était cela ou alors, tu ne m’aurais pas écouté dans le futur. Il faut souffrir pour réussir. Tu l’as appris d’une triste manière. »

« Oui… Je le sais… Est-ce que vous pouvez me… dire ce que vous me voulez ? »

« Est-ce que Liza t’a mis au courant ou non ? Si c’est le cas, nous gagnerons bien plus de temps et je pourrais te dire tout de suite ce que tu dois faire. »

« Oui… Je vais retourner à Shunter. Est-ce que c’est vrai Oracle ? Malgré l’échec de ma mission ? Je ne comprends pas… pourquoi… je dois y retourner. » dit la personne masquée.

« Justement… C’est à cause de cet échec que tu y retournes. »

« Ne… Ne me demandez pas ça ! » dit l’Ombre sur un ton entre l’imploration et l’énervement.

Neel s’était redressé de sa chaise, posant ses deux mains sur le bureau. L’Oracle le regarda avec étonnement : était-ce bien de la colère qu’il lisait dans les yeux bleus de l’être encapuchonné ? Hum… C’était vraiment bizarre de voir cela. Il toussa légèrement, Neel ne retirant pas ses deux mains du bureau comme pour attendre la réponse de l’Oracle. Celle-ci ne tarda pas à se faire entendre :

« Ne pas te demandez quoi ? Cela est la première fois… que je crois que tu oses… me parler ainsi, Neel. Est-ce que tu as déjà oublié… »

« Je… Je… Ne me demandez pas de le tuer… Je n’y arriverais pas… Je vous en prie, Oracle ! Tery…. Tery est la première personne avec qui je pouvais discuter… Pendant toutes ces années… Je… Je n’ai jamais… » bredouilla la personne masquée.

« Je vois ce que tu veux dire mais tu n’as pas à t’inquiéter à ce sujet. Cela ne concerne pas Tery. Calme toi donc… » murmura l’Oracle pour tenter de rassurer Neel.

« Vous êtes sûr ? Vous ne me… mentez pas ? » bredouilla l’être masqué.

« Est-ce que j’ai déjà dû mentir à tes yeux, Neel ? Ce n’est pas le cas. Rassis-toi s’il te plaît. Je vais t’expliquer exactement ce qu’il en est. Rappelle-toi pourquoi tu étais parti au royaume de Shunter. Est-ce que tu t’en souviens ? »

Elle était repartie s’asseoir, cherchant à se calmer en prenant une profonde respiration. Oui… Voilà… Ca allait mieux… beaucoup mieux. Elle n’avait pas à s’en faire. Tery n’était pas en danger à cause d’elle, ce n’était pas sa prochaine cible. Que demander de plus actuellement ? Rien du tout, voilà… Rien du tout. Elle alla dire :

« Pour les médaillons… des éléments. »

« Tu m’en as rapporté qu’un seul, n’est-ce pas ? Et combien y en a-t-il par royaume si tu t’en souviens ? Je te le répète ? » murmura le vieil homme.

« Il y en a trois… d’après vos paroles. Il existe cinq royaumes et il ne faut pas compter le sixième qui se trouve au centre de notre monde car à l’intérieur, il n’y a pas de médaillon. »

« C’est à peu près cela. J’ai appris il y a peu de temps que le roi de Shunter s’est mis en quête de récupérer les médaillons. » reprit l’Oracle avec calme.

« Mais… Mais comment ? Et pourquoi ? Qu’est-ce qu’il veut en faire ? »

« Je ne sais pas… Mais s’il met les mains dessus, cela risquerait d’être très grave. Je pense que c’est là, l’une des raisons de la guerre qu’il a lancée il y a quelques mois voir bientôt une année. Ainsi… Nous ne devons guère perdre de temps. Nous avons l’un des médaillons de Shunter… Et je sais qu’ils en ont un… Cela veut dire qu’il en reste encore un qui n’est pas dans les mains d’un humain. C’est donc une bonne… chose. »

« Ma mission consistera à aller récupérer le médaillon avant le roi, c’est cela ? »

« Oui… Mais c’est une mission très risquée, je tiens à te le signaler. Tu risquerais d’être blessé voir de ne pas en revenir. » souffla l’homme d’un certain âge.

« Qu’importe ce que cela m’emmènera, je ne peux pas rester là sans rien faire ! »

« Est-ce que tu vas donc accepter cette mission ? Si c’est le cas, tu pourras te préparer et partir dès demain matin. Il vaut mieux que tu aies une journée pour te reposer. »

« Pardonnez-moi… Mais j’ai une question… En ce qui concerne… Tery… Vous avez dit… que l’armée de Shunter s’était mise à la recherche de ces médaillons aussi ? Est-ce que cela veut dire… que je risquerais de retrouver Tery ? Et si c’est le cas… Qu’est-ce que je dois faire ? Oracle… Répondez-moi sincèrement. » demanda faiblement la personne masquée.

« Ce que tu dois faire ? Prendre le médaillon, qu’importe le prix que cela coûtera. Je ne te demande pas de le tuer mais s’il te gêne… Tu dois trouver un moyen de t’en débarrasser. Le médaillon passe avant tout le reste, d’accord ? »

Oui… Il comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire. Il hocha la tête, se relevant de sa chaise en demandant si tout était terminé et s’il pouvait partir. L’Oracle toussa légèrement, Neel s’arrêtant de se diriger vers la sortie. Est-ce qu’il y avait un problème ? Il ne voyait pas où… mais si l’Oracle se mettait à tousser, cela voulait dire que ce n’était pas encore fini.

« Je me suis trompé quelque part, Oracle ? Pardonnez-moi… »

« N’aurais-tu pas oublié de me demander quelque chose ? Ce n’est pas très difficile en y réfléchissant bien mais cela se voit que tu es plus préoccupé par Tery que par la mission. Est-ce que tu n’aurais pas besoin d’une information de ma part ? » demanda l’Oracle.

« Je ne vois pas de quoi… vous voulez parler… Euh… Attendez un peu… En y réfléchissant bien… Je crois qu’il m’en manque une… Le médaillon ! Quel est son nom ? Et surtout… Où est-ce qu’il se trouve ? Je me disais bien que sans ça, j’aurais eu du mal à chercher le médaillon. Je m’excuse de mon idiotie… par contre… En ce qui concerne Tery… »

Non rien, il préférait ne rien dire. Il valait mieux se taire dans ce genre de cas sinon… Il risquait de s’enfoncer. Qu’est-ce que l’Oracle voulait dire par plus préoccupé par Tery ? Ce n’était pas vrai ! Enfin… Il était préoccupé, oui… mais pas autant que l’Oracle le disait. Ses yeux bleus restaient fixés sur le vieil homme, attendant que celui-ci prenne la parole. De son côté, l’Oracle était immobile, comme pour réfléchir à la question de Neel. Après quelques secondes, il murmura d’une voix calme et normal :

« D’après mes informateurs… Il est dans les environs du village de Leskar. »

« Mais ce n’est pas possible. J’ai déjà récupéré ce médaillon. » annonça l’Ombre.

« C’est exact. Je t’avais envoyé là-bas pour en récupérer un mais je ne sais pas comment l’expliquer mais le dernier médaillon se déplace assez rapidement. Je crois que la personne ou la … chose qui le possède à l’habitude des très longs voyages. Rappelle-toi, les médaillons… ne peuvent pas être récupérés normalement. Ils sont crées de telle sorte que les espèces humaines ne peuvent pas les prendre à la main… sauf avec des gants… mais ils ne pourront pas utiliser leurs pouvoirs. » répondit l’Oracle.

« Je le sais parfaitement… Oracle. Je devrais me dépêcher de partir. Je ne veux pas que le village de Leskar ait des problèmes à cause de moi. Déjà que j’ai retiré un fils à ses parents… Alors j’aimerais… éviter… de faire encore pire. »

« C’était son destin… Cela était inscrit dans son avenir… Il devait devenir un soldat au service de l’armée de Midès. Il n’y avait guère d’autre solution. Et aussi… Qu’il était un Porteur… Mais des fois… Je me trompe… »

Se tromper ? Il s’était trompé lourdement oui. Neel voulut confirmer les propos du vieil homme mais bon… Il ne pouvait pas lui en vouloir… Enfin si… Un peu… Mais voilà… Maintenant, il devait repartir au village de Leskar pour aller chercher le dernier médaillon relié à l’élément de la Terre. Il fallait qu’il accomplisse cette mission le plus rapidement possible pour ne pas avoir de problèmes. Il ne voulait surtout pas blesser ou mettre en danger la vie des parents de Tery ! SURTOUT PAS ! Il remercia l’Oracle, quittant son bureau.
Comme il s’y était attendu, la vieille femme était restée près de l’entrée de l’orphelinat. Lorsqu’elle le vit, elle se dirigea vers lui, lui demandant ce qui s’était passé à l’intérieur. Lentement, il reprit la parole, poussant un léger soupir :

« Je vais repartir dans le royaume de Shunter dès demain. Je vais préparer quelques bagages et je me rends tout de suite là-bas. »

« Tu n’as pas l’air très heureux de cette nouvelle… Est-ce que… L’Oracle t’a demandé… »

« Non. Vous n’avez pas à vous en faire sur ce point. Ce n’est pas le cas. Je n’ai pas à combattre Tery et heureusement à mes yeux. Je ne crois pas que j’en aurais été capable… »

« Mais alors pourquoi cette tristesse ? » demanda madame Liza avec un peu d’inquiétude.

Elle ne lui répondit pas. Elle n’avait pas envie d’en parler pour l’instant. Peut-être quand elle serait rentrée dans la maisonnette. La vieille femme continua à la suivre, restant parfaitement muette en même temps qu’elle… Elle savait se taire quand cela était nécessaire. Après plusieurs minutes de marche, elles arrivèrent dans la maisonnette, Neel ouvrant la porte pour laisser Liza rentrer à l’intérieur tandis qu’elle lui disait finalement :

« La mission… se passe près du village de Leskar. »

« Et qu’est-ce qu’il y a avec ce village ? Ce n’était pas déjà le cas auparavant ? Je veux dire par là : n’était-ce pas déjà cet endroit où tu t’es rendu la dernière fois ? »

« Si, c’est exactement ça sauf que… Je ne suis pas rentré dans le village … et c’est là que j’ai rencontré Tery. Dans la forêt voisine… » reprit la personne masquée.

« Et bien ? Alors… Je ne vois pas où est le problème, sincèrement. »

« Et bien… Je ne veux pas… blesser les parents de Tery par inadvertance. Imaginez un instant que tout se passe très mal dans le village… »

« Tu commences à partir avec des idées pessimistes, ce n’est pas ainsi que tu pourras régler tes problèmes. Arrête de penser de la sorte et dis toi que peut-être que tu retrouveras Tery ? Il retournera bien un jour ou l’autre chez lui et donc, tu peux espérer le revoir. »

« Espérer… Espérer… Et lui, pensez vous qu’il espère me retrouver ? »

« Ca… Je ne peux pas le savoir. C’est à toi de le découvrir, Neel. Je vais te laisser te préparer tes affaires. Evite de partir trop tôt demain matin, je te saluerais avant ton départ. »

Comme la vieille femme le voulait, elle hocha la tête, ouvrant la porte à madame Liza pour la laisser quitter sa modeste demeure. Demain… Combien de temps allait-elle mettre pour arriver jusqu’au village de Leskar ? Beaucoup de temps… Enormément de temps même… En fait… Elle allait tout faire pour retarder l’inévitable. Donc… Il était hors de question pour elle de se dépêcher dans cette mission et cela malgré l’armée de Shunter dans les parages.

Chapitre 29 : Assassin

ShiroiRyu
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Chapitre 29 : Assassin

« Je… Je suis vraiment obligé ? » balbutia la personne masquée.

« Cela ressemblera à un véritable punition… Tu devras l’exécuter dans les plus brefs délais. Si je vois que tu as échoué, je ne pourrais pas t’excuser cette fois-ci. »

« D’accord…. Comme vous le voudrez, Oracle. Mais… Est-ce qu’il est au courant ? »

« Il s’est posé des question et les autres enfants ont commencé à l’exclure de leurs jeux. Comme tu le sais très bien, les lignes apparaissent pendant l’enfance… Cela peut aller de six à douze ans avant que n’apparaissent les premières lignes. Pour ta part, tu as été… »

« Je le sais, Oracle. Je fus l’un des cas très rares à avoir mes premières lignes blanches dès l’âge de quatre ans. Je vais devoir partir… Est-ce que… vous pouvez me répéter son nom ? Je ne veux pas faire d’erreurs. Déjà que… C’est une chose horrible. » bredouilla l’être masqué.

« Mais à laquelle tu t’es habitué. » répondit aussitôt l’Oracle.

« Oracle… Est-ce vraiment la volonté de la déesse ? De la déesse Zélisia ? »

Le vieil homme hocha la tête avant de se lever de son bureau. Oui… La déesse Zélisia lui avait ordonné un tel acte. Un acte affreux et horrible. Il répéta le nom de cette personne, le dortoir ainsi que la chambre où elle se trouvait. Elle remercia l’Oracle, lui signalant qu’elle allait accomplir sa mission dès la nuit tombée. Elle demanda à pouvoir quitter la pièce dès maintenant, devant se préparer mentalement à ce qu’elle allait accomplir.
En sortant de l’orphelinat, elle se retrouva en face de madame Liza. Celle-ci venait de quitter un groupe d’enfants qui s’amusaient entre eux. Elle avait le regard sombre… aussi sombre que le sien. Elle semblait comprendre tout de suite ce qui se passait. L’être encapuchonné se positionna devant elles, ses yeux bleus dans les siens avant de lui demander :

« Qui est Hekror ? Il me faut… le voir. »

« Encore une sale besogne ? Des fois… Je me dis que l’Oracle pourrait confier ces tâches à d’autres personnes. Cette punition t’affectera encore plus que la perte de Tery. »

Elle aurait bien voulu hausser les épaules mais elle savait qu’elle n’aurait pas réussi. La vieille femme lui désigna un jeune garçon à l’écart. Le regard posé au sol, la mine abattue, il était assis sur un banc en balançant ses deux jambes. Il devait avoir neuf ou dix ans tout au plus. Des cheveux noirs en bataille, des petits yeux bleus, il avait pourtant l’air motivé à vouloir jouer avec les autres sauf que ça ne semblait pas être le cas de ces derniers. Elle détourna le regard de ce spectacle, murmurant à Liza :

« Pardonnez moi, madame Liza mais… Je dois me préparer pour ce soir. »

« Ne te force pas… Exécute tout ceci le plus rapidement possible. » chuchota la vieille femme.

Oui… C’est ce qu’elle comptait bien faire. Elle n’allait pas s’en priver. Tout ceci devait être fait avec célérité pour en être débarrasser et ensuite… Et ensuite… Pour ne plus y penser. Elle s’éloigna en faisant un bref salut à Liza, retournant dans sa maisonnette. Elle alla s’asseoir sur l’une des deux chaises près du modeste bureau, marmonnant quelques paroles :

« Même… Même si il porte les lignes d’Alzar… Il n’a que dix ans ! DIX ! Comment peut-on m’obliger à ça ? C’est monstrueux ! Je devrais… Je devrais y être habitué… mais… mais… Urk… Je me sens mal ! Faut que j’y aille ! »

Neel se parlait tout seul, retirant subitement le masque blanc avant de se lever. Se dirigeant à toute vitesse vers la salle de bains, des bruits de vomissement se firent entendre, signe qu’il n’arrivait pas à supporter la pression qu’il venait de recevoir. Il lui fallut plusieurs minutes, de nombreux jets d’eau au visage et enfin l’action de se coucher sur son lit pour réussir à reprendre son calme. Comment… Comment pouvait-elle ? A l’époque… Elle n’avait pas compris. Mais maintenant… Maintenant ! La personne masquée s’écria :

« Je suis un adulte ! Je suis capable de prendre mes décisions ! Je suis capable de comprendre ! Pourquoi est-ce que je dois tuer un enfant ? »

Parce qu’elle n’avait pas le choix ! Parce qu’elle n’avait pas le choix, voilà tout ! C’était ça ou alors trahir l’Oracle définitivement ! Et madame Liza aussi ! Tuer… Hekror… Un enfant qui n’avait rien demandé… qui voulait simplement vivre heureux. Mais qui n’avait pas la chance d’avoir les lignes de la déesse Zélisia.

« Je déteste ça… Vraiment… Je me hais… Je me hais tant ! »

Elle se redressa dans son lit, allant s’asseoir à nouveau sur sa chaise. Elle devait préparer le plan pour cette nuit. Le problème majeur serait d’éviter de réveiller les autres garçons dans la chambre… Comment faire ? Si elle réveillait Hekror, il se méfierait. Peut-être qu’il serait au courant de ce qu’elle manigançait. Si c’était le cas, cela causerait encore plus de problèmes. Non, non et non ! Elle devait trouver une solution plus discrète.

« Je ne peux pas lui donner du poison… Je ne peux pas l’emmener dans un coin… Est-ce que je devrais me promener avec lui pendant la journée avant de l’emmener en forêt ? NON ! »

Elle tapa du poing sur la table en serrant les dents. Une telle chose… lui rappelait Tery. Lorsqu’elle s’était baladée avec lui dans la ville, récupérer quelques potions, la récompense et toutes ces choses ! NON ! Elle ne recommencerait jamais ça ! Son choix allait être fait ! Elle allait le tuer dans la nuit. Elle demandera simplement la chambre dans laquelle il se trouvera et pendant la nuit… Elle irait lui trancher la gorge !

« C’est la meilleure solution… Je devrais simplement prévenir… le personnel. Ils comprendront… Madame Liza devrait m’aider. Oui… Il faut éviter que les autres garçons ne posent des questions ou se réveillent. » bredouilla la personne masquée.

Oui, elle se répétait les mêmes paroles mais ça ne changeait rien à son état actuel. Elle détestait ce qu’elle allait faire. Elle devait se concentrer pendant toute la journée, ensuite… Vider ses entrailles sur le sol. Oui, c’était vulgaire quand on le pensait comme ça mais c’était la vérité. Elle savait qu’elle ne supporterait pas le crime qu’elle allait commettre. On parlait d’un assassinat en règle ! De la mort d’un enfant ! Elle se demanda :

« Et pour Tery… Qu’est-ce que j’aurais fait après ? »

Des idées macabres et obscures lui arrivèrent rapidement. Elle tenta de les chasser de son esprit, n’y arrivant qu’après quelques minutes. Pfff… Régler toute cette affaire et ensuite, ça serait réglé… et ensuite… Ne plus y penser… C’était le mieux qu’elle pouvait faire avec tout ça. Elle se le répétait inlassablement pour se donner la volonté d’accomplir ce qu’on lui demandait. L’Oracle… était parfois si cruel… mais elle savait qu’il ne pensait pas à mal.

Dix minutes… puis une heure… plusieurs heures… Elle avait vu le soleil se coucher, étant sorti de la maisonnette pour réfléchir et prendre un peu l’air. C’était la meilleure solution qui s’offrait à elle de toute façon. Des solutions… Des solutions à quel problème ? Etait-ce vraiment un problème à la base ? Elle ne le savait pas. L’Ombre murmura :

« C’est l’heure… l’heure d’accomplir ce que personne d’autre ne voudrait faire. »

Neel émit un petit rictus sous le masque blanc, observant le sac qu’il avait sur le dos. Oui… Il y avait bien son arc à l’intérieur. Il marmonna quelques paroles, des veines blanches apparaissant le long de ses bras bien qu’elles n’étaient pas visibles. L’arc disparu dans une poussière de petites bulles blanches alors qu’il reprenait dans un soupir :

« La nuit est belle… Mais les lunes jumelles vont se tacher de sang… »

Du sang d’un innocent… Du sang d’une âme qui va bientôt disparaître et rejoindre le dieu Alzar… Une âme qui se ternira si elle ne s’en occupait pas le plus rapidement possible. Elle marcha d’un pas lent sur le chemin conduisant à l’orphelinat et aux dortoirs dans lesquels se trouvait Hekror. Le nuit était tombée depuis déjà pas mal de temps… Il devait dormir.

« Hekror… Hekror… Hekror… »

Elle répétait inlassablement ce nom qu’on lui avait donné. C’était celui de sa future victime… car oui… C’était une victime. Une victime du destin si… horrible envers elle. Elle arriva devant l’orphelinat, il n’y avait aucun gardien. Ils se trouvaient à l’intérieur… Maintenant… Le dortoir des garçons… C’était un bâtiment normal, à deux étages, un peu comme les dortoirs des adultes mais avec des couleurs plus joyeuses. Elle s’était mise à marcher avec lenteur vers le dortoir avant qu’une voix masculine ne se fasse entendre :

« Hey ! Qui vous êtes ? Qu’est-ce que vous faites ici ? »

Ah ! Un surveillant ! Sur le coup, elle avait été surprise mais maintenant… Cela allait bien mieux. Elle vit s’approcher un homme d’une cinquantaine d’années, une lampe à la main droite pour éclairer l’horizon. Dans la lampe, il était possible de voir une flamme qui dansait, comme si elle avait sa propre conscience. Lorsqu’il vit qui il avait en face de lui, il poussa un léger soupir avant de se ressaisir. Si elle était là… alors… Le surveillant murmura :

« Vous venez pour Hekror ? Il a eu du mal à s’endormir… cette nuit. Il était nerveux. »

« Est-ce qu’ils lui ont fait… du mal ? » demanda la personne masquée.

« C’est encore pire que cela, il s’est lui-même fait du mal… Des ecchymoses sur le bras droit. Il sait que ce qu’il a sur les bras… Ce n’est qu’une chose démoniaque. Mais il ne comprend pas… Dix ans… C’est seulement son âge. Des fois, je déteste ça. »

« Et moi donc… Est-ce que vous pouvez m’emmener devant sa chambre ? »

L’homme passa une main dans ses cheveux bruns. Ce n’était pas que cela le gênait mais il avait l’impression de se montrer complice de ce qui allait se préparer et ça par contre… C’était déjà bien plus… problématique. Mais les remords devaient attendre, on parlait d’une affaire plus qu’importante. Il prit la parole :

« Comme vous le désirez mais lorsqu’on sera devant la porte, je vous demanderais d’attendre quelques instants… le temps que je m’éloigne. Je préfère ne pas imaginer ce que vous allez faire. J’espère que vous me comprendrez. »

« Aucun souci. Nous pouvons y aller maintenant ? Moi aussi, j’aimerais en terminer assez rapidement. Vous n’êtes pas le seul à détester cette chose. » murmura l’Ombre.

« Je m’en doute… Même si l’Oracle s’est occupé personnellement de vous pendant toutes ces années, je sais très bien que vous êtes attaché à cet orphelinat, Neel. »

« Bien plus qu’attaché… J’y ai vécu depuis que je suis né… ou presque. »

« Oui… Des fois… On se dit qu’on n’a pas le choix. Mais ça, vous devez souvent vous le dire non ? Ce n’est pas la première fois qu’une telle chose se produit… » souffla le surveillant.

L’être au masque blanc hocha sa tête, lui demandant de bien vouloir l’emmener au plus tôt vers Hekror. L’homme répondit par le même geste, se mettant à marcher. Ils pénétrèrent dans le dortoir des garçons, éclairés par la lumière de la lampe que tenait l’homme. Celui-ci le guida au second étage, reprenant la parole en murmurant :

« Est-ce que vous pourrez le faire… discrètement si cela ne vous dérange pas trop ? »

« Je ne comptais pas les réveiller… Vous n’avez pas à vous en faire… »

« Pfiou… Merci beaucoup. Je crois qu’ils ne poseront même pas de questions sur sa disparition. Vous savez les enfants de nos jours, ils sont bien plus intelligents qu’ils n’y paraissent. Cela est des fois assez… inquiétant. » chuchota le surveillant.

« Je vois ce que vous voulez dire… Est-ce que c’est ici ? »

Il hocha une nouvelle fois la tête d’un air positif. Oui, c’était bien le cas. Elle fit un petit geste de la main, lui signalant de s’éloigner maintenant qu’elle savait où tout cela se trouvait. C’était donc ici… Hum… Elle fit apparaître son arc, le tenant de sa main gauche avant de se préparer mentalement. Elle savait à quoi il ressemblait… Elle savait aussi que chaque chambre comportait trois lits alignés les uns à côté des autres. Mais elle avait une sensation désagréable au fond d’elle… comme si tout… ne serait pas aussi simple.

« Autant le faire maintenant. Vas-y… Neel… Prend ton courage à deux mains. »

Ce n’était pas grand-chose. Ce n’était rien… hein ? Juste tuer un jeune garçon… Neel posa sa main gauche sur le poignet de la porte, l’ouvrant lentement avant de remarquer tout de suite qu’il y avait un problème. Cette odeur… de sang était vraiment très présente !

Lorsqu’elle ouvrit la porte, ce fut pour apercevoir un spectacle des plus horribles. Des lits tachés de sang, des murs recouverts du même liquide… deux corps sans vie couchés dans leurs lits. Il ne restait plus qu’une plaie béante à la place de leur visage. Les corps avaient été lacérés sur ce dernier… Elle entendit un râle qui se répétait… un râle qui était à mi-chemin entre l’humain et la bête. Quelques secondes après et une petite voix sortie du coin de la chambre, près de la fenêtre. La voix d’un enfant… Hekror. Elle referma la porte derrière elle alors que la voix disait avec un petit tremblement :

« Je… Je… Je ne vous laisserais pas vous approcher de moi ! »

« Tu es en colère ? Non ? En colère contre les autres enfants ? Car ils ne voulaient pas jouer avec toi ? C’est cela ? Je sais très bien… » murmura doucement l’être masqué.

« NE DITES PAS CA ! NON ! Vous ne savez pas ! Ils… Ils… se moquent de moi ! Ils… Ils m’envoient des cailloux ! Moi… Moi je ne voulais pas ces lignes ! »

Hein ? En regardant plus précisément le petit être aux cheveux noirs. Du sang s’écoulait de ses deux bras… Il avait essayé de s’entailler les veines sans y arriver précisément. Dans sa main droite se trouvait un couteau, il avait sûrement dû le prendre pendant l’heure du repas et le cacher entre temps. Même… si elle ne faisait rien du tout, s’il continuait à cette allure, il n’allait pas survivre. La régénération physique était bien plus forte chez les deux types de porteur mais cela ne les rendaient pas invincibles pour autant.

« Et pourtant… Moi… Je suis dans le même cas que toi. Parce que j’ai des lignes… Je suis chargée de faire tout ça. Est-ce que tu penses que je n’aimerais pas jouer avec toi ? »

« Mensonges ! VOUS MENTEZ ! COMME EUX ! Ils disaient… Ils disaient qu’ils étaient mes amis ! Mais… Mais… Ce sont eux qui m’ont trahi ! Ils… Ils… disaient… Ils s’en fichaient mais non ! Ils rigolaient dans mon dos avec les autres ! Je… Je… Je les ai entendus ! Ils… ils… m’ont mentis ! » s’écria le jeune garçon aux cheveux noirs.

Trahir… Mentir… Neel se mit à déglutir, ayant sorti une flèche alors qu’il concentrait sa magie dans celle-ci. Trahir… Mentir… Un peu comme ce qu’il avait fait avec Tery… Tery… Ahh… Il avait l’impression de voir Tery devant lui ! Dans le même état d’hébètement ! Dans le même état d’incompréhension !

« Est-ce que tu veux… que j’achève tes souffrances ? » murmura Neel.

« Vous… Vous pouvez le faire ? Je… Je n’y arrive pas… » bredouilla l’enfant.

« Oui… Je peux le faire… Reste tranquille et ça sera rapide. » conclut l’Ombre.

Heureusement… qu’il semblait encore conscient, du moins… A moitié. Il releva son visage alors qu’il était assis dans le coin. Ses yeux bleus… l’observaient avec tristesse. Il avait des larmes à ces derniers. Elle banda son arc, prenant une profonde respiration en se disant que ce n’était qu’un mauvais moment à passer. La flèche quitta l’arc au même moment où le jeune garçon se relevait. Il s’était mis à crier :

« NON ! Vous… Vous ne me tuerez pas ! VOUS NE ME TUEREZ PAS ! »

La flèche se planta dans l’épaule gauche du jeune garçon, lui extirpant un râle de douleur alors que ses yeux étaient devenus complètement rouges. Comme… Tery… Encore avec Tery… Elle n’avait que son image en tête ! A chaque fois… Elle s’imaginait le pire avec lui ! Maintenant, elle devait tuer un jeune garçon qui était atteint par la folie des lignes d’Alzar.

« Vous êtes TOUS des menteurs ! » hurla l’enfant avec rage.

« Je pensais… que tu voulais… te laisser mourir de mes mains. »

L’être au masque blanc disait cela avec un soupir triste. C’était bien trop tard maintenant. Beaucoup trop tard. S’il était venu avant… Alors peut-être aurait-il pu mourir plus tranquillement… Hein ? Hekror était arrivé à sa hauteur, son couteau dirigé vers lui. Il allait essayer de le planter ? Il lui donna un coup d’arc au niveau du visage, le faisant chavirer sur le côté avant de reprendre la parole :

« Hekror ! Ne te laisse pas dominer par cette colère ! »

« Assez… ASSEZ… JE NE VEUX PLUS VOUS ENTENDRE ! »

« C’est… C’est quoi tout ce bruit ? » demanda une petite voix, celle d’un garçon.

« Veuillez retourner dans vos chambres, TOUT DE SUITE ! »

Ah ! Des enfants venaient de se réveiller à cause du boucan qu’il avait crée avec Hekror. Ils étaient encore dans la chambre de celui-ci mais heureusement pour lui, le surveillant semblait avoir remarqué qu’il avait des ennuis. Plusieurs portes se refermèrent alors que le surveillant demandait à travers la porte fermée :

« Neel… Est-ce que vous avez besoin d’aide ou non ? »

« NON ! Ne venez surtout pas ici ! Il… Il a tué les deux autres enfants ! »

Elle avait prononcée la dernière phrase en tentant de chuchoter. Si des oreilles indiscrètes entendaient celle-ci… Alors cela risquait d’être la panique dans le dortoir. L’homme d’une cinquantaine d’années fut pris d’un léger tremblement avant de bredouiller :

« Il… Il n’y a vraiment rien d’autre à faire ? Est-ce que je dois aller prévenir l’Oracle ? »

« Oui… Ca serait bien… AH ! » dit-elle subitement.

Elle avait roulé sur le côté, évitant la lame du couteau que tenait Hekror. Elle devait vite s’en débarrasser ! Ne plus attendre ! Elle se concentra, chargeant une nouvelle flèche d’une magie sainte. Elle n’allait pas le faire exploser ! Il ne méritait pas de mourir d’une façon aussi affreuse ! Elle devait viser le crâne… ou le cœur… Mais éviter à tout prix d’utiliser les autres éléments ! Surtout que la force du jeune garçon était bien plus grande maintenant ! Il retira son couteau du sol dans lequel il l’avait planté, se mettant à haleter en reprenant la parole :

« Ah… Ah… Vous êtes tous… des méchants ! Vous… VOUS ne nous laissez pas le choix ! Vous… Vous voulez nous tuer ! Nous n’avons… RIEN FAIT !  Simple… Simplement parce qu’on a ces lignes noires ! Vous êtes… ceux qui doivent mourir ! »

Il avait raison… en quelque sorte. Ils ne demandaient rien au final. C’était bizarre que ça soit un garçon de dix ans qui lui dise cela… mais avec la magie d’Alzar en lui, rien ne pouvait être vraiment étonnant. Un peu comme l’aura noire autour du couteau qu’il avait. Elle savait pertinemment que si elle se faisait toucher par ce couteau, tout allait très mal se finir. Ce n’était plus une simple arme utilisée pour trancher un morceau de viande… C’était bien pire.

Sa flèche quitta l’arc, brillant d’une aura blanche alors qu’elle se dirigeait vers le crâne du jeune garçon. Celui-ci s’affaissa complètement, esquivant la flèche comme si il avait vue sa trajectoire à l’avance. Elle poussa un petit cri de rage, bandant son arc à nouveau en faisant apparaître une flèche. Il ne devait pas l’esquiver ! Le jeune garçon courut vers elle, donnant un coup de couteau dans le vide, une lame ténébreuse se créant en même temps.
Zut… Zut… Comment était-ce possible ?! Et zut ! Contrairement à son combat contre Tery, elle avait oublié que ce jeune garçon utilisait ses pouvoirs liés au dieu Alzar ! Qu’elle était stupide ! Tery ne s’était pas énervé réellement contre elle lors de leur combat ! Elle avait pris en considération sa dernière expérience de combat… et comme par hasard, ce n’était pas la bonne ! Elle fit un pas sur le côté, poussant un gémissement de douleur alors que sa cape brune se déchirait lentement, laissant apparaître un tissu rouge.

« Ah… Ah… Neel ! Je t’ai eu ! Je t’ai touché ! » dit l’enfant en rigolant machiavéliquement.

Et pas seulement lui ! Le mur derrière avait une fissure crée par la lame ténébreuse ! Rien que ça ! Ce jeune garçon… Déjà à dix ans… Sa colère envers les autres était si forte… Oui, il fallait le tuer maintenant avant qu’il ne soit trop tard ! Surtout qu’il avait déchiré une partie de sa cape ! Deux… Puis trois flèches. Voilà ce qu’il allait lui donner ! Trois flèches sur le même arc ! Ce n’était pas très facile à utiliser mais au moins l’une d’entre elles allait le toucher, il en était sûr ! Les flèches partirent toutes en même temps, Neel restant sur ses gardes, prêt à utiliser son autre arme au cas où.

La première des flèches passa à côté du jeune garçon, celui-ci l’ayant évité comme auparavant, la seconde alla se diriger droit vers son épaule droite, se plantant à l’intérieur. Le petit râle de douleur et l’arrêt de quelques millisecondes suffirent à ce que la troisième flèche atteigne son objectif : Le crâne d’Hekror. Celui-ci regarda l’Ombre au masque blanc pendant quelques instants, ses yeux montrant toute sa surprise et sa triste haine avant qu’il ne retombe en arrière. C’était… terminé.

« Neel ! Tu m’entends ? Est-ce que tu vas bien ? Neel ! »

La voix de l’Oracle… et elle comprenait ce qu’elle venait de faire. Elle ouvrit la porte à la volée, s’excusant tout en voyant le vieil homme avant de courir. Elle quitta le dortoir, une main posée sur son masque blanc, ne cherchant même pas à savoir où elle se dirigeait. Après une minute de course effrénée, elle se positionna contre un arbre, se murmurant :

« Je l’ai… Je l’ai… Je l’ai tué… Je l’ai tué… comme les autres… »

Elle retira avec vélocité son masque blanc, se mettant à vomir tout ce qu’elle avait consommé il y a quelques heures. Elle… C’était sa punition… Elle l’avait mérité… mais elle ne supportait pas… Elle n’arrivait pas à supporter ce qu’elle commettait… Ce n’était pas un crime… mais mais… C’était tout simplement horrible et ça… Elle n’en pouvait plus !

Chapitre 28 : Deux noms

ShiroiRyu
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Chapitre 28 : Deux noms

« Alors, Neel. Qu’as-tu de beau à me raconter ? Tu es parti pendant beaucoup trop de temps à mon goût. Néanmoins, les enfants m’apportent tellement de bonheur… »

« Je… J’ai rencontré un jeune homme. Celui que l’Oracle voulait que je trouve. »

« Et bien ? Comment est-il ? Décris le moi ! Ne perds pas un seul instant ! »


Ce qu’elle avait dit n’était pas un mensonge. La vieille femme était encore pleine de vie ! Un sourire se dessina sous le masque, un sourire invisible mais dont elle savait que madame Liza l’avait remarqué. Ce n’était pas difficile, elle connaissait l’être encapuchonné depuis qu’il n’était qu’un petit enfant. Neel reprit la parole :

« La première fois que je l’ai vu ? Disons que cela a été un véritable choc. Pourquoi ça ? Car il était en train de se faire poursuivre par un Gnomold. »

« Un Gnomold ? Mon dieu ! Mais s’enfuir comme cela… Il ne savait donc pas se battre ? »

« Pas du tout ! Et il ne savait pas lire correctement ! En fait, il ne connaissait pas du tout la magie et les armes. Oui, oui, je ne rigole pas ! »

Elle disait cela alors que la vieille femme montrait un visage consterné par ce qu’elle venait d’apprendre. Il existait réellement des personnes qui ne savaient pas se battre ou utiliser la magie correctement ? Pourtant… Neel s’était dirigé vers le royaume de Shunter, là-bas, il ne devait pas y avoir d’abstention de ce genre. Du moins dans ces deux domaines.

Neel continua à raconter à la vieille femme tout ce qui s’était passé depuis ces derniers mois. Le médaillon de Tarka, les nombreux excès de colère et bêtises de Tery, le début de son entraînement pour apprendre à se battre, le combat contre le chef de clan Gnomold et aussi la récompense qu’il avait reçue pour cette victoire. La vieille dame murmura :

« Ce pendentif… dont tu me parles. C’est un cœur élémentaire ? »

« Hein ? Je ne connais pas son nom… mais je l’ai ici. »

Tiens donc… Neel avait le pendentif reçu par Tery ? La personne au masque blanc ne lui avait pas signalé ce petit détail. C’est vrai qu’il lui manquait une partie de l’histoire mais un grand sourire se dessina sur ses lèvres de vieille dame. Et bien, et bien… Est-ce que Neel avait donné son prénom à Tery ? Elle allait très vite le savoir mais avant… Elle prit la petite pierre brune représentée sous la forme d’un cœur, celle-ci se mettant à briller.

« Un cœur élémentaire de terre. C’est un bien bel objet décoratif… et qui peut servir pour connaître son ennemi avant même qu’il n’utilise la magie. » chuchota madame Liza.

« Mais qu’en est-il… pour ceux comme moi qui peuvent utiliser tous les éléments ? »

« Le cœur réagira… mais d’une façon moindre car tu n’es pas véritablement en osmose avec la terre. Tu n’as pas à t’inquiéter pour cela mais une question me taraude, Neel. Comment as-tu obtenu cette pierre ? Puisque elle fut la récompense de Tery. Te l’a-t-il donnée ? »

« Non… Pas réellement… Ca s’est passé différemment. » bredouilla l’être masqué.

Hum ? Que voulait-elle dire par là ? Le sourire disparut alors qu’elle lui demandait de continuer et de lui raconter ce qui s’était déroulé. Cela avait surement son importance pour que la personne au masque blanc garde ce pendentif si précieusement. Elle lui expliqua que l’Oracle n’était pas au courant de ce pendentif et lui fit promettre de ne pas en parler, ce que la vieille femme lui répliqua qu’elle n’avait pas à s’en faire, elle resterait muette comme une tombe. Néanmoins… Néanmoins… Ce qu’elle lui dit avec ce combat… ne lui plaisait guère.

« J’ai une petite question : si l’Oracle ne t’avait pas demandé cela, est-ce que tu aurais quand même pris le risque de tuer ce jeune homme en sachant que c’est un Porteur ? »

« Je… Je ne crois pas… Je ne sais pas du tout, madame Liza. » murmura l’être masqué.

« Non, tu dois savoir cette réponse. Est-ce que tu aurais accepté de tuer ce jeune homme avec qui tu as passé plusieurs mois de ton existence ? »

« Mais il ne connaissait même pas mon nom ! » répliqua-t-il aussitôt.

« Et en quoi cela est-il un problème ? Rien ne t’empêchait de le lui donner, Neel ! Que je sache, tu es une grande personne, une personne adulte. Même si l’Oracle te dit telle ou telle chose, rappelle toi que tu as un cœur et qu’il n’appartient qu’à toi. Si tu as envie de dire ton nom à cette personne, ne te prives pas ! Que je sache… Tery… C’est bien cela non ? Ce Tery… Il t’a fait confiance… C’est la première personne avec qui tu t’es liée à l’extérieur, n’est-ce pas une chose très importante ? »

Si ça l’était… Ca l’était à ses yeux… Mais maintenant, c’était trop tard, bien trop tard. Elle ne pouvait pas revenir en arrière et madame Liza le savait aussi bien qu’elle ! Le choix qu’elle avait fait… avait été celui de l’Oracle et non d’elle. Elle avait décidé de lever la main vers Tery… de le menacer et d’essayer de le tuer. Ensuite, elle l’avait sauvé… mais le mal avait été fait. La main droite de la vieille femme se posa sur celle gantée de rouge, lui disant :

« Tu n’as pas à t’en faire. Les erreurs… Certaines d’entre elles sont faites pour être rattrapées. Qui te dit qu’au final, cette erreur en sera une dans quelques temps ? Peut-être que vous vous rencontrerez à nouveau non ? Un premier ami, c’est quelque chose d’important. »

« Oui… Vous avez raison, madame Liza. Comme à chaque fois. »

« Alors quand tu retourneras dans le royaume de Shunter, et je suis sûre que cela arrivera, tu essayeras de retrouver la trace de Tery et tu lui diras tout ce que tu veux… mais bref… Vous ferez la paix, toi et lui, me suis-je bien faite comprendre ? » dit la vieille femme avec autorité.

« Oui… Madame Liza… C’est exact… Vous avez totalement raison… comme d’habitude. »

« Et arrête de me parler avec cette voix si faible et mollassonne ! On dirait que tu n’es pas capable de décider par toi-même. Pourquoi tu n’irais pas lui donner ton véritable prénom ? »

Lui… Lui donner son véritable prénom ?! Mais personne ne l’appelait avec celui-ci ! Oh… La vieille femme le connaissait et l’Oracle aussi mais il y avait une interdiction de l’utiliser. Alors… Ils n’étaient que trois à le connaître mais aucun ne l’utilisait. Ses yeux bleus étaient posés sur madame Liza, tentant de comprendre où elle voulait en venir avec tout cette histoire.

« Mon prénom ? C’est à peine… si je le prononce pour moi-même. » chuchota l’être masqué.

« Je sais très bien qu’il faut que tu en portes un autre pour éviter les soupçons, néanmoins, ce n’est pas normal que tu ne puisses pas vivre à côté. Tu es une personne adulte ! Tu devrais pouvoir sortir quand tu le désires, rencontrer des personnes ! »

« Mais je les rencontre… madame Liza. Je les rencontre… »

« Le monde ne se cantonne pas à l’orphelinat ! Tu voulais revoir Tery ? Alors tu le retrouveras ! Mais arrête donc de ne penser qu’à travers les paroles de l’Oracle ! »

« Vous blasphémez… Vous voulez que je contredise ses ordres ? » murmura-t-il.

Non… Non ! Ce n’était pas ça ! Pas cela du tout. Elle ne voulait pas qu’elle trahisse l’Oracle mais simplement qu’il réfléchisse par lui-même. Ce n’était pourtant pas si dur non ? Lorsqu’il avait sauvé Tery, n’avait-il pas décidé avec son propre cœur ce qu’il devait faire. La vieille femme posa une main sur le masque blanc, murmurant :

« Je vais devoir te laisser, Neel. S’il te plaît, réfléchis simplement à ce que je t’ai dit. Un moment, tu devras retourner au royaume de Shunter non ? Je ne pense pas que tu aies terminé avec toute cette histoire. Essaye de retrouver la trace de ce jeune homme. »

« Il est rentré dans l’armée… Et il m’a dit… que l’on sera ennemis la prochaine fois. »

« Dire et faire sont deux choses différentes, je tiens à te le rappeler. Mais par contre… Ce que tu me dis est bien plus gênant, Neel. S’il est dans l’armée de Midès… Alors… »

« Oui… Je me suis tenu au courant… C’est la guerre. » murmura l’Ombre encapuchonnée.

La vieille femme s’était levée, poussant un léger soupir comme pour souligner l’évidence des paroles de Neel. La personne au masque blanc se leva à son tour, s’approchant de la porte en tenant la clenche pour l’ouvrir. Elle reprit d’une voix triste :

« Ce n’est qu’un débutant… Mais… C’est un porteur… Et les porteurs des lignes du dieu Alzar sont voués à disparaître. J’aurais aimé le revoir avant… »

« Tu le reverras ! Si tu ne crois même pas en ce que tu dis, comment veux-tu espérer le retrouver ? Mais est-ce que c’est moi ou… »

« Assez ! Taisez-vous, je vous en prie ! Je ne veux plus parler de Tery ! Pour moi, c’est de l’histoire ancienne ! Il n’existe plus depuis le moment où nous sommes séparés ! »

Et bien, et bien… C’était la première fois qu’elle voyait Neel dans cet état. Le voir crier de toutes ses forces, c’était quelque chose d’exceptionnel à ses yeux. Quelque chose de vraiment trop rare pour être oublié. Un petit sourire gêné aux lèvres, la vieille femme signala à Neel qu’elle allait le laisser tranquille. Il valait mieux pour l’être encapuchonné de rester seul… quelques heures où une journée. Cela ne lui ferait que du bien.

Après le départ de Liza, elle s’était écroulée sur son lit, sanglotant comme une enfant qui venait d’être punie. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’elle lui avait dit ça maintenant ? Est-ce qu’elle voulait s’amuser avec ses sentiments ? Elle savait pertinemment que ce n’était pas le cas, que madame Liza n’était pas comme ça mais… mais… Il y avait des choses à ne pas dire ! Elle regrettait amèrement ce qu’elle avait fait.
AH ! Non… Non… Ce n’était pas possible… Des larmes… Elle pleurait ? Elle ? Neel ? L’Ombre au masque blanc ? Elle pleurait à cause de toute cette histoire ? Elle n’arrivait pas à le croire… Ce n’était… pas croyable… Non… Elle ne voulait pas… Ce genre de choses ne devait pas se réaliser. Elle ne… Elle ne… Elle ne devait pas… Et puis… Zut… Elle s’était endormie, le masque blanc en partie retiré. Elle était… trop fatiguée à cause de ses pleurs.

« Neel ? C’est moi… Tery. Neel ? Tu m’entends ? » murmura une voix.

Hein ? Comment ça ? Où est-ce qu’elle se trouvait ? Noir… Tout était noir autour d’elle. Elle était à genoux sur le sol, le visage masqué de blanc alors qu’elle cherchait d’où provenait la voix. Elle n’avait pas rêvé, c’était bien Tery qui venait de s’adresser à elle non ? Mais où ? Où est-ce qu’il se trouvait ? Elle ne le voyait pas. Une forte lumière l’aveugla, la forçant à mettre une main devant ses yeux pendant quelques instants.

« Neel… Mon enfant… Ne quitte pas le chemin de la déesse. » murmura une voix tremblante.

Le chemin de la déesse ? Elle voyait le vieil homme… L’Oracle… Il était à sa droite tandis qu’à sa gauche, dans l’obscurité, elle apercevait Tery. Le jeune homme ne semblait pas avoir changé mais ses yeux rouges étaient clairement visibles. Elle voyait même son sourire. Mais l’Oracle… Pourquoi ne parlait-il pas à Tery s’il était à côté de lui ? A quelques mètres à peine ? Elle n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait.

« Tu sais… Je suis devenu bien plus fort depuis que je suis dans l’armée de Midès. Si tu le désires, on peut recommencer tous les deux à travailler ensemble non ? »

« J’en serais… ravi mais… Tu es un porteur, tu es un ennemi. »

« Ennemi, ennemi, c’est un bien grand mot non ? Est-ce que j’ai fais quelque chose de mal ? Enfin… Je veux dire… Maintenant ? Je suis ton ennemi car c’est ce que tu désires. »

« Ne l’écoute pas, Neel. Qui est-ce qui t’as appris tous les préceptes auxquels tu tiens tant depuis des années ? Qui a veillé sur toi pendant toutes ces années ? Ne te laisse pas manipuler par les ténèbres… par l’un de ses porteurs ! » s’écria l’oracle.

« Ecoute le donc, tu penses vraiment qu’il veut veiller sur toi ? Il veut simplement te mettre en cage et te diriger. Si tu ne décides pas de te libérer très bientôt, je ne pourrais plus rien pour toi. Rappelle toi tout ce que tu as fait pour moi. Est-ce que tu ne veux pas en faire encore plus ? Est-ce que tu ne veux pas que ça soit MOI qui t’aide ? C’est de cela dont tu as besoin… Tu as besoin d’aide… Et je suis là pour toi. » chuchota le jeune homme avec douceur.

Il tendait une main gantée de noir, c’était la seule partie de son corps qu’elle pouvait voir avec son visage. Il gardait son sourire aux lèvres, attendant qu’elle vienne vers lui. Elle observa l’Oracle, se demandant ce qu’elle devait faire. Le vieil homme était resté étrangement muet depuis la légère tirade de la part de Tery. Il semblait réfléchir à quelque chose mais quoi ? Après quelques instants, le vieil homme prit la parole :

« Manipulation et mensonge, voilà ce que le dieu Alzar emmène à travers ses lignes. N’est-ce pas ce que Tery a fait avec toi, Neel ? Tu t’es fait manipuler depuis le début. Son entraînement… Sa force… Sa puissance… Son éveil… Tout est de ta faute. Si tu t’étais posé les bonnes questions au bon moment, tout cela ne serait jamais arrivé. Il est temps que tu répares tes erreurs, Neel. Tu dois continuer sur la voie de la déesse Zélisia. Il n’y a pas d’autre solution pour racheter ton pardon. »

« Ne l’écoute pas. Tu ne trouves pas son discours surprenant ? Il t’annonce clairement que tu es responsable de MES choix. Mais lui, il est responsable de TES choix. Au final, ça revient au même ! Tu ne me dois rien, Neel ! Rien du tout ! Mais moi, je te suis redevable ! Tout est de ma faute, de ma faute, tu entends ? » hurla Tery.

Oui… Elle l’entendait parfaitement. Le discours de l’Oracle était inquiétant en un sens mais… D’un autre côté… Elle trouvait cela bizarre… que Tery mette autant de ferveur à ce qu’il la rejoigne. C’était vraiment… Il n’y avait pas de mot pour décrire cette sensation. Hein ? Attendez un peu ! L’Oracle… La lumière autour de l’Oracle était en train de diminuer comme si elle était aspirée. Le vieil homme murmura :

« Tu sembles avoir fait ton choix… Mais es-tu sûr de ne pas te tromper de voie ? Tu ne pourras jamais revenir en arrière. Une erreur… peut te coûter cher. Rappelle toi quelle a été la réaction de Tery après la flèche qui a tentée de le tuer. »

« Ma réaction ? Je me suis énervé mais je n’ai pas utilisé les lignes du dieu Alzar pour la combattre car malgré ma déception et ma tristesse, Neel restait celui qui m’a tout appris. J’aurais pu le tuer mais je ne l’ai pas fait. » annonça le jeune homme.

« Hum… Et lorsque tu auras conscience de tes lignes… Quelle sera ta réaction ? Les lignes de la destruction… Les lignes d’un dieu maléfique. »

« Cela ne te concerne pas, vieillard. Je ne te connais pas mais tu me juges. Qui es-tu pour dire qui est bon ou mauvais ? Et cela à cause de ses origines ou de ses lignes ? »

« Je suis l’Oracle. Je vois dans l’avenir, je lis dans le passé, je suis celui qui a élevé Neel depuis sa naissance. Penses-tu sincèrement pouvoir en dire autant de ton côté ? Tu l’as trahi, tu lui as menti, tu t’es servi de cette personne depuis le début ! » s’écria le vieillard.

Une continuelle dispute entre eux deux. Mais… Elle commençait à comprendre. Elle était dans un rêve… Oui… Et les deux personnes étaient les chemins qu’elle pouvait emprunter. Mais lequel prendre ? Celui de Tery ou celui de l’Oracle ? Déjà par de nombreuses fois, elle avait décidé de ne pas suivre le chemin de l’Oracle. Lorsqu’elle avait décidé un premier temps de ne pas tuer Tery malgré l’ordre de l’Oracle… puis lorsqu’elle lui avait donné l’antidote et prêter son masque pour le sortir de la grotte, et le moment… où elle avait menti à l’Oracle… Ce moment qui était très récent ! Non… Non… Elle ne devait pas choisir entre l’un ou l’autre, elle devait réunir les deux ensemble mais… Ils étaient si différents. Est-ce qu’l y avait une petite once de chance de pouvoir ouvrir le dialogue entre eux ? Dans ce rêve, ce n’était pas possible mais la réalité était bien différente ! L’Oracle l’avait signalé : il s’était trompé sur Tery. Il était spécial avec ses lignes du dieu Alzar, très spécial ! Il pouvait peut-être venir réellement l’aider ? Si elle le retrouvait non ?

Elle rouvrit ses yeux bleus quelques heures plus tard. Ce rêve… aurait pu tourner au cauchemar mais ça n’avait pas été le cas. Son masque était retiré en partie, à quelques centimètres de son visage. Elle remarqua que le drap avait été trempé comme si… Elle avait pleuré pendant la nuit. Cela ne l’étonnait pas au final. Elle se redressa, se demandant quelle heure il pouvait être. D’un geste lent, elle se dirigea vers la porte, l’ouvrant pour observer si le soleil était levé. Visiblement… C’était déjà le cas… et depuis quelques heures. Elle sursauta légèrement en voyant le visage de la vieille femme apparaître devant elle. Elle s’était trouvée sur le côté et elle ne l’avait même pas remarqué ! Celle-ci lui dit avec un sourire :

« Et bien… Je ne m’attendais pas à ce que tu te réveilles à une telle heure, Neel. »

« Madame Liza ? Je… Je… Quelle heure est-il ? » demanda la personne masquée.

« Nous approchons des onze coups. Tu as pris certaines habitudes ces derniers mois. »

« Pardonnez moi, je vais éviter de recommencer. Dès demain, je serais levé à l’aurore. »

« J’y compte bien. Et ça sera moi personnellement qui te réveillera s’il faut ! »

Aie aie aie… Si c’était elle, elle ferait mieux de faire attention alors. Elle n’allait pas avoir véritablement le choix. Se réveiller aux premières lueurs de l’aube ou alors subir le réveil à la façon de faire très spéciale de madame Liza. Le choix était vite décidé ! Elle demanda à la vieille femme de bien vouloir pénétrer à l’intérieur, allant se laver pour quelques minutes pour ensuite partir avec elle. Maintenant, elle se sentait plus… apaisée par rapport à hier.

« Ca ne sera pas très long. Juste de quoi passer de l’eau sur mon visage et… »

« Prend donc tout ton temps. Ca ne presse pas. L’Oracle veut simplement te parler, voilà tout. Comme tu es déjà en retard, ça ne changera rien au final. » coupa la vieille femme.

« Hein ? L’Oracle ? Est-ce que c’est à cause de ce que je lui ai dit hier ? De quelle humeur il était ? Vous le savez ? Madame Liza ? Vous pouvez me répondre ? »

« Je dirais qu’au départ, il était plutôt neutre mais lorsqu’il a appris que tu n’étais pas encore réveillée… Il n’a guère apprécié cela. » reprit madame Liza sur un ton un peu amusé.

« Pardon ! Je ne le recommencerais plus, je vous le promets. » s’écria l’être encapuchonné.

Elle devait se dépêcher au lieu de trop parler avec Liza. Quelle idiote mais quelle idiote ! Déjà qu’elle avait échoué dans sa mission, qu’elle avait des idées contraires aux principes appris par l’Oracle, elle se permettait de faire la grasse matinée ? Mais qu’est-ce qui lui prenait ? D’habitude, elle n’était pas comme ça. Quelque chose avait changé… mais quoi ? Elle sortit de la salle de bain au moment où la vieille dame reprenait :

« Enfin… Trop dormir n’est jamais une mauvaise chose si cela est fait avec parcimonie. Comme cela est peut-être la première fois pour toi, je ne pense pas que cela soit néfaste pour toi. Et puis… Une bonne nuit de sommeil après quelques troubles, ça ne peut nous faire que du bien, n’est-ce pas Neel ? » reprit la vieille dame aux cheveux grisâtres.

« Vous avez entièrement raison, madame Liza. »

Maintenant, elles pouvaient partir toutes les deux. La vieille femme prit les devants, les deux personnes quittant la maisonnette dans laquelle l’Ombre habitait. Elles marchèrent pendant plusieurs minutes, discutant de tout et de rien. Contrairement à hier, Liza n’énonça pas une seule fois ce qui s’était passé pendant ces derniers mois. Oui… Il valait mieux ne pas parler de Tery, ce n’était pas le bon moment.

« Madame Liza… Vous ne m’avez pas répondu mais… Que me veut l’Oracle ? »

« Je crois savoir que c’est au sujet de ta punition pour avoir échoué dans ta mission. »

« Ma… punition ? Mais j’ai passé l’âge d’en recevoir. J’espère qu’elle ne sera pas trop violente… C’est tout ce que j’espère… » bredouilla l’être encapuchonnée.

« Tu n’as pas à t’en faire, Neel. Pas pour aussi peu. De toute façons tu es son envoyé pour récupérer les médaillons. Alors, il ne risque pas de t’empêcher de repartir à leur recherche… Néanmoins… Je pense qu’il sera bon que tu prennes plus au sérieux les consignes que l’on te donne. » dit la vieille femme avec calme.

Hein ? Par rapport à hier où alors à il y a quelques minutes, le ton semblait bien plus sérieux. Madame Liza… ne voulait pas se faire du souci pour elle. C’est vrai… C’était la vieille femme qui s’occupait d’elle depuis qu’elle était arrivée ici. Une nourrice particulière pour un être particulier, c’est ce que l’Oracle avait dit.

Dix minutes s’écoulèrent en plus et la vieille dame lui signala qu’elle allait la quitter maintenant. Elle avait d’autres enfants dont elle devait s’occuper. C’est vrai que… depuis que Neel était un adulte, il n’avait plus réellement besoin d’être materné et cela depuis déjà quelques années. Elle pénétra à l’intérieur de l’orphelinat, celui-ci était toujours aussi vide lorsqu’elle passait les couloirs mais elle savait que ce n’était pas le cas véritablement. Elle arriva devant la porte du bureau de l’Oracle, toquant plusieurs fois avant de demander :

« Oracle ? Vous vouliez me voir ? Je suis présent. »

« Neel ? Rentre donc à l’intérieur… et dépêche-toi. » murmura la voix masculine.

Gloups ! Il aurait du s’en douter. Les derniers mots de l’Oracle montraient ses sentiments actuels… et il avait vite remarqué que ce n’était pas de la joie… plutôt de la colère même. Ca ne présageait rien de bien bon s’il ne faisait pas attention. L’être au masque blanc ouvrit lentement la porte, pénétrant à l’intérieur de la pièce pour voir le vieil homme au regard d’argent. Celui-ci avait les deux coudes posés sur le bureau, les yeux dirigés vers lui.

« Neel… Je pense que tu dois te douter… de la raison de ta présence ici. »

« C’est au sujet… de mon échec, n’est-ce pas ? Je suis prêt à recevoir ma punition. »

« Soit… Alors, je vais te la donner. J’espère que tu comprendras et… Pardon. »

Chapitre 27 : Anonymat complet

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Chapitre 27 : Anonymat complet

« Si tu veux bien continuer à me raconter ce qui s’est passé. » murmura l’Oracle.

« Alors… Il était d’abord très réticent à s’entraîner. » reprit l’être masqué.

« Même devant tes nombreux combats ? Pourtant, d’après mes souvenirs, je pensais t’avoir appris bon nombre de choses. Avec ceci, tu aurais du l’impressionner. »

« Et bien… Tery était plutôt du genre à ne pas vouloir s’intéresser à tout ce qui est magie et art d’utiliser des armes. En fait, il était un véritable néophyte. »

« Tu répètes mes propres mots, mon enfant. » annonça le vieil homme.

Elle s’excusa et bafouilla quelques paroles. Ce n’était pas ce qu’elle voulait, non, loin de là ! Elle recherchait les mots qu’elle devait prononcer. En y réfléchissant bien, l’Oracle lui avait souvent parlé des porteurs adverses, ceux qui étaient considérés comme ses ennemis. Mais ce n’était pas tout… Est-ce qu’elle devait lui dire que Tery avait essayé de la tromper ? Oui, il valait mieux tout avouer à ce sujet. La personne encapuchonnée redit :

« Enfin… Il s’est montré bien plus enclin à me suivre. »

« Quel était son élément de prédilection ? Même si c’était un Porteur… » demanda l’Oracle.

« La Terre ! Je dirais que la Terre lui convenait parfaitement ! Ou alors le Vent… »

« Hum… Je vois, je vois… Mon enfant… Tu peux continuer. »

Il semblait un peu surpris de la voir lui répondre aussi rapidement et avec autant d’excitation comme si elle connaissait Tery plus que nécessaire. En fait, c’était la manière dont elle avait parlé. Elle lui avait coupée la parole en plein de sa seconde phrase comme si de rien n’était et cela l’étonnait. De la part de l’être emmitouflé dans sa cape brune, c’était plutôt rare.

« Ainsi, il devait apprendre toutes les bases de la magie ! » s’exclama l’Ombre.

« Même les sorts les plus faciles ? Cela est étonnant. N’as t-il donc eu aucune éducation ? »

« Par contre… Ca… Je ne sais pas, Oracle. Excusez-moi de ne pas être au courant à ce sujet. Sinon, il utilisait des armes peu courantes ! » dit-elle avec amusement.

« Ah bon ? Et quelles sont ces armes ? Je ne crois pas être informé de celles-ci. »

« Des griffes. J’avoue que ça m’a étonné la première fois. Ce n’est pas des armes que l’on utilise lorsqu’on apprend à se battre. Normalement, ils sont plus aptes à apprendre à manier une épée plutôt que des griffes mais lui… »

« Lui ? Continue donc… Je ne vais pas t’arrêter à chaque fois, mon enfant. »

« Lui… Il semblait très à l’aise avec ces griffes, comme si… Elles étaient faites pour lui. Au départ, je me rappelle qu’il s’est gratté la joue bien que je tentais de le prévenir. »

Elle éclata de rire, n’arrivant pas à se contrôler en se disant que Tery avait été sacrément doué à ce moment là. Sincèrement… Des fois, elle s’était demandée s’il le faisait exprès ou non mais il fallait reconnaître qu’il avait été un compagnon des plus intéressants, surtout lorsqu’on grattait sous la couche de colère qu’il s’était crée.

« Et bien, et bien… A croire qu’il avait tout d’un Porteur de nos lignes. » murmura l’Oracle.

« Oui… Enfin… Il a quand même montré des bons côtés ! » s’exclama l’Ombre.

« Et lesquels ? Si cela n’est pas indiscret bien entendu. »

« Et bien… Je… Disons que la bourse que vous m’aviez donnée, rétrécissait peu à peu et que nous étions tous les deux à court d’argent. » dit la personne masquée avec entrain.

« Je comprend, je comprend… Continue donc mon enfant, je t’écoute. »

Comment tout raconter à l’Oracle ? Ce n’était pourtant pas très difficile mais elle ne savait pas… Les yeux argentés du vieil homme l’observèrent d’un air inquisiteur et elle se sentait tellement mal à l’aise qu’elle aurait aimé se cacher dans un trou de souris et ne plus en sortir. Elle tenta de contrôler ses légers tremblements avant de commencer à prendre la parole :

« Alors, il s’était mis en tête de venir m’aider pour trouver de l’argent. »

« Et de quelle façon a-t-il essayé ? » questionna le vieil homme.

« En tuant des Gnomolds, il avait vu une affiche comme quoi, on donnait des récompenses pour des pattes de Gnomolds ! Alors, il a décidé de m’aider de cette façon. Vous savez, au départ, il se fichait vraiment de tout ce qui me concernait puis peu à peu… Il s’est ouvert vers moi et je crois que j’ai appris à le connaître. Enfin, je ne savais pas tout non plus à ce sujet. »

« Et pourtant, on penserait que tu es capable d’en parler pendant des heures entières. Me tromperais-je, mon enfant ? » dit l’Oracle avec un petit sourire aux lèvres.

Elle s’arrêta de parler, baissant sa tête masquée en observant le sol de ses yeux bleus. L’Oracle avait raison mais il fallait la comprendre… C’était vraiment la première fois qu’elle s’était liée avec quelqu’un depuis le jour où elle était née. Elle sursauta au moment où une main ridée se posa sur son épaule. Le vieil homme au regard argenté s’était rapproché d’elle. Il lui murmura d’une voix douce :

« Et bien, mon enfant… Tu sembles encore perdu dans tes pensées. »

« Pardonnez-moi… Oracle… C’est simplement que… J’ai un peu de mal à croire ces lignes noires sur le corps de Tery. Comment… est-ce possible qu’un jeune homme comme lui soit atteint de cette… chose ? Il n’y a pas de possibilités de le faire changer de voie ? »

« Généralement, les porteurs des lignes du dieu Alzar sont voués au déclin. Si seulement tu avais terminée ta mission, tu l’aurais soulagée d’une très grande peine. »

Pardon, pardon, pardon, ENCORE PARDON ! C’était de sa faute ! Elle le savait parfaitement mais… mais… Pourquoi lui avoir dit de faire ça alors qu’il devait se douter qu’elle n’aurait pas réussie cette mission, hein ?! Elle… Elle… Elle était dépitée.

« Oracle ? Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que… » balbutia la personne masquée.

« Me racontez la suite et fin de votre histoire, mon enfant ? A toi et à Tery ? »

« Si vous le désirez… Je vais vous dire… Ce que j’ai décidé de faire après que j’ai reçue votre seconde lettre, Oracle. Près de Midès, du moins, dans la capitale de Shunter, il y avait un endroit qui s’appelle Litan Deseria. »

« Oui… Je comprends… Continue donc alors… » murmura le vieil homme avec calme.

« Là-bas, une créature y vivait : un scorpion géant cyclope. »

Un scorpion géant cyclope ? Il la regarda quelques instants avec une légère appréhension : ce genre de créatures n’était pas forcément très rare mais du genre à se terrer dans des recoins cachés et surtout à être assez puissantes si on ne savait pas se battre. Il fit un petit geste de la main pour lui dire de continuer, ayant arrêté de poser l’autre main sur l’épaule de la personne au masque blanc. Celle-ci reprit la parole :

« Et bien, Tery voulait aller le combattre car d’après ce qu’il m’avait dit, il devait se rendre là-bas et ramener la tête du scorpion cyclope pour pouvoir rentrer dans l’armée de Midès. »
« En quelque sorte, une mission suicide pour éliminer une jeune personne un peu trop ennuyeuse. Est-ce bien cela ou je me trompe dans mes dires ? »

« Non, non ! C’est ce que j’ai pensé tout de suite ! Et puis… J’ai oublié… Il y a tellement de choses que j’ai oublié d’expliquer. Je devrais revenir en arrière. » dit-elle.

« Alors, fais donc, mon enfant. Je ne suis point pressé. J’ai déjà tellement vécu… »

« Alors, c’est au sujet des Gnomolds qu’il a essayé de tuer. Il est y arrivé mais il s’est retrouvé face à un chef de clan de cette race. Vous savez, Oracle… Ceux qui n’hésitent pas à trancher les mains de leurs congénères comme preuve de leur victoire sur les autres. »

« Oui, oui, je vois très bien. Mais pourquoi est-il parti seul ? Sans toi ? » demanda l’Oracle.

« Et bien… Je… Disons… que… Voilà… »

Elle baissa le regard à nouveau, murmurant qu’il avait appris d’une certaine manière qu’ils avaient des soucis d’argent. Comme elle ne l’avait pas prévenu, alors il s’était mis en tête de tuer des Gnomolds pour pouvoir payer l’auberge. Cela partait d’une bonne intention et cela lui avait permis de voir à que Tery avait un bon fond au final mais à côté de cela… Il avait eu beaucoup de mal à s’en remettre après le combat contre le chef de clan Gnomold.

« Ensuite, nous avons été à la guilde des magiciens car la mort du chef de clan était mise sur un affiche avec une récompense au bout. Il a réussi à obtenir un livre en liaison avec l’élément de la terre ainsi que… Rien du tout. Je suis bête, pardonnez moi. »

Elle venait de mentir ouvertement à l’Oracle, ne voulant pas lui parler du petit pendentif qu’elle avait reçu de la part de Tery. C’était une chose qu’il ne devait pas apprendre ! Et dire qu’elle pensait lui dire toute la vérité, elle avait vite décidé de changer d’avis dès que cela s’avérait nécessaire… Enfin… Maintenant… Elle pouvait lui raconter la fin de cette histoire.

« Mais après ça… J’ai reçue votre seconde lettre et j’ai décidé d’appliquer ce que vous vouliez. Je préférais que cela soit considéré comme un accident plutôt qu’un meurtre alors je l’ai emmené dans la grotte de Litan Deseria pour lui faire combattre le scorpion cyclope et le faire mourir ainsi. Après… Je pensais prendre son corps… et l’enterrer quelque part où il pourrait reposer en paix, mais ça ne s’est pas passé comme prévu. »

« Et bien ? Que s’est-il passé alors ? Dois-je le deviner ? Dois-je penser que Tery a réussi à battre le scorpion cyclope ? Mais comment est-ce possible ? » questionna le vieil homme.

« Et bien… Oracle… J’ai un peu honte de le di… » tenta de murmurer l’Ombre.

« Nulle honte tu dois avoir mais simplement des regrets car tu as échoué. »

« Oui… Pardonnez-moi encore une fois, Oracle. » reprit la personne masquée.

« Continue et cesse donc de demander pardon. Cela pourrait devenir lassant si tu ne fais qu’utiliser ces paroles. As-tu tellement de choses à te reprocher ? »

Gloups… Oui… Elle avait beaucoup de choses à se reprocher, bien plus que ne pouvait le croire le vieil homme mais maintenant… Est-ce qu’il devait être au courant de tout ça ? Nullement… Mais mentir à l’Oracle… Etait-ce une bonne chose ? Elle chuchota :

« Non… Non… Enfin comme vous l’avez dit… Tery a réussi à battre le scorpion cyclope… mais en utilisant ses lignes noires… Il est devenu… une sorte d’être incontrôlé… »

« Possédé par ses propres lignes, elles le mèneront à sa destruction. »

« C’est là que j’ai décidé de l’attaquer… dès qu’il est revenu à la normale. »

« A la normale ? Comment cela, mon enfant ? » questionna subitement l’ancien.

L’Oracle sembla intrigué d’apprendre cette nouvelle. Avait-elle dit quelque chose de spécial ? Elle recommença à parler, lui expliquant mot pour mot ce qui s’était passé exactement lorsqu’elle avait décidé de s’en prendre à Tery. Et que le combat s’était très mal terminé… Enfin, là-dessus, elle s’arrêta au moment où elle avait remarqué le problème avec la mort du scorpion cyclope. L’Oracle lui demanda :

« Et bien… Ensuite ? Que s’est-il passé ? »

« Je… Je ne me souviens plus de rien. Le scorpion cyclope… Son cadavre s’est mis à émettre du poison… sous la forme d’un nuage. J’avais complètement oublié ceci. »

« Complètement oublié ? Pourtant, je t’avais mis en garde contre ces créatures capables d’utiliser de la magie. Ne m’as-tu donc point écouté pendant toutes ces années, mon enfant ? Est-ce que tous mes cours ont donc été à ce point inutile ? »

« NON ! ORACLE ! NON ! CE N’EST PAS DU TOUT CA ! »

Elle venait de lever la voix en même temps que son corps. Comment croire une telle chose ?! Seulement… Elle était tiraillée entre deux sentiments contradictoires. Le vieil homme restait suspicieux, toussant une première fois avant de demander :

« Pourrais-je savoir la raison de ces cris, mon enfant ? »

«  Je… Je… Je suis désolé… Je ne voulais pas outrepasser vos règles et vos leçons… »

« Oui mais néanmoins, tu sembles bien trop tremblante… Dis-moi toute la vérité. »

« Quand je me suis réveillée… J’étais allongée dans un lit… Le lit de l’auberge où moi et Tery avions pris résidence. » murmura faiblement la personne encapuchonnée.

« Insinuerais-tu que ce jeune homme a contrecarré le poison, traverser ce… désert, t’as donné un antidote contre le poison et t’as ramené à l’auberge, mon enfant ? »

« Oui… C’est exact… Je sais que cela parait un peu… exagéré… »

Il poussa un léger soupir, l’être encapuchonné redressant son visage masqué de blanc en l’observant. C’était bien la première fois qu’elle le voyait aussi soucieux à cause d’elle. Est-ce qu’il… se posait des questions sur sa fidélité ? Elle… lui avait menti mais elle ne savait pas s’il allait la croire ou non. Après quelques secondes, il reprit :

« Je me demandais… S’il a été capable de te soigner… mon enfant, cela voudrait-il dire qu’il a été capable d’annuler les effets psychologiques des lignes du dieu Alzar ? »

« Hein ? Euh… Attendez un peu, Oracle… Je… Je… Je n’y ai pas réfléchi sur le moment mais oui ! C’est exactement ce que vous me dites ! Lorsqu’il en a terminé avec le scorpion, il est redevenu… normal comme je vous l’ai dit mais… »

« Mais… Tu as oublié cela… Si ce jeune homme a été capable de se contrôler après s’être laissé emporter par ses lignes, cela veut dire qu’il est capable de dépasser les pouvoirs des lignes du dieu Alzar. Vois-tu où je veux en venir ? » annonça le vieil homme.

« Il est donc un Porteur… Mais… non… Je suis désolé… Je ne comprends pas. »

« Cela veut tout simplement dire que ce jeune homme est un Porteur très rare, capable de faire la différence entre ses amis et ses ennemis. »

« Qu’est-ce… Qu’est-ce… Où voulez vous en venir Oracle ? » demanda la personne masquée.

« Que je me suis trompé… Peut-être aurais-je du ne pas t’ordonner de le tuer. Mais… Cela était une mesure de précaution. Les Porteurs de la lignée du dieu Alzar sont tous très dangereux… à cause de leurs pouvoirs latents. Alors que de ton côté, tu sais très bien que tes lignes peuvent aider les gens… » dit calmement l’homme à l’âge plus qu’avancé.

« Est-ce que cela veut dire… que si je retrouve Tery, je pourrais vous le ramener ? »

« Mon enfant… Pourrais-je te poser une question qui te paraîtra rhétorique quand tu l’entendras ? Est-ce que tu penses que ce jeune homme voudra réellement te suivre ? Alors que je suis celui qui est responsable de cette demande d’assassinat ? »

« Non… C’est vrai… Pardonnez-moi, Oracle. » murmura la personne encapuchonnée.

« Néanmoins… Néanmoins… Pour l’échec de ta mission… Tu vas devoir rester ici environ deux semaines. Je pense qu’il vaut mieux que tu subisses un nouvel entraînement. »

« Un… nouvel entraînement ? Mais pourquoi ? Je suis capable de me battre, Oracle ! »

« Mais… Tu n’es pas capable de laisser tes sentiments de côté. Me tromperais-je ? »

« Non… Vous avez totalement raison, Oracle. Pardonnez-moi. » bredouilla t-elle.

Finalement, elle n’avait pas à s’en faire au sujet de Tery. L’Oracle ne s’était pas posé énormément de questions à ce sujet. Elle se leva de sa chaise, le vieil homme lui signalant en même temps qu’elle pouvait quitter la pièce. Elle pouvait se rendre dans l’endroit où elle logeait habituellement, un endroit isolé de tous les autres.

Fermant la porte derrière elle, elle poussa un profond soupir, sortant de l’orphelinat en se disant que maintenant… Elle était retournée à sa vie d’avant. Si elle n’avait pas fait trop de zèle… Si elle n’avait pas décidé de l’attaquer… Si elle ne lui avait pas laissée la vie… Tant de choses en tête et si peu d’espace pour les entreposer.

Elle observa les alentours, voyant que les enfants avaient arrêté de jouer et étaient rentrés dans les dortoirs qui leurs étaient réservés. Il n’y avait rien, rien du tout. Elle se mit à marcher sans même jeter un regard autour d’elle, se dirigeant vers l’endroit où elle serait seule… à nouveau. Une bonne dizaine de minutes de marche et elle arriva devant une modeste cabane en bois. C’était là qu’elle habitait, isolée des autres.

« C’est comme ça que tout doit se passer… hein ? Tery ? Peut-être qu’au final… Je m’étais trompé sur toute la ligne. Je ne devrais jamais… penser par moi-même. Cela ne cause que des catastrophes et des accidents autour de moi. » murmura l’être masqué.

Elle soupira une nouvelle fois, passant une main sur le sommet de son crâne encapuchonné. Elle allait pouvoir retirer cette tenue un peu plus fréquemment… maintenant qu’elle allait être seule. Retirer cette tenue et ce masque… Ca ne pouvait pas être une mauvaise chose mais… Elle était la seule personne dans le temple à porter une telle chose.

Pourquoi ? La réponse était simple, très simple. Elle était spéciale, un peu comme tout les enfants mais elle l’était encore plus. L’Oracle avait de grandes ambitions pour elle… Elle qui était capable d’utiliser les lignes de la déesse Zélisia à un meilleur niveau que les autres. Elle qui avait fait de nombreux progrès depuis qu’elle était ici… depuis très longtemps. Elle ouvrit la porte de la cabane, s’engouffrant à l’intérieur avant de refermer derrière elle.

De fenêtre ? Il n’y en avait aucune. Pourquoi cela ? Pour éviter qu’on puisse voir qui elle était réellement. A l’intérieur de la cabane, il y avait trois pièces : l’une correspondant à une salle de bain avec des toilettes, une cuisine basique et une salle pour dormir, écrire ou faire tout ce qu’elle voulait comme loisir. Ce n’était pas le grand luxe mais ça lui suffisait amplement. Pour la lumière, des boules électriques dans des demi-sphères de verre étaient présents au plafond, lui permettant de voir. Elle murmura :

« Je connais… Tery… non ? Il me pardonnerait encore une fois… non ? »

Elle se mit assise sur la chaise se trouvant devant le petit bureau. Du papier jauni, de quoi écrire… et tout était comme il y a plusieurs mois. Néanmoins, la maisonnette avait été bien entretenue… mais par qui ? A part l’Oracle, nul ne savait qui elle était réellement… à part l’Oracle et une autre personne. Oui… Ca devait sûrement être elle.

« Maintenant… C’est une séance de repos ? Hein ? Je dois me reposer… »

Enfin… Elle retira son masque blanc pour le déposer sur le bureau. Aussitôt que cela fut fait, elle parue bien plus petite… bien plus frêle. Le masque avait été façonné pour elle… des propres mains de l’Oracle. Un masque vraiment spécial puisqu’au final… Il était emprunt de magie. Lui donner une force, une allure, une stature bien différente de celle qu’elle était réellement. C’était ainsi… pour éviter de se faire repérer et pour éviter les ennuis.

« Tery… Tery… Tery… Si tu savais la vérité… Que ferais-tu ? T’éloignerais-tu de moi ? Est-ce que tu resterais avec moi ? Hein ? Je ne sais jamais… ce que les gens pensent réellement de moi… Puisque je ne suis pas réellement… moi. » chuchota-t-elle faiblement.

C’était stupide de penser ainsi mais c’était pourtant la triste réalité. Elle n’était pas ce qu’elle était. Quelqu’un toqua à la porte plusieurs fois de suite, l’être encapuchonné remettant son masque blanc sur le visage avant de demander :

« Qui… Qui est-ce ? »

« Je n’y ai pas cru quand l’Oracle me l’a annoncé mais pourtant… Tu es donc de retour ! »

Cette voix… AH ! C’était elle ! C’était vraiment elle ! Elle se leva, faisant tomber la chaise au sol avant d’ouvrir la porte très rapidement. En face d’elle se trouvait une vieille personne aux cheveux grisonnants attachés en chignon, une robe à carreaux roses avec un tablier par-dessus… et un petit corps de vieille femme. Qu’elle était bête… vraiment bête ! Bête de penser qu’elle était toute seule dans cet endroit. L’être masqué bredouilla :

« Madame Liza, je… J’avais peur que pendant… Mon absence… Vous ne soyez plus là. »

« Tu ne pensais pas qu’une personne aussi vive que moi s’endorme à jamais non ? Et toi, dans tout ça… Comment vas-tu, Neel ? »

Ah… Ce nom… Ce nom qu’elle n’avait jamais voulu donner à Tery. C’était normal… A part les personnes habitant près du temple, personne ne connaissait son existence. A part Tery… Elle invita la vieille femme à pénétrer à l’intérieur de la maisonnette. Avec elle, la discussion sera beaucoup plus facile, oh oui. Elle pourrait parler plus librement.

Chapitre 26 : De retour à l’orphelinat

ShiroiRyu
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Troisième partie : Détresse

Chapitre 26 : De retour à l’orphelinat

« Vous voulez partir dès maintenant ? Mais… Qu’est-ce que vous avez dit à Tery ? Il est parti comme une flèche sans même me saluer. » demanda l’aubergiste.

« Disons que… Qu’il avait autre chose à faire… Et moi aussi… Combien est-ce que je vous dois ? Pour… les derniers jours. » répondit l’être masqué de blanc.

« Oh, vous avez déjà payé, vous ne vous en rappelez pas ? »

« Ah. D’accord, merci beaucoup. Je m’en vais définitivement. Je vous remercie de nous avoir hébergé pendant ces quelques semaines voir mois. » termina de dire l’être encapuchonné.

« Tout le plaisir était pour moi. En espérant vous revoir un jour, ensemble, ça serait mieux. »

Ensemble ? Ah… Quelle bonne blague… Ils n’allaient plus être ensemble. C’était terminé maintenant, complètement terminé. Il n’y avait pas de retour en arrière. Peut-être qu’elle aurait pu rester avec lui non ? Qu’est-ce qui l’en empêchait ? Son devoir ? Ses obligations envers l’Oracle ? Tout ce qui s’était passé ?

« Au revoir, je ne sais pas si je reviendrais ici par contre. »

Elle s’inclina légèrement avant de quitter l’auberge. Maintenant, il était temps de retourner voir l’Oracle, de lui montrer le médaillon qu’elle avait récupéré et de lui dire… que le porteur n’était pas mort. Elle détestait le mensonge… Elle détestait tellement mentir. C’était quelque chose qui l’horripilait. C’était pour ça… qu’elle allait poser des questions à l’Oracle.

« Hey mais… C’est toi ? Tu vas mieux ? T’as vite récupéré ! » s’écria une voix masculine.

Hum ? Ah… C’étaient les gardes… Elle s’était mise à marcher vers la sortie sans réellement savoir ce qu’elle faisait. Ah… Qu’elle était bête… Vraiment bête… Elle hocha la tête comme pour répondre muettement aux gardes avant de leur dire pourtant :

« Je suis habituée à combattre ! Il n’y avait pas à s’en faire. »

« Oui mais Tery était furieux. Un peu comme toi lorsque tu es venu le chercher. »

« C’était du passé… Il vaut mieux oublier tout ça. » murmura l’être masqué évasivement.

« Du passé ? Ca remonte à peine à quelques jours, même pas une quinzaine ! »

« C’est bon, je vous ai dit. Merci bien ! » termina de dire l’Ombre.

« Tiens en parlant de Tery… Où est-ce qu’il se trouve ? » questionna l’un des gardes.

Pfff… Elle ne sentait même pas d’humeur à leur répondre. Elle s’éloigna du groupe de gardes chargé de surveiller la porte Sud, se disant que ça ne servait plus à rien de rester plus longtemps ici. Pendant de longues minutes, l’Ombre encapuchonnée s’était mise à marcher, se dirigeant sans savoir réellement où elle allait. Tery… Son seul compagnon en dix-huit ans… Un porteur… Elle était sûre que l’Oracle le savait à la base. Elle était sûre et certaine qu’il connaissait ça depuis le début. Mais pourquoi avoir fait une telle chose ? A quoi cela lui servait de la faire souffrir comme ça ? Elle poussa un profond soupir, remarquant finalement l’endroit où elle était. Elle… était revenue à l’arbre où Tery et elle s’entraînaient.

« Pffff ! C’est vraiment trop dur ! Y a trop de mots incompréhensibles, l’Ombre ! »

« On va faire plus simple, d’accord ? Tu vas me dire quel mot tu trouves compliqué et je te l’expliquerais, ce n’est pas plus difficile que ça. » murmura la personne masquée.

Ce fut la première semaine où il s’était montré réellement intéressé pour apprendre. Elle s’en rappelait parfaitement. Auparavant, jamais quelqu’un n’avait porté un quelconque intérêt sur sa personne et pour cause… Peu de gens connaissaient à peine son existence. C’était comme ça qu’elle avait été élevée… par l’Oracle. C’était comme ça qu’elle vivait depuis tout ce temps. Elle posa une main sur l’écorce de l’arbre, soupirant longuement alors qu’elle murmurait :

« Tout ça… est vraiment futile au final, non ? L’Oracle devait forcément savoir que tout ça allait se passer. Que Tery était un porteur des lignes d’Alzar alors que moi… Je suis une porteuse des lignes de Zélisia. C’était inscrit… Est-ce que c’était une épreuve ? »

Une épreuve pour savoir si elle était capable de retirer la vie à quelqu’un qu’elle appréciait ? Quelqu’un avait qui elle avait passé du temps ? Car oui… Elle avait déjà dû tuer… dans le passé. Même avant d’être adulte mais JAMAIS… Quelqu’un qu’elle connaissait aussi bien. Tery, Tery, Tery… C’était si dur de ne plus avoir quelqu’un avec qui parler.

« Je ferais mieux de me remettre en route, j’ai perdu assez de temps. » souffla l’être masqué.

Elle retira sa main de l’arbre, l’observant quelques instants avant de venir s’asseoir contre ce dernier. Fermant ses yeux saphir, elle se laissa vagabonder dans ses souvenirs et dans ce qui s’était passé depuis le jour où elle avait rencontré le jeune homme aux cheveux bruns. Dire qu’elle avait dû le sauver alors qu’elle était en quête de l’un des médaillons, celui de Tarka. Ils étaient tellement nombreux, elle se demandait même si d’autres personnes étaient à leurs recherches. Oh… Elle savait parfaitement qu’il y en avait mais bon… Est-ce qu’ils étaient nombreux ? C’était ça la question qui la taraudait et puis… et puis…

Et puis elle s’était endormie tout simplement. Cela n’avait pas été très difficile. Son lot d’émotions, la fatigue qui serait apparente sur son visage s’il n’était pas masqué, tout… Tout était si compliqué dans sa vie. Pourquoi être née comme ça ? Pourquoi avoir fait tout ça ? Elle s’était laissée aller, voilà tout simplement. Deux heures plus tard, ses yeux bleus s’ouvrirent sous le masque blanc souriant. Elle se redressa, s’étirant quelques instants avant de dire quelques phrases pour elle-même :

« C’est bon… Ce n’est pas en restant ici que ça changera quelque chose. Ce qui est fait est fait… Voilà tout. Je n’ai pas… à me poser plus de questions. Les choix de l’Oracle ne doivent pas être contredits ou discutés. Tout ce qu’il dit est bon. »


Oui, ses sentiments personnels n’avaient pas à être pris en compte dès qu’il s’agissait d’une mission. C’était sa première mission en extérieur, c’était la première fois qu’elle quittait l’orphelinat et ses environs. C’était la première fois qu’elle allait dans un royaume. Tellement de première fois, c’était pour ça qu’elle ne devait pas faillir même si c’était déjà trop tard. Une partie de la mission avait été réussie, n’était-ce pas déjà assez pour l’Oracle ?

Elle obtiendrait sa réponse d’ici quelques jours, le temps de faire un long voyage. Elle ne se sentait pas motivée… à utiliser ça. En plus, ça la fatiguait beaucoup trop et rien ne pressait hein ? Il lui suffisait de trouver un village ou une ville, d’y écrire une lettre et de l’envoyer à l’Oracle pour lui dire qu’elle serait de retour. Oui… C’était ça qu’elle allait faire mais pas maintenant. Elle devait repartir et quitter les environs de Midès le plus vite possible. Tery… Pfff… Ce nom resterait gravé en elle, elle en était certaine.

« Tery… Tery… Ce n’est plus la même chose sans toi. » murmura l’être encapuchonné.

Elle devait partir du royaume de Shunter, elle n’avait pas cinquante mille choix ! Elle n’arrêtait pas de se dire qu’elle accumulait les bêtises, les unes après les autres. Si encore, elle avait décidé de tuer Tery, alors l’Oracle serait heureux car elle aurait remplie sa mission. Mais si elle ne l’avait pas tué et qu’elle décidait de ne plus se préoccuper de l’Oracle, alors là aussi, elle serait heureuse. Mais au final, qu’est-ce que ça avait donné ?

« Rien du tout ! RIEN DE RIEN ! » hurla la personne masquée de blanc.

Le fait qu’il n’y ait personne autour d’elle était une bonne chose sinon… On aurait pu la prendre pour une folle hystérique. Bon… Ce n’était pas le cas mais quand même, il valait mieux que personne ne sache qu’elle pouvait s’emporter aussi facilement des fois. Elle posa une main sur son masque blanc, le retirant légèrement. Elle allait se dépêcher. Plus vite elle rentrerait, plus vite elle aurait une nouvelle mission, plus vite elle oublierait alors Tery. Elle poussa un léger soupir, retirant ses gants rouges alors qu’apparaissaient des lignes blanches sur ces mains. Lentement, elle posa ses mains sur ses pieds, une lueur blanche émanant d’eux alors qu’elle repositionnait son masque blanc sur son visage. Un premier pas, puis un second et elle se mit à courir à une vitesse bien plus grande que celle d’auparavant. Dire qu’elle s’était promis de ne pas l’utiliser à nouveau pour ne pas écourter le voyage, pour ne pas perdre de temps et voilà que quelques heures plus tard, elle était en train de faire la course.

Stupide ! Elle était complètement stupide et indécise ! Elle se montrait si adulte quand il était là, elle avait l’impression d’avoir un petit animal à protéger et dès qu’il n’était plus présent, elle redevenait comme avant. Si confuse, si gênée, si… impotente. Au final, elle connaissait beaucoup de choses, elle savait les utiliser… Mais si elle n’avait personne à qui les montrer, alors elle devenait complètement inutile, voilà tout !
C’était comme ça… Elle n’arrivait pas à se concentrer si elle ne pouvait pas montrer ce dont elle était capable à quelqu’un d’autre. Tery semblait toujours aussi impressionné à chaque fois qu’elle utilisait des sorts mais… En fin de compte, elle n’était pas plus douée qu’un autre. Elle était studieuse, ça, personne ne pouvait penser le contraire mais à côté, elle n’avait pas plus de points forts qu’un autre.

Enfin… Ce n’était pas le moment de se rappeler tout ça ! Elle accéléra le pas, quitte à s’essouffler et s’épuiser inutilement, elle devait évacuer tout ses problèmes. A force de se ressasser toutes ces choses, ça n’allait mener à rien de bon ! Tery était du passé ! Tery avait décidé de rentrer dans l’armée de Midès, une armée qui allait lui causer beaucoup de problèmes d’après les dires de l’Oracle ! Donc, dorénavant, ils allaient être ennemis même si il y avait peu de chances qu’ils se revoient un jour ! Intérieurement… Elle en avait envie… Mais bon… Est-ce qu’elle pouvait forcer le destin à ça ? Et surtout, est-ce que LUI le voudrait ? C’était une question à laquelle elle ne connaîtrait sûrement jamais la réponse.

Elle avait parcouru un nombre plus qu’impressionnant de kilomètres et la nuit était déjà tombée. Où est-ce qu’elle allait dormir ? Dans sa précipitation, elle n’avait même pas cherché une ville ou un village pour dormir à l’auberge. Dans sa précipitation… Elle n’avait même pas pensé à acheter une tente. A part une simple couverture pour se réchauffer… Elle n’avait rien du tout. Même la nuit allait être longue… Très longue…

Pourquoi avait-elle aussi peu de chance ? C’est vrai non ? Pourquoi le destin s’acharnait-il sur elle ? Elle observa la plaine verdoyante où elle se trouvait. Elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait. Demain, elle irait chercher un village et se renseignerait à propos du chemin à suivre. Mais pour ce soir… Elle allait devoir dormir ici. Elle se coucha à même le sol, observant le ciel étoilé.

Elle ne tarda pas à trouver le sommeil, ça n’avait pas été très difficile après tout ce qui s’était passé avec sa fatigue et ses réflexions. Le lendemain matin, elle était repartie sans même se soucier de déjeuner ou non. Elle devait trouver une ville et le plus rapidement possible. Elle n’avait même pas pensé à prendre une carte. Mais pourquoi… Pourquoi s’était-elle enfuie aussi rapidement de Midès ? Elle aurait pu réfléchir pendant deux minutes et éviter de se presser ! Surtout que maintenant, elle avait oublié tellement de choses comme le sac contenant les différentes armes qu’elle avait acheté. Un sac un peu spécial, il fallait le reconnaître. Une merveille de création !


Ce sac portait le nom de sac d’abondance. Malgré sa taille, il permettait d’engouffrer cinq à dix fois plus d’objets qu’un sac normal. Tout cela était question de magie qui déformait l’espace à l’intérieur du sac pour y permettre d’y déposer tout ce que l’on désirait. Enfin, ces sacs étaient aussi légers que ceux que l’on pouvait porter habituellement. Un véritable chef d’œuvre crée par un royaume autre que Shunter… Un royaume qu’elle n’avait jamais visité… comme tous les autres en fin de compte.

« Mais pourquoi j’ai tout oublié ? Pourquoi ? L’Oracle va m’en vouloir pour la perte de sac. Déjà qu’ils coûtent horriblement chers… » murmura la personne masquée.

Elle n’avait pas réfléchir à tout ça ! Elle s’était mise à marcher avec zèle, cherchant un chemin à suivre pour arriver jusqu’à un village. Heureusement, elle eut plus de chance qu’auparavant, elle ne mit qu’une trentaine de minutes à trouver un chemin dessiné dans la terre. Elle se dit qu’au bout de ce dernier, elle allait bien trouver un village !

Et ce fut le cas… Bien que le village consistait à une vingtaine de bâtiments et encore… Mais au moins, elle n’était pas perdue et elle demanda quel était le nom de ce village et surtout où elle se trouvait par rapport à Midès. Après maintes explications, on lui signala qu’elle se trouvait tout simplement au sud-est de Midès.
Le sud-est de Midès… Elle n’était pas si loin que ça du village de Tery… Enfin, quand même si… Elle l’était sans l’être réellement ! Mais maintenant, elle savait où se diriger ! Direction le nord-est jusqu’à la frontière de Shunter ! A partir de là, elle saurait où aller. Ce n’était pas plus compliqué que ça dans l’idée. Néanmoins avant…


Direction l’auberge où elle allait pouvoir se nourrir convenablement. Il lui restait quand même quelques pièces d’or, ce n’était pas grand-chose si elle avait une folie dépensière mais ça pouvait lui permettre de s’en sortir pour les prochains jours. Elle demanda une feuille et de quoi écrire. Elle devait quand même prévenir l’Oracle à son sujet. L’endroit n’était pas inconnu, le nom non plus mais… L’Oracle savait se faire discret, c’était pour cela qu’elle écrivait avec une certaine précaution et assez rarement. Enfin bon… Maintenant que c’était fait, elle pouvait repartir. Elle n’aimait pas rester en place.
A force d’être cloisonnée pendant presque dix-huit ans, elle avait envie de bouger, de vivre et d’exister ! C’était pour ça qu’elle était aussi motivée avec Tery ! C’était pour ça qu’elle avait décidé d’être aussi joyeuse et entraînante avec lui, malgré son mauvais caractère ! Même si elle ne le montrait pas forcément, elle n’y connaissait pas grand-chose à tout ce qui l’entourait. En fait, elle découvrait en même temps que lui sauf que contrairement à lui, elle avait soif d’apprendre. Enfin… Elle avait réussi à le motiver un peu sur ce point là.

« Tery… Tery… Tery… Tu vas vraiment me manquer. » murmura la personne masquée.

Quelques têtes se levèrent, se tournant vers elle. C’est vrai qu’elle venait de parler à voix haute. Elle termina rapidement sa boisson, quittant sa table en remerciant l’aubergiste. C’était bon, elle n’allait pas se rendre encore plus ridicule qu’auparavant. Pourquoi… mais pourquoi elle se mettait à penser comme ça ? Tery, c’était son élève ! C’était quelqu’un qui connaissait très peu à la vie en-dehors de son village…

Un peu comme elle qui ne connaissait RIEN du tout en-dehors de l’orphelinat où elle avait été élevée. Mais là, elle avait vite appris à se débrouiller toute seule, à côtoyer des gens même si au départ… Elle était assez timide et réservée. En fait… Elle l’était toujours mais quand elle avait vu le caractère grognon de Tery et tout de suite, elle s’était dit que ça serait stupide de montrer sa timidité au jeune homme.
Dans ce genre de cas, si elle ne prenait pas les devants, alors ils ne seraient jamais partis du bon pied et ils n’auraient jamais progressés ! Car oui… Elle aussi avait progressé, elle le savait très bien. Sans lui, elle n’aurait jamais pu nouer des contacts assez solides avec une autre personne de son âge. Sans lui, peut-être qu’elle se serait laissée aller pendant ces quelques mois. Sans lui, elle n’aurait jamais visitée une ville aussi grande que Midès et puis découvert toutes ces choses… Ou alors, elle se cachait la vérité… Qu’est-ce qui lui en aurait empêché ? Rien du tout… Elle poussa un léger soupir.

Plusieurs jours s’écoulèrent, traversant de nombreux paysages, elle marchait pour éviter de prendre du retard pour son retour. Lorsqu’enfin, elle quitta le royaume de Shunter en passant par une frontière sérieusement gardée, elle était… heureuse dira-t-on. Elle allait bientôt revoir l’Oracle et pouvoir lui dire tout ce qu’elle avait sur le cœur et lui parler de tous ses soucis. Ca revenait un peu à la même chose mais bon…

Enfin… Le chemin disparaissait… et elle devait sortir des sentiers… Voilà qu’elle se rapprochait de l’orphelinat qui l’avait élevée pendant toutes ces années… En fait, depuis le jour où elle était née, elle habitait dans cet orphelinat. Plusieurs personnes s’en occupaient mais celui qui gérait toute la petite bande se faisait appeler l’Oracle. Un Oracle comme il n’en existait plus… Bien que… Des fois, elle se demandait ce qui pouvait lui passer par la tête. De toute façon, elle aurait ses réponses très bientôt.

Un magnifique bâtiment blanc de plusieurs mètres de hauteur fait en pierre se présentait devant elle. Son toit était fait sous la forme d’un dôme alors que deux ailes se trouvaient sur les côtés. Il était possible de remarquer que deux bâtiments se trouvaient à environ une centaine de mètres de l’orphelinat. Quelques enfants jouaient près de ces derniers. Cela devait être sûrement l’endroit où les jeunes garçons et les jeunes filles dormaient. Elle amorçait à nouveau une marche pour se diriger vers le temple alors qu’un groupe de trois enfants courait vers elle. Une petite fille aux boucles noires vint crier :

« C’est grande sœur ! Elle est de retour ! Où est-ce que tu étais passée ?! »

« Ce n’est pas grande sœur mais grand frère ! C’est un garçon ! » s’écria un garçon.

« Vous avez tord tous les deux ! C’est… C’est… Euh… Euh… Je sais plus moi ! »

« Bonjour à vous aussi, vous n’êtes pas en train de jouer avec les autres ? » demanda-t-elle.

« Et bien si ! Sauf qu’on ne pensait pas te revoir ! Les grandes personnes, elles disent que tous ceux qui quittent le temple, ils ne reviennent pas. » répondit le troisième enfant, un garçon.

« Et pourtant ? Est-ce que je ne suis pas devant vous ? En chair et en os ? »

Elle posa un genou au sol, observant les trois enfants devant elle à travers son masque blanc. Ils devaient à peine avoir sept ou huit ans au maximum. Ils étaient si jeunes et pourtant… Elle savait en quoi consistait cet orphelinat. C’était là qu’ils hébergeaient tous ceux capables un jour ou non de posséder ces fameuses lignes blanches, celles de la déesse Zélisia. Elle alla caresser de sa main gantée de rouge les têtes des enfants avant de leur dire de retourner jouer. Une voix la fit se tourner vers la gauche, une vieille femme s’adressant à elle :

« Tu es de retour, Elu ? L’Oracle a reçue ta lettre. Il t’attend de ce pas dans l’orphelinat. »

« Oui… Je suis désolé… d’être parti aussi longtemps. Et cela simplement pour un unique médaillon. L’Oracle ne risque pas d’être content. » bafouilla l’être masqué.

« Allons, allons… Vas donc le voir. Tu n’as pas à t’inquiéter pour cela. »

« Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi, madame Elra. »

« Allons, allons, dépêche toi. Vas au plus vite à l’intérieur et fais donc ton rapport. »

La vieille femme émit un petit sourire alors qu’elle hochait la tête. Elle avait raison, entièrement raison, elle ne devait pas se faire de soucis. L’Oracle allait la comprendre et lui pardonner. Elle allait discuter avec lui de tout ça, de tout ce qui s’était passé pendant ces derniers mois et alors… Tout serait réglé. Elle espérait simplement… qu’au fond… Elle puisse retourner dans le royaume de Shunter.

Elle toqua plusieurs fois à une porte faite de bois blanc. Pendant quelques instants, aucun bruit ne se fit entendre de l’autre côté. Puis enfin, une voix lui demanda de bien vouloir rentrer à l’intérieur et de refermer la porte derrière elle. La main posée sur la clenche, elle ouvrit la porte, s’engouffrant dans la pièce pour se retrouver devant un bureau entouré par deux petites bibliothèques remplies de nombreux livres aux couvertures aussi anciennes que différentes. Deux yeux argentés se posèrent sur elle  avant qu’une voix ne dise :

« Et bien… Mon enfant… Il était temps que tu reviennes. »

« Pardonnez-moi, Oracle. Je me suis perdue en route et je ne savais pas co… »

« Cela ne fait rien, cela ne fait rien du tout. » reprit la personne en face d’elle.

Le vieil homme qui se tenait debout devant elle avait une longue chevelure blanche mais sa barbe n’était pas en reste. De même, sa moustache effilée était très bien fournie tandis que son regard était bienveillant envers l’Ombre. Par rapport à elle, il devait bien mesurer dix à quinze centimètres de plus alors qu’il portait une robe blanche qui faisait penser à celles que portaient les gens travaillant dans la religion.

« Mais parlons plutôt de toi, mon enfant. Que s’est-il passé exactement ? » demanda l’Oracle.

« Et bien… Je… Comme vous me l’aviez conseillé, je me suis rendue aux environs du village de Leskar pour y trouver un autre Elu qui n’avait pas encore été reconnu. »

« C’est exact… Peux-tu continuer ? J’aimerais connaître toute l’histoire. N’omets aucun passage s’il te plaît. Je te fais confiance. »

« Comme… Comme vous le désirez, Oracle. Ainsi… Lorsque j’ai rencontré Tery, je me suis tout de suite dit que c’était lui la personne dont vous me parliez ! Par contre, il ne connaissait rien du tout à l’art du combat et de la magie. » dit la personne masquée.

« Un véritable néophyte… Avait-il ton âge ? »

« D’après ce qu’il m’a dit, c’était le cas. Il ne m’a pas vraiment tout raconté à son sujet mais je le savais à son physique et à ses paroles qu’il disait la vérité. »

Hum… C’était une bonne chose. Elle avait donc rencontré Tery comme il le pensait. Ses visions n’avaient donc pas été faussées. Néanmoins, il restait un problème de taille et elle le savait aussi bien que lui. Mais pour cela… Il fallait qu’elle continue de parler et de lui dire ce qui s’était passé dans les moindres détails. Il l’invita à s’asseoir alors qu’il faisait de même. Il posa ses deux coudes sur le bureau, ses yeux argentés la regardant d’un air inquisiteur :

« Et au sujet des médaillons. Est-ce qu’il a réagit ? Ou non ? »

« Il ne l’a jamais touché. Je ne voulais pas prendre le risque de blesser à vie un innocent… si ce n’était pas lui, l’être dont vous me parliez. » murmura la personne encapuchonnée.

« Tu as bien fait… et tu as échoué en un sens. » termina de dire l’Oracle.

« Oui… Je le sais… Pardonnez-moi encore une fois, Oracle. »

Elle inclina sa tête plusieurs fois pour s’excuser, le vieil homme faisant un geste de la main pour dire que ce n’était pas bien grave. Oh non… Elle n’avait pas à s’inquiéter pour cela. Elle n’était qu’au début de son récit… Un récit qui avait prit plusieurs mois.

Chapitre 25 : Les lignes d’un dieu

ShiroiRyu
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Chapitre 25 : Les lignes d’un dieu

« Bon… C’est décidé. Prenez cet œil ! Lars, tu veux bien le lui donner ? »

« Vous nous le payerez… » murmura Lars avec un peu de rage.

Il ne pouvait pas contredire les ordres de son lieutenant et il savait très bien que ce qu’il faisait était normal et correct. Cela montrait à quel point certains nobles étaient pourris jusqu’à la moelle et ils avaient un parfait exemple devant leurs yeux. Lars s’approcha de l’un des nobles qui tendait les mains, un autre à ses côtés.

« Merci beaucoup pour votre bon boulot ! Voilà votre récompense ! »

Le noble à côté de celui qui avait récupéré l’œil du glumarx alla frapper Lars, le faisant tomber au sol avec un grand rire. Tout de suite, les deux frères de l’homme sortirent leurs armes mais Erol et Olin les arrêtèrent. Non, ils ne devaient rien faire. Ils ne pouvaient rien faire ! Pendant quelques instants, ils les observèrent partir tandis que Lars se relevait.

« Et voilà… Revenus au point de départ. » marmonna Tery.

« Retour au bercail. Ca va être notre fête… » ironisa l’archère.

« On s’expliquera avec la maréchale Nali ! Elle pourra… » tenta de reprendre Tery.

« Lieutenant, sauf votre respect, je veux pas vous faire de la peine mais la maréchale Nali est sûrement une noble comme eux. En plus, qui ira nous croire ? Nous ne sommes que des paysans et eux… sont riches. Il vaut mieux oublier toute cette histoire. » reprit Lars.

« Des personnes sont quand même mortes alors qu’eux n’ont pas levé le petit doigt ! »

« C’est injuste… très injuste… mais c’est comme ça. » termina de dire Lars.

Il poussa un soupir dépité. Avec l’Ombre, ça ne serait jamais arrivé. Ca ne serait jamais arrivé ! Elle aurait sûrement pu les remettre à leurs places mais lui… était bien trop faible pour ça. Contrairement aux autres, il ne savait pas utiliser complètement sa magie. Pfff… Comme lieutenant, il était pathétique. Olin lui tapa une fois dans le dos, émettant un petit sourire bien qu’il n’était pas sincère.

« Faut pas s’en faire ! On en verra d’autres, lieutenant Tery ! On rentre tous et on fait notre rapport. Ca sera mieux que de rester ici, je crois. »

« Oui… Tu as tout à fait raison. Bon… Et bien… On se met en route ? »

« On vous suis, lieutenant ! » répondit une nouvelle fois Olin.

Voilà… La troupe se remit en route. Ils marchèrent pendant de longues minutes, quelques blessures sur leurs corps. Sur leur chemin, ils croisèrent plusieurs autres groupes, certains s’étant réduits de moitié voir de trois quarts, ne formant plus que des duos ou des trios. Néanmoins un constat s’imposait : rares étaient les nobles à s’être réellement battus dans cette histoire. Ils arrivèrent devant la porte Sud de Midès, la femme à l’armure de plaques noire se trouvant devant celle-ci. Elle était accompagnée des soldats qui gardaient habituellement la porte. Ah… Il était temps qu’il prenne la parole et donne son rapport. Il se présenta ainsi que le reste de sa troupe devant elle, attendant qu’elle lui donne l’autorisation de pouvoir s’adresser à elle. Elle fit un petit geste de la main et il put enfin parler :

« Nous sommes revenus de la chasse au glumarx. Comme nous avons remarqué qu’un groupe l’avait déjà trouvé et tué… Nous sommes donc de retour. »

« Une simple question : connaissiez-vous à quoi ressemblait un glumarx ? Autre question : Qu’est-ce qui vous fait croire qu’un groupe aie réussi à tuer le glumarx ? »

« Et bien… je… L’œil qu’ils avaient en main, ce n’était pas celui d’un Glumarx ? »

« Peut-être que oui… Peut-être que non… Bon… Vous pouvez rentrer en ville. »

Pfiou ! Sauvé ! Il demanda aux membres de son groupe de bien vouloir le suivre, faisant un petit geste de la main alors qu’ils rentraient dans Midès. Retour dans leurs baraques pour un repos bien mérité ! Enfin… Mérité contrairement à d’autres. Il salua ses quelques compagnons, disant à Olin qu’il le verrait après pour parler un peu. Enfin bon… Maintenant, il était tranquille et il allait pouvoir dormir quelques heures.


Ses heures furent très courtes puisque moins de trois quarts d’heure plus tard, tout le monde fut forcé de sortir, Tery comme les autres. Visiblement, tous étaient revenus de la mission qui avait été la leur. Mais bon… Il ne pouvait y avoir qu’un seul gagnant et c’était ce fameux groupe de nobles. Bizarrement, aucune tache de sang ou de bataille n’était visible mais personne n’en fit la remarque. Il valait mieux ne rien dire pour ne pas avoir de problèmes.

« Contrairement à vous, certains sont capables de grandes choses. Contrairement à la majorité des personnes situées devant moi, certains peuvent espérer de devenir des soldats dans la vie ce qui n’est pas visiblement le cas de tout le monde. Puisque le glumarx a été anéanti par ce groupe, celui-ci recevra une prime pour l’accomplissement de sa mission. Le reste ? Vous n’aurez que votre salaire habituel. Que tous les lieutenants et sous-lieutenants se présentent devant moi pour donner le nom des personnes mortes au combat. »

Le nom ? Il ne les connaissait pas ! Il se tourna vers Olin, lui murmurant en douce s’il connaissait le nom des trois personnes qui étaient mortes. Celui-ci sur le même ton lui indiqua les informations dont il avait besoin. Il poussa un léger soupir, remerciant l’homme avant de se mettre en rang avec les autres lieutenants. Lorsqu’il arriva devant la maréchale Nali, il répéta les trois noms alors que celle-ci prit la parole d’une voix discrète :

« Dès que tout cela sera terminé, tu sortiras dans la nuit aux environs de minuit. Je t’expliquerais ce que tu as besoin de savoir au sujet de ces lignes. »

« Mais je… Je n’ai pas… » commença à balbutier Tery.

« Tu as terminé ? Alors qu’attends-tu pour te retirer ? D’autres attendent leurs tours ! Exécution, Tery Vanian ! Et plus vite que ça ! »

D’accord, d’accord ! Il ne dirait plus rien ! Il se demandait quand même si elle se doutait que ce n’était pas ce fameux groupe de nobles qui avait réussi à tuer le glumarx. Peut-être que oui ? Sinon… Pourquoi aurait-elle décidé de quand même lui dire tout au sujet de ses lignes noires sur son corps ? Enfin… Il allait connaître la vérité. Il se retira de la file, se dirigeant vers son groupe en leur expliquant que tout était bon. Il annonça :

« Maintenant… Je crois qu’on peut retourner dans nos chambres. »

« Comme vous le voulez, lieutenant Tery ! J’espère que la paye va arriver bientôt. »

La paye ? Ah ! C’est vrai… En un mois, il n’y avait pas réellement pensé mais ils étaient payés. C’était la première fois qu’il travaillait si on ne considérait pas sa chasse aux gnomolds avec l’Ombre. Le reste du groupe s’éloigna, saluant Olin et Tery alors qu’il prenait la parole en regardant l’autre homme :

« C’est vrai… Je me demande combien on va avoir. Tu penses acheter quoi ? »

« Ah non ! Je n’achète pas pour moi ! C’est pour ma maman et mon papa. »

Sa maman ? Son papa ? Sa façon de s’exprimer était assez spéciale mais il semblait réellement tenir à sa famille. Ah… Cet argent n’était pas pour lui. C’est vrai qu’en y réfléchissant, certains n’avaient pas forcément le choix.

« Et vous, lieutenant ? Vous allez en faire quoi ? »

« J’avais la même idée que toi. Je vais l’envoyer à ma mère… » murmura Tery avec calme.

« Vous aussi, votre père a été blessé et il ne peut plus travailler ? » demanda Olin.

« Non non… Mon père est mort. » conclut le jeune homme aux yeux verts.

« Oups ! Pardon, lieutenant Tery, je ne voulais pas… »

Il fit un petit geste évasif de la main pour dire que ce n’était pas bien grave. Olin… était vraiment quelqu’un de bien. Quelqu’un de bien mieux que lui. Mais maintenant… C’est vrai que cet argent lui était inutile. Il allait devoir écrire à sa mère aussi. Ecrire à sa mère… qui devait être morte d’inquiétude après tout ce temps. Ca faisait combien de temps justement ? Un trimestre ? Voir plus ? Il ne savait pas… Mais il était déjà parti depuis si longtemps à ses propres yeux. Olin venait de lui rappeler tout ça. Il demanda :

« Olin… Lorsque tu écriras ta lettre, tu voudras bien m’aider ? Je n’ai… pas vraiment l’habitude d’écrire et je ne saurais pas trop quoi dire à ma mère. »

« Ca serait un grand honneur, lieutenant ! » répondit aussitôt Olin.

« Hahaha. Non, pas besoin que ça soit un honneur. Bon, je rentre et dès qu’on aura notre paye, on écrira nos lettres ensembles. »

Olin inclina la tête pour dire que oui alors que Tery s’éloignait en sifflotant. Cette journée était mauvaise sur de nombreux points mais sur d’autres, c’était assez bon de savoir qu’il avait peut-être gagné la confiance d’un soldat. Lui ? Lieutenant ? A chaque fois, il n’y croyait pas. Il devait éviter… que d’autres personnes meurent dans son groupe. Ca devenait vital.

« Tu es enfin là ? Il est environ minuit dix… Tu as dix minutes de retard. »

Il s’était un peu trop assoupi cette fois-ci et il était inexcusable. Surtout qu’il venait pour une bonne raison ! Il murmura quelques excuses, espérant que la maréchale Nali les accepterait. Elle fit un petit geste de la main pour lui dire que c’était bon avant de prendre la parole :

« Bon… Que veux-tu savoir au sujet de ces lignes noires ? »

« D’où elles viennent ! Ce qu’elles font ! Et pourquoi… Il ne faut pas en parler. »

« Tu vas tout simplement te calmer, tout d’abord. Ensuite… Pourquoi ne faut-il pas en parler ? Rien ne t’en empêche mais tu ne tiens donc pas à la vie. Pour leur provenance, elles viennent de toi tout simplement. Mais si tu veux que je sois plus précise, elles sont issues de l’un des deux dieux ayant régi ce monde en des temps ancestraux. »

« L’un des deux dieux ? Depuis quand… » dit-il avant de s’arrêter, la maréchale répliquant :

« Cela se voit que tu n’as pas eu une éducation très développée sinon tu serais au courant de quoi je parle. Les lignes noires sont issues du dieu maléfique Alzar tandis que les lignes blanches sont issues de la déesse sainte Zélisia. »

Déesse sainte ? Dieu maléfique ? Il nageait en pleine guerre des religions ? Enfin non… Si l’Ombre avait des lignes blanches, alors elle avait un pouvoir issu… de Zélisia ? Mais lui alors ? Ca voulait dire que ses pouvoirs étaient…

« J’ai les pouvoirs d’un dieu ! Mais… Ces lignes… » tenta de dire Tery.

« Elles sont très rares mais tu n’es pas unique dans ce monde. Evite même de penser ça car d’autres portent ces lignes. Des femmes et des hommes que tu ne connais pas les possèdent depuis bon nombre d’années, de décennies voir de siècles. »

« Mais… Est-ce que ces lignes noires sont maléfiques ? Dangereuses ? »

« Je te laisse deviner la réponse par toi-même. » conclut la femme en armure noire.

Il contenait un pouvoir effrayant dans ses mains, dans son corps… Un pouvoir que nul ne devait trouver car il était bien trop inquiétant. Mais quand même… De là à vouloir le tuer. Il devait encore savoir ! Il devait connaître la vérité !

« Est-ce que… Ceux possédant des lignes blanches doivent obligatoirement tuer ceux possédant des lignes noires ? Et inversement ? » osa-t-il poser comme question.

« Tu me demandes donc si il est normal ou non que des pouvoirs issus des ténèbres affrontent ceux issus de la lumière ? Est-ce une blague ? »

« Non ! Non ! Juste que… Disons… Voilà… J’ai connu une personne qui avait ces lignes… blanches et au fur et à mesure… J’ai faillit me faire planter une flèche dans la tête et donc… Disons que ça s’est très mal terminé. »

« Et qu’attendais-tu pour me signaler que tu étais peut-être un dangereux fugitif ? »

« Je ne suis pas un fugitif ! La seule chose de mauvais que j’ai… Ce sont ces lignes. »

Il venait d’être blessé par les paroles de la maréchale Nali. D’abord, il n’était pas le seul à posséder ces lignes noires donc ça le réconfortait. Ensuite, il en était certain : lui et l’Ombre ne pourraient plus jamais se côtoyer à cause de leurs pouvoirs… et de ces deux dieux. La maréchale Nali l’observa quelques instants avant de soupirer :

« Et je n’en ai pas terminé avec toi. Je vais bientôt partir d’ici dans un ou deux jours. Toi et ton groupe, vous recevrez une prime issue de ma propre bourse pour la mort du glumarx. »

« Co… Comment ? Mais nous n’avons… » tenta de dire Tery.

« Ne te moques pas de moi. J’ai bien plus d’expérience dans le fait de déceler les mensonges que n’importe qui dans le royaume de Shunter. Tu ne peux pas m’avoir avec des paroles aussi grossières. De plus, le fait que le soi-disant groupe ayant réussi à éliminer le glumarx soit sorti indemne de ce combat était plus qu’étrange. Surtout pour une première fois… »

Ah… Il était content… Vraiment content d’apprendre ça. La maréchale Nali savait pertinemment qu’ils avaient tué le glumarx ! Ca lui mettait un peu de baume au cœur d’apprendre ça même si… Au final, tout n’était pas arrangé. Il restait quand même le problème de la gloire que l’autre groupe allait retirer et puis… La maréchale Nali ne semblait pas en avoir terminé avec l’histoire des lignes.

« Maintenant que tu es au courant de tout, je vais te donner un dernier conseil : évite au maximum d’utiliser cette magie sauf si tu as envie de te laisser dévorer par ces lignes noires. Alors que les lignes blanches peuvent aider leur porteur à se soigner très rapidement ou à faire diverses choses plus ou moins utiles, les lignes noires engendrent la destruction de leur porteur au fur et à mesure qu’elles sont utilisées. Si tu n’as pas envie de sombrer dans la folie, écoute ces paroles… et passe une bonne nuit. »

Une bonne nuit ? AH ! Elle était ironique, hein ? Il la regarda partir sans dire un traître mot. C’était… vraiment moche de lui dire ça maintenant. Il se sentait mal… Qu’est-ce qu’il allait devoir faire alors ? Rien… Il n’allait rien faire du tout. C’était de sa faute : il avait voulu la vérité au sujet de ses lignes noires, il l’avait eue.


La nuit se passa très bien… du moins… Il aurait aimé penser ça mais il savait pertinemment que ce n’était pas le cas. Comment aurait-il pu bien dormir ? En y réfléchissant, il se rappelait n’avoir aucun souvenir entre le moment où il avait vu l’Ombre se faire blesser et renvoyer contre un mur et celui… où il se retrouvait devant le cadavre du scorpion cyclope.

Ah… Ah… Il ne devait pas y penser, pas maintenant. Réveillé à l’aurore au petit matin, il se dirigea vers la cantine où tout le monde pouvait prendre de quoi se nourrir. Cherchant du regard si Olin était déjà réveillé, il le vit en train de manger, quelques feuilles et enveloppes posées à côté de lui sur la table. Il fit un petit geste de la main pour le saluer, se dirigeant vers lui avant de s’asseoir en face. Il lui demanda calmement :

« Bonjour, Olin. Tu as bien dormi ? Tu as déjà commencé à écrire ? »

« Non, pas encore ! Mais je crois que nos salaires arrivent aujourd’hui alors je prends un peu d’avance. Oups ! Bonjour lieutenant Tery, j’ai oublié de vous le dire. Pardon. »

Bah ! Ce n’était qu’une formalité, il n’allait pas vouloir le trucider pour ça non plus hein ? Ils déjeunèrent ensemble, parlant de tout et de rien. Comme il lui avait raconté hier, il donnait la majeure partie de son salaire à ses parents pour leur permettre de vivre. Être un soldat en ces temps très durs était un métier qui rapportait mais qui était néanmoins dangereux. C’est pour ça qu’il avait décidé de le devenir. Il lui racontait aussi qu’il n’était pas forcément très intelligent ou très éclairé et donc qu’il ne pouvait pas prétendre à un métier trop pointilleux. C’est vrai… que certains n’avaient pas toujours cette chance de choisir. Lui aussi… en quelque sorte. En y réfléchissant, il se demandait ce qu’il serait devenu s’il était resté avec l’Ombre.

Le petit-déjeuner se termina tranquillement et ils avaient leur journée pour se reposer après les scènes d’hier. Avec les nombreux morts qui étaient tombés au combat lors de la chasse au glumarx, il valait mieux qu’ils évitent de trop en faire et il trouvait que ce n’était pas de refus. Ce ne fut pas la maréchale Nali qui leur donna leur bourse contenant leur salaire mais l’un des quelques gardes qui l’accompagnaientt habituellement. Olin fut le premier surpris de voir qu’il y avait plus de pièces que d’habitude mais il lui expliqua que c’était une petite prime pour ce qu’ils avaient accompli hier. Enfin bon… Normalement, ils ne devaient pas être au courant que la maréchale avait compris le stratagème du groupe pourri jusqu’à la moelle.

« On se met à écrire maintenant ? Je peux te prendre un morceau de papier ? »

« Aucun problème, lieutenant ! Maman va être sacrément contente d’apprendre que j’ai eu une prime pour mon premier mois ici ! » s’écria Olin après lui.

« C’est ton premier mois aussi ? Ah et bien, on n’est pas si différents l’un de l’autre ! »

Il rigola un petit instant, Olin l’accompagnant dans son rire avant que les deux personnes ne se mettent à écrire. Lui, il ne savait pas vraiment quoi dire… Du genre : « Coucou Maman, tu n’as pas à t’en faire, je me suis enrôlé dans l’armée de Midès, j’ai failli mourir plusieurs fois, j’ai rencontré une personne très louche portant un masque blanc. » Hum… Ce n’était pas forcément très conseillé d’inquiéter sa mère comme ça.

Cela lui prit une bonne heure, Olin lui donnant quelques conseils alors qu’il cherchait ses mots. Il la prévenait simplement qu’il allait bien et qu’il était désolé d’être parti sans prévenir. Il lui indiqua qu’il était en sécurité dans l’armée de Midès et qu’il avait déjà trouvé des personnes appréciables ou presque pour l’épauler. Il lui parlait aussi de ses mésaventures de ses débuts, peut-être qu’il mentait assez souvent mais lorsqu’il s’agissait de sa mère, il préférait lui raconter la vérité. Il fallait dire que le mensonge horripilait sa mère et que ses fesses s’en rappelaient que trop souvent. Question de sécurité. Il lui signala aussi qu’il lui donnait une partie de son salaire pour lui permettre de mieux vivre et qu’il tentera de venir le plus rapidement possible dès qu’il aurait une permission.

La lettre partit avec celle d’Olin et il se demandait s’il allait avoir rapidement une réponse ou non. Dire que la maréchale Nali allait combattre ailleurs… Mais combattre pour quelle raison ? C’est sûr qu’une personne hautement qualifiée comme elle devait voyager beaucoup mais il se demandait si il y avait des personnes aussi… prestigieuses qu’elle et aussi puissante. Enfin bon… Il ne devait pas se poser de questions.

Moins d’une semaine plus tard, Olin lui signala qu’il avait reçu une lettre de la part de ses parents. Il lui demanda s’il en était de même pour lui, le jeune homme aux cheveux bruns n’ayant pas été cherché son courrier. Il lui demanda d’attendre quelques minutes, le temps de se rendre dans le bâtiment principal pour les envois et les réceptions. Dix minutes après, il avait lui aussi une lettre, expliquant à Olin qu’il préférait la lire seul.

Bon… Qu’est-ce qu’elle lui disait de beau ? Il s’était enfermé dans sa chambre, ouvrant la lettre avant de la parcourir. Bon… Sa mère avait une belle écriture, très différente de la sienne. C’était bizarre en un sens mais comme il n’avait jamais été à l’école … ou à peine le minimum nécessaire. Il commença à la lire, haussant un sourcil dès les premiers mots :

« Je sais que tu vas bien, j’étais déjà au courant de ta présence dans Midès. Merci beaucoup pour l’argent que tu m’as envoyé mais tu es vraiment sûr que tout va bien ? Je n’aimerais pas perdre mon fils trop jeune alors que j’ai déjà perdu mon mari. Je ne savais pas que tu t’étais déjà fait des amis là-bas ? Tu te comportes correctement ? C’est vrai que tu es un adulte maintenant mais je n’arrive toujours pas à croire que toi, tu ais rejoint l’armée de Midès. Ton père serait fier de toi, j’en suis sûre.

Tu dois te demander sûrement comment je savais pour Midès et ton enrôlement dans l’armée ? Et bien, je dois t’avouer que je ne m’attendais pas à recevoir de tes nouvelles et j’étais morte d’inquiétude mais il y a quelques jours avant que je ne reçois ta lettre, une personne est venue. Elle avait une longue cape brune et portait un masque blanc au visage. Elle avait demandé aux gardes à me voir. Elle m’a longuement parlé de toi, de tes progrès, de tes ambitions. Je ne savais même pas que tu avais décidé d’utiliser la magie et les armes. Je suis heureuse pour toi. Par contre, cette personne m’a demandé quelque chose de bizarre : elle m’a dit de te prévenir de ne jamais te mettre à la recherche des médaillons. Je ne sais pas de quoi elle parlait mais ça semblait assez important. Bon, je n’ai pas l’habitude d’écrire mais j’espère que tu m’enverras plus souvent de tes nouvelles. »

Même pas un bisou ? Pfff… Enfin, il aurait du s’en douter. Dans la famille, dès qu’il s’agissait de montrer des gestes de tendresse, tout le monde était aux abonnés absents. Mais maintenant… Quelque chose l’intriguait… L’Ombre ? L’Ombre avait parlé à sa mère ? Et les médaillons… Est-ce que cela voulait dire qu’il allait la revoir un jour ? Ah ! Il devait arrêter de se poser des questions. Maintenant… Il devait se débrouiller pour s’améliorer. Un jour peut-être, il allait retrouver l’Ombre mais en attendant qu’il arrive, il allait devoir s’entraîner… encore plus qu’auparavant. Le glumarx lui avait montré qu’il était loin d’être doué. Une main posée sur un livre représentant un colosse de pierre, il eut un petit sourire. Oui… Il était temps d’accentuer ses efforts !

« Roi Theor, je suis de retour. Comme écrit dans la missive envoyée à sa Majesté, j’ai trouvé un porteur. Il n’est encore qu’au début de son apprentissage mais je suis sûre qu’il pourra nous être très utile dans l’avenir. D’ici un ou deux mois, nous pourrons l’envoyer récupérer les médaillons ancrés dans notre royaume. Ou alors… ailleurs. »

La femme à l’armure de plaque noire avait un genou au sol, une main posée sur le cœur alors qu’elle parlait à un homme assis sur un trône à l’armature dorée. Celui-ci avait de longs cheveux blancs, une barbe très longue de même couleur bien que ses deux yeux dorés semblaient être encore très vifs. Il portait une longue bure noire qui contrastait avec son état de roi. Il ressemblait au final… plus à un prêtre.