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Chapitre 50 : L’assaut salvateur

Chapitre 50 : L’assaut salvateur

Combien est-ce qu’ils étaient ? Elle avait du mal à les compter mais une chose était sûre : ils étaient trop ! Beaucoup trop pour elle ! Comment est-ce qu’ils en étaient arrivés à cette situation ? Quelque chose… non. Non ! Royan et Elise en parlaient ! Des traîtres ! Pouvoir parfaire une attaque de la sorte nécessitait des connaissances internes au campement !

Et à voir les démons qui se déplacent à gauche et à droite, autant dire que ce n’était pas très reluisant ! Foutus démons ! Elle n’arrivait pas à voir si certains étaient du campement et contre elle mais qu’importe, ce n’était pas le moment de se focaliser sur ça ! Elle allait devoir défendre sa fille et les autres aux alentours !

« Approchez-vous d’elle et vous pourrez alors aisément la… »

Hors de question de le laisser terminer sa phrase ! Et hors de question d’avoir plus de retenue ! La flèche qui s’était nichée dans le crâne du démon qui avait pris la parole avait commencé à émettre une forte lueur … avant de provoquer une explosion.

Une explosion qui secoua la zone par son souffle, assez puissante pour faire trembler les tentes mais heureusement, ces dernières étaient fortement attachées au sol. Au contraire des ennemis qui décollèrent du sol de pierre pour certains. Malheureusement, certains d’entre eux, démoniaques, avaient des ailes et arrivèrent à se stabiliser dans les airs. Pour les autres, l’atterrissage fut bien plus rude.

Et encore plus lorsque certains honoriens tentèrent de se relever. Elle n’avait pas hésité un seul instant, venant nicher une flèche dans le crâne de chacun. Oui, elle pouvait le faire ! Elle en était certaine ! Ils voulaient s’approcher ? Qu’ils viennent ! Elle allait les recevoir à sa façon ! Hors de question de se laisser faire !

« Bon sang ! Mais qu’est-ce que vous foutez ?! Éliminez-la ! Comme ce foutu roi de Traslord et cette soi-disante princesse démoniaque ! »

« C’est facile de dire ça, les démons, mais pour des types super balèzes, vous l’êtes pas vraiment ! Elle est en train de vous maîtriser comme si de rien n’était ! »

« Hey, qu’est-ce que tu crois ?! Que ça serait aussi simple ? S’ils ont survécu aussi longtemps dans cet endroit, ce n’est pas pour rien ! »

Tiens ? Ils étaient pas autant soudés qu’elle ne le pensait. C’était une bonne chose à apprendre à cet instant. Après, de ce qu’elle savait au sujet de ces honoriens, ils n’avaient pas hésité à trahir d’autres clans pour travailler avec les démons. Rien d’anormal à ce que des traîtres n’aient pas la mentalité pour collaborer correctement.

Mais ce n’était pas elle qui allait se plaindre de la situation ! Mieux encore, elle allait en tirer partie ! Enfin, du mieux qu’elle le pouvait… puisqu’elle n’avait aucun moyen de convaincre les membres de ce groupe dissident de l’abandonner.

« Bon, de toute façon, vous n’avez qu’à nous écouter. À la surface, c’est vous qui gériez mais ici, c’est notre domaine, compris ? Alors soyez sages et éliminer tous ceux et celles qui se trouvent sur votre passage dans cet endroit ! »

« Ouais, on a bien compris le message ! On va le faire ! »

Mince ! C’est pire que prévu ! Ils écoutaient parfaitement les dires des uns ou des autres suivant la situation ! En réagissant de la sorte, ils pouvaient alors éviter de se disputer plus que nécessaire ! Cela n’arrangeait pas du tout ses propres affaires !

Et quand est-ce qu’elle allait recevoir de l’aide ? Car si elle était seule dans cette section de la base, elle n’allait pas pouvoir défendre tous ceux qui n’étaient pas faits pour le combat ! Ils allaient quand même se bouger un peu, n’est-ce pas ?

Cela ne servait à rien de tergiverser et se plaindre plus longtemps. Le mieux était de s’occuper de ceux qui avaient pris la parole. Même si elle n’avait aucune preuve qu’ils étaient en quelque sorte les chefs de cette bande, savoir qu’ils étaient morts la soulagerait et lui retirerait un poids assez conséquent en un sens.

« Je vais vous faire disparaître, vous n’avez pas besoin de savoir qui va mourir en premier puisque ça sera l’un et l’autre en même temps ! »

« Elle se prend pour qui la blonde ?! J’vais me la farcir mais j’suis pas plus con qu’un autre ! Elle croit qu’on va tomber dans son piège ?! »

Un piège ? Le pire, c’est qu’elle n’en avait aucun de prévu mais s’ils avaient envie d’y croire, ce n’était pas elle qui allait se plaindre de les voir rester méfiants. C’était justement en agissant de la sorte qu’elle trouvera le moyen de les abattre plus aisément !


Bon… Quoi faire ? Comment faire ? Comment résoudre ce problème ? Le nombre n’allait pas réduire et surtout, maintenant, ils étaient concentrés à tel point qu’ils ne pouvaient plus être pris par surprise. Autant dire qu’elle n’appréciait pas du tout ce qui était en train de se passer. Hmm …

« Chargez tous en même temps ! Focalisez-vous sur elle et ensuite, ça sera bien plus simple de se débarrasser du reste ! »

Est-ce qu’ils avaient la moindre idée de ce que ça voulait dire « être discret » ? Du moins, éviter de parler de leur plan à voix haute ? Bah ! Au moins, si elle n’avait pas été convaincue auparavant qu’elle était leur cible, maintenant, il n’y avait plus aucun doute !

Alors, ce qu’elle allait faire, c’est les attirer ailleurs ! Pourquoi est-ce qu’elle n’y avait pas pensé avant ? De nouvelles flèches partirent à toute allure, ciblant chaque être sans s’arrêter sur leur chemin pour finir par trouver les épaules, estomacs ou jambes des différents démons et soldats honoriens.

Ce n’était pas grand-chose mais cela suffirait amplement à les forcer à la cibler, elle ! Et à entendre les grognements et les cris, cela fonctionnait parfaitement ! Parfait ! Maintenant, qu’est-ce qu’elle pouvait faire ? Qu’est-ce qu’elle pouvait imaginer comme solution pour régler ce problème une bonne fois pour toutes ?

« Eh bien alors, on arrive à se déconcentrer en plein combat ?! »

Même pas en rêve ! Elle fit un pas sur le côté, concentrant ses lignes magiques dans ses jambes avant de faire un bond dans les airs, utilisant la magie du vent pour en profiter pour mettre de la distance avec ses opposants et elle mais aussi avoir une meilleure vision.

Une vision dont elle se serait bien passée. Le campement était en flammes en plusieurs endroits et elle ne pouvait pas détourner son regard des nombreux combat qui avaient lieu. Elle tenta de retrouver Royan et Elise du regard mais très vite, elle dût faire quelques mouvements pour esquiver des flèches qui tentèrent de l’atteindre. Vraiment ? Ils osaient essayer ça sur elle ?!

« Je vais vous le faire payer ! »

Mais c’était comme des paroles en l’air. Elle comprenait que s’ils en venaient à utiliser des attaques à distance en plein campement ennemi, c’est qu’ils étaient assez confiants pour ne pas avoir à se préoccuper de leurs alentours. Autant dire que c’était encore plus problématique qu’elle ne le pensait.

Et ce qu’elle pensait n’était déjà pas très glorieux. Elle commençait à être sérieusement inquiète de la tournure des évènements. Elle ne pouvait plus se préoccuper de savoir comment Elise et Royan se débrouillaient. Elle devait d’abord s’occuper d’elle avant que cette histoire ne se mette à tourner très salement.

« Bon, les Honoriens et les démons, vous êtes en train de me taper sur les nerfs et ce n’est pas une bonne solution ! »

« Ohlala, qu’est-ce que tu vas nous faire exactement hein ? Tu crois vraiment que l’on va s’inquiéter d’une seule et unique personne ?! Votre foutue armée n’a pas compris à qui elle avait affaire ! »

« J’ai plutôt la sensation de l’inverse. Vous n’avez aucune idée de qui vous affrontez. »

Elle ne savait juste pas combien de temps elle allait tenir à cette allure. Ses adversaires ne diminuaient pas. Certains étaient même en train de se faire soigner, surtout les démons. Plus résistants que les honoriens qui étaient déjà des combattants aguerris et nés, voilà ce qu’ils étaient. Mais tout ça, elle le savait déjà grâce à la présence d’Elise et des autres présents qui étaient dans leur propre armée.

Rien… Elle ne pouvait rien faire à part tenter de les tuer plus rapidement qu’ils ne venaient. Mais pourquoi est-ce qu’ils étaient focalisés sur elle ? Est-ce qu’ils avaient deviné quelque chose à son sujet ? Mais ils auraient deviné quoi ?

Est-ce que ces démons avaient un intérêt quelconque à la tuer ? Autre le fait de simplement vouloir la tuer, est-ce qu’ils savaient qu’elle était la fille des deux divinités Alzar et Zélisia ? Hmm… Mais qu’est-ce que ça leur apporterait plus exactement de savoir ça ?

Elle hoqueta soudainement de douleur, baissant les yeux en remarquant la pointe d’une flèche qui venait de se nicher dans sa jambe gauche, la faisant tomber à genoux. Elle extirpa aussitôt la flèche, soignant sa blessure mais elle avait compris son erreur assez vite.

« Eh bien, on fait moins la maligne hein ? Cela va être l’heure de te régler ton compte. »

Vraiment ? Elle savait que certains honoriens n’étaient pas franchement doués pour la diplomatie mais utiliser une phrase aussi basique, digne d’un bandit de bas-étage qui s’attaquait aux caravanes, il devait plutôt avoir honte d’avoir ouvert la bouche qu’autre chose hein ? Avec un léger grognement de colère, elle tenta de se redresser, faisant un mouvement de la main droite pour créer un mur de vent, évitant juste à temps plusieurs nouvelles flèches en sa direction.

Ils n’allaient pas oser s’approcher d’elle. Ils pouvaient continuer à l’attaquer tout en sachant qu’elle était maintenant blessée. Vraiment… Ils avaient tout prévu, bien plus qu’elle ne l’aurait imaginé. Comment faire alors quand elle était dans une telle situation ? Hors de question ! Il en était hors de question !

« JE NE VAIS PAS ME LAISSER FAIRE ! Vous ne pourrez pas m’empêcher de voir Tery après tout ce temps ! Je n’ai pas fait tout ce chemin pour que vous me stoppiez maintenant ! »

« Qu’est-ce qu’elle est en train de raconter ? »

« Sûrement en train de crier ses dernières paroles. Vous avez pas à vous en faire ! Tuez-la avant qu’il ne soit trop tard ! »

Oui, elle avait des raisons de tenir le coup. Elle n’allait pas s’arrêter ! Si on lui avait laissé une nouvelle chance dans la vie, elle devait la récupérer et tout faire pour ne pas la laisser s’échapper ! Est-ce qu’ils pouvaient comprendre ça ?! Non, ces types, qu’ils soient démons ou honoriens, ne pensaient qu’à leur petite personne, sans même se préoccuper des conséquences de leurs actes sur les autres hein ?

Mais quand même, elle reconnaissait parfaitement que les difficultés s’accumulaient à toute vitesse. Comment est-ce qu’ils avaient pu être aussi aveugles ? Cela ne ressemblait pas à Elise mais surtout Royan, de tomber dans un piège aussi grossier ! Elle, elle avouait qu’il y avait du relâchement à cause de sa fille mais à part ça, ce n’était pas normal de se faire autant avoir comme une débutante !

Ah… Ah… Ah… Mince. Le fait de devoir tenir une position ne l’aidait pas non plus. Elle ne pouvait pas trop s’éloigner de la tente et à voir les sourires de ses adversaires, elle se doutait maintenant qu’ils étaient au courant qu’elle était en train de protéger les personnes à l’intérieur. Elle aurait dû se sentir galvanisée, investie par une puissance divine issue de ses parents mais… non, l’épuisement était trop grand.

Des fois, même avec la meilleure des volontés, le corps ne pouvait pas répondre. Et elle le comprenait parfaitement. C’était… vraiment absurde… elle allait tomber ici ? Maintenant ? Et depuis cette flèche plantée en elle, elle se sentait un peu fiévreuse. Est-ce qu’elle était empoisonnée ? Ou alors, était-ce autre chose ?

« Eh bien, on diriat qu’on fatigue hein ? T’as l’airr de faire moins la fière ! »

« Mademoiselle Elen ! Je viens vous prêter main-forte ! »

« Non tu dois rester à l’intérieur de la tente pour la protéger ! Ils n’ont pas encore réussi à l’atteindre et … »

« LES GARS ! Focalisez-vous sur cette tente ! »

Elle n’avait pas eu le temps de terminer sa phrase en répondant à la démone. Leurs adversaires étaient vraiment à fond sur elle. Ils semblaient tellement se focaliser sur sa personne comme si elle était leur cible principale depuis le début. Elle n’aimait pas ça, pas ça du tout même. Ils étaient au courant de ce qu’elle était, ce n’était pas possible autrement.

Ils voulaient la faire souffrir, complètement. Pour lui faire payer quelque chose dont elle n’était pas à l’origine. Mais… non. Elle n’allait pas se laisser faire. Elle allait puiser dans ses dernières ressources et…

« C’est quoi ça ?! D’où ça vient ?! »

Elle s’était trop concentrée sur sa survie qu’elle n’avait pas remarqué tout de suite que certains démons étaient en déroute, se faisant attaqués par derrière. Oui, des soldats qu’elle ne connaissait pas, étaient visiblement en train de s’en prendre aux démons. Pendant un bref instant, elle s’était dit que cela n’avait rien d’anormal. Elle ne pouvait pas connaître tout le monde dans l’armée qui entourait Royan mais non… Ils n’avaient pas la même allure que les soldats qui étaient habituellement avec eux.

« D’où est-ce qu’ils viennent ? »

Elle se posait la question à voix haute, si étonnée et surprise qu’elle ne savait plus tellement où donner de la tête réellement. Elle pouvait réellement souffler ? Son corps approuvait cette idée mais son cerveau restait en ébullition. Si c’était un autre groupe de démons qui venait en profiter pour tous les raser, elle devait continuer à être sur ses gardes.

« Tery ! C’est bien une armée composée des différentes races ! »

« Tant mieux, ils sauront peut-être nous guider mais avant, il nous faut exterminer tous ces foutus démons et ces honoriens ! Faites leur apprendre ce qu’il en coûte de s’en prendre à des groupes venus de la surface ! »

« Ouais, enfin, on a quand même pas vérifié qu’ils ne voulaient pas notre peau non plus hein ? Peut-être qu’ils chercheront à nous tuer ensuite ! »

« Vu comment le combat se déroulait, je crois pas qu’ils tenteraient quelque chose de la sorte s’ils veulent vraiment survivre ! »

« Ouais bon, d’accord, t’as pas tort en réalité ! »

Tery ? Elle avait entendu la voix de Tery mais aussi son prénom ! Mais sa voix aussi ! Et comment ? Elle était sûre et certaine de l’avoir entendue ! Mais où ça ? Où est-ce qu’il était ? Un regard ç gauche et à droite mais elle ne trouvait rien !

« DÉGUERPISSEZ DE MON CHEMIN ! »

Galvanisée, elle avait aussitôt crée un puissant souffle. Elle n’avait pas de temps à perdre avec ces types ! Elle avait bien mieux à faire ! Tery était là ! Il était proche ! Proche d’elle !

Si proche… et elle allait tout faire pour éliminer quiconque se dresserait en travers de son chemin. L’épuisement ? Il n’était plus présent ! L’adrénaline dans son être avait pris le dessus sur tout le reste !

« TEEEEEEEERY ! TERRRRRRRRRRRRY ! »

Quitte à utiliser le vent, elle allait faire que sa voix soit portée par le vent ! Que sa voix arrive jusqu’à Tery ! Elle allait enfin le revoir ! Tout son être en tremblait, ses yeux bleus devenant rouges alors qu’elle les plaçait sur les honoriens et démons encore présents.

« Qu’est-ce qui lui arrive à elle ? Pourquoi est-ce qu’elle… »

« C’est quoi ça ? C’est une démone en réalité ?! Non mais ces yeux… ce sont ceux d’Alzar ! Hey ! On nous avait dit qu’elle ne possédait que les pouvoirs de Zélisia ! «

« Ouais ben c’est un peu tard pour… C’est quoi ça maintenant ?! »

Alors qu’elle était plongée comme dans une transe, galvanisée par la voix de Tery au loin, Elen remarqua de nombreux éclairs qui tombaient en divers endroits dans une zone à bonne distance de là où elle se trouvait.

« Manelena est là aussi, il fallait s’en douter. »

Mais ce n’était pas ça qui allait briser sa joie. Elle allait terminer cette foutue attaque et réceptionner Tery comme il se doit ! Dire qu’il avait juste suffit d’entendre sa voix pour qu’elle retrouve toutes ses forces ! Elle en deviendrait presque hystérique et… Non ! Non non ! Elle n’allait pas retomber dans ses travers !

« Maintenant, c’est nous qui sommes pris en tenaille ! Ils peuvent nous attaquer de tous les côtés ! On veut une solution ! »

« Non mais tu vas arrêter de te plaindre, bordel ?! »

C’était maintenant l’anarchie dans le groupe. Elle pouvait pousser un soupir de soulagement ou presque. Oui, elle était même en train de sourire alors que la situation ne s’y prêtait pas. Pourquoi ça ? Car elle assistait devant ses yeux à un meurtre entre alliés. Oui, l’honorien qui venait de se plaindre venait d’avoir la gorge tranchée par le démon qui lui avait hurlé dessus. Et aussitôt, cela semblait être le geste de trop.

« Hey ! C’était mon pote ! Je peux savoir ce qui t’a pris, espèce d’abruti ?! »

« Ton ami était un lâche qui allait fuir dès la première difficulté. Tu peux limite me remercier de l’avoir tué avant qu’il ne perde le peu d’honneur qui lui restait. »

« Non mais tu te fous de moi en plus ?! J’vais te buter ! »

« Tiens donc, et comment est-ce que tu comptes y arriver ? Fais-moi bien… »

« Il est pas seul, enfoiré ! On est tout un clan, tu vas le comprendre ! »

D’accord. C’était le moment où elle n’avait plus à se mêler de ce qui allait se passer, n’est-ce pas ? Elle avait toujours son arc en main mais elle ne semblait plus vraiment le danger maintenant. Oui, elle n’avait plus à s’en faire… pour l’instant.

Une ombre métallique vint atterrir à côté d’elle, soulevant un nuage de poussière à cause des éclats de roche propulsés par le soleret noir. Se redressant aussitôt de toute sa stature, l’être en armure bien plus grand qu’Elen avait une lame dans sa main droite, la tenant fermement avant de dire :

« Nous sommes un peu en retard, malheureusement. J’ai pu voir des pertes de votre côté. »

« Le plus important est que vous soyez arrivés… alors que ce n’était même pas prévu, Manelena. Je ne vais pas m’en plaindre. »

« Tu as l’air épuisée, non ? Et où es t-elle ? » demanda une nouvelle fois la personne en armure. La tête se tourna vers la tente derrière Elen.

« Elle est sous bonne garde mais… sans vous, je crois que cela… aurait été très compliqué. »

« Mais ça c’était avant. Maintenant que sommes-nous là, tu peux souffler un peu. Et puis, ce que nous avons enclenché semble enfin prendre forme. »

Malgré le casque sur le crâne, Elen pouvait entendre un petit rire en émaner. Un rire féminin, un peu mauvais pendant qu’elle restait non-loin d’Elen, cette dernière ayant les épaules qui s’affaissaient, signe de son soulagement.

« Oh, j’imagine que tu veux savoir ça en prime mais… Tery devrait arriver d’une minute à l’autre. Il est en train de faire plusieurs percées dans les troupes ennemies avec Clari. »

« Il est vraiment là alors ! ENFIN ! Je… Après tout ce temps, il… Ah ! Euh… Au cas où, est-ce qu’il… euh… veut me voir ? »

« Hmm ? Bien entendu. Même si nous ne savions pas que vous étiez dans les parages avant que Sérest et Séran ne nous préviennent. »

« Sérest ? Séran ? Qu’est-ce qu’ils font fait exactement ? »

Maintenant qu’elle y pensait, c’est vrai qu’elle n’avait pas remarqué leur présence en ces lieux alors que ça aurait été plus qu’important, surtout par rapport à cette situation. Mais bon, vu qu’ils venaient de ramener Tery à elle, elle pouvait bien les pardonner.

« Par contre, les retrouvailles, ça attendra qu’on en termine avec eux. Tu veux qu’on tente de les capturer ? »

« Vu que je compte bien les interroger pour avoir quelques informations, ça serait mieux. Bon… Au moins, avec vous présents, je sais que ma fille est en sécurité maintenant. »

Enfin… LEUR fille. Car oui, alors que Tery n’était plus qu’à quelques mètres d’elle, ils allaient enfin pouvoir se retrouver face à face… et plus encore.

Chapitre 49 : Comment réagir

Chapitre 49 : Comment réagir 

« Bon alors, vous vous rapprochez ou pas ? »

Décontenancés, les deux personnes ne surent comment réagir correctement. Quelques secondes plus tôt, elle essayait encore de les jeter hors de la tente.

« Dépêchez-vous avant que je ne décide de changer d’avis, d’accord ? »

« Bien… Bien entendu… Sérest, tu veux y aller en première ? »

Sans un mot, la femme ailée s’avança vers Elen et sa fille, venant s’accroupir devant elle. Comme si elle avait l’impression que l’enfant se briserait à son contact, Sérest osait à peine tendre la main vers le bébé.

« Elle ne va pas te mordre, elle n’a pas encore fait ses premières dents. »

« Oui, je sais… mais elle semble… si fragile. Elle est en bonne santé, n’est-ce pas ? »

« Elle l’est. Sa mère a eu du mal à sa naissance, chamboulée et tout le reste. Mais Manelena comme la mère de Tery étaient là pour la soutenir. »

Elen parlait avec une certaine nonchalance et fatigue. Oui, elle semblait fatiguée mais peut-être tout simplement parce qu’elle se faisait violence pour ne pas repousser ses deux parents… ou alors pour leur pardonner.

« Vous donnez l’impression de n’avoir jamais vu de bébé de votre vie. »

« La chair de notre chair ? C’est exact… Nous n’avons pas pu t’élever… à cause de nombreuses raisons dont tu en connais la plupart. »

« Hum hum… Bref, vous n’avez rien pu faire pour moi, j’ai été abandonnée à ma naissance et c’est un démon qui m’a élevé sous couvert d’un orphelinat et… »

« Nous sommes au courant de cela. Même si nous ne pouvions pas t’approcher, nous prenions de tes nouvelles par rapport à une certaine vienne dame. »

Vieille dame ? Elle s’apprêtait à se redresser mais se retint en pensant à son enfant. Pourtant, ses yeux bleus fixèrent avec intensité Séran qui avait osé parler de madame Liza.

« Vous… Qu’est-ce qu’elle… par rapport à vous ? »

« Une longue famille d’adeptes de nos formes divines. Elle n’était pas fille unique donc sa lignée n’a pas disparu mais… de son côté, malheureusement, nous avons appris la nouvelle très rapidement. Nous avons prévenu sa famille, c’était la moindre des choses. »

« J’ai toujours cru… qu’elle était orpheline comme les autres enfants. Elle est morte… à cause de ce démon. Ce démon qui prétendait être un oracle. »

« À ce sujet, il est vrai que ces démons doivent être proches de la famille royale. »

Hein ? Comment cela ? Maintenant, Elen fixait Sérest comme si elle venait d’apprendre une révélation qu’elle aurait dû connaître depuis tout ce temps. Pourquoi ? Enfin, qu’est-ce que Sérest venait de dire ? Celui-ci reprit :

« Je ne vois qu’eux pour réussir à être au courant par rapport à ta naissance. Et encore, ils savaient ce que cela impliqueraient. Quelqu’un dans la famille royale démoniaque a bien plus de détails que nous le pensions. »

« Et donc si j’ai mené cette existence, est-ce que vous voulez dire que c’est… »

« Encore de notre faute ? Cela serait un peu exagéré de vouloir nous tenir responsable de tous les malheurs du monde, tu ne trouves pas, Elen ? »

« En même temps, d’un autre côté, vous ne semblez pas nier que pas mal de choses se sont produites à cause de votre absence d’actions ou justement à cause de ces dernières hein ? Je ne viens pas de les inventer, non plus. »

« Hmm… D’accord. Bref, ces démons, tu n’as donc aucune nouvelle à leur sujet ? »

« Si j’en avais, ça serait les dernières que nous aurions. Je ne compte pas les laisser vivre, ces saletés. Je veux leur faire payer. »

« La vengeance ne mène à rien de bon, Elen. J’imagine que tu le sais déjà, non ? »

« Elle ne mène à rien mais elle permet d’être satisfait. Et ces deux êtres méritent le sort que j’ai prévu de leur faire subir. »

« Visiblement, je ne peux pas te faire changer d’avis. Mais, nous sommes heureux de te revoir, nous tenons à te la signaler. »

« Si c’était vraiment le cas, vous seriez restés, non ? Or, ce n’est pas le cas et j’ai faillit perdre mon enfant et… »

« Elen, en même temps, ce sont eux qui t’ont sauvé après ce que tu avais fait pour eux. » déclara une voix masculine, Royan finissant par rentrer dans la tente. « Désolé mais je ne pouvais pas faire comme si de rien n’était bien que… »

« Tu ne te gênais pas pour tendre une oreille indiscrète, comme si de rien n’était, c’est ça ? »

« Elen, tu peux me faire tous les reproches que tu veux mais pour le coup, tes parents t’ont sauvé la vie en réponse à ce que tu as fait de ton côté. Certains pourront dire que c’est un échange de bon procédé, rien de plus. »

« Ce n’est pas totalement faux… et ce n’est pas exactement vrai. Mais bon, d’un autre côté, nous pensions mourir pour ouvrir les portes démoniaques. Il s’avère que tes actions nous ont offert une nouvelle chance de vivre et que toi aussi, qui devait mourir, méritait la même chance. C’est pourquoi nous avons fait cela. »

« Et si j’avais décidé de ne pas vous sauver ? »

« Tu serais morte comme nous, malheureusement. »

RAAAAAAAAAH ! Ce couple qu’elle devait considérer comme ses parents arrivait à l’exaspérer plus qu’il n’en fallait ! Sincèrement, comment est-ce qu’ils faisaient pour réussir un tel prodige ? Est-ce qu’elle était devenue une boule de nerfs si facile que ça à user énerver ? La question se posait et était légitime. Pour autant, il fallait faire comme si de rien n’était… si ce n’était pas trop tard justement.

« Est-ce que… tu saisis un peu mieux la situation ? »

« Non. Pas du tout. Mais je vais faire comme si c’était le cas. Ma seule priorité à l’heure actuelle, c’est de retrouver Tery et pour le moment, ce n’est pas du tout le cas. »

« Tu es bien plus proche de lui que tu ne le crois. Sois rassurée. »

« Comment est-ce que vous pouvez le savoir ? » rétorqua à nouveau Elen en les regardant avec suspicion. Lorsqu’ils parlaient de la sorte, elle avait vraiment envie de …

« Que tu vas bientôt pouvoir lui faire face. Par contre, en vue de la situation actuelle, il se pourrait que tout soit très dangereux d’ici quelques temps. »

« Qu’est-ce que vous savez encore que vous me cachez ? »

Elle n’avait plus le temps de prendre des pincettes. Pas avec eux, ils ne le méritaient pas. Elle voulait une réponse franche et directe. Qu’ils arrêtent de tergiverser et qu’ils viennent lui répondre maintenant au lieu de tourner autour du pot.

« Ce n’est pas vraiment un secret, plus une prémonition, une sensation. J’imagine que c’est difficile à croire mais il y a de très fortes chances que votre fille comme les cadets d’Elise soient en danger très bientôt. Ce ne sont que des enfants dans leurs cas… »

« Et vous aimeriez qu’on vous les confie alors qu’ils ne vous connaissent pas et que vous êtes revenus comme si de rien n’était ? Ce n’est pas à moi qu’il faut demander ça mais à Elise et à Zalek comme Wandy. »

« C’est vrai. Et pour… »

« Je vais y réfléchir. Disparaissez maintenant. » coupa sèchement la jeune femme aux cheveux blonds, les invitant à partir. Ils étaient restés que trop longtemps dans sa tente. Ils avaient eu l’occasion de voir leur petite-fille, chose qu’elle n’aurait jamais permis à l’époque. Peut-être qu’elle était prête à leur laisser une chance.
Car elle avait sûrement envie d’y croire… oui, croire en eux. Croire qu’il était possible que tout cela n’avait été qu’un malheureux concours de circonstance, comme avec Tery. Elle ne se savait pas aussi niaise et ridicule et pourtant… elle était là, devant le fait accompli.

« Tery, s’il te plaît, dépêche-toi vraiment… je n’en peux plus à force. »

Après le départ du duo, elle s’était relevée, observant l’enfant endormi avec tendresse.

Elle était heureuse, très heureuse d’avoir cet enfant mais elle savait qu’en un tel endroit, le danger était permanent. Pourtant, elle l’avait emmené en son âme et conscience, connaissant parfaitement ce que cela impliquait. Oui… Elle allait… veiller sur elle.

Plongée dans le sommeil à son tour, elle rêvait. Elle rêvait doucement à ce qu’elle voudrait faire avec Tery lorsqu’ils se retrouveront. Des rêves qui se mélangeaient, qui fusionnaient, donnant l’impression de mener une nouvelle vie dans ce monde onirique.

Une vie calme, paisible, parfois parcourue par des moments plus intimes où elle espérait fonder une famille bien plus nombreuse. Oui, l’expression de leur amour devait se faire via de nombreux enfants et tout son corps ne cachait plus vraiment cette envie brûlante et dévorait qui animait et la parcourait.

« Elen ! Elen ! Réveilles-toi et vite ! On se fait attaquer ! »

Hein ?! Elle s’était redressée aussitôt, yeux grands ouverts, en position d’alerte. Que ça soit Elise elle-même et non pas un simple soldat avait aussitôt confirmé à quel point cela devait être dangereuse. Se remettant debout, elle était déjà prête mais allait nécessiter quelques informations. S’adressant à la « nourrice » chargée de surveiller son enfant, une démone ayant déjà eu plusieurs d’entre eux dans le passé, elle se mettait à côté d’Elise, demandant plus de détails sur la situation.

« Qu’est-ce qui se passe exactement ? Les monstres sont parfois stupides mais… »

« Ce ne sont pas des monstres mais des honoriens ! Et ils sont accompagnés par des démons en prime ! C’est le pire qui pouvait nous tomber dessus ! »

« Le pire ? Oui, on a connu bien pire toutes les deux. Royan est où ? »

« En train de préparer nos troupes. Je crois qu’on doit avoir un ou deux traîtres dans notre armée, ils sont tellement bien préparés en face que ça ne me donne pas l’impression que ça soit juste le fruit du hasard ! »

« Quelqu’un qui n’aurait pas hésité à nous planter une lame dans le dos ? »

Pendant un bref instant, elle pensa à Sérest et Séran mais retira très vite cette idée du crâne. Non, ils n’auraient pas osé une nouvelle fois. Pas de cette manière, pas ainsi. Une fois mais pas deux, non ? Pas de la sorte. Même si maintenant, cette idée commença à se trouver une petite place dans sa tête.

« Est-ce qu’ils ont des revendications ou autres ? »

« Non, pas du tout. Nous avons été assez doués pour éliminer les éclaireurs qui sont venus jusqu’à nous et nous avons réussi à extirper ces informations mais nous avons préféré les éliminer pour qu’ils ne posent pas de problème. »

« Donc, actuellement, c’est plus une question de temps que de réaction à vif. C’est pour ça que tu m’as réveillée aussi subitement ? Je pensais que nous étions déjà en train de nous faire attaquer, Elise ! Tu es complètement folle ou presque, tu le sais ? »

« Folle, folle, pas vraiment. Vu comment c’est important, j’ai préféré plutôt jouer la sécurité qu’autre chose. Bon… Que faisons-nous ? »

« Je vais déjà aller voir Royan. Vu que ça reste le roi de Traslord, il est quand même plus doué que moi ou toi pour tout ce qui est stratégie, hein ? »

« Je ne peux pas dire que tu as tort sur ce point. » compléta Elise avant de laisser Elen prendre les devants, la guidant néanmoins en direction de la tente où se trouvait Royan avec les hauts-gradés militaires.

« Me voilà, Royan. Désolée du retard. »

« On ne ne pouvait pas prévoir qu’ils étaient si proches de nous mais surtout qu’ils envisageaient de nous attaquer. Tu n’es pas fautive, Elen. Tant que tu es là, c’est le plus important. Pour ton enfant, est-ce que… »

« Oui, elle est en sécurité, avec sa « nourrice » donc je n’ai pas à m’en faire de mon côté. Par contre, nous étions sûrs qu’ils envisageaient de nous attaquer ? Vu qu’Elise a parlé de capture et d’interrogation, nous avons plutôt… été réactifs… qu’autre chose non ? »

« Tu t’inquiètes du fait que nous avons été trop prompts à réagir alors que peut-être ils ne nous voulaient pas de mal ? Si c’est ça qui t’inquiète, je peux te rassurer. Les éclaireurs ont bien pensé qu’ils nous étaient supérieurs et nous étions bien leurs cibles. Ils n’auraient pas hésité même à capturer l’un d’entre nous comme preuve. »

« D’accord, d’accord. Des éclaireurs purement démoniaques ? »

« Non, justement, honoriens parmi eux. Et avec un équipement démoniaque sur eux, ce qui veut dire qu’ils collaboraient, comme nous le pensions. C’est la première fois que nous avons affaire directement à ces fameux clans traîtres aux règles d’Honoros. »

Royan eut un léger grognement en même temps qu’il bougeait ses lèvres, chuchotant qu’Inna et Hérik avaient eu totalement raison. Justement, ils n’avaient jamais pensé qu’ils auraient décidé de leur mentir mais bon…

« Royan, je te conseilles d’empêcher quiconque de quitter le campement maintenant que nous devons nous préparer à les recevoir de façon assez « musclé ». »

« Déjà fait, Elen. Ainsi, ces traîtres parmi nous ne pourront pas prévenir leurs compagnons de ce que nous comptons faire. Cela leur tombera dessus sans même prévenir. »

Oui… Mais s’ils étaient bien plus nombreux que leur armée, ils auraient alors de gros problèmes. De plus, cela revenait plus ou moins à se mettre en état de siège. Mais bon, elle ne pouvait que faire confiance à Royan.

« Royan, vu que c’est nous qui subissons cette attaque, je vais… »

« Tu n’as pas à t’en faire. La priorité va à ton enfant. Il en est de même pour les blessés, il faut que nous protégions ceux qui ne sont pas aptes à se battre. Les règles ne changent pas. »

Elle hocha la tête, le remerciant de façon non-verbale avant de retourner au niveau de sa tente. Elle eut une petite mimique de colère, ne remarquant pas Sérest et Séran dans les environs. Pourquoi est-ce qu’elle y avait cru hein ? Est-ce qu’elle était aussi ridicule que ça ?

Sûrement … mais au moins, elle vint prévenir la nourrice de sa fille qu’elle allait traîner autour de la tente pour être certaine qu’il n’y avait aucun risque et que rien ne pourrait se rapprocher de celle-ci. Une mesure de précaution pour la sécurité de son enfant. De plus, elle n’était pas si éloignée que ça des autres tentes, bien plus grandes, qui servaient de dortoir aux personnes « civiles » de l’armée.

« Je pourrais surveiller les alentours. »

Ces paroles étaient plus pour elle-même que pour les autres mais cela lui permettait de se rassurer. Néanmoins, ce n’était pas pour ça qu’elle allait accepter d’être toute seule à défendre cet endroit hein ? Il fallait que les autres bossent aussi ! Pfiou…

Elle était peut-être un peu excitée ou tremblante. Elle n’était pas certaine que ça soit à cause de l’émotion, plutôt des paroles de Sérest et Séran. Ces derniers avaient évoqué le fait que Tery n’étaient pas si loin d’elle et… peut-être que dans le fond, elle voulait quand même les croire. Ils savaient où « taper » pour réussir à l’intéresser.


Maintenant, elle était assise sur un tabouret, son arc à la main, à une distance respectable de la tente où dormait sa fille. Elle l’avait encore dans son champ de vision, ce qui lui permettrait de la défendre plus aisément. De toute façon, elle était prête à tous les excès dès qu’il s’agissait de sa fille. Hmm… En pensant de la sorte, elle avait l’impression qu’elle n’avait rien appris de ses erreurs passées.

Mais en même temps… Hmm… Non, elle n’avait pas le temps d’y penser en réalité. Elle commençait à entendre les bruits de combat. Son coeur se serra un peu plus que d’habitude. Pourtant, ça ne changeait pas tant des autres fois… donc elle ne comprenait pas ce qui clochait. Elle était assez perdue en réalité.

Mais voilà, la corde son arc vrilla pendant un bref instant en même temps qu’une flèche de lumière ne partait vers les airs, pour tomber bien plus loin, an milieu de plusieurs tentes. Elle ne pouvait entendre le cri à cause de la distance mais elle savait que sa flèche avait touché sa cible. Oui… Elle en était convaincue.

Et puis, très vite, tout commença à s’enchaîner à une vitesse bien plus rapide qu’elle ne le pensait. Des nuages de fumée s’élevèrent à distance, signe que certaines tentes prenaient feu alors que les combats prenaient place tout autour d’elle.

Ne pas bouger. Elle ne devait pas bouger. Elle était sur le qui-vive, prête à réagir dès que cela sera nécessaire. Pas de geste impromptu. Elle n’était pas là pour en faire plus que nécessaire. Tout son être devait rester calme et tranquille.
Calme… et tranquille… ou presque. Mais pourquoi est-ce qu’elle avait ce sentiment néfaste qui l’envahissait ? Elle était debout, non-loin de la tente où se trouvait son enfant, venant rassurer la nourrice à l’intérieur. Enfin, celle-ci restait une démone qui avait déjà son attirail pour défendre l’enfant, munie d’une épée longue et d’un bouclier héraldique.

« Elen, vous ne préférez pas que j’aille défendre à l’extérieur tandis que vous restez auprès de votre fille ? » demanda justement la démone, se présentant à l’entrée de la tente, son regard néanmoins tourné vers l’intérieur.

« N’ayant pas vraiment les capacités de me défendre au corps à corps, si je suis attaquée par surprise alors que je suis dans la tente, je ne pourrais pas réagir correctement. Elle est plus en sécurité à tes côtés. »

« Comme vous le désirez. De plus, nous avons préparé chacune de notre côté quelques sorts pour la protéger. »

« Contre les honoriens, je n’ai pas trop de crainte mais la puissance des démons varie tellement entre deux démons que c’est difficile de savoir si ça sera suffisant ou non. »

La membre de la dite-race fit un léger sourire en hochant la tête positivement, ne pouvant que confirmer les propos d’Elen. Retournant dans la tente, munie de son armement, la démone n’était plus visible alors qu’Elen reprenait place.

Pourquoi ce mauvais pressentiment ? Pourquoi est-ce qu’elle avait l’impression que si elle ne faisait pas attention, tout allait très mal se terminer ? Qu’est-ce qui clochait réellement ? La sensation était si différente que d’habitude.

Pourtant, elle n’avait aucune raison concrète d’être plus inquiète qu’auparavant. Oui, elle allait régler le problème comme elle le faisait à chaque fois et retrouver sa petite fille adorée. Pfiou… Les tentes des non-combattants étaient au centre du campement, guère trop éloignées de celles d’Elen, Royan et Elise. Tant que les ennemis n’arrivaient pas à cet endroit, il n’y aura aucune raison de s’inquiéter et …

«MAIS ILS SONT COMBIEN ?! »

Une voix se fait entendre, plus forte et imposante que les autres, autour d’elle. Concentrée, elle pouvait entendre de nombreux cris de bataille. Les flammes, il y en avait de plus en plus mais comment… Normalement, ils ne devraient pas avoir autant de souci ?! Elle fit apparaître aussitôt une flèche en bandant son arc, tirant dans les airs pour que celle-ci explose en une dizaine de flèches qui partirent vers le sol. Entendant quelques hurlements, elle savait qu’elle venait de faire mouche et…

« C’est elle ! C’est elle qui nous attaque à distance ! »

Depuis quand est-ce que ces honoriens et ces démons sont là ?! Ils ont réussi à venir jusqu’ici ? Qu’est-ce que les autres font ? Et Royan ? Et Elise ? Pourquoi et comment est-ce qu’ils ont réussi à venir jusqu’ici ?

« Faites qu’ils soient en sécurité. »

Voeu pieu qu’elle prononçait pour elle-même tout en serrant les dents. De nouveaux cris, de nouveaux hurlements, tout était chamboulé. Normalement, ça ne devait pas se passer comme ça ! Pourquoi est-ce pour une fois, tout allait mal se finir ?! Il en était hors de question ! Elle n’allait pas laisser tout ça se faire ! Elle allait régler ce problème par elle-même !

Chapitre 48 : Au centre de tout

Chapitre 48 : Au centre de tout

« C’est bien étrange. »

« De quoi donc, Elise ? » demanda le jeune homme aux cheveux bleus juste à côté de la demoiselle démoniaque. Celle-ci marchait derrière Elen, qui dirigeait la petite troupe pour l’occasion.

« Les chemins qu’Elen est en train de prendre, j’ai la sensation de n’en connaître aucun. »

« Et… Est-ce que c’est une bonne chose ou non ? Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux l’arrêter maintenant avant que nous nous mettions en danger. Surtout qu’elle porte sa fille avec elle. Déjà qu’elle voulait absolument jouer son rôle d’éclaireuse… »

« Pour le moment, j’ai justement l’impression du contraire. Les chemins pris sont complètement vierges de dangers. C’est assez perturbant. »

Finalement, qu’est-ce qu’il pouvait y faire ? Il haussa simplement les épaules aux propos de sa dulcinée. Si c’était ce qu’elle ressentait, qui était-il pour prétendre mieux savoir qu’elle ? Dans tous les cas, elle avança pour se retrouver assez vite à la hauteur d’Elen.

« Alors, Elen, qu’est-ce que tu as de bien à nous dire ? »

« Pas grand-chose, si tu veux tout savoir, Elise ! J’ai juste la sensation… que nous nous rapprochons de quelqu’un de très proche de moi. Je suis certaine que nous allons bientôt trouver Tery ! »

« C’est tout ce que j’espère pour toi. Tu as assez attendu et assez souffert. Il est vraiment temps que vous puissiez souffler tous les deux. »

« Je ne te le fais pas dire ! Ah… Par contre, quand ça arrivera, vous pourrez vous occuper de ma fille ? Enfin, après bien entendu que je l’ai présentée à Tery. »

Hum hum. Pas besoin de plus d’explications sur le pourquoi elle voulait être seule avec Tery. Il y avait de ces réponses qui étaient implicites sans même nécessiter plus de détails. Pour autant, Elise ne pût s’empêcher de rire intérieurement.

« J’ai eu les mêmes besoins en revoyant Royan après tout ce temps. »

« Entre femmes, c’est plus aisé de se comprendre, non ? »

« C’est exact. Ce n’est pas à Royan que tu pourrais parler de ça. Enfin, Royan, lui parler même d’autre chose est assez compliqué en un sens. »

« Je veux bien te croire. Même après toutes ces années, il peut garder un petit côté tête de mule. C’est assez impressionnant. Après, je suis mal placée, Tery a aussi son petit caractère et pfiou, je sais aussi que j’ai été assez… problématique. »

« Ça, je ne te le fais pas dire, ma grande. Mais bon, on a chacun nos défauts et si tout le monde était parfait, ça serait bien triste. »

« Ah… Vouloir être parfaite pour l’être aimé, je crois que de ce côté, je me suis plantée. »

« En cherchant une telle chose, tu t’es bloquée sur bien d’autres. Mais maintenant que tu as compris la leçon, tu n’as donc plus à t’inquiéter, Elen. »

« Hmm hmm. J’imagine que oui ! Voir Tery… Ah… »

Oh ? Elle était maintenant plongée dans ses pensées hein ? Elise eut un fin sourire, bien qu’elle préférait si Elen savait où elle était en train de les emmener. Ce n’était pas qu’elle n’avait pas confiance en la jeune femme aux cheveux blonds mais il fallait quand même reconnaître que c’était mieux si elle était concentrée sur sa tâche.

Mais voilà, malgré son inquiétude, il fallait reconnaître que la demoiselle aux cheveux blonds faisait le travail demandé. Encore qu’il n’y avait aucun travail à la base, simplement de l’instinct. Un instinct qui pouvait parfois se montrer assez cruel et moqueur envers elle.

Les minutes s’étaient écoulées, puis les heures, et la première pause était arrivée. L’armée était assez satisfaite de la tournure des évènements. Pour une fois, ils n’avaient pas à s’inquiéter des monstres autour d’eux. Ils se sentaient en confiance dans l’endroit où Elen avait décidé de signaler qu’ils allaient se reposer.

« Hmm… Je pensais vraiment que Tery serait dans les environs. »

« Le monde souterrain est gigantesque, Elen. Je ne peux pas prétendre savoir exactement à quel point mais dis toi que si on compte toutes les galeries sous la surface, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que la superficie soit bien plus grande que tu ne le crois. »

La jeune demoiselle aux cheveux blonds fit une légère moue comme réponse, guère vraiment satisfaite de celle d’Elise. Il lui en fallait quand même plus que ça hein ? Ah… Enfin bon, elle allait s’occuper de sa fille en attendant qu’ils reprennent la route.

Comme à son habitude maintenant, elle poussait doucement la chansonnnette pour calmer la petite demoiselle dans ses bras, celle-ci n’étant en réalité guère agitée contrairement à ses deux parents qui tenaient rarement en place.

Oui l’enfant était si calme et adorable, étant et restant la coqueluche de l’armée présente autour d’Elen, Elise et Royan. Pour beaucoup de femmes dans l’armée, cela restait un but à atteindre même si en tant que militaires, elles ne pouvaient renier l’exaltation du combat sur le terrain directement.

« Elise ? Est-ce que tu peux la garder pour quelques instants, s’il te plaît ? »

Alors que la demoiselle aux cheveux auburn observait la mère et l’enfant, Elen s’était redressée assez vivement tandis que le bambin dormait dans ses bras. Comme mise en alerte, Elen déposa l’enfant dans les bras d’Elise avant de reprendre :

« Je crois que nous ne sommes pas seuls. Je veux aller vérifier. »

« C’est beaucoup trop dangereux d’y aller seule, Elen. Je veux que tu sois accompagnée. »

« S’il y a un souci, j’irais fuir plutôt que de chercher la confrontation. Ne t’en fait pas pour moi, d’accord ? »

« Justement, c’est bien parce que je m’en fais pour toi que je dis ça. »

« Hahaha ! Sincèrement, ça devrait aller. Nous commençons à nous y habituer et même s’il est vrai que nous n’avonns rien eu à combattre aujourd’hui, ce n’est pas pour ça que je vais baisser ma garde. J’ai juste cette sensation… qu’il est proche… et je veux être la première à confirmer ça, c’est tout ! »

« Hum. D’accord, je ne vais pas te mentir, je ne suis pas vraiment rassurée mais bon… »

Ce n’était pas comme si Elen allait vraiment écouter ce qu’elle allait dire hein ? Elise observa le bébé dans ses bras qui roupillait tout doucement avant d’hocher la tête. Elle prévint Elen de se dépêcher, celle-ci partant aussitôt, presque guillerette.

« J’espère qu’elle ne va pas être trop déçue. Espérer trouver Tery comme ça, sur un coup de tête avec de la chance… »

Cela tenait plus du miracle qu’autre chose mais il était difficile de refuser ça à Elen qui était intimement convaincue que c’était chose aisée. Mais voilà, très vite, la femme aux cheveux blonds s’était arrêtée, entendant des bruits de pas et des voix. Oui, plusieurs voix.

Et tout de suite, elle avait compris alors que cela ne pouvait être Tery. Elle aurait reconnu sa voix mais… ces voix lui disaient quelque chose aussi. Où est-ce qu’elle avait déjà entendu ces dernières ? Elle était certaine que ce nn’était pas la première fois.

Se mettant sur ses gardes, elle avait alors décidé de rester derrière un rocher, tenant fermement l’arc qu’elle avait fait apparaître dans ses mains. Des flèches dotées des capacités de Zélisia étaient parfaites pour exterminer quelques démons. Il suffisait simplement de se focaliser un petit peu sur les cibles et avant même qu’elles ne puissent ré…

« Elen ? C’est bien toi ? »

Elle sursauta sur le coup en entendant une voix féminine dans son dos, se retournant pour faire face… à deux personnnes ?! Deux personnes qu’elle reconnnaissaient aisément.

« Qu’est-ce… que vous faites ici ? »

Sérest. Séran. Deux personnes qui avaient bien dépassé la quarantaine d’années. Pourtant, malgré cela, leurs corps étaient comme parfaitement sculptés tous les deux. Mais ce n’était pas ça qui avait fait émettre un grognement chez la jeune femme.

« Nous pourrions te poser la même question, le sais-tu ? »

Et voilà qu’elle avait maintenant un rictus aux lèvres. Il valait mieux ne pas se lancer sur cette pente glissante, elle n’était clairement pas d’humeur à leur stupidité. Alors qu’elle avait fait disparaître son arc, ses mains se posèrent instinctivement sur son ventre, comme pour se protéger d’un mauvais souvenir.

« Répondez au lieu. Je ne suis pas d’humeur à plaisanter. »

« Seulement si tu nous expliques pourquoi est-ce que tu réagis de la sorte… »

« Sérest, c’est assez facile à comprendre. » déclara l’homme en donnant un petit coup de coude dans la hanche de sa femme, pointant du regard le ventre d’Elen.

« Oh… Oui. C’est une bonne raison en soi, c’est vrai. »

« Je ne vais pas me répéter une troisième fois. Qu’est-ce que vous faites ici ?! Je veux le savoir ! J’espérais ne jamais vous revoir ! »

« C’est très cruel de dire cela alors que nous ne sommes pas directement responsables de ce qui s’est passé aux portes d’Omnnosmos. »

« À d’autres. Je ne vais pas tomber dans votre piège. Exprimez-vous maintenant. Pourquoi est-ce que vous promenez dans le monde souterrain comme si de rien n’était ? Qu’est-ce que vous manigancez encore tous les deux ? »

« Rien de spécial. Nous avons simplement eu vent des mésaventures de ces derniers… »

« Oui, bien entendu, car nous savons très bien que vous n’êtes responsables en rien de tout ce qui se passe hein ? Vous vous foutez pas un peu de ma gueule ? »

Elle était en train de bouillir sur place mais ils ne semblaient pas du tout en tenir compte. Elle allait finir par exploser à cette allure s’ils ne décidaient pas de s’exprimer correctement ! Ils avaient intérêt à répondre avant qu’elle ne fasse tout dégénérer !

« Tu es devenue bien plus vulgaire et agressive depuis la dernière fois. » murmura Sérest avec calme et un peu de tristesse dans la voix.

« La faute à qui ? Je veux dire : je vois deux personnes que j’appréciais mourir devant mes yeux, j’ai une main qui me traverse le ventre de la part de l’homme que j’aime, mettant en danger de mort l’enfant que je portais et j’ai appris que tout ça était à cause de deux personnes, anciennes divinités, accessoirement mes parents. Alors, non, je suis désolée de ne pas l’être par rapport à tout ce que vous avez fait ! »

« C’est vrai. Nous avons voulu vous protéger tous autant que vous êtes mais nous ne pouvions nous empêcher de nous dire que nous devions réussir enfin à rouvrir les portes pour… »

« Au point que je sois seulement un objet entre vos mains, c’est ça ?! Car j’ai bien compris qu’il fallait votre sang et celui de votre enfant ! Qui me dit que ce n’est pas juste la raison de mon existence à vos yeux ?! »

« Ce n’est pas le cas, tu peux être rassurée. »

« Rassurée par qui ? Vous ? Vos paroles ? Comme si je pouvais vous accorder ma confiance, tss ! Dire que j’ai cru que j’allais retrouver Tery et au final, je suis tombée sur vous. Je ferais mieux de retourner voir les autres. »

Et sans un mot de plus, elle pivota sur elle-même, ne leur jetant même plus un regard avant de se mettre en route. Pour elle, la conversation était terminée. Les deux personnes la regardèrent s’éloigner, s’observant l’une à l’autre avant de soupirer.

« Dire que Tery n’est plus si loin d’elle. Nous aurions pu … la prévenir, Séran. »

« Sérest, je suis certain qu’elle va le trouver par elle-même. Nous savons où est l’enfant du Dévoreur, c’est une bonne chose mais… pour ce dernier… »

« Rentrer dans la capitale démoniaque serait tout simplement nous conduire à la mort. »

« Oui, nous n’avons plus… vraiment les capacités d’antan, c’est bien triste. »

« La faute à nos corps affaiblis par le temps. Mais il en est ainsi et pas autrement. Tu penses que nous devrions aller les revoir ? » demanda une nouvelle fois Sérest, les joues rougies. « Je voudrais bien… regarder notre petite-fille. »

« Je ne suis pas certain que nous y serons autorisés bien que nous serons acceptés parmi leurs troupes. Allons-y alors. »

Les deux personnes étaient à peine convaincues par leurs propres paroles. Même si elles cherchaient à ne pas trop le montrer, les paroles assez dures et froides d’Elen avaient réussi à les affecter. En même temps, il était difficile de prétendre qu’elle avait tort. La démarche lente, les voilà qui suivaient les traces laissées par Elen.

Lorsqu’ils se présentèrent devant l’armée composée des différentes races, aussitôt, plusieurs armes se levèrent avant de très vite se rabaisser, deux personnes se présentant face à eux. Deux personnes aux allures si différentes et pourtant qui allaient si bien ensemble.

« Royan… Elise, cela faisait très longtemps. Heureux de voir que vous allez bien. »

« Difficile de dire que c’est réciproque mais bon… Qu’est-ce que l’on peut faire pour vous ? »

« Vous n’êtes sûrement pas venus simplement pour prendre de nos nouvelles, non ? »

Elise avait complété les propos de Royan, se mettant face à Sérest, Séran étant de même par rapport au jeune homme aux cheveux bleus. Les deux anciennes divinités les regardèrent pendant quelques instants avant de pousser un léger soupir, montrant bien par là qu’ils étaient fatigués mentalement par tout ceci.

« Nous sommes venus explorer le monde souterrain après ces derniers siècles voire millénaires. Tout cela a tant changé que nous ne pouvons à peine nous rappeler où nous nous trouvons réellement. »

« Juste ça ? Vous êtes de quel côté réellement ? Vous comprendrez que l’on ne sait pas vraiment comment vous considérer, n’est-ce pas ? »

« C’est normal. Nous sommes du côté du monde. Du monde entier. Nous ne faisons pas de différence entre les démons et les races de la surface… comme vous, n’est-ce pas ? »

« Vos paroles sonnent creuses à mes oreilles. Néanmoins, je veux bien vous accorder le bénéfice du doute à ce sujet. Donc… bon… Pourquoi étiez-vous ici exactement ? »

« Le Dévoreur. Est-ce que ce nom vous dit quelque chose ? »

Les deux personnes hochèrent négativement la tête bien qu’Elise était maintenant songeuse, réfléchissant plus longuement à leurs propos. Avec Tery, il n’y avait pas quelque chose du genre ? Ou alors, peut-être qu’elle se trompait ?

« Non mais j’imagine que vous allez nous dire de quoi il s’agit, n’est-ce pas ? »

« C’est demandé de façon si agréable, il serait difficile de refuser d’y répondre. Alors pour tout vous dire, le Dévoreur est en partie responsable de la création des portes qui ont séparés les différentes races de notre de monde. »

« Vous voulez plutôt dire la séparation des démons et des autres races hein ? Puisque les démons ont été reclus pendant des siècles par tout cela. Et puis, heureusement que vous avez bien prévenu que le Dévoreur était en partie … responsable … l’autre partie, c’est vous, n’est-ce pas ? Autant l’avouer tout de suite. »

« Il n’y a pas besoin d’aveu, Elise. Puisque nous ne sommes pas des accusés mais des coupables. Il est vrai que c’est par notre faute, indirectement, que le Dévoreur a réagi ainsi et est devenu cette abomination. »

« Ne traitez pas d’abomination l’engeance a laquelle vous avez donné vie. »

Ils étaient vraiment tous très colériques, non ? Sérest et Séran s’observèrent. Au moins, cela prouvait que les liens unissant Tery, Elen et les autres n’étaient pas factices. Pour autant, il fallait accuser le coup à leurs propos.

« Le Dévoreur était un être démoniaque avant de porter ce nom. Mais vous raconter son histoire risque de prendre beaucoup de temps. »

« Et nous aimerions beaucoup voir notre petite-fille si possible. »

« Ça, ce n’est pas à nous de le décider. Il faut voir avec Elen et autant vous dire qu’elle n’est pas vraiment ravie de vous voir dans les parages. »

« Nous l’avions malheureusement remarqué, Sérest et moi mais… pouvez-vous nous guider jusqu’à sa tente ? Là-bas, nous tenterons de communiquer avec elle. »

« Humpf. Royan, je vais m’en charger, je dois leur parler sur le chemin. J’imagine que ça ne te dérange pas, hein ? »

Le jeune homme aux cheveux bleus haussa les épaules, comme si de rien n’était, incitant par là à ce qu’Elise fasse ce qu’elle estimait être bon. La femme aux cheveux auburn regarda les deux autres personnes, faisant un mouvement de la tête pour qu’ils se mettent à la suivre.

« Merci beaucoup, Elise. Sans toi, je ne sais pas ce que nous aurions fait. »

« Pas grand-chose. Et ne considérez pas cela comme un service. Je veux simplement le bonheur de cet enfant. Le plus tôt tout ira pour le mieux, mieux ce sera. »

Oui, cette phrase sonnait étrange maintenant qu’elle était en train de la prononcer mais elle n’était plus à ça près. Elle emmena les deux personnes jusqu’à une tente, la voix d’Elen se faisant aussitôt entendre :

« Je préfère éviter qu’ils ne rentrent. Ils ne méritent pas de voir l’enfant qu’ils ont tenté de tuer, Elise. »

« Laisse-leur une chance, Elen. Je sais à quel point la famille que l’on ne savait pas que l’on possédait peut être… problématique. »

« Je ne veux pas. Elle est en train de dormir et… »

« Elen, c’est justement le bon moment. Le fait qu’elle dorme, cela permet d’éviter qu’elle ne soit effrayée instinctivement par eux. »

L’argument était des plus saugrenus et malavisés vu que les deux personnes ciblées étaient juste à côté d’Elise et pourtant, celle-ci n’en n’avait cure. Si elle s’exprimait de la sorte, c’était bien parce qu’elle considérait les deux êtres d’un air dédaigneux. Néanmoins, après quelques secondes, la voix d’Elen se fit entendre à nouveau :

« Qu’ils rentrent. Je ne préfère pas bouger pendant qu’elle dort. »

« Ne me remerciez pas. » chuchota à peine Elise en tournant le dos à Sérest et Séran, s’éloignant de la tente pendant qu’ils rentraient dans cette dernière.

Doucement mais sûrement, ils retrouvèrent Elen, couchée dans son lit, le bébé à quelques centimètres d’elle dans un lit spécialement fait pour lui. Endormi, le corps du bébé se soulevait à peine, Séran posant ses mains sur sa bouche comme pour se terre.

Elen haussa un sourcil avant de se rappeler que de ce qu’elle savait ,Sérest était la réincarnation d’Alzar tandis que Séran était celle de Zélisia. Ce qui voulait dire que visiblement, certaines émotions plus propres aux femmes qu’aux hommes étaient encore ancrées en Séran.

« Elle est magnifique, Elen. Comme ses parents. »

« Vos compliments… ne valent rien. Si vos propos étaient sincères, vous n’auriez… jamais fait cela et vous le savez. »

« Ce n’est pas aussi simple que ça. Toi et Tery… vous êtes tout ce que l’on désirait dans ce monde. Vous êtes… ce que nous voulions il y a de cela plusieurs siècles et millénaires. »

Qu’est-ce qu’ils voulaient par là ? Pourquoi est-ce qu’elle ne pouvait pas les croire ? Pourquoi est-ce qu’à ses yeux, tout cela n’était que du vent. Une petite partie d’elle… voulait les croire mais elle n’y arrivait pas. C’était encore trop difficile.

Chapitre 47 : Trop pour un seul homme

Chapitre 47  : Trop pour un seul homme

Il avait réussi à trouver le sommeil et cela était devenu récurent en fin de compte. Il avait du mal à le reconnaître mais en réalité, il dormait maintenant assez mal sans Manelena. Une fois, deux fois, puis après, elle avait décidé de venir tous les soirs avec plus ou moins de discrétion. De toute façon, ce n’était plus comme s’ils avaient besoin de se cacher.

Cela ne voulait pas dire que lui et Manelena en profitaient pour faire des choses que la décence ne pouvait décrire, même si cela arrivait de temps en temps. Non, il se servait de Manelena pour décompresser. Oui, il en avait fortement besoin. Besoin de quoi ? Besoin de sa présence à ses côtés.

Il deviendrait moins fou. Avec le Dévoreur, les Gnomolds, Krawnia, tout ce qui se passait, il avait la sensation que tout se cumulait sans qu’il ne puisse souffler. Il allait manquer d’air et finir par ne plus pouvoir se retenir. Sauf qu’en arrêtant de se retenir, il n’avait alors aucune idée des conséquences qui allaient se produire.

Et en vue de ce qu’il avait fait subir à Manelena, il voulait absolument éviter que tout cela se reproduise. Hmm… Et Manelena qui le regardait avec attention alors qu’ils étaient tous les deux allongés dans sa couche. Elle ne disait pas un seul mot,, sachant qu’il était plongé dans ses pensées. Depuis quelques temps, ce n’était pas comme s’il ignorait la présence de Clari mais il faisait moins attention à sa présence.

« Tery, ce n’est pas que j’ai quelque chose contre notre position mais… »

« Oui, Manelena. Nous allons nous lever. Nous nous rapprochons de plus en plus de la surface. J’imagine que nous devrions y arriver dans la semaine qui arrive. »

Et après cette dernière phrase, il avait fini par se relever, comme si de rien n’était. Assis sur sa couche, il regarda Manelena faire de même puis se leva correctement pour enfiler une tenue décente pour le voyage.

« Lorsque nous serons à la surface, qu’est-ce que tu vas faire exactement, Tery ? »

« Reprendre le contact avec Elen, Elise et Royan. Mais aussi ma mère et tant d’autres personnes que je n’ai pas pu voir depuis combien de temps maintenant ? Ici, ils ne calculent pas forcément les jours de la même façon que nous, je crois. »

« Bien sûr que si. C’est plus difficile de deviner l’heure à cause des cristaux mais sinon, les démons calculent de la même façon que nous le nombre de journée dans la semaine. Et pareil pour le nombre d’heure. Simplement, ils ne se basent pas sur le soleil pour ça. »

« C’est vrai. Pfiou… Est-ce que la surface te manque, Manelena ? »

« Pas vraiment. Même si je pense au royaume de Shunter, je sais qu’il est entre de bonnes mains malgré mon absence donc bon… Et à part ça, mes relations n’existent pas vraiment. »

« Tu as quand même Royan, Elen, ma mère ou mes grands-parents. Il y a aussi Ernold, non ? Tu ne l’as pas oublié, lui, non ? »

« Ce n’est pas une question d’oubli. Simplement, une connaissance ne veut pas dire que c’est une relation. Tes grands-parents, cela reste ta famille à toi. Je les connais, je les apprécie mais ça ne veut pas dire qu’ils me manquent réellement. »

« Alors, qu’est-ce qui te manque à la surface ? »

« Rien du tout, je viens de te le dire. J’ai déjà ce que je veux sous la surface. Je ne vois pas pourquoi je m’inquiéterais alors de ce qui se trouve en haut. Mais bon, j’imagine que ne pas voir le soleil, au bout d’un moment, doit paraître très lassant. Il faudra faire attention à ne pas finir aveuglé hein ? Surtout après tout ce temps. »

Il alla lui répliquer que ce n’était pas grave du tout, loin de là puisqu’en même temps, ce n’était pas la première fois qu’il était remonté à la surface. Par contre, il était vrai qu’il avait fallu plusieurs minutes pour que sa vue s’adapte à nouveau à la lumière naturelle du soleil.

Hors de la tente, aucun regard moqueur de la part des soldats. C’était maintenant de notoriété presque publique cette histoire avec Manelena. En plus, ce n’était pas comme s’il se pavanaient. Il y avait quelques traits d’humour de Manelena envers lui et inversement, mais sinon, ils étaient très professionnels.

Même Héraisty, qui était considérée comme la plus proche du duo parmi l’armée, ne semblait pas dérangée par leur comportement. C’était vrai. Il se rendait anxieux et malade comme à son habitude. Mais comment pouvait-il faire comme si de rien n’était ? Il ne s’était jamais considéré comme un héros… mais en même temps, c’était lui qui était derrière de nombreux problèmes dans le monde. En fait, il était même plutôt l’antagoniste dans ce monde.

L’ennemi qui avait tellement de tort que tous et toutes voulaient sa mort. Oui, dit comme ça, ça sonnait presque plus correct que tout le reste. Ah… Bah… Même s’il était devenu un démon, enfin, il l’était déjà à la base. Bref, avec tout ça, il ne lui restait plus qu’à accomplir ce qu’il désirait. Peut-être qu’en se mettant un peu de plomb dans la cervelle, cela changerait ? Il avait la sensation d’être toujours ennuyé par les mêmes choses..

« À quoi est-ce que tu peux penser dans cette petite caboche, Tery ? »

« Hmm… Si tu le savais, je pense sincèrement que tu serais très effrayée, Manelenea. »

« Ah oui ? Tiens donc, en voilà une surprise à entendre. Qu’est-ce qui pourrait me faire aussi peur que ça, venant de ta part ? »

« Les pensées sinistres et obscures sont vraiment très intéressantes, tu sais ? »

« Et mon poing dans ta figure ne cherche qu’à attendre de s’y nicher, Tery. C’est quoi d’autre qui vient te déranger maintenant ? »

« Les gnomolds, même si ça fait déjà quelques temps. Je cherche à essayer d’imaginer la situation à la surface par rapport à eux. À quel point est-ce que tout cela a dégénéré ? Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? »

« Tu ne peux pas être partout et omniscient, Tery. Ce qui se passe hors de ton rayon d’action, ce n’est pas à toi de le gérer. »

« Facile à dire, Manelena mais en tant que reine de Shunter, tu te dois de pourtant réagir si quelque chose arrive dans ton royaume, non ? »

« Tu devrais pourtant te foutre dans le crâne la différence de position entre toi et moi hein ? Je suis peut-être reine de Shunter mais toi, quelle est ta position dans ce monde ? »

Sa… position dans le monde ? Il la regarda en écarquillant les yeux, pas vraiment certain de comprendre.. Mais en voyant les yeux rouges qui l’étudiaient avec une certaine furie, il déglutit légèrement, préférant attendre qu’elle reprenne la parole :

« Tu n’es rien du tout.. Peut-être que tes grands-parents sont des nobles d’Omnosmos mais ta mère a abandonné son titre en partant au village de Leskar. Tu n’es donc qu’un simple paysan comme tant d’autres dans d’innombrables villages de toutes les races d’Omnosmos. »

« Au moins, comme ça, je suis au courant de ma propre incapacité. »

« C’est comme ça que tu es perçu par la quasi-totalité de ce monde alors non, tu n’as pas à t’en faire de ce qu’un tel pense ou non. Tu n’as pas à les satisfaire ou à les rendre heureux. Tu n’as pas à te prétendre pour ce que tu n’es pas. De toute façon, il faut être honnête, tu n’es pas taillé pour être un héros. »

Encore et toujours quelque chose de plaisant à entendre. Il se recroquevillait bien sur place. Qu’est-ce qu’il faisait ici ? D’après les dires de Manelena, il n’avait clairement pas sa place en ces lieux… et pourtant, il faisait comme si c’était le cas.

« Mais voilà, pour les personnes qui te connaisses, avoir de tes nouvelles est une bonne chose. Nous sommes peut-être peu nombreux mais la qualité dépasse la quantité. Il vaut mieux avoir une personne en qui tu as entièrement confiance que mille étrangers prêts à t’abandonner dès le moindre désagrément. »

« Oui… .Enfin, cela ne change rien au fait que selon toi, je ne suis pas vraiment un héros non plus ? J’ai bien compris que.. »

« Tu n’es pas un héros pour ce monde. Tu l’es aux yeux de quelques personnes. Les gens qui t’idolâtrent et t’apprécient seulement pour ce que tu as fait ne mérite pas ton attention et ton inquiétude, loin de là. Raaaah ! Je te hais de forcer à me le dire ! Pour la peine… »

Elle rapprocha sa bouche de son oreille gauche, faisant frémir légèrement le jeune homme aux cheveux bruns. Celui-ci hoqueta doucement de surprise alors qu’elle murmurait :

« À mes yeux, tu es mon héros. Tu m’as permis de me libérer de ces chaînes qui me reliaient à mon père et pour ça… tu es bien plus important quiconque dans ce monde à mes yeux. »

« Vraiment ? Je… Je le sais bien mais… À chaque fois, j’ai l’impression que mes actions plongent un peu plus le monde dans le pétrin. »

« Oh, il y a des chances que ça soit le cas mais est-ce vraiment le but que tu recherchais ? Est-ce que c’est cela que tu désirais ? Bien entendu, tu pourrais tout arrêter mais est-ce que tu le veux vraiment ? Est-ce que tu penses que c’est la solution ? »

« Des fois, je voudrais bien me dire que ça serait la meilleure chose à faire mais… »

« Tu sais aussi bien que moi que ce n’est pas le cas. Il faut juste que tu décides d’un but final au lieu de te laisser porter par les évènements. Que tu te dises : « Après ça,, je raccroche et je vais mener une vie tranquille. »

« Hahaha, cela ne sera pas possible pour toi. Tu es reine de Shunter. À partir de là, je ne crois pas qu’il y ait une possibilité pour toi, n’est-ce pas ? Enfin que tu te reposes. »

« Hmm ? Je dirais que ce que je vis actuellement est ma session de repos. Donc bon, rien ne m’empêchera de recommencer plus tard. »

Mais lui ? Maintenant qu’elle le disait, il pouvait peut-être voir son but final. La dernière chose qu’il ferait avant d’arrêter tout ça ? De raccrocher ? Est-ce qu’il en serait vraiment capable ? Maintenant qu’elle avait lancé le sujet, il était concentré sur tout ça.

« Eh bien ? Tu as l’air vraiment absorbé dans tes pensées, Tery. »

« Je suis en train d’imaginer ce que je dois faire ou non maintenant… Qu’est-ce qui serait le mieux comme but ? »

« Je peux te donner une première piste : Elen. La retrouver, ça me semble déjà être un excellent but à atteindre, n’est-ce pas ? »

« Bien entendu, mais ce n’est pas que ça. Je ne peux pas partir en laissant toute derrière moi non plus. Je ne peux pas faire comme si le royaume démoniaque n’existait pas, comme si les Gnomolds ne voulaient pas ma mort, comme si avec le Dé… »

Il s’arrêta dans sers propos. Sans en avoir trop dit, il valait peut-être mieux ne pas le crier sur tous les toits. En même temps, tout le monde n’était pas forcément au courant par rapport à ce dernier. Cette partie assez sombre de l’histoire de ce monde était un secret trop important pour qu’il ne se mette à le hurler à tout-va.

« Bref, y a aussi la famille d’Elise dont il… »

« Ce n’est pas à toi de gérer ça. Pareil pour les gnomolds. En fait, le souci, c’est que tu t’attribues les problèmes des autres car tu es indirectement lié de loin. Je ne t’ai jamais demandé de t’occuper de mes soucis mais tu t’en mêles quand même.. »

« C’est vraiment la journée des reproches, aujourd’hui, n’est-ce pas ? »

« Il le faut bien puisque sinon tu risques encore de vouloir t’occuper du monde entier si je ne t’arrête pas. Et sincèrement, on a bien mieux à faire. Un but après l’autre. Puis un but final, il faut que tu te retiennes ça dans la tête. »

Elle se répétait mais lui-même avait la sensation que ça ne voulait pas rentrer dans son crâne. Pourquoi ça ? Pourquoi est-ce que ça ne voulait pas . Pourtant, ce n’était pas comme si c’était une chose impossible hein ? Qu’est-ce qui clochait avec lui pour qu’il soit incapable de raisonner comme le voudrait Manelena ?

« Heureusement que tu es là, Manelena. »

« Je le sais très bien, je me doute que tu aurais du mal à te débrouiller seul, sans moi. Mais que veux-tu que je te dise ? C’en est ainsi et pas autrement. »

Aucun ton supérieur, aucun ton fatigué. Elle considérait tout cela comme une certaine évidence indéniable, qu’elle ne cachait guère aux yeux de Tery. Celui-ci avait une légère moue mais ne reprit pas la parole.

« Tu devrais essayer de voir une chose positive dans tout ça, Tery. »

« Hein ? Euh… Donc, quelque chose de positif par rapport à ce qui m’entoure ? Hmm, je ne sais pas pourquoi mais j’ai la sensation ou l’impression que nous sommes de plus en plus proches d’Elen. Ce n’est peut-être qu’une question de jours en fin de compte. ; »

« Voilà, tu vois ? Une pensée positive et tout de suite, tu auras un sourire aux lèvres. »

« Je ne savais pas que tu étais apte à communiquer de la sorte, Manelena. C’est surprenant mais dans le bon sens. »

« Hmm ? Tu crois que je suis juste bonne à filer des roustes, c’est ça ? Tu n’as pas totalement tort sur le coup mais tu pourrais avoir de mauvaises surprises si tu ne fais pas attention, tu es maintenant prévenu. »

« Je le suis depuis déjà bien longtemps, ne t’en fait pas. »

Lui aussi ne changeait pas son ton par rapport à d’habitude. Il était juste là, en train de la regarder, avec juste le petit sourire au coin. Il était plutôt satisfait maintenant ! Avoir dit à voix haute qu’il pensait vraiment qu’ils allaient retrouver Elen lui avait mis un peu de baume au coeur. Dire qu’il suffisait juste de cela pour lui faire plaisir, hahaha.

« Tu es si pressé que ça de retrouver Elen, Tery ? »

« Bien sûr que oui, et surtout ma fille. Tu m’as souvent répété qu’Elen n’avait pas encore choisi son prénom. J’aurai accepté qu’importe ce qu’elle aurait choisi. Elle n’avait pas besoin d’attendre aussi longtemps, hein ? »

« C’est votre premier enfant, même pas annoncé ou prévu, j’imagine qu’elle n’a pas voulu gâcher vos retrouvailles avec un nom qui aurait pu ne pas te plaire. »

« Oui mais bon, c’est assez important qu’un enfant soit nommé rapidement. Et puis, si je n’étais jamais revenu, elle ne lui aurait jamais donné un prénom ? »

« Oh, de ce côté, tu n’as pas à t’en faire, je crois que je l’aurais forcée au cas où. Un enfant se doit porter un nom. Que ça soit pour lui ou pour son entourage. »

« Alors pourquoi tu n’as pas tenté de la convaincre de le faire tout de suite ? »

« Oh, pour une raison très simple. J’étais certaine que j’allais te ramener à elle. »

Et cela qu’importe la méthode utilisée, hein ? Elle n’avait pas dit cela explicitement mais il suffisait de voir son regard pour comprendre que c’était exactement ça.

Ah… Malgré tout ce qui s’était passé, Manelena cherchait quand même à rendre Elen heureuse et cela même en prenant en compte ce qu’ils avaient fait tous les deux dans la capitale mais aussi dans la tente.

Il avait beaucoup du mal à saisir comment marchait le comportement féminin mais peut-être que c’était mieux de ne pas se poser plus de questions à ce sujet. Ouais… Il n’y avait aucune chance de toute façon que Manelena lui réponde.

Mais… Savoir que Manelena n’avait pas pour but de faire souffrir Elen était une bonne chose. Oui, car en se rappelant, cela n’avait pas toujours été tout rose entre les deux femmes, on pouvait même considérer que cela était souvent explosif.

« Et je compte bien tenir ma promesse, Tery. »

« J’imagine que oui, quitte à m’attacher et à me prendre sur ton dos, c’est bien ça ? »

« Exactement. Encore que te porter sur mon dos serait fatigant. Je pense plus que j’irais te traîner derrière moi comme un vulgaire sac. »

« Ce n’est pas très sympathique mais en vue de la situation, j’imagine que tu ne peux pas mettre de gants lors de ces moments-là. »

« Oh que si. Des gants de métal qui peuvent aisément briser quelques membres pour être certain que tu ne puisses pas t’enfuir. Mais tu ne voudrais pas essayer hein ? »

« Je suis au regret de refuser cette proposition ma foi forte intéressante. »

Et il avait fait juste une petite inclinaison légèrement exagérée du corps pour bien confirmer ses propos. Dans tous les cas, le jeune homme aux cheveux bruns avait de bien plus belles idées en tête Rien que le fait de repenser à Elen et de savoir que Manelena l’épaulerait dans sa tâche, il était heureux d’apprendre cela.

Et vraiment, maintenant qu’il s’était fixé sur cette idée, il se sentait mieux. Il sentait qu’il allait finir par arriver à la retrouver. Avec le soutien de Manelena, ce n’était plus qu’une question de temps. Ils allaient retourner à la surface et ensuite, ça ne sera plus que des jours à compter pour trouver Elen.

Enfin… Il disait cela mais il espérait que ce n’était pas trop compliqué. RAH ! Non, il allait recommencer encore à se morfondre inutilement. Il en était hors de question ! Cela n’allait pas se passer de la sorte !

Au moins, pour l’occasion, Krawnia l’avait un peu lâché, ce qui était une bonne chose. Il pouvait souffler et ça lui faisait plutôt du bien toute cette histoire. Oh, il ne pensait pas que Krawnia avait peur de Manelena, non, il pensait plus qu’elle était en train de préparer une quelconque magouille du genre. Ouais, il allait quand même la surveiller par simple mesure de précaution. Il n’y avait pas de mal à faire ça.

Ailleurs, plus en hauteur bien que cela restait dans le monde souterrain, un autre groupe avançait peu à peu. Elen, accompagné d’Elise et Royan, gardait son enfant dans ses bras tout en marchant à pas rapide.

« Tu as l’air montée sur ressort, Elen. Qu’est-ce qui se passe ? »

« Je ne sais pas ! J’ai l’impression que Tery n’est plus trop loin. Je ne pourrais pas l’expliquer concrètement, hahaha ! Mais je sens qu’il est vraiment proche. »

« Proche à quel point aussi ? Car bon, ce n’est pas comme si nous étions proches d’un village, tu sais ? Il ne faut pas non plus trop rêver. »

« Hmm… Je ne pourrais pas le dire. Je crois que c’est l’instinct ! »

L’instinct ? La femme aux cheveux auburn haussa un sourcil, comme si elle ne s’était pas attendue à une telle réponse. Enfin bon… ce n’était pas la première fois qu’Elen avait quelques paroles qui pouvaient la rendre « spéciale ». Enfin bon, on n’allait pas pouvoir remplacer Elen, surtout que celle-ci avait retrouvé des couleurs au fur et à mesure.

« Si ce n’est que ça, peut-être que nous pourrons avoir des informations à son sujet dans le prochain village. Hâtons-nous alors. »

Calme et stoïque, comme à son habitude, Royan avait alors donné une unique consigne aux gens proches de sa personne, l’ordre se transmettant très vite au reste de l’armée qui accéléré le pas suite à cette consigne.

« Encore ? Mais comment… »

« J’espérais vraiment ne pas tomber sur ça. Qu’est-ce qui leur prend à ces gnomolds ?! »

Un rapide constat avait plus ou moins permis de faire savoir que les décombres devant eux étaient dans cet état depuis déjà plusieurs jours. La réplique d’Elise en disait long : ce n’était pas le premier village qu’ils voyaient ainsi et il n’y avait aucun survivant. Les poils avaient très vite permis de deviner que les gnomolds étaient derrière tout ça.

« Les gnomolds ne nous facilitent vraiment pas la vie. »

« Ce n’est pas ceux que nous côtoyons mais des groupes qui descendent dans le monde souterrain pour attaquer les démons. Si nous les retrouvons, nous n’aurons aucune pitié envers eux. » répondit Elise après la petite remarque d’Elen.

« J’aurais préféré ne pas perdre de temps avec eux mais des fois, on ne nous laisse pas vraiment le choix. Essayons se faire un enterrement décent, n’est-ce pas, Elise ? »

Elle ne fit qu’un hochement de tête positif aux propos de Royan. Avec les capacités des démons, il suffisait de quelques charognards qui profitent de ce massacre pour créer de nouvelles sources de problèmes. Enterrer ce qui… restait du village, ce n’était qu’une solution éphémère mais cela était la meilleure chose qu’ils puissent faire à l’heure actuelle. Ah… Vraiment, rien de tout cela n’était bon.

Chapitre 46 : Un homme marié

Quatrième axe : L’Engeance du Dévoreur

Chapitre 46 : Un homme marié

Combien de temps cela faisait-il qu’il n’avait pas vu son enfant ? Dans les faits, il ne l’avait jamais vue en vrai. S’il avait revu Elen sur le champ de bataille, c’était déjà quelque chose mais ce n’était pas suffisant. Elle lui manquait mais surtout, il voulait voir enfin sa fille. Pouvoir la prendre dans ses bras et la bercer.


Il ne prétendait pas être le meilleur des pères, en fait, il valait mieux même ne pas commencer à juger ses qualités sur ce point mais… il ne pouvait pas être comme ce déchet qui lui qui avait servi de paternel dans le passé. Un père qui abandonnerait son enfant, voire même qui irait sacrifier ce dernier pour sa propre vie.

« Je devrais arrêter de penser à des choses aussi saugrenues. »

Il avait fini par ouvrir les yeux, étudiant la toile de la tente dans laquelle il se trouvait. Manelena n’était pas à côté de lui. Il ne pouvait pas se permettre de laisser se faire ça tout le temps. Même si les jugements d’autrui, pour le coup, il s’en fichait, surtout dans une nation où visiblement la polygamie était autorisée et…

Il ne s’était jamais posé la question par rapport à la monarchie de Shunter mais aussi des autres nations. Mais pourquoi est-ce qu’il s’intéressait maintenant à ça ? Ah… Peut-être à cause de Krawnia. Cette femme ailée et délurée était… vraiment trop excentrique et un peu trop insistante aussi. Il ne voyait pas comment se débarrasser de son côté « pot de colle ».

« Oooooh ! Tery ! Vous voilà donc enfin ! »

En parlant de cette personne, il en voyait maintenant les plumes. Du moins, les plumes d’un seul côté puisqu’elle possédait une aile comme celle des chauve-souris d’un autre côté. S’il elle n’était pas aussi… excentrique, elle pourrait être vraiment appréciable.

Mais autant ne pas se faire vraiment trop d’illusions à ce sujet. Bon, il vint lui demander ce qu’elle voulait… car elle avait sûrement ses raisons, n’est-ce pas ? Du moins, il espérait qu’elle en avait une bonne plutôt que de…

« Eh bien, tout d’abord, est-ce que vous avez remarqué que je cherche à vous vouvoyer ? J’ai compris que vous étiez quelqu’un d’important aussi dans ce groupe. D’ailleurs, qu’ils soient démons, de Shunter, Claudiska ou autres, on dirait que vous avez l’âme d’un leader-né, n’est-ce pas hein ? C’est génial ! »

« Hmm ? C’est juste pour me prévenir de ça ? Et me faire cette remarque ? Vraiment ? »

« Ooooh que non ! Pas du tout ! Hahaha ! J’avais aussi envie de vous voir ! Que je puisse graver dans ma mémoire chaque parcelle de votre visage ! »

« Est-ce que vous avez au moins la moindre idée de ce que vous êtes en train de dire ? »

« Bien sûr que oui. N’est-ce pas normal que de vouloir se rappeler du moindre détail de la personne que l’on admire et idolâtre ? Et plus encore ? »

« Il vaut mieux terminer cette conversation dès maintenant. »

« Mais pourquoi cela ? Vous n’aimez pas que je vous vouvoie ? Est-ce que tu préfères le tutoiement ? Nous sommes pareils, toi et moi ! »

Maintenant qu’il avait décidé de l’écouter, il voyait très bien à quel point cette femme était… tordue. Et pas dans le bon sens. Elle était effrayante et dangereuse. Rester trop longtemps auprès d’elle risquait d’emmener de sérieux problèmes dans le futur. Mais à côté, sa puissance rivalisait voire dépassait celle des démons. Pour réussir à cela, qu’est-ce qu’elle avait subi ? Qu’est-ce qui s’était passé ?

« On va rester sur le tutoiement puisque nous nous connaissons d’avant que je ne sois nommé à ce poste militaire. Mais sinon, nous sommes différents et il va falloir que tu comprennes cela. Nous ne sommes pas pareils. »

« Mais si mais si, je suis certaine que si. Simplement, vous ne voulez pas le voir et c’est normal puisque ceux autour de nous ne peuvent pas nous comprendre. »

Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle s’était rapprochée de lui, le regardant avec cette petite lueur de démence dans les yeux. Est-ce qu’elle comptait faire quelque chose de tordu ou sinistre ? Si tel était le cas, elle aurait une mauvaise surprise et…

Hein ? Une caresse sur les joues. Étrangement douce de la part de cette femme. Il cligna plusieurs fois pour comprendre réellement ce qui était en train de se passer. Il ne s’attendait pas à un tel geste, surtout de la part de Krawnia.

« Je pense que tu le comprendras le moment venu, hahaha ! Bon ! Il faut accomplir ce pour quoi nous sommes ici, n’est-ce pas ? »

Il s’apprêtait à lui répondre mais elle s’était déjà éloignée sans même attendre à ce qu’il n’ouvre la bouche pour ça. D’accord… Pfiou ! Elle n’avait rien fait de dangereux même si vraiment, le coup de cette caresse sur sa joue, ce n’était pas à quoi il s’attendait de sa part.

Pfiou. Il était peut-être plus exténué qu’il ne le pensait. Et pourtant, c’était encore la « matinée » si on pouvait dire ça comme ça. Avec ces cristaux illuminant le monde souterrain, ce n’était pas comme s’il était possible de réduite leurs éclats à l’état naturel.

« Qu’est-ce qu’elle te voulait, Tery ? T’as l’air chamboulé. »

« Oh… Manelena. Ce qu’elle me voulait ? Je crois que j’aimerais bien le savoir mais au final, j’en ai strictement aucune idée. »

« Si elle te pose un problème, tu n’as qu’à me le dire. Elle reste dangereuse puisqu’elle n’est pas vraiment contrôlable. Qu’est-ce qu’on a fait pour tomber sur une telle personne. »

« Je ne sais pas du tout. Disons que je ne m’attendais pas à ce qu’après tout ce temps, elle revienne vers moi. Et je peux juste te promettre qu’il ne s’est rien passé avec elle. »

« Tu n’as même pas besoin de me promettre une telle chose, c’est évident en te connaissant. »

« Est-ce que tu insinuerais un peu que je n’ai pas assez de cran pour ça ? »

« Plutôt que tu es ce qu’on appelle un herbivore. J’ai entendu ça à force d’être dans l’armée. C’est ce qu’on dit des hommes qui se laissent diriger par les femmes sans chercher à s’imposer face à elles. »

« Ce n’est pas totalement vrai et tu le sais très bien. Avec ce qui s’est passé quand nous étions dans la capitale, tu as très bien remarqué ce dont j’étais capable non ? »

« Tu restes un gentil petit mouton, Tery. Ce n’est pas parce que tu as décidé de mordre une seule fois que ça fait de toi un carnivore, désolée de ne pas être désolée à ce sujet. »

Il fait juste un petit rictus de dépit en l’écoutant. C’était exactement ça… mais il devait répliquer quelque chose quand même, non ? Ne pas se laisser faire !

« Si je suis un mouton, cela veut dire que tu es une renarde ? »

« Les renards attaquent les poules. Ce sont les loups qui s’attaquent aux moutons, petit Tery. »

Elle s’était placée à lui, accentuant sur le terme désignant sa taille. Par rapport à elle, il était vrai qu’il avait bien vingt centimètres de moins qu’elle mais ça ne voulait rien dire ! Il fit une légère moue avant de lui dire :

« Mais tu ne te plaignais pas du mouton, de ce que j’ai cru entendre hein ? »

C’était sa seule façon à lui de répliquer quand elle parlait ainsi. Pour autant, elle était comme amusée par ses propos tandis que lui-même cherchait à voir comment se sortir de là.. Malheureusement, rien d’autre ne lui arrivait au cerveau, l’incitant tout simplement à dire :

« Ah ben euh… Je t’ai cloué le bec, non ? »

« Hum, hum. Si tu as encore la volonté de parler de la sorte, c’est que tout va bien, non ? »

« Bien sûr, Manelena. » répondit-il sans vraiment saisir le sens de sa phrase.

Heureusement, pour le reste de la matinée, il n’avait pas été dérangé par Krawnia et à part les attaques de monstre, rien de plus n’avait été à noter. D’ailleurs, il avait oublié ce petit détail qui consistait au fait que plus ils remontaient vers la surface, « moins » les monstres étaient dangereux.

Comme une partie d’entre eux était des démons qui en avaient dévorés d’autres mais que ces démons n’étaient pas parmi les plus puissants à la base, alors la version monstrueuse et difforme n’était pas exceptionnellement fort. Du moins… plus à ses yeux maintenant. Il n’avait aucune idée si c’était à cause de son temps passé dans le monde souterrain ou alors parce qu’il connaissait ses origines ou alors parce qu’il avait Manelena à ses côtés. Il y avait tellement de raison mais aucune ne pouvait être confirmée.. Bon, un seul point était parfaitement visible : le massacre de monstre produit par Krawnia. Celle-ci n’avait aucune réticence à exterminer quiconque cherchait à le blesser, lui. Comme s’il avait un garde du corps un peu trop zélé. Qu’est-ce qu’il avait fait pour mériter ça ?

Bon, néanmoins, dans toute cette histoire, ce n’était que tout noir aussi. Malgré son comportement des plus singuliers, Krawnia restait une femme qui avait une certaine expérience dans le combat et cela, il ne fallait pas l’oublier.

Elle était plus qu’apte à se défendre et surtout à attaquer. Combien d’années avait-elle passé dans cette tour pour en arriver à ce stade ? Si elle avait été aimée normalement, dans une famille… hmm. En y pensant, il ne savait rien de la famille de Krawnia. Mais il avait la sensation que s’il posait la question, il n’allait pas obtenir la réponse qu’il désirait.

Alors, il valait mieux faire comme si de rien n’était et ignorer tout simplement ce qui se passait. Humpf… Par contre, il allait devoir expliquer certaines choses si Krawnia se montrait trop collante et insistante. Autant que le message soit bien clair.

Et il ne s’attendait pas à ce que cela arrive aussi vite en fin de compte. Quelques jours plus tard, alors qu’il allait se coucher dans sa tente, l’un des soldats qui gardait l’entrée de cette dernière lui signala que Krawnia voulait lui parler d’une chose urgente. Il avait été assez surpris par le ton mais avait accepté de la voir.

Pénétrant dans la tente, la femme de Claudiska était comme captivée par l’intérieur de celle-ci. Pourtant, il n’y avait pas de décoration ou autre. Non, c’était juste une tente un peu plus grande que les autres, avec plusieurs « pièces » puisque celle principale permettait alors d’avoir les différentes réunions avec les gradés de l’armée.

« Alors, Krawnia, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Qu’est-ce qu’il y avait de si urgent pour que tu viennes me voir alors qu’il est temps de dormir ? »

« Je n’en peux plus, Tery ! Je n’en peux plus ! »

« Hmm ? Mais de quoi est-ce que tu parles ? Tu es tremblante. Il y a un souci ? »

Ce n’était pas parce qu’elle était folle… qu’il allait ignorer la détresse de cette femme-ailée. Lui-même, qu’est-ce qu’il serait devenu si personne ne s’était occupé de lui ? Avec une pensée envers Manelena, il attendit que Krawnia prenne la parole à nouveau.

« Laissez-moi couver votre portée ! Vous méritez la plus grande des descendances ! »

« Hein que de quoi ? Attends un peu, j’ai l’impression d’avoir très mal entendu. »

« Je vais alors me répéter si ça ne vous dérange pas. Je veux que vous inséminiez mes œufs pour qu’ils puissent être fécondés et… »

« En fait, j’avais très bien entendu alors je vais t’arrêter tout de suite avant qu’il ne soit trop tard. Je ne vais pas faire ça et tu le sais très bien. »

« Si c’est au sujet de votre femme, vous n’avez pas à vous inquiéter. Nous parlons bien d’Elen, n’est-ce pas ? Si je ne me trompe pas de nom. »

« Tu ne vas pas mêler Elen à tout ça, compris ? C’est quoi cette idiotie maintenant ? Je peux savoir ce qui te prend de parler de ça ? »

« Je suis plus que sérieuse ! Je l’ai compris dès la première fois que je vous ai vu. »

« Ah oui ? Bref… Il vaut mieux que tu retournes te coucher. Je ne vais pas tromper ma femme avec une inconnue et surtout encore moins faire des enfants avec autrui. »

« Cela ne semble pas tellement vous déranger avec Manelena, n’est-ce pas ? »

Il eut un léger rictus, émettant un grognement de mécontentement. Si c’était une façon de tenter de la manipuler, il n’allait vraiment se mettre en colère. Il valait mieux qu’elle parte maintenant qu’il ne s’emporte.

« Vous savez, cela ne me dérange pas du tout d’être simplement une maîtresse. Mon seul désir est que vos descendants paraissent dans ce monde. »

« Et mon seul désir est que tu quittes la tente maintenant. Si tu continues ainsi, cela risque de dégénérer et il vaut mieux éviter que ça n’arrive, d’accord ? »

« Je vais alors vous souhaiter bonne nuit. Mais n’oubliez pas ma proposition, elle tiendra toujours ! Et mème si je ne suis pas aussi douée que Manelena, je veux quand mème tenter diverses choses. J’ai soif d’apprendre ! »

« Du balai… et dors bien. Par contre, ne t’avise plus de parler de ça. »

Et la voilà qui quittait enfin sa tente. Poussant un profond soupir, il se dirigea vers la pièce où il allait dormir. Le tissu était plus couvrant qu’ailleurs dans la tente, pour laisser place à plus d’intimité. D’ailleurs, il ne s’attendait pas à voir une femme aux cheveux argentés installée sur sa couche, léger sourire aux lèvres.

« Eh bien, tu en as mis du temps, Tery. »

« Manelena, pas toi quand mème ? Je vais t’avouer que je ne suis pas d’humeur. Tu es venue de quelle façon ? »

« Allons, allons. Tu ne penses pas que j’ai pris mes précautions par rapport à ta tente quand tu avais le dos tourné ? Je peux partir et venir quand je le désire, Tery. Bon… Qu’est-ce que tu attends pour venir prendre place à mes côtés ? »

Il était trop fatigué mentalement pour refuser ça. Venant s’asseoir non-loin de Manelena, celle-ci se redressa de la couche du jeune homme, lui disant :

« Je crois qu’elle est pas récupérable, Tery. Il y a des risques qu’elle pose de gros problèmes dans le futur si on ne l’arrête pas. »

« Mais qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Elle est puissante et je ne suis pas apte à vouloir tuer quelqu’un simplement car elle a un coup de folie. »

« Mème si toi, tu n’y arrives pas, si tu me le dis, je pourrais… »

« Je veux lui laisser une chance. Pas sur ce « point » mais sur le reste… »

Une chance de quoi ? Elle attendit qu’il continue sa phrase mais le jeune homme ferma les yeux, s’écroulant à côté d’elle. Elle ne bougea pas de sa position, sa main venant se placer sur le bras droit de Tery, reprenant la parole :

« Tu n’as vraiment pas très l’air loquace ce soir, Tery. »

« Qu’est-ce que tu veux que je te dise exactement ? Je… Enfin… Je ne veux pas m’imaginer faire à Krawnia ce que je ne voudrais pas que l’on me fasse alors que j’ai eu mes moments de folie, moi aussi. »

« Je vois maintenant pour quelle raison tu dis ça. Hmm… D’accord, Tery. Tu me laisses quand même un peu de place pour ce soir ? »

Ce n’était pas comme s’il avait vraiment le choix, n’est-ce pas ? Elle était juste en train de lui sourire alors qu’il se recroquevillait sur une partie de la couche. Néanmoins, elle ne semblait pas vouloir lui laisser vraiment la possibilité de s’en sortir aussi aisément.

Un bras passa autour de sa hanche et il se demandait si elle n’était pas en train d’inverser les choses entre eux. Ce n’était pas à lui de réagir de la sorte ? Car bon, sincèrement, ça ne se faisait pas, n’est-ce pas ? Du moins… pas de cette manière.

« Manelena, peut-être que dans le fond, il vaudrait mieux que… »

« Tu as besoin de souffler un peu, Tery. Tu es troublé et je suis certaine que les paroles de Krawnia t’ont troublé plus qu’il n’en faut. »

« Elle a quand même raison. Je suis vraiment faux-cul par rapport à Elen et il suffit de voir ce qui se passe en ce moment même entre nous deux. »

Pour toute réponse, elle rigola comme si elle n’était pas du tout dérangée par la situation. Pourtant, est-ce qu’elle se rendait compte qu’elle était une princesse ? Non, une reine ! Et qu’elle ne se comportait pas réellement comme il fallait ?

Mais d’un autre côté, Manelena n’était pas n’importe quelle reine. Maréchale donc ayant déjà dirigée une armée d’hommes et de femmes fidèles à ses ordres, elle savait comment se faire respecter. Ses décisions comme ses actes étaient reconnues de telle façon qu’elle n’avait aucune crainte à avoir ou presque.

Oui, si elle décidait qu’elle le voulait comme concubin et donc futur roi de Shunter, elle le pouvait, le peuple l’applaudirait. Surtout que maintenant, elle avait mis en place un régime qui correspondait plus comme celui de Traslord, avec un groupe politique pouvant prendre des décisions au nom de la reine sans qu’elle soit forcément derrière tout ça.

C’était plus ou moins l’idée première derrière la nomination d’Hémurion à ce poste si spécial mais surtout à être la « voix de la reine » pendant qu’elle n’était pas là. Ce n’était pas rien du tout ce qui était en train de se passer actuellement. D’ailleurs, il espérait qu’à la surface, tout était plus ou moins résolu de ce côté.

« Alors, qu’est-ce que tu comptes faire ? Me laisser poireauter et ne pas dormir ? »

« Si tu retires ta main, je peux mettre la mienne et on peut dormir. »

« Hmm, adjugé, vendu ! Fais attention à ne pas croire que tu peux m’avoir ! »

Ce n’était pas vraiment un jeu, hein ? Est-ce qu’elle s’en rendait compte ? Il la regarda juste avec un petit sourire alors qu’elle enlevait sa main de sa hanche. Comme promis, ce fût lui qui place la sienne au niveau de la hanche de la femme aux cheveux argentés. Il la regarda longuement, les yeux rubis de Manelena faisant de même, plongés dans les siens.

« Tery, tu sais qu’il est trop tard, de toute façon. Ce qui est fait… est fait. Mais si par malheur, Elen ne veut plus de toi… »

« Je le sais bien, Manelena. Tu seras là, pour moi. Comme tu l’as toujours été depuis que je t’ai « capturée ». Merci de ta présence à mes côtés. »

« Il y a pas de quoi. Je ne le fais pas pour n’importe qui, tu t’en doutes hein ? »

Il rigola à la dernière remarque de Manelena, rapprochant ses lèvres de celles de la reine de Shunter. Elle avait gardé les yeux ouverts alors qu’il l’embrassait brièvement. Elle se laissa faire quand il retira ses lèvres, le regardant avec tendresse.

« Eh bien, y a t-il une raison à un tel acte, Tery ? »

« Je crois que j’en avais simplement envie, est-ce que c’est suffisant comme condition ? »

« Je vais accepter cette raison. Elle me semble assez crédible. Dors bien. »

Marcher, combattre, dormir. Marcher, combattre, dormir. Cette vie était devenue assez monotone et pourtant, c’était bien celle qu’il avait acceptée. Encore qu’il était possible de se poser la question de la monotonie. Une vie comme la sienne était pourtant à mille lieux de celle d’un simple villageois de Leskar. S’il n’avait pas décidé de quitter un jour son village, il n’aurait sûrement jamais connu Elen, Manelena, Clari, tout le monde.

« Manelena, est-ce que tu crois… que si je ne m’étais pas engagé dans l’armée, nous nous serions rencontrés, toi et moi ? »

« Avec des si, on refait le monde, Tery. Cela ne sert à rien de regretter ce qui s’est déroulé dans le passé. Tu peux juste aller de l’avant. C’est grâce à toi que j’ai réussi. Allez, tu dois dormir. En tentant de discuter de la sorte, tu n’arriveras pas à trouver le sommeil. »

Et comme pour l’inciter à sombrer avec elle, elle se nicha contre son torse. Pourquoi pensait-il autant à ça dans ces moments-là ? Il avait l’impression de refaire toujours et encore la même chose, sans même chercher à se confronter à combattre cette lassitude. Est-ce qu’il avait tellement soif d’aller plus loin, de dépasser les limites ?
Dans le fond, est-ce que retrouver Elen était vraiment la finalité de toute son histoire ? Et ensuite ? Il y avait son… lien avec le Dévoreur. Il y avait aussi la noblesse démoniaque souterrain. Il y avait aussi les soucis liés à la surface. Est-ce que c’était… vraiment à lui de gérer ça ? Plongé dans ses pensées, il finit par enfin trouver le sommeil.

Chapitre 45 : Des lettres pour l’Empereur

Chapitre 45 : Des lettres pour l’Empereur

Les jours passèrent et il allait mieux au fur et à mesure. Bon, Krawnia était à nouveau collée à lui, cela n’avait malheureusement pas trop duré cet instant de paix mais… au moins, elle ne semblait pas trop vouloir tenter des approches un peu trop… insistantes.

Avec tout ça, il avait décidé définitivement de mettre de côté l’histoire des Gnomolds. De toute façon, tant qu’il n’avait pas de possibilités de discuter avec des gnomolds qui en connaissaient autant voire plus que celui qu’il avait rencontré, autant dire que ça ne servirait à rien de continuer à y réfléchir.

Mais ces détails, il avait décidé d’envoyer une lettre à l’empereur Malark. Malheureusement, contrairement au système d’envoi à la surface, il fallait juste reconnaître que celui des démons était encore à « l’ancienne ». Un messager, que ça soit sur une monture ou non, allait emmener la lettre.

« Il ne sera pas de retour avant une ou deux semaines. »


Cela avait été la remarque d’Héraisty lorsque le messager était parti. Il avait donc évoqué l’histoire des gnomolds et cherchait à savoir si l’empereur en connaissait plus à ce sujet. Même s’il ne s’attendait pas à grand-chose, il espérait quand même obtenir un tout petit plus d’informations à ce sujet.

Néanmoins, pour s’occuper, il avait prévu quelques chasses des créatures dans les alentours. Comme toujours, dès qu’il s’agissait de chasser, il préférait demander aux démons de l’armée si la créature qu’ils venaient d’abattre était un ancien démon ou non. Pour éviter ce souci de chair démoniaque et autre car même lui avait encore beaucoup de mal à comprendre exactement comment ça marchait. Cela parlait de brûler la chair du démon pour que ses pouvoirs disparaissent. Mais était-ce confirmé que cela fonctionnait de la sorte ? Mais si la chair était touchée mais pas le muscle, est-ce que ça marchait quand même ?


Beaucoup de questions, avec des points de vue théoriques, car en les posant à Héraisty, elle lui avait dit qu’elle ne connaissait pas la réponse. Par contre, écrire des lettres pour l’Empereur lui rappelait quelques petits souvenirs liés à Elen. Ah… Vraiment, il avait plus qu’envie de la revoir et de l’étreindre.

« Petite question, Tery. Nous montons de plus en plus. Nous devrions être proches de la surface, non ? Même si ce n’est pas toi qui nous conduit directement, tu as sûrement une petite idée à ce sujet, non ? »

« Hmm… Euh… Plus ou moins, je dirais. Je ne dis pas que nous serons arrivés dans un laps de temps assez court mais… dans les jours qui suivent, peut-être deux semaines au grand maximum. Mais pourquoi cette question ? »

« Car nous avons quand même un peu dérivé de notre chemin initial avec tout ce qui s’est passé. Et comme nous prenons bien plus de précautions maintenant, je voulais simplement me renseigner à ce sujet, rien de plus. »

« J’espère donc que mes réponses te sont satisfaisantes, Manelena. Je ne suis pas certain de pouvoir t’aider plus. Je ne suis pas celui qui connaît plus ou moins le chemin. »

« Je m’en doute mais ce n’est pas la première fois que tu montes et descends donc à force, tu dois quand même avoir un peu l’habitude. C’est bien toi qui a appris d’Héraisty au sujet des cristaux qui changent de couleur suivant la hauteur dans les souterrains. »

« C’est vrai. Mais en même temps, je ne peux pas confirmer si tout cela est vrai ou non. »

« Héraisty n’a aucune raison de te mentir. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’elle ne peut pas se tromper, loin de là. »

Il hocha la tête aux propos de Manelena, montrant par là qu’il comprenait ce qu’elle voulait dire. En même temps, Héraisty n’était pas la seule à les guider ceux qui indiquaient la marche à suivre parmi les démons, utilisaient aussi les cristaux comme repères.


Mais personne n’était parfait et il y avait sûrement une possibilité de prendre des chemins moins compliqués. Pour autant, le jeune homme aux cheveux bruns ne fit aucune remarque à ce sujet. Il était maintenant concentré sur la lettre qu’il avait envoyée au monarque. Comme ils allaient devoir attendre plusieurs voire semaines, il n’était pas certain qu’ils seront encore sous la surface lorsqu’il aura une réponse de sa part.

« Et si ça doit arriver… Ah… J’imagine qu’il va falloir me débrouiller seul. »

« Te débrouiller seul ? De quoi est-ce que tu parles à voix haute, Tery ? »

« Juste par rapport à ce que l’on va devoir faire en attendant la lettre de l’empereur Malark. »

« Hmm ? Mais justement, nous avions dit qu’on allait tout simplement gérer tout cela calmement, non ? En continuant de progresser. Qu’est-ce que je dois faire pour que tu penses à autre chose ? Et non, je te préviens, pas en public. »

« Qu’est-ce que … De quoi est-ce que tu parles ?! »

Aucune réponse de la part de l’intéressée. Seul un sourire était présent sur ses lèvres puisqu’elle ne portait pas son casque sur le moment. Brrr, il n’était pas vraiment certain de vouloir vraiment comprendre ce qui se passait.

Mais avec tout ça, pour quelques heures, il allait avoir l’esprit ailleurs. Ignorant bien le regard mauvais que Krawnia lançait à Manelena, il restait quand même sur ses gardes par rapport à la femme ailée. Si elle s’en prenait à Manelena, il allait pas vraiment le supporter… car il n’avait aucune possibilité de savoir si Manelena arriverait à tenir face à Krawnia. Manelena avait beaucoup d’expérience en combat mais Krawnia….

Non. Manelena possédait les lignes d’Alzar, il ne fallait pas l’oublier. C’est vrai que c’était devenu très commun, vu que tous les démons se basaient sur ça dans le monde souterrain mais à la surface, les lignes d’Alzar sur les différentes races restait quand même un phénomène assez rare. Il ne fallait pas l’oublier.

« Bon… Dans tous les cas maintenant, avec tout ça, nous avons encore de quoi faire. »

« Comme tu dis, Manelena. Ah… J’espère qu’elles vont bien. »

Oui, en se focalisant un peu sur Elen et Elise, cela sera plus facile. En se disant qu’il allait bientôt les revoir, il ne savait pas quand exactement, peut-être qu’il pourrait alors se concentrer pour arriver le plus rapidement à la surface.

Et même en étant à la surface, cela prendra un peu de temps pour envoyer du courrier et obtenir une réponse. Car oui, même avec les enveloppes volantes, il restait une chance qu’elles ne soient pas à la surface. Il pourra toujours écrire à sa mère, elle avait des nouvelles à lui donner aussi de son côté.

Avec tout ça, il se sentait un peu ragaillardi et en pensant aussi à ses grands-parents, il se disait qu’il y avait au final beaucoup de monde qu’il aimerait revoir à la surface. Enfin, sa priorité restait quand même Elen. D’ailleurs, comment expliquer concrètement au sujet de Clari ? La femme-golem était toujours aussi discrète, malgré son apparence. D’un autre côté, maintenant qu’ils étaient sortis de la capitale démoniaque et que lui-même avait Manelena à ses côtés, elle se faisait moins présente.
Elle avait été là, contre les gnomolds, en utilisant ses capacités et son corps fait de cette pierre de couleur noire, l’onyx. Sa résistance était telle qu’elle n’avait tout simplement reçu aucune « blessure » sur son corps. C’était un terme un peu étrange à décrire puisqu’elle ne pouvait plus être blessée par des moyens conventionnels.

Mais c’était réellement Clari et ça il ne pouvait pas se le retirer de la tête. Même si elle n’était pas exactement comme avant… c’était celle qu’il avait connue. Celle qu’il pouvait ouvertement appelé grande sœur sans aucune honte.

De quoi devrait-il avoir honte de toute façon ? Elle lui avait sauvé la vie à l’époque. Oui, cela commençait à remonter à plusieurs années mais le souvenir était encore frais dans sa mémoire. Hmm… Peut-être qu’un jour, il fera son deuil et…

À qui il ferait croire ça ? Il suffisait de voir qu’il avait donné vie à un golem ressemblant exactement à Clari pou comprendre qu’il ne le fera jamais. Pas de cette façon… Il n’avait toujours aucune idée de comment il avait réussi ce tour de force.

Oui… car cela tenait du domaine du miracle. Un miracle auquel il avait donné « vie ». Même si le terme pouvait paraître déplacé dans une telle utilisation. Enfin, dans tous les cas, le jeune homme aux cheveux bruns était satisfait de la tournure des évènements et il n’allait pas s’en plaindre.

Oui… S’en plaindre. C’était le bon terme encore une fois. Même s’il pouvait être pris pour un fou, il comprenait un peu le Dévoreur sur le coup. Avoir perdu un être que l’on aimait profondément et… Tiens, pourquoi est-ce qu’il pensait à lui maintenant ?

Non, non, il devait tout de suite arrêter. Cela allait très mal se finir s’il ne faisait pas attention. Il ne pouvait pas retomber dans ces travers, loin de là. Brrr ! Vivement qu’il retrouve celle qui était la plus chère à son coeur et il ne se posera alors plus de questions de la sorte. Il espérait vraiment avoir Elen en face de lui très bientôt. Il allait devoir s’excuser sur de nombreux points et aussi parler pendant longtemps, très longtemps. Il n’avait pas eu la possibilité de s’expliquer la dernière fois … comme tant de fois d’ailleurs. S’il avait pu, peut-être que tout cela ne serait jamais arrivé.

« Eh bien, si on m’avait dit que ce projet irait aussi vie, je ne suis pas certaine que je l’aurais cru. Et même maintenant, j’ai encore du mal. »

« Et pourtant, Elen, c’est bien ce qui est en train de se produire devant nos yeux. Tout le monde met la main à la pâte et c’est vraiment une chose merveilleuse. Je suis certaine que cette idée est excellente. Comme ça sera un tunnel non connu de la surface mais aussi des démons, nous avons donc un chemin secret. Pour combien de temps ? Cela sera difficile à savoir, il faudra sûrement le camoufler. Mais néanmoins, pas de poste de garde au service d’un membre de la noblesse ou de la famille royale, hahaha. »

« Elise, je tiens à te rappeler que tu es membre de la famille royale donc indirectement, ce nouveau tunnel sera plus ou moins géré par toi ou les personnes qui te suivent. »

« Merci de me briser mes petits rêves, Elen. C’est très sympathique de ta part. Plus sérieusement, ils ne doivent pas se douter un seul instant de ce que l’on fait exactement et c’est ça qui est vraiment une excellente chose. »

« Nous sommes assez discrets de notre côté ce qui est mieux, oui. Mais pendant combien de temps ? Je ne voudrais pas être pessimiste mais… »

« Tu n’as pas à l’être. Nous avons plus ou moins camouflés nos travaux. Il faudrait vraiment se concentrer sur la zone pour les trouver. »

« Et ce n’est pas ce qu’ils risquent de faire justement ? C’est plutôt problématique. »

« Oui et non, Elen. Encore une fois, j’ai pris mes précautions. Je ne veux pas qu’ils le repèrent donc pour cela, ils devront faire pas mal d’efforts pour y arriver. »

Elise était vraiment convaincue par son projet et Elen poussa un léger soupir. Peut-être que c’était elle le souci pour l’occasion. Elle s’en faisait plus que nécessaire… et ce n’était pas bon, loin de là. Elle prit une respiration plus forte que les autres avant de lui sourire :

« Si tu es certaine de ton coup, tant mieux alors. S’il le faut, de toute façon, tu sais où me trouver, d’accord ? Je vais aller voir ma fille. »

« Nous pouvons être deux pour l’occasion. Royan est en train de superviser le tout. Il doit quand même montrer qu’il est le roi de Traslord même si là, il est plus en train de jouer les apprentis chefs de chantier. »

« Peut-être une reconversion future, Elise ? Qui sait ce que l’avenir lui réserve ? »

« Ne va pas lui dire ça, il serait capable de le prendre au sérieux. Je sens qu’il a envie de faire comme Manelena : avoir une vie en-dehors de la royauté. C’est d’ailleurs pour ça qu’il est avec moi, hahaha ! Non pas à cause de mon sang royal ! »

Elen ne répondit pas à Elise. Elle ne pouvait pas lui donner tort sur le coup. Que ça soit Manelena ou Royan, l’un comme l’autre, leur sang royal n’avait pas autant d’importance que pour beaucoup d’autres monarques. Oui, contrairement à la majorité des nobles, ils voyaient tout cela d’une bien autre façon. Une façon bien plus plaisante.

« Je vais aller retrouver mon prince royal à moi, enfin roi maintenant. »

« Fais donc Elise. Fais donc. » déclara Elen d’un petit mouvement de la main comme pour l’inciter à y aller dès maintenant alors qu’elle-même, tout sourire, était juste en train de prendre le chemin qui la mènerait à sa fille.

Ah… Sa fille… ou plutôt leur fille… à elle et Tery. Sauf que Tery ne pouvait même pas la prendre dans ses bras. Même si ce n’était pas vraiment un secret, le fait qu’elle ne puisse pas avoir le jeune homme auprès d’elle après tout ce temps commençait vraiment à lui travailler le mental. Elle espérait que tout soit résolu rapidement.

Mais l’espoir faisait peut-être vivre mais ce n’était pas ça qui allait ramener Tery plus rapidement à ses côtés. Elle le savait bien et ça lui dévorait le crâne. Elle n’allait pas devenir folle, loin de là. Depuis le jour où il l’avait plantée… à cause de ses sombres pensées et de cette manipulation par cette voix étrange, elle avait compris.

Elle avait compris que même en aimant autant Tery, elle ne pouvait pas réagir de la sorte. Mais elle n’était pas stupide. Elle avait parfaitement compris ce qui risquait de se passer avec Manelena auprès de Tery mais… elle ne pouvait pas y faire grand-chose. Qu’importe ce qu’elle tentait, tant qu’elle n’avait pas Tery à ses côtés, elle ne pouvait qu’être spectatrice.

Et si ça devait arriver ? Et si c’était déjà arrivé ? Comment devait-elle réagir ? Hurler dessus comme une damnée ? Une démone ? Qu’est-ce que cela changerait puisque la situation s’était déjà produite ? Comment ? Est-ce qu’elle devait lui pardonner alors qu’elle-même n’avait jamais eu d’écart ? Et s’il y avait eu un écart, combien de fois ?

Et s’il trouvait une excuse ? Et ensuite ? Comment faire ? Faire comme si de rien n’était ? Regarder Manelena continuer à tourner autour de Tery ? Et s’ils retombaient dans ses travers ? Que dans son dos, ils continuaient à se voir ? Voilà toutes les questions qui lui traversaient l’esprit à cet instant précis.

Elle était sûrement irrécupérable, elle s’en doutait mais… ce n’était pas non plus tout de sa faute hein ? Ah … Pourquoi est-ce qu’il n’était pas possible de s’envoyer de courriers ici ? Pourquoi est-ce que les lettres volantes ne fonctionnaient pas ici ? Avec elles, tout aurait été bien plus simple. Elle se rappelait de l’époque où encore, elle n’avait pas compris la portée de ses sentiments envers Tery.

Oui. Elle se rappelait de cette image qu’elle avait envoyé au jeune homme avec ce fameux miroir. Son premier moment où elle s’était considérée comme coquette. Elle en avait encore un peu le rouge aux joues rien qu’en y repensant, hahaha. Voilà, elle se sentait un peu mieux. Les souvenirs d’antan lui faisaient du bien.

Et elle savait qu’elle allait le retrouver un jour. En continuant de se fixer cela comme objectif, elle était convaincue qu’ils pourront un jour tout simplement couler des jours heureux. Pas d’aventure à l’horizon, pas de créature monstrueuse à affronter, pas de royaume à combattre. Tout cela sera derrière eux. Et derrière eux, il n’y aura alors pas besoin d’y jeter un œil.

« Qu’il me tarde de te la montrer pour qu’on lui donne un nom. »

Oui, elle le savait parfaitement. C’était plus qu’absurde de ne pas avoir donner de nom à cet enfant qui avait déjà dépassé sa première année. Sa fille comprenait déjà quelques mots, elle poussait des petits cris mais elle était heureuse et silencieuse pendant la nuit. Ce qui pouvait être étrange pour un enfant de cet âge.

Est-ce qu’elle en faisait trop pour elle ? Ou pas assez ? Cela dépendait sûrement du point de vue, elle en était certaine mais… en un sens, il y avait vraiment un souci. C’était le fait qu’elle se comporte de la sorte alors qu’il valait mieux pour l’enfant qu’il ait de l’amour et de l’affection tout autour de lui.

Pensée absurde. Sa fille était aimée et choyée. La question ne se posait même pas en fin de compte. Que ça soit par elle ou par sa grand-mère. D’ailleurs, les grands-parents de Tery seront sûrement ravis de la voir dès qu’elle pourra la leur montrer.

Elle ne savait pas pourquoi mais elle avait la sensation qu’une certaine vieille dame serait complètement folle de joie de voir son arrière petite-fille. Oui, elle lui avait fait une bonne impression à chaque fois qu’elle l’avait vue et elle avait d’ailleurs compris que dans la famille Vanian, les femmes étaient très souvent fortes en terme de caractère.

D’ailleurs, c’était aussi en partie pour ça qu’elle devait redoubler d’efforts. Pour être à la hauteur de toutes les femmes de cette famille. En montrant ce dont elle était capable, elle serait alors plus qu’apte à représenter la famille Vanian. Le rouge vint parcourir ses joues. Dans les faits, c’était vrai que Tery et elle n’étaient pas mariés mais cela sera très vite réglé lorsque la situation sera stabilisée, héhéhé.

« Tu es vraiment si mignonne, tu le sais ? »

Peu à peu, sur le sommet du crâne de l’enfant, il était possible de voir quelques reflets blonds, comme sa mère. Si ce n’était pas la preuve la plus concrète qu’elle était bien sa fille, elle ne voyait pas ce qui pouvait le prouver alors. Enfin bon, la mère, c’était certaine. Le père ? La question ne se posait même pas. Elle n’avait fait la chose qu’avec lui, maintes fois, encore et encore.

D’ailleurs, c’était peut-être pour cela qu’elle avait porté son enfant aussi rapidement. Ils s’étaient plus ou moins comportés comme des bêtes, non pas sauvages mais disons… qu’il n’y avait jamais eu de retenue ou presque. Hmm … Ah … Elle plaça doucement un doigt sur la joue de sa fille endormie.

« Vraiment si mignonne. Tu es à croquer, mon amour. »

Un amour de petit bout de chou. Elle déposa brièvement un baiser sur la joue du bambin. Ils n’étaient qu’en début d’après-midi mais elle allait éviter de faire une sieste. Depuis la naissance de l’enfant, ça lui arrivait un peu plus souvent car il fallait bien qu’elle récupère des nuits où l’enfant se réveillait.

Heureusement, à l’époque, elle avait eu la mère de Tery avec elle mais elle ne pouvait pas toujours compter sur elle non plus. Cela ne pouvait pas être aussi simple que ça hein ? Du moins, pas de cette manière non plus. Mais là, l’enfant était au calme et bien sage. De toute façon, il y avait toujours quelqu’un pour la surveiller.

Car oui, même si c’était assez étrange, les femmes des différentes races dans leur groupe semblaient adorer la petite demoiselle. Peut-être était-ce l’instinct maternel qui primait ou alors autre chose qu’elle n’arrivait pas à expliquer mais elle avait la sensation que toutes considéraient l’enfant comme un trésor sacré.

C’était assez saugrenu à bien y réfléchir mais elle n’allait pas s’attarder sur ça, hahaha. En fait, elle préférait même ne pas trop y penser. Elle allait juste se contenter de se dire que chacune était heureuse de pouvoir lui rendre ce service. Oh, bien entendu, elle avait quand même pris des précautions pour éviter des gestes malheureux.

Il s’agissait de quelques mesures de sécurité pour être certaine que son enfant était entre de bonnes mains. Est-ce qu’elle faisait une erreur ? Oui et non. Elise avait voulu la rassurer en lui disant que tout le monde dans ce groupe voulait oeuvrer pour un but commun. De même, elle aussi comprenait parfaitement le fait que le bébé de Tery et Elen avait quelque chose d’assez exceptionnel sans forcément réussir à expliquer quoi exactement.

« Je me demande si c’est à cause de ses origines ou non. » chuchota doucement la femme aux cheveux blonds, songeuse à cette idée.

Tery était un être à moitié démoniaque. Elle-même était issue… de deux divinités. Enfin, deux êtres aux capacités exceptionnelles. Cela devait sûrement influencer d’une manière ou d’une autre, non ? Même si elle ne savait pas trop comment et de quelle façon.

C’était le genre de choses qui ne pouvait sûrement pas être étudiée d’un claquement de doigts. Enfin, avec tout ça, elle devait aller retourner voir Elise et Royan. Même si elle n’était pas totalement rassurée par l’avancée du projet, ça ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas soutenir ce dernier.

Revenant auprès du couple royal, puisqu’on pouvait les considérer tous les deux ainsi, elle vint apporter sa pierre à l’édifice, commençant à user de ses capacités magiques pour épauler ceux qui travaillaient. Dans ces moments-là, elle regrettait doublement Tery. Déjà par son absence de présence mais aussi par le fait qu’avec sa capacité à créer des golems, il serait d’une utilité bien plus grande qu’elle. Autant dire qu’elle regrettait la main d’oeuvre que Tery pouvait emmener avec lui. Une main d’oeuvre plutôt importante et utile.

« Enfin, il me manque surtout et pas qu’un peu. »

« Hmm ? De qui donc ? Votre homme, c’est bien ça, non ? Enfin, Tery, si je me suis pas trompé de personne. » répondit calmement un démon à côté d’elle alors qu’elle tenait dans ses mains une lourde pierre, ses propres mains devenues des griffes de roche.

« Oui, oui, c’est bien Tery. Et oui, il me manque. »

« Ah ouais, je peux voir ça. Vous utilisez les mêmes griffes que lui. »

« Une simple coïncidence, hahaha. » dit-elle en rigolant légèrement. Elle-même ne croyait pas en son mensonge mais qu’est-ce qu’elle pouvait y faire, hein ? Dans tous les cas, elle allait se concentrer à la tâche et peut-être que par de petites actions comme ça, l’attente pour retrouver Tery sera moins difficile.

Chapitre 44 : Des journées difficiles

Chapitre 44 : Des journées difficiles

Le réveil avait été bien plus appréciable qu’il ne l’aurait pensé. En même temps, avec Manelena dans ses bras, difficile de réellement se plaindre de la situation, n’est-ce pas ? Le jeune homme aux cheveux bruns ne s’était pas levé tout de suite, appréciant ces moments où il pouvait sentir Manelena contre lui.

Lorsque ce fut au tour de la femme aux cheveux argentés de se réveiller, il l’avait juste regardé, en silence, sans qu’un seul mot ne quitte ses lèvres. Y avait-il vraiment besoin de parler ? Elle colla son front contre le sien, rapprochant ses lèvres, son souffle chaud se faisant sentir contre les siennes.

« Manelena, je… » commença à dire Tery avant qu’elle ne scelle qu’un court instant un baiser. Elle se retira de ses bras avant de chuchoter :

« J’imagine que les paroles d’hier à l’encontre de Krawnia me concernent aussi, n’est-ce pas, Tery ? Ou… »

« Tu te trompes sur ce point. Je… Toi… Je suis indécis, désolé. Je suis vraiment un être horrible pour jouer avec tes sentiments. »

« Et moi ? Qu’est-ce que je devrais dire réellement ? Sans cette cruauté qui est la tienne, je n’aurais jamais eu cette possibilité, dans cette foutue capitale démoniaque hein ? »

« Je préfère ne pas trop y repenser, sincèrement. Cela ne me plaît pas vraiment. »

Elle fit juste un fin sourire et quitta définitivement sa couche avant de se lever et de s’étirer, permettant à Tery de profiter de la vision de ses courbes si souvent cachées sous cette épaisse armure noire depuis leur départ de la capitale démoniaque.

Captant aisément le regard de Tery sur elle, elle ne fit rien pour autant l’émoustiller plus que ça. Ce n’était pas l’heure pour cela et puis, il ne fallait pas oublier qu’elle était reine de Shunter. Elle avait quand même un peu de décence. Elle ne pouvait pas se pavaner comme une paon pour attirer la cible de ses désirs.

« Avec tout ça, nous avons encore beaucoup à faire, Tery. »

« Beaucoup à faire, beaucoup à faire. Le terme est peut-être un peu exagéré, non ? »

« Nous n’avons pas tant avancé que ça par rapport aux gnomolds. Et il ne faut pas oublier que l’armée d’Haiktos reste dans les environs. »

« Oui, c’est vrai. Bon, je vais aussi me lever. Je ne peux pas paresser plus que nécessaire. Je dois montrer l’exemple aussi, de mon côté. »

« C’est le mieux à faire. Par contre, tu vas sûrement t’attendre à des regards et des remarques de la part de l’autre cinglée. »

« Humpf, je le sais parfaitement et je m’y attends, ne t’en fait pas. Ce n’est pas comme si elle avait son mot à dire à ce sujet, Manelenea. »

Son mot ? Il était aisé de savoir de qui ils parlaient tous les deux. Il n’y avait qu’une seule personne dans leur champ de vision : Krawnia. Néanmoins, lorsqu’il quitta sa tente quelques secondes après Manelena, il n’y avait pas de demoiselle ailée qui l’attendait. Non.

Elle était encore là, néanmoins ? Il posa la question à quelques soldats, certains lui disant que oui, d’autres qu’elle s’était rapprochée de sa tente sans pour autant y pénétrer à l’intérieur. En même temps, il y avait des gardes pour surveiller sa tente, question de sécurité. Il était hors de question que le jeune homme reste sans protection.

« D’accord, d’accord. Elle n’a rien fait de bizarre à part cela ? »

« Pas vraiment. Elle traînait dans les environs sans rien dire ou faire. Je crois qu’elle voulait rentrer mais elle s’est arrêtée, puis elle a émis un léger grognement avant de se retourner et de s’éloigner. Rien de plus. »

« D’accord, d’accord. Donc en quelque sorte, elle est restée comme à son habitude, du moins, du peu que l’on peut connaître d’elle. »

« C’est peut-être pas dit de façon élégante mais ouais, y a de ça, chef. » compléta le soldat en hochant la tête positivement..

« Sur le coup, je ne suis pas sûr que l’élégance ait une quelconque importance hein ? »

« C’est pas faux, chef. Mais bref, je vais pas vous mentir qu’elle fait peur à pas mal d’entre nous. Même les démons ne l’apprécient pas. »

« Tant qu’elle n’est pas une menace pour notre armée et que je n’ai pas l’impression qu’elle risque d’exploser à tout instant, elle reste notre alliée. »

« D’accord, d’accord. Je voulais juste vous dire ça. Même si c’est juste la première journée, le truc, c’est qu’avec ce qui s’est passé avec les gnomolds, les autres sont vraiment pas rassurés. Ils ont peur qu’elle décide de les agresser comme ça, du jour au lendemain. »

« C’est normal en vue de comment elle a décidé d’agir. »

Et il s’éloigna enfin pour ne pas continuer cette discussion. Comme les oreilles indiscrètes pouvaient très aisément trouver leur domaine dans la base, il voulait éviter que ce message ne se transmette à Krawnia, surtout si le temps qu’il arrive à ses oreilles, il ait été modifié à cause des petites inconsistances.

« Ah… Pfiou… Je n’ai pas eu le temps hier mais je vais le faire aujourd’hui. »

Il allait plutôt se concentrer sur autre chose : l’histoire des gnomolds avec les démons. Il n’y avait peut-être que peu de chances qu’elle soit au courant mais qui ne tentait rien n’avait rien. Il se dirigea vers Héraisty, la voyant au loin en train de parler avec d’autres personnes. Attendant qu’elle ait terminé, il se rapprocha d’elle avant de la saluer en lui baisant les joues. Se laissant faire, elle lui demanda s’il avait bien dormi avec un petit sourire amusé.

« Euh, bien entendu, Héraisty, et toi ? »

« Oh, comme un loir. Disons que de toute façon, en vue de la situation actuelle, j’ai essayé de ne penser à rien et de tout simplement me concentrer sur ce qui va nous attendre. »

« Oui… Enfin, justement, je voulais te parler de quelque chose. Est-ce que tu étais au courant par rapport aux gnomolds ? Enfin, pas pour leur transformation mais… ce système de sacrifice de la part des divinités ? »

« Pour les gnomolds en eux-mêmes, je ne pouvais pas le savoir. Comme Zélisia et Alzar ont utilisé la magie des différents peuples pour sceller le monde souterrain, il n’y a aucune trace des « résultats » causés par cela puisqu’il n’y avait aucun démon pour en parler. Par contre, au sujet de la magie en elle-même, ce n’est pas la première fois que j’en entendais parler mais… cela ne modifiait pas le corps de façon permanente et interne. »

« Oh ? Et donc, qu’est-ce que tu peux en dire exactement ? »

« Ce que je peux en dire… Hmm… Eh bien… En fait, certains peuvent se faire via des contrats et autres. Un peu comme de l’esclavage. Les familles les plus nobles parmi les démons ont de nombreux esclaves, tu t’en doutes, non ? Eh bien, certains d’entre eux servent juste de « garde-manger ». Ils sont juste nourris et logés sans avoir réellement d’autres utilités. Ils ne peuvent pas quitter les environs des logements où ils sont entassés. »

« Mais c’est vraiment horrible. Enfin, je veux dire, c’est de l’esclavagisme oui, comme les autres mais… là, ils n’ont même aucune autre utilité que juste vivre pour mourir plus tard ? »

« Oh. Il y a d’autres types de magie qui permettent de récupérer celle des environs. Et cela sans contrat mais disons que ce n’est pas à la portée de tout le monde. »

« D’accord, d’accord. J’aimerais dire que je vois bien mais… ce que tu m’as dit, je ne savais pas que ça se faisait ainsi. »

« Oh, pourtant, la royauté et les plus haut-gradés militaires dans le monde démoniaque ont justement de quoi se préparer à ça. Ils ont de quoi se sustenter et d’utiliser des magies qui ne sont normalement guère accessibles à leurs personnes. »

« Est-ce que les pouvoirs magiques de l’empereur Malark sont du même genre ? » questionna Tery en se rappelant l’étrange sort de la part de l’empereur.

« De ce que je connais de lui, il est capable de produire ses sorts sans avoir besoin d’un « garde-manger » à côté. Il est dit qu’en terme de magie, il est l’un voire le plus puissant des empereurs depuis des siècles voire des millénaires. Mais difficile de confirmer ou infirmer ceci quand on ne peut pas vraiment comparer. »

« Oui, c’est vrai. Enfin, donc en un sens… tu en sais mais pas plus que ça. Donc tu penses que les gnomolds disaient la vérité ? Du moins, pour toi, tu en es sûre ou non ? »

« Sûre et certaine. Il ne mentait pas. Et je pense que pas mal de démons connaissent au moins, via des rumeurs, au sujet de cette capacité. Mais ils devaient sûrement penser que ce n’était possible que pour eux. Que d’autres en soient capables, c’est peut-être cela qu’ils auront du mal à croire mais rien de plus. »

Hmm. Oui. C’était une bonne remarque de la part d’Héraisty. Mais au moins, il avait eu plus ou moins une confirmation : tout le monde considérait que les gnomolds n’avaient pas menti en racontant cette histoire. Alors qu’il s’apprêtait à partir en remerciant la démone, celle-ci avait toujours le même sourire qu’auparavant, disant d’une voix douce :

« Et de ton côté, tu as vraiment bien dormi, Tery ? »

« Euh… Oui, oui, mais pourquoi est-ce que tu me poses à nouveau cette question ? »

« Eh bien, je ne sais pas trop. Il semblerait qu’une personne avait décidé de se rendre discrètement dans ta tente, hier. Elle m’avait demandé quelques conseils pour faire cela de façon à ce que personne ne le remarque. »

« Eh bien, disons qu’elle s’est plantée grandement sur ce point. »

« Hmm ? Comment cela ? Qu’est-ce qu’elle a fait comme erreur ? »

« Oh, simplement le fait de quitter la tente ce matin, comme si de rien n’était. J’imagine que les gardes n’étaient pas au courant de sa présence, en vue de ce que tu viens de me dire. »

Il remarqua bien qu’Héraisty était en train de se demander s’il blaguait mais il hocha la tête négativement sans prononcer une parole de plus. Héraisty poussa un profond soupir, reprenant la parole pour dire d’une voix lente :

« J’imagine qu’elle était si heureuse d’avoir un instant avec toi qu’elle a abaissé sa garde lorsqu’il fallait éviter que ça ne soit le cas. »

« Bah, ce n’est pas si grave que ça. Je veux dire, j’imagine que c’est un secret de polichinelle. Et si cela peut te rassurer, il ne s’est rien passé entre elle et moi. »

« Mais pourquoi est-ce que cela devrait me rassurer ? »

« Eh bien, je ne sais pas trop mais… je m’imagine souvent que tu fais tout ça pour nous donc voilà, je pensais que ça serait normal que de te remercier, il ne faut pas ? »

« Je vous apprécie grandement, et peut-être plus. Surtout toi, Tery. Depuis que tu es venu dans ma vie, tout a changé radicalement. »

« Fais attention, on dirait vraiment que tu veux me complimenter. »

« Mais c’est exactement ce que je suis en train de faire, hahaha. Entre toi et Elise, j’ai découvert tout un nouveau monde. Et de nouvelles races. Et puis, j’ai tellement à en apprendre sur vous autres, je ne peux que continuer cela. »

« Tu sais que nous ne sommes pas des sujets d’expérience hein ? »

« Bien sûr que non, Tery. Je suis juste heureuse et contente. » répliqua la femme démoniaque.

« Alors je n’ai qu’à travailler pour que tu le restes. »

« Cela ne devrait pas être une tâche trop difficile, hahaha. »

Elle continuait de lui sourire et oui, il était plutôt heureux de la tournure des évènements. Il se sentait un peu soulagé. Même s’il avait toujours cette pensée néfaste par rapport à Krawnia, cela ne changeait pas qu’il devait se calmer et faire la part des choses. C’était pourquoi il allait prendre sur lui-même et juste voir le bon côté.

« De toute façon, tu sais où me trouver si tu as un besoin présent de venir parler, n’est-ce pas, Tery ? Il te suffira juste de venir dans ma tente. »

« Et que les soldats se posent des questions ? Ils finiront par se faire des idées. »

« Oh, je pense que c’est déjà le cas. Tu sais bien que les démons sont polygames, non ? Certains démons et démones ne font que chercher l’être le plus fort ou attirant, qu’importe le nombre de prétendants ou prétendantes aux pieds du dit être. »

« Mais je ne suis pas vraiment comme ça, désolé de le déclarer. J’espère que tu ne seras pas trop déçue par cette révélation, hahaha. »

« Pas le moins du monde puisque je ne suis pas attirée de cette façon par toi. Pas trop déçu non plus de ton côté ? »

Elle venait de répliquer presqu’aussitôt. Alors que les paroles étaient un peu directes et franches, le sourire qu’elle arborait montrait aisément qu’elle ne voulait pas qu’il le prenne mal. Pour toute réponse, il tira doucement la langue :

« Peut-être juste un petit peu ? Réellement, entre le désir et l’amour, c’est vraiment compliqué et différent. Et je ne veux pas que tu penses que c’est le second. »

« Car c’est le premier ? Hmm… Intéressant ! Mais je note cela pour un autre moment. Tu n’es pas le genre de démon à succomber réellement à tes désirs, n’est-ce pas ? Je veux dire, il suffit de voir avec Manelena pour comprendre que c’est… plus que ça. »

« Je suis assez perdu sur ce point. Je sais que… j’ai l’impression d’avoir tout le temps cette discussion, que cela soit avec toi ou alors dans ma tête mais… »

« Ce n’est pas un souci, si tu en as envie d’en parler, tu sais que je suis là. Et je sais aussi très bien que tu ne sais pas sur quel pied danser par rapport à Elen et Manelena. »

Il fit juste une petite moue qui se voulait souriante mais il était aisé de voir qu’il était plus triste qu’autre chose. Les évènements n’étaient pas anodins et le fait de ne pas voir Elen depuis si longtemps et surtout sans que cela tourne mal avait sûrement influencé sur sa décision mais… renier ce qu’il ressentait pour Manelena, cela ferait de lui un lâche.

« Je vais aller retrouver le reste des troupes. Je crois que l’on va être bon pour stationner un peu dans les environs. Nous sommes pas encore en sécurité mais je crois que plusieurs jours de repos sont réellement nécessaires. En venant jusqu’à toi, j’ai vu les soldats. »

« Ils n’ont pas une bonne mine et c’est difficile… de faire quelque chose pour les aider. »

« Ils sont stressés. Ils ne peuvent pas… penser autrement à ce qui s’est passé malheureusement. À partir de là, ils n’ont donc que leurs pensées à ruminer. »

« Peut-être qu’avec le temps, cela passera, tu crois ? »

« Pas vraiment mais il n’y a aucune parole réellement réconfortante dans ce genre de situation. Au grand maximum, nous pourrions voir pour faire quelque chose pour évacuer tout ça, via un travail à accomplir mais… ce n’est pas aussi simple. »

Il en savait quelque chose. Pour quelqu’un qui avait ruminé son passé pendant de longues années, et Manelena étant dans le même cas que lui, il était difficile de tirer un trait comme ça. Un évènement pour leur faire oublier leurs soucis ?

Difficile. Les loisirs des démons n’étaient pas mêmes que ceux de la surface. Et même à la surface, ils n’étaient pas forcément tous à avoir les mêmes loisirs. Souvent à cause de leurs différences raciales. Bref, tout ça était très compliqué et rien n’allait arranger la chose.

« Je suis complètement perdu. Cela ne sert à rien. »

« Mais non, Tery. Tu trouveras une solution. Comme tu en as trouvé une pour Elise, une pour Manelena, une pour nous tous. Tu devrais arrêter de te dévaloriser. »

« Ce n’est même pas une question de me dévaloriser ou autre. C’est simplement que… je me sens parfois si faible. J’ai l’impression d’être juste transporté d’histoire en histoire. Comme si je n’étais qu’une simple marionnette. »

« Hmm… Non, tu es responsable de tes décisions, je ne pense pas que tu peux prétendre cela, Tery, loin de là. »

« Si seulement j’arrivais à me convaincre autant que tu tentes de me convaincre, je suis sûr qu’à nous deux, nous devrions arriver à quelque chose. »

« Et si tu allais voir Manelena ? C’est toujours elle qui est là pour te remonter les bretelles, non ? Allez, zou, tu devrais y aller maintenant ! »

Et c’était presque si elle décidait de le mettre dehors. Oh, il savait parfaitement que ce n’était pas le cas mais elle voulait le motiver. Elle posa une main sur son dos avant de le pousser légèrement en avant, comme pour l’inciter à faire le premier pas.

Ce n’était pas bien difficile de retrouver Manelena, contrairement à Krawnia d’ailleurs. Il ne l’avait vraiment pas vue de la matinée. Dans tous les cas, ce n’était pas un souci. Léger sourire aux lèvres, il se rapprocha de Manelena.

« Hmm ? Eh bien, ce sourire en dit long. Qu’est-ce qui te tracasse, Tery ? »

« Ah… On dirait bien que je n’ai pas réussi à le rendre plus sincère que je le pensais. Comme quoi, je me suis bien trompé, hahaha. Ah… C’est juste comme ça. »

« Héraisty t’a sûrement envoyé si tu viens vers moi. Ce n’est pas de ton plein gré. »

« Hey ! Tu donnes l’impression que je viens juste te voir quand j’ai des soucis. »

« Des soucis ? Pas tout le temps mais disons que je suis un peu comme ton phare dans la nuit souterraine, tu ne crois pas ? »

« C’est joliment dit et… c’est peut-être un peu vrai, Manelena. Mais si je vais encore te raconter mes ennuis, tu ne risques pas de te lasser. »

« Sûrement, oui. Et si je vais sûrement finir par trouver cela super chiant, désolée de ne pas être désolée de te le dire concrètement hein ? »

« Ce n’est pas grave. C’est juste comme d’habitude, n’est-ce pas ? Bon… C’est au sujet des gnomolds. Je ne sais pas si cela était une bonne idée que de les laisser partir. »

« Hmm ? Tu voulais les tuer donc ? » demanda Manelena, le regardant avec un peu d’étonnement, Tery faisant rapidement un geste négatif de la main.

« Non, non ! Pas du tout ! Je ne pensais pas ça. Pas de la sorte. Je me disais juste si cela était vraiment utile… que de les faire partir. Peut-être que si nous avions décidé… »

« De les garder avec nous, nous aurions alors réussi à les « apprivoiser » et à en savoir plus ? Non, tu te trompes lourdement, Tery. Ils étaient prêts à reprendre le combat si ce gnomold avait décidé. Mais en vue de la surprise de ses partenaires, il semblerait que ce secret soit bien gardé. Si tu veux vraiment en connaître plus, il faudra voir avec Ernold si un jour, nous arrivons à remonter à la surface. »

« Tu crois qu’Ernold nous en dira plus ? »

« Il vaut mieux pour lui. Je suis certaine qu’il est en partie responsable de cette situation déplorable avec les gnomolds. Mais aussi l’ouverture des portes démoniaques, je suis certaine qu’il n’y avait pas que le couple de dieux derrière tout ça. Cela ne m’étonnerait pas qu’ils aient travaillé de concert dans cette histoire. »

Il… devait avouer qu’il n’avait jamais fait le rapprochement. Maintenant qu’elle en parlait, c’était vrai. Cela n’était pas si anormal que ça. Cela semblait même assez logique à bien y réfléchir. La situation durant ces dernières années montrait bien qu’ils avaient été… ah. Comme des pantins. Le terme venait de traverser son esprit et… il se sentait à nouveau très las sur le moment. Cela n’allait jamais s’arrêter hein ?

« On aura besoin de tellement d’explications. Je ne sais même pas ce qui va nous attendre au final, Manelena. »

« Ce qui va nous attendre ? Hmm… Difficile à dire, il faut avouer. Nous allons continuer à monter au fur et à mesure jusqu’à arriver à la surface, gardons ce but en tête. Et cela malgré tout ce qui s’est passé dernièrement. »

C’est vrai. Garder cet objectif principal en tête. Avec l’armée ennemie et les gnomolds, ils avaient beaucoup dérivé. Il avait bien fait d’écouter les paroles d’Héraisty : Encore une fois, Manelena avait les idées bien plus lucides que lui.

Chapitre 43 : La vie d’antan

Chapitre 43 : La vie d’antan

« Confirmation qu’ils sont tous partis ? »

« Un éclaireur a décidé de les suivre discrètement oui, c’est bien le cas. Ils ne sont plus autour de nous. Nous sommes en sécurité. »

« Pendant ce temps, j’avais demandé un bilan pour savoir combien d’hommes nous avons perdus et aussi l’état des blessés. »

« Les pertes sont minimes, les blessés sont néanmoins assez importants, voire même graves. Mais aucun n’est en danger de mort. »

« D’accord, il y a plus ou moins une bonne nouvelle. Nous allons perdre quelques heures mais essayez de trouver les cadavres de tous les démons vivants dans les environs. On va quand même leur offrir une sépulture décente. »

C’était la moindre des choses. Ils n’avaient pas demandé à se faire exterminer par des créatures dont ils n’avaient jamais entendu parler avant aujourd’hui. Ah… Et c’était vraiment pas joyeux. Durant le combat, il n’avait pas vraiment été se préoccuper de ça mais… que ça soit femmes et enfants, ils n’avaient fait aucune distinction à ce sujet.

Ah… Et bien entendu, certaines femmes avaient protégé leurs enfants du mieux qu’elles le pouvaient mais cela n’avait pas réussi à les sauver. C’était bien là l’horreur de la guerre. Et en un sens… Il se disait qu’il avait été chanceux que cela n’ait été qu’armée contre armée lorsqu’il s’était retrouvé aux côtés de Manelena, enfin la maréchale Nali à l’époque. Au moins, dans une bataille de la sorte, ils affrontaient des êtres qui étaient eux aussi préparés à mourir.

Mais les villageois ? Ils n’avaient rien demandé. Ils n’étaient que de nombreuses victimes… et à l’heure actuelle, les démons étaient bien plus nombreux à faire partie de ce côté que l’inverse. Oui, comme il se trouvait parmi eux, il avait aisément pu voir à quel point les dégâts étaient nombreux.

Comme les démons se combattaient entre eux à cause de cette capacité à pouvoir se nourrir d’autrui pour obtenir plus de pouvoirs, les démons étaient son propre ennemi sur ce terrain. Et comme la peur était la règle première des races de la surface par rapport aux démons, les premiers n’hésitaient pas à attaquer les seconds même s’ils n’étaient pas belliqueux.

C’était un gros bordel, il le reconnaissait amplement et il espérait vraiment qu’un jour, tout cela allait se résoudre. Même si Sérest et Séran étaient deux dieux imbéciles, leurs intentions n’avaient jamais été mauvaises et ils aspiraient à un monde en paix. Avec une pensée aussi simplette que ça, s’il le disait à haute voix, on irait lui rire au nez… mais c’était sûrement possible. Une paix globale et complète, non, il ne fallait pas rêver. Mais que les cinq nations de la surface soient en paix avec celle des démons, c’était possible.

Surtout que pour Mékalarma, il suffisait de mettre en position les nombreux mékalarmiens porteurs des lignes de Zélisia, qui avaient été manipulés et torturés par les autres mékalarmiens. Peut-être qu’il pensait aussi à les manipuler, c’était vrai, mais pour une bonne cause. Enfin, ils n’en étaient pas encore là, bien loin même.

« Qu’allons nous faire maintenant, Tery ? »

« Cela ne sert à rien de rester par ici et je pense que pour les gnomolds, il y a une bonne chance qu’ils remontent à la surface. On va pouvoir continuer notre chemin. »

« Au cas où, Tery, tu te doutes que nous risquons fortement de rencontrer d’autres villages dans cet état mais avec… des morts depuis plusieurs jours voire semaines hein ? »

« Je le sais bien… Les gnomolds seront sûrement passés par là, il n’en est pas possible autrement mais qu’est-ce que je peux vraiment y faire ? »

« Rien du tout. » termina de compléter Manelena alors qu’il marmonnait quelques paroles dans sa barbe. Elle venait de l’extirper de ses pensées mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Il fallait avancer à nouveau, sans un regard de plus vers les morts. Il avait juste une partie de ses pensées qui était concentrée sur les gnomolds.

Ce fut après une bonne heure de marche, lorsqu’ils s’étaient remis en route qu’il avait finalement posé la question qui le taraudait à Manelena. Qu’est-ce qu’elle pensait exactement de la situation avec les gnomolds ? Pendant qu’elle restait à ses côtés, elle pensa pendant quelques instants avant de dire :

« Ce gnomold qui a pris la parole était sincère. Cela peut sembler tirer par les cheveux mais il y avait quelques mois, années, nous n’étions même pas au courant de l’existence des démons donc bon, rien d’impossible. »

« Mais maintenant ? Qu’est-ce qu’on doit faire surtout ? »

« Hmm ? Rien du tout ? Ce n’est pas à nous de gérer la crise des gnomolds. On ne peut pas se concentrer sur une histoire perdue depuis des millénaires. N’oublions pas nos premiers objectifs, d’accord, Tery ? »

« D’accord, c’est vrai. J’ai un peu tendance à m’éparpiller pour ne pas changer. »

Et ce n’était pas vraiment dit d’une façon gênée ou autre, c’était juste un constat. Il n’était pas d’humeur à plaisanter de toute façon, en vue de la situation actuelle. Mais il n’avait pas envie de s’énerver en direction de Manelena qui n’avait rien fait.

« Disons plutôt que c’est à cause d’une nouvelle à laquelle personne ne pouvait s’attendre, que ça soit pour des personnes comme nous ou pour les démons. »

« Comme nous ? Tu me considères encore comme un citoyen de Shunter ? »

La question paraissait absurde, vraiment absurde puisqu’elle avait fait disparaître son casque pour le regarder de ses yeux rubis. Elle se demandait s’il était sérieux mais à le voir ainsi, elle lui donna une petite baffe sur le dos du crâne, ayant fait disparaître son gantelet juste avant. Elle répondit :

« Nous avons déjà eu cette conversation, Tery. De nombreuses fois, même. Tu es Tery Vanian. Tu es né à la surface, tu as une mère là-bas, des amis aussi. Tu es de là-bas. »

« Hahaha… Oui. Parlons d’autre chose. Il vaut mieux sinon tu risques de te mettre en colère et je préfère éviter cela, surtout si je suis fautif. »

« Tu crains tellement mon courroux ? Enfin bon… Si ce n’est que ça, je peux te donner des idées d’autres sujets. Comme savoir ce que tu comptes faire lorsque nous allons retrouver Elen et les autres ? Tu as déjà prévu un truc ? »

« Pas vraiment. Enfin, ma priorité va être de voir mon enfant, j’imagine. Pouvoir le prendre dans mes bras et le regarder. Car tu sais, j’ai toujours du mal à croire que je suis père. Ce n’était pas vraiment la vie que j’envisageais en quittant mon village natal à l’époque. »

« Cela ne m’étonne pas. Tu crois que je me voyais être assise sur un trône ? Alors que j’ai toujours été rejetée par mon père ? »

« Pas vraiment, j’imagine. Comme quoi, parfois, on part vraiment bien loin de ce que l’on imaginait avoir prévu pour soi. Mais… Est-ce que tu regrettes tout ça maintenant ? »

« Pas le moins du monde. Je suis plus que satisfaite de la situation actuelle même si je ne suis pas encore totalement heureuse. Il me manque un petit truc que je ne peux malheureusement pas obtenir aussi aisément que je le voudrais. »

« Et c’est quoi ce… petit truc ? » demanda Tery tout en scrutant Manelena du regard. Qu’est-ce qu’une reine comme elle pouvait désirer de plus que ce qu’elle avait déjà maintenant ? Elle rétorqua, remettant son casque sur son crâne :

« Rien de spécial et qui te concerne. Enfin, on peut dire ça comme ça même si ça sonne un peu faux malheureusement. »

« Un peu faux malheureusement ? Tu ne veux pas me le dire car c’est sensé être secret ou alors juste parce que c’est moi ? »

« Principalement parce que c’est toi. Et que je suis certaine que tu es capable de deviner de ce dont il s’agit si tu décides d’y réfléchir un peu plus longuement. »

Y réfléchir un peu plus longuement ? C’était peut-être bien plus personnel qu’il ne le pensait alors. Et si tel était le cas, il valait mieux pour lui alors ne pas s’en mêler plus longuement. Peut-être qu’il ferait mieux tout simplement de…

« OOOOOOOOH ! De quoi est-ce que vous parlez ? OOOOOH ! Tery ! »

Ah oui. Elle. C’était étrange de ressentir un peu de colère envers une personne qui ne lui voulait absolument pas de mal mais voilà… Krawnia était agaçante. Bien plus que dans la tour et s’il ne faisait rien, cela n’allait pas s’arranger. Surtout qu’elle était apparue comme une ombre dans son dos, sans même que Manelena ou lui-même ne la remarque. S’il avait commencé à discuter d’un sujet très important et grave, elle aurait pu tout entendre.

« Bon, Krawnia, il va falloir que l’on discute, toi et moi. »

« Mais quand tu le veux, Tery ! Je suis pendue à tes lèvres quand tu le désires ! »

« Ce n’est pas ce que j’ai dit. Ah… Et puis, j’étais en train de discuter avec Manelena. »

« Hmm, hmm, oh, ce n’est pas bien important ça. Elle peut rester, Tery ! »

« Ce n’est pas là où je voulais en venir… » commença à soupirer le jeune homme. Ne pas montrer son agacement, ne pas montrer. Cela ne servirait à rien, ça serait contre-productif et surtout, il tentait de dire du regard à Manelena de ne pas réagir.

« Je compte bien rester, oui, puisque j’étais en train de discuter avec Tery, Krawnia. »

« Oh mais oui, mais oui, tu peux parler. De toute façon, tu n’es qu’une connaissance pour lui, non ? Enfin, une amie, c’est bien ça ? »

Sur le coup, la femme en armure noire s’était arrêtée. Comme si elle venait d’être touchée en plein coeur par la remarque, elle s’apprêtait à répliquer mais Tery l’arrêta, posant sa main sur le gantelet noir de Manelena.

« Elle est plus qu’une amie puisqu’elle est la personne en qui j’ai le plus confiance à l’heure actuelle dans le monde souterrain. Je pourrais lui confier ma vie en toute sérénité. »

Krawnia regarda Tery avec de grands yeux, presque étonnée par ses propos alors que lui-même sentait la poigne de Manelena se faire moins forte. Krawnia pencha la tête sur le côté, fixant encore une fois la femme en armure puis Tery avant de dire :

« Oh, je commence à voir, oui. Mais ce n’est pas bien grave. »

« Disons que ça l’est quand même vu que tu t’interroges sur le degré de ma relation avec elle. Je la connais depuis bien plus longtemps que je ne te connais. »

« Oh, mais ne t’en fait pas, cela s’arrangera très vite hahaha ! Il faut juste me laisser un peu de temps, rien de plus ! »

« Et je trouve d’ailleurs ton caractère vraiment étrange. Je ne sais pas ce qui s’est passé depuis la dernière fois mais tu as l’air radicalement différente, tu le conçois ? »

« Je suis surtout libre de cette foutue tour dont je ne pouvais pas me débarrasser ! Maintenant qu’il n’y a plus besoin de gardienne pour garder le gardien, il n’y avait plus aucune raison de rester à garder cet endroit ! Hahaha ! »

« D’accord, d’accord mais tu sais, tu n’es pas obligée de me coller. »

« Il me le faut, il me le faut ! Tu sais quoi ? Je vais te raconter tout ce qui s’est passé depuis que tu es parti ! Tu verras, comme c’est assez long ! »

« Assez long ? Hmm… Tu peux garder cela pour plus tard ? Nous verrons cela cette nuit, d’accord ? Maintenant, si tu veux bien me laisser, il me faut discuter de choses assez importantes avec Manelena. »

« Hmm… D’accord. » marmonna Krawnia en faisant une petite moue dépitée.

Et maintenant, elle s’éloignait enfin et il poussa un profond soupir soulagé. Sincèrement, il aurait tellement préféré que ça ne se passe pas ainsi mais bon, il ne pouvait rien y faire et ça l’énervait passablement, il devait avouer.

« Elle est assez irritante quand elle décide de s’y mettre. »

« Je le sais bien… mais elle a l’air… un peu folle. Je ne suis pas certain que ça soit vraiment conseillé de la garder à nos côtés. » murmure doucement Tery pour éviter qu’il ne soit entendu. Bien entendu, il ne pouvait rien y faire mais…

« Cela serait contre-productif. Elle est très utile et sait se battre. Je sais bien que cela serait peut-être pas vraiment ton genre mais… »

« Si je dois un peu la manipuler, je pense que je le ferais. Si c’est pour la sécurité de tout le monde, je préfère ne pas prendre trop de risque. »

« C’est compréhensible. Ah… Je ne vais pas mentir, je suis assez fatiguée avec toutes ces bêtises. Mais maintenant, nous en sommes débarrassés pour au moins quelques heures. »

« Je n’avais pas la tête à supporter ces élucubrations. »

Et maintenant, ils pouvaient alors parler de tout et de rien. Mais voilà, est-ce qu’ils avaient un nouveau sujet de conversation ? Ils avaient été coupé en plein dans leur élan. C’était assez triste mais bon… maintenant, il ne voyait pas vraiment quoi dire d’autre.

Et comme convenu, ils étaient arrivés jusqu’à la nuit et il devait tenir parole… en quelque sorte. Krawnia était venue le voir dès qu’ils avaient terminé et elle voulait absolument lui raconter sa vie depuis son départ de la tour.

« Alors, il faut savoir que tout d’abord, j’ai été réprimandée car je n’ai pas réussi vraiment à défendre le gardien de la tour. Mais bon, qu’est-ce que je pouvais y faire réellement hein ? Je veux dire, qu’est-ce que ça aurait changé ? »

« Je ne vois pas où tu veux en venir réellement. Tu veux bien me donner plus de détails ? Car sinon, je vais être assez perdu, je crois bien. »

« Eh bien, c’était prévu qu’il meure non ? Alors, pourquoi est-ce que je devais réellement me sentir concernée par tout ça ? »

« Eh bien, c’était plus ou moins ton travail. Donc ça ne serait pas si étonnant que ça que tu te concentres dessus quand même. »

Pourquoi est-ce qu’il était avec elle ? Pourquoi est-ce qu’il était aussi exaspéré ? Car il n’avait pas le sentiment que cette femme ailée l’apprécie réellement. Non, elle était vraiment comme une… fanatique. Oui, une fanatique qui était juste captivée par ce à quoi elle vouait un… culte ? Un culte… sur sa propre personne ? Vraiment ? Maintenant qu’il avait juste imaginé cette idée, il commençait à être vraiment effrayé. Cela ne lui plaisait pas du tout.

« Dans tous les cas, j’en avais juste rien à faire de tout ça. Ce sont eux qui m’ont obligée ! »

« C’est vrai que tu en avais parlé à l’époque. »

Et il tentait de raviver des souvenirs. Comme il ne s’y intéressait guère réellement, c’était plus compliqué que prévu mais il allait quand même tenter de faire de son mieux de ce côté. Elle avait bien raconté y a longtemps qu’elle était considérée comme une sorte de « pestiférée » par ses semblables, non ?

« Ce n’était pas à cause de tes ailes que tu as été enfermée là-bas ? »

« Si, bien entendu ! Car oui, il paraîtrait que des ailes qui ne sont pas uniformes peuvent causer un grand malheur et tout le reste ! Ce n’est pas crédible du tout, n’est-ce pas hein ? Tu ne trouves pas ? Qu’ils racontent n’importe quoi ? »

« Disons qu’il y a l’art et la manière… et qu’ils ne semblent pas doués dans l’un et l’autre. »

C’était sa façon à lui de répondre aux propos de la femme ailée. Celle-ci avait toujours son petit air dément dans le regard et il se sentait encore une fois plus que mal à l’aise. Si elle continuait à le fixer ainsi, il n’était pas certain de pouvoir tenir plus longtemps une conversation avec elle. Il détourna légèrement la tête avant de dire :

« Dans tous les cas, ce qui est fait est fait. »

« Et oui ! Mais maintenant, ils n’ont plus de possibilités de me retenir ! Cela les embête tellement hahaha ! De toute façon, ils ne sont plus là pour donner leurs avis. »

« Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? »

« Ce que ça veut dire, hahaha ! Ils ont voulu se battre avec moi car ils voulaient m’empêcher de partir. Malheureusement, ils ne peuvent que le regretter ! »

« Tu étais obligée d’en arriver à de telles extrémités ? »

« Ooooooh ! Ils ne m’ont pas vraiment laissé le choix, hein ? Moi, si on veut m’empêcher de faire quelque chose, eh bien, je vais forcer ! C’est tout ! »

Il avait l’impression de converser avec une sourde. Il était certain que cette discussion n’allait mener nulle part. Il était alors temps de changer de sujet et de demander autre chose. Prenant une profonde respiration, il demanda :

« Tu étais au courant pour la situation avec les gnomolds ? »

« Hmm ? Bien sûr que non. Pourquoi est-ce que je me serais intéressée à eux ? Je veux dire, leur passé, ça ne me concerne pas. Ils peuvent pleurer, j’en avais rien à faire. Je voulais juste pouvoir te revoir, Tery ! »

Et la dernière phrase avait une intonation qui ne lui plaisait pas vraiment. Il connaissait cet autre type de regard. Elen l’avait eu parfois, pendant qu’ils avaient un peu de temps pour eux deux. C’était le regard d’une carnassière. Elle avait de la suite dans les idées sauf qu’il en était hors de question ! Pas avec elle ! Pas du tout !

« Je tiens à le répéter mais je suis un homme marié et je ne vais pas trahir ma femme. »

« Hmm… Hmm.. Mais d’ailleurs, cette femme n’est pas celle avec qui tu étais auparavant, non ? Je veux dire, là, il s’agit de la reine de Shunter, si je ne me trompe pas. Auparavant, tu étais avec une femme aux cheveux blonds. »

Gloups ! Il vint déglutir, comme pris en défaut. Elle avait très vite compris ce qui s’était passé entre Manelena et lui ? Pourtant, il ne le criait pas sur tous les toits. Non, ils évitaient même d’en parler ou d’y faire allusion. Depuis qu’ils avaient quitté la capitale, ils n’avaient rien fait et il ne comptait rien faire de plus.

« La reine de Shunter est la reine de Shunter. Et je compte bien retrouver Elen. »

« Ah oui Elen ! C’était son nom, c’est vrai ! Ce n’est pas que je l’ai oublié mais on va dire que ce n’était pas vraiment ma préoccupation première, hahaha ! »

Et elle trouvait cela amusant ? Ce n’était pas du tout son cas personnellement, loin de là. Mais la conversation était maintenant terminée. Il s’apprêtait à lui dire de partir mais elle avait déjà repris la parole, enjouée :

« Les gens d’ici sont très loquaces. Enfin, pour certains d’entre eux. D’autres m’en veulent pour avoir tué quelques uns des leurs mais ce n’est pas grave, hein ? Je veux dire, ils devaient s’attendre à mourir en venant se confronter à moi. C’est la guerre ! »

« Cela ne veut pas dire qu’ils doivent faire comme si de rien n’était. Cela ne fonctionne pas de la sorte, Krawnia. »

« BAH ! Je vous jure, les mentalités des gens de l’extérieur. Vous aimez vraiment vous compliquer la vie, n’est-ce pas ? Vous autres. »

« Ce n’est pas une question de se prendre la tête. Par contre, je vais aller me coucher. Tu peux donc aller dans ta tente. Tu en as normalement une à toi. »

Elle s’exclama que oui avant de lui sourire. Encore ce sourire qui le mettait mal à l’aise. Mais heureusement, elle quitta bien la tente et il pouvait enfin se reposer. Du moins, il tentait car il ne trouvait pas le sommeil, couché en observant la toile de la tente.

Quand il entendit du mouvement, il ferma subitement les yeux, s’immobilisant complètement. Des pas qui se rapprochaient de lui. Des pas certains, confiants, qui allaient directement vers lui… et la couverture se releva avant qu’un corps ne vienne se nicher contre le sien.

« Je vais lui faire comprendre quelque chose à cette folle. »

Une seule phrase, une voix et un corps aisément reconnaissables. Un corps qui était bien installé contre le sien. Il sentait les bras de Manelena le ramener contre elle mais aussi ses jambes venir l’entourer. Elle ne fit rien de plus, elle savait qu’il était réveillé mais elle ne comptait pas s’arrêter, loin de là. Et il comprenait parfaitement ce qu’elle cherchait à accomplir. Elle voulait le marquer de son odeur, de son empreinte. Peut-être qu’il n’avait pas assez bien… compris à quel point Manelena l’aimait.

Chapitre 42 : Sacrifice

Chapitre 42 : Sacrifice

« De quoi vous parlez ? Leurs ancêtres ? »

« Les ancêtres ? Qu’est-ce que vous baragouinez ? » demanda calmement Manelena après les propos du gnomold. « Vous prétendez être nos ancêtres ? Vous avez la même espérance de vie que nous, peut-être un peu plus au grand maximum. De là à prétendre et à raconter n’importe quoi, il n’y a qu’un pas hein ? »

Elle avait dit cela avec une petite pointe d’ironie, ne cachant guère dans son ton le fait qu’elle avait beaucoup de mal à croire les paroles de ce gnomold. Il manquait encore un peu trop de détails pour qu’il soit crédible dans ses dires.

« Notre race est votre ancêtre ! Vous avez préféré complètement ignorer et abandonner tout un pan de l’histoire juste pour vous valoriser ! Vous n’y connaissez rien ! Rien du tout ! »

« Et si vous en disiez un peu plus ? Car j’ai la sensation que même les démons ne sont pas forcément au courant de ce que vous racontez. »

Et comme preuve de sa bonne foi, il avait décidé de faire disparaître ses griffes de pierre. Oui, il ne pouvait pas faire plus mais en même temps, ce gnomold était presque comme traumatisé. Mais est-ce que ces gnomolds allaient arrêter ce combat eux aussi ?

« Pourquoi… est-ce que l’on ferait la même chose que vous ? » demanda le gnomold, en comprenant bien où voulait en venir le jeune homme dans sa démarche.

« C’est à vous de voir. Vous semblez en avoir sur la conscience et… J’ai aussi besoin de savoir. Je préfère mourir en sachant ce qui se passe plutôt qu’en étant idiot. »

« Tu es vraiment comme les rumeurs en parlent hein ? Toujours prêt à discuter avant le reste hein ? Tsss… Et qui nous dit qu’après, tu vas pas chercher à tous nous tuer ? »

« Et c’est la même pour vous, non ? Vous êtes ici pour éliminer chaque démon présent dans le monde souterrain. Vous savez aussi bien que moi que vous avez commencé une mission suicide puisqu’elle n’aura de fin que lorsque vous serez tous morts, est-ce que je peux me tromper ? Ou alors, est-ce que j’ai raison ? »

« Tsss… Tu me fais chier ! POURQUOI TU ES LÀ ?! »

Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’il était ici ? Car c’était sa place. C’était une question vraiment étrange de la part du gnomold et les autres avaient toujours ce côté belliqueux. Un combat, est-ce qu’un combat pouvait vraiment s’arrêter comme ça ? Car juste deux personnes avaient décidé de le stopper pour parler ? Après, ils n’étaient pas une gigantesque armée, de chaque côté.

« Je suis là parce que vous vous êtes trouvés sur mon chemin, rien de plus. À la base, je ne pensais même pas vous avoir en face de moi, loin de là même. »

« Tsss, tu peux faire autant le fanfaron que tu le veux, ça ne changera rien aux faits ! Pas du tout même ! Tu ne peux pas tenter d’arranger des millénaires comme ça ! »

« Je n’ai pas dit ça et je ne compte pas le faire. Je n’ai pas à réparer des trucs qui se sont produits lorsque je n’étais pas né. Ce n’est pas à moi de faire tout ce travail. Mais si je peux tenter de faire quelque chose pour éviter que ça ne se reproduise, je ne vais pas me priver. Mais pour ça, il faudrait me dire exactement ce qui s’est passé. »

« AH ! Qu’est-ce que tu sais exactement des portes démoniaques hein ? Sais-tu pourquoi elles ont été crées ?! Pourquoi Zélisia et Alzar ont agi de la sorte ? »

« Pour empêcher le Dévoreur de ravager ce monde non ? Car de ce que j’ai cru comprendre, il n’était pas vraiment prévu que les démons se retrouvent bloqués sous la surface. On peut dire que cela ressemble à des dommages collatéraux. »

« DOMMAGES COLLATÉRAUX ! HAHAHAHA ! BORDEL ! »

Hmm ? Le gnomold était maintenant complètement hilare mais pourtant, lui-même avait la sensation qu’il se moquait de lui. Est-ce qu’il y avait une raison à ça ? Il ne savait pas trop mais il n’appréciait que moyennement tout ça. Pourtant, il attendait de voir à ce que le gnomold se calme, les autres membres de sa race le regardant avec autant de surprise que l’armée en face d’eux.

« Dommages collatéraux. Ces pauvres petits démons ! Ces démons qui continuaient de vouloir se battre sans cesse contre les races de la surface simplement pour que leur dieu Alzar s’envoie en l’air avec Zélisia discrètement ! »

« Je ne peux pas te donner tort sur le coup. Et je leur ai déjà fait la remarqué à ce sujet. Enfin, je crois… Je ne suis plus sûr. »

Le gnomold le regarda un peu, interloqué, en cherchant à voir s’il était devenu fou ou s’il pensait vraiment ce qu’il disait. Mais il y avait des chances qu’à l’époque, il ait parlé de cela avec eux quand il avait appris diverses choses. Cela remontait maintenant à pas mal de mois… voire même une année.

« Mais de toute façon, que ça soit les démons ou les races de la surface, les deux camps étaient fautifs. Zélisia n’était pas une sainte, loin de là. Elle avait crée plusieurs races avec chacune ayant ses propres caractéristiques tout en les laissant s’entretuer. »

« Nierk. C’est exactement ça. C’est ça de posséder trop de pouvoirs ! On commence à créer des aberrations mais ces saletés… ces deux saletés qui se prétendaient être des dieux ! Ils n’ont eu aucune hésitation ! Ils n’ont pas demander leurs avis aux races de la surface ! »

« Qu’est-ce que cela allait changer ? Les races de la surface n’auraient plus de raison de se battre avec les démons. Elles étaient gagnantes. Même s’il resterait les querelles liées aux différentes races et nations mais ça, c’est un autre souci. »

« Les démons étaient un ennemi commun mais ça, qu’est-ce qu’on s’en fout. Ce n’était pas ça le plus important ! Pas du tout ! Le plus important, c’est de nous avoir utilisé comme des pions pour créer ces foutues portes partout dans le monde ! »

« Utiliser… comme des pions ? » répéta Tery aux propos du gnomold.

« Ils ont usé de nos corps jusqu’à la moelle ! Alors qu’ils étaient occupés à fonder les deux portes démoniaques d’Omnosmos, les portes principales qui serviraient de fermeture totale par rapport au monde souterrain, vous pensez que les autres portes se sont formées comment hein ?! Vous en avez une simple idée ?! »

« Pas le moins du monde. Expliquez donc. Vous êtes en train d’insinuer que … ce sont les races de l’époque qui ont réussi à créer les portes démoniaques. Du moins, celles qui retenaient les différentes grottes et autres endroits scellés complètement. »

« C’est exact ! Les races de l’époque ont été sacrifiées pour les imbécilités de deux êtres trop puissants et incapables de contrôler leurs hormones ! Deux êtres trop stupides qui sont incapables d’arrêter leur création devenue trop puissante même pour eux ! Deux êtres qui ont rendu ces races difformes et bossues ! »

… … … Il venait de marquer un temps d’arrêt, comme pour laisser au groupe de Tery d’assimiler l’information. D’après le regard des gnomolds derrière celui qui s’exprimait, il semblerait que même eux n’étaient pas totalement au courant de tout.

« Les races sont devenues… des gnomolds ? C’est ça que vous voulez dire ? »

Un rictus se dessina sur les lèvres du dit-gnomold, comme pour confirmer les dires de Tery. Les gnomolds… actuels… étaient les descendants des races d’autrefois. Des races comme celles actuelles. C’était tout simplement impossible ! Il n’y avait aucune ressemblance et…

« Il y a quelque chose qui cloche dans ce que vous dites. Comment est-ce que c’est possible que vous soyez nos… ancêtres alors que nous sommes la preuve vivante que nous sommes totalement différents de vous. » déclara Manelena avant même que Tery ne puisse parler.

« Vous savez aussi bien que moi que les enfants ne naissent pas directement avec leurs magies inscrites en eux. Les lignes élémentaires n’apparaissent qu’après quelques années. C’est ça qui a permis à ces enfants de ne pas devenir comme nous. Nous avons été vidés de notre magie jusqu’au plus profond de nos corps, les modifiant pour devenir ce que nous sommes actuellement. Nos enfants, ont eu la chance de rester normaux. »

« Et il n’y avait aucune possibilité de revenir en arrière, c’est ça ? Vous étiez sans magie ? Comment avez-vous fait pour avoir alors des descendants qui sont aptes à avoir de la magie ? Et comment… il manque trop d’informations ! »

« J’en ai trop dit ! Je devrais plutôt vous exterminer maintenant ! Comme ça, vous… »

« Et pourquoi cela serait si grave que nous soyons au courant ? Qu’est-ce qui vous empêcherait de raconter tout cela autour de vous ? »

« Imbécile… Comme si des gens allaient croire des gnomolds ! Tu as vu nos trognes et tu veux prétendre que vous allez nous écouter ?! »

« Pourtant, Ernold est bien le plus grand archimage respecté de tout Omnosmos ! Pourtant, c’est un gnomold ! Lui n’a pas hésité à s’ouvrir aux autres races et tout le monde le respecte ! Même parmi vos pairs, j’en suis certain ! »

Et même si… Ernold avait bien caché son jeu par rapport aux portes démoniaques et autres vérités qu’il s’était gardé de dévoiler, il savait que le vieil archimage ne pensait qu’à la même chose que Zélisia et Alzar, enfin Séran et Sérest.

« Les gnomolds sont comme vous autres. Chaque gnomold est différent. Ce n’est pas parce qu’une poignée de gnomolds a décidé d’abandonner leur passé et leur histoire que tout le monde pense pareil ! » éructa le gnomold, plus qu’enragé par les dires de Tery.

Et pourtant, il ne faisait rien pour améliorer la situation. Malgré qu’il tentait de communiquer avec ce gnomold, ayant enfin appris quelque chose dont il ne se serait jamais douté, il voulait vraiment… trouver une solution pacifique. Une solution aberrante en vue du massacre commis par les gnomolds.

« Tery, ces gnomolds ne nous apporteront rien de plus. Il vaut mieux les exterminer. » murmura Manelena alors que Tery hochait la tête négativement.

« Si je peux éviter, je veux éviter… »

« Eux ne te laisseront pas réellement le choix, Tery. Tu le sais aussi bien que moi. Il faut te montrer raisonnable, non ? »

« Je vais me montrer raisonnable mais je veux le fin mot de cette histoire. Il me manque des détails que je n’ai pas encore obtenus ! »

En entendant le soupir fatigué de Manelena, il comprenait parfaitement qu’elle en avait assez du côté bon samaritain qui pouvait paraître chez lui sans même prévenir. Mais voilà, ce côté bon samaritain avait une raison d’être là. La raison était simple, il voulait TOUT savoir, tout depuis le début. Les moindres détails. Il reprit la parole :

« Les enfants et autres, vous ne voulez pas nous en dire plus à leur sujet ? »

« Qu’est-ce que tu veux que je te raconte de plus hein ? Ces enfants irrespectueux, pensant que nous étions des monstres alors que nous étions leurs parents ! C’est comme ça et pas autrement ! Nous étions différents d’eux alors que nos corps ont été sacrifiés pour eux ! »

« Vous n’avez pas tenté d’expliquer à vos enfants ce qui s’était passé ? Du moins, les gnomolds de l’époque à leurs enfants ? »

« Bien sûr que si, espèce d’imbécile ! Même si nous ne comprenions pas tous exactement ce qui s’était produit, certains d’entre eux, adeptes de la magie, avaient compris la situation. Et ils étaient heureux de voir qu’ils avaient mis un terme à l’existence du Dévoreur ! »

« Alors pourquoi les enfants n’ont pas accepté ça ? Ce n’est pas normal ! Les enfants devraient être heureux de voir que leurs parents s’étaient sacrifiés pour eux ! »

« Car ils n’étaient que des gamins. Des gamins aux cervelles malléables et éponges ! Des gamins incapables de réfléchir par eux-mêmes ! Si facilement manipulables entre eux ! Ils étaient différents des gnomolds et ce qui est différent est dangereux et mauvais ! Cela a toujours été le cas avec les races de ce monde ! »

Il avait vraiment la sensation d’avoir un cours d’histoire de la part du gnomold mais en même temps, c’était lui qui le demandait. Il ne pouvait en vouloir qu’à lui-même hein ? Il prit une profonde respiration avant de se mettre à réfléchir plus longuement à la situation. Avec tout cela, il allait finir par obtenir ce qu’il désirait ? C’est que peu à peu, il finissait par obtenir des informations importantes.

« Peu à peu, ceux qui étaient restés « normaux » se sont mis à grandir, devenant des adultes mais le mal était déjà fait. Au bout de deux siècles, nous autres étions répudiés et avons été chassés de là où nous vivions ! »

« Pourtant, je suis certain qu’il y avait des endroits où… »

« NON ! Et tu le sais aussi bien que moi, espèce de petit con ! Tu as très bien vu à quoi ça ressemble de nos jours ! Fais pas semblant d’être un putain d’aveugle ! Y a bien qu’à Omnosmos que les gnomolds sont tolérés et encore seulement certains qui seraient proches du grand archimage ! »

« Et je suis certain que vous prenez votre cas pour une généralité. Certains gnomolds ont fait une alliance avec Mékalarma pour éliminer les démons. Ce qui veut dire que tous ne sont pas réfractaires aux gnomolds. »

Peut-être que la discussion n’avait plus aucune raison de durer. Dans les faits, il avait visiblement plus ou moins eu tout ce qu’il recherchait. Il n’avait rien besoin de plus. Mais maintenant ? Quoi faire ? Attaquer les gnomolds et confirmer leurs dires ? Les laisser vivre alors qu’ils avaient commis des crimes sur des innocents ?

« Des millénaires se sont écoulés et au final, l’existence des démons n’était connue que de certains gnomolds. Les races de la surface, elles avaient totalement oublié que les démons existaient auparavant. »

Encore une fois, difficile de nier. Lui-même avait appris que « récemment » l’existence des démons et il était certain que c’était le cas de tous les membres du groupe armé, du moins en prenant en compte seulement ceux issus des races de la surface.

« Mais maintenant que les portes démoniaques sont ouvertes, il est possible de voir que les démons ne sont pas aussi mauvais que les gnomolds le pensaient ! Pareil pour les autres races ! Il est possible d’arrêter tout ça mais il faut le vouloir ! »

« On ne le veut pas. C’est bien trop tard pour chercher des excuses ! Il ne faut… »

« Est-ce que les gnomolds qui ne sont pas au courant de cette histoire pensent comme vous ?! Ou tentent au moins d’arranger les choses ?! Car oui, bizarrement, des fois, l’ignorance peut aider à réconcilier des races ! »

« Et quand elles apprennent la vérité alors hein ?! Tu crois que c’est aussi simple ?! »

« Oui, ça l’est ! Car c’est du passé ! Et que le passé, c’est bien de s’y accrocher pour connaître ses origines mais ça ne veut pas dire que ça doit être lui qui doit définir notre route ! Sinon, ça reviendrait à dire que je suis destiné à n’être que Tery ! »

« Tery ? Genre Tery ? » demanda le gnomold, comme un peu étonné. Ben quoi ? Ils ne savaient même pas à qui ils avaient affaire depuis le début ou quoi ?

« Oui, je suis Tery. Tery Vanian plus précisément. Pourquoi ? C’est si surprenant que ça ? De base, vous m’en voulez et plus encore à cause de tout ça donc bon… »

« Tery Vanian ! Celui dont Rokar n’arrêtait pas de parler ! AH ! C’est donc toi ! C’est toi le fichu démon qui est à la base de tous nos ennuis ! C’est TOI ! »

« Je ne compte pas m’enfuir ou autre. Vous pouvez criez autant que vous le voulez mais il va falloir quand même que vous vous expliquiez un peu. Qu’est-ce qui vous étonne ? »

« C’est toi ! C’est toi dont parlait Rokar ! C’est toi ! C’est toi qui a ouvert les portes démoniaques ! On avait aucun détail sur à quoi tu ressemblais mais c’était toi ! Rokar nous a dit de ne rien te faire ! Que tu es au service d’Ernold et d’autres stupidités ! »

« Rokar aurait vraiment fait ça ? Lui ? J’imagine que vous êtes en train de dire une bien mauvaise blague sur le coup. Ce n’est pas crédible du tout. »

Oui. Pourquoi est-ce que Rokar ferait ça ? Oh, dans les faits, s’il commençait à s’y attarder, de nombreuses fois, Rokar aurait put le tuer mais il ne l’avait jamais fait. Même si depuis le temps, le rapport de force s’était inversé, ça ne changeait pas qu’il aurait moins de scrupule à l’éliminer. Mais pourquoi Rokar dirait du bien des démons ?

« Rokar est au service d’Ernold depuis des lustres, tsss ! C’était lui qui était chargé de surveiller un village où se trouvait une engeance démoniaque. C’était toi ! Il a osé nous mentir en disant qu’il l’avait éliminée rapidement ! »

« Non, je ne pense pas qu’il ait menti. Ce qu’il vous a dit est véridique même s’il n’a pas donné toutes les informations. Il devait sûrement parler du démon qui s’est considéré comme mon père bien que ça sonne totalement faux et creux. »

« Faux et creux ! Tu avoues donc que Rokar a… »

« Non, je parlais du démon, pas de Rokar. Je pense qu’il avait compris que mon… père était un démon pur contrairement à moi qui a eu une mère humaine. C’est pourquoi il l’a éliminé mais pas moi. Du moins, c’est la seule raison plausible. »

Pourquoi est-ce qu’il était en train de raconter tout ça à des gnomolds ? Surtout que maintenant, il voyait bien que ces derniers avaient repris leurs souffles mais aussi… avaient soigné leurs blessures. Rien d’anormal puisqu’il en était de même de leur côté.

« Mais pas toi ? Car tu es juste à moitié démoniaque ? Rokar n’aurait jamais fait ça ! Sauf… Sauf si… Sauf si… Il était au service d’Ernold depuis le début ! »

« Et vous alors ? Vous ne semblez pas être n’importe quel gnomold. J’ai bien remarqué que ceux qui vous accompagnent n’étaient pas plus au courant que nous autres. Ce qui veut dire que vous devez être assez spécial aussi, n’est-ce pas ? »

« Tsss. Pour une fois que nous avions la possibilité de nous rendre dans le monde souterrain, ils ont préféré assurer la sécurité des gnomolds. Surtout avec cette folle qui est devenue une traîtresse ! On avait bien fait ! »

« C’est vrai que Krawnia n’est pas vraiment celle en qui j’aurais le plus confiance. »

« Hihihi ! Tu devais Tery, tu devrais. Il n’y a que toi à mes yeux, tu sais ? »

Non mais même ainsi, malgré tout ce qu’elle disait, il restait plus ou moins imperméable à ses propos. Ce n’était pas qu’il ne lui faisait pas confiance mais… en fait si. Elle n’était pas digne de confiance, c’était tout.

« Bref, il vaut mieux l’ignorer. Dans tous les cas, je n’ai plus envie de continuer à vous affronter. Et non, avant même que vous ne disiez quelque chose, ce n’est pas de la pitié. »

« Alors pourquoi tu veux éviter ça hein ? On veut vous faire la peau. On veut tous vous crever, vous, les démons, les traîtres, tous ceux qui ont osé nous abandonner ! »

« Oui mais sur le coup, ça ne servirait à rien. Avec ce qui vient de passer ici, vous allez attirer l’attention d’un groupe bien plus dangereux que le nôtre et je n’ai clairement pas envie de leur tomber dessus. Si vous êtes suicidaires, vous n’aurez qu’à les affronter mais je tiens à la sécurité de mes membres. Vous pouvez haïr le monde autant que vous le désirez mais ça ne doit pas vous inciter à un massacre gratuit de votre propre groupe. »

« Tu te prends pour qui pour nous faire la morale hein ? Tu crois qu’on va t’écouter juste parce que tu as décidé d’ouvrir ta bouche comme ça ? »

« Ce n’est pas une question de vous faire la morale. Vous avez réussi à arriver jusqu’ici avec pas mal de chance. »

Est-ce qu’il cherchait à les énerver ? Pas le moins du monde. Il voulait juste que ça soit bien clair à leurs yeux qu’ils n’étaient pas tombés sur l’armée la plus inquiétante du monde souterrain. Ce combat ne mènerait à rien mais surtout, le gagnant de cet affrontement serait dans un bien triste état et ferait une cible plus que facile pour les créatures souterraines.

« Tu me fatigues… Tu peux toujours rêver pour que notre espèce apprécie ce que tu viens de faire. Pire ! Tu as une odeur encore plus horrible que celle des démons. Je ne sais pas d’où elle vient précisément on va se retirer pour le moment. T’as juste intérêt à bien noter que la prochaine fois, on ne sera pas aussi sympas. BON ! On se retire les gars ! »

Même si la plupart des gnomolds étaient mécontents de la situation, tous acquiescèrent aux propos de celui qui avait tant discuté avec Tery. Manelena, à côté du jeune homme, plaça une main sur son épaule, lui disant pendant que les gnomolds s’éloignaient :

« Ce n’est peut-être pas une victoire qui provient d’un combat glorieux mais… C’était le bon choix, Tery. Nous ne pouvions pas nous permettre de perdre trop d’hommes. »

Il avait bien fait et elle voulait qu’il le reconnaisse. Accepter cette reconnaissance lui permettrait d’avoir plus confiance en lui. Oui, ils avaient obtenu bien plus que la simple « sécurité » des membres du groupe. Ils avaient appris une nouvelle vérité.

Chapitre 41 : Abandon

Chapitre 41 : Abandon

« Ne laissez aucun gnomold en vie ! Éliminez-tous jusqu’à ce qu’ils disparaissent ! »

Il avait crié une nouvelle fois la consigne aux soldats avant de se concentrer pour faire apparaître ses griffes de pierre. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas de monstres issus d’anciens démons ou de créatures des souterrains. Non, c’était des gnomolds, des êtres qui avaient montré une intelligence et des capacités bien plus développées qu’on n’aurait pu jamais le croire. Un petit grognement de dépit quitta ses lèvres au moment où il se disait :

« Pourquoi est-ce qu’ils ne peuvent pas tous être comme Ernold ? »

« Tery, tu n’as pas le temps de penser à ces inepties. Il va falloir que tu montres l’exemple ! Élimine des gnomolds à la pelle comme démonstration ! »

Une démonstration de boucherie. Oui, bien sûr. Il n’avait pas perdu la main au point d’être en danger face aux gnomolds, n’est-ce pas ? Même s’il n’était pas stupide, il savait pertinemment à quel point ces créatures étaient dangereuses, encore plus envers les démons.

Il avait fini par se jeter dans la bataille, sans même une once d’hésitation. S’il commençait à douter de ce qu’il faisait, autant abandonner tout de suite. Rapidement, il se retrouva à hauteur d’un gnomold, parant sa lame avec une griffe avant de nicher son autre griffe dans le corps du gnomold.

Hmm… Bien entendu, c’est ce qu’il pensait. Cela ne pouvait pas être aussi simple. Alors qu’il avait imaginé traverser le corps du gnomold avec facilité, il ne pouvait que constater qu’il n’avait pas réussi à percer aussi bien qu’il l’aurait désiré.

« Tss… Vous êtes vraiment tenaces, hein ? »

« Toi ! Toi ! Toi ! C’est toi ! C’est toi le responsable de tout ça ! Nous avons été mis au courant ! C’est toi qui doit payer ! C’est toi qui doit souffrir ! »

« Au courant de quoi ? Hmm… Enfin, qu’importe ! Je ne vais pas perdre mon temps plus longtemps par rapport à ceci ! »

De sa griffe qui avait paré le coup, il recommença une nouvelle frappe, plus puissant que la précédente pour venir trancher le bras poilu qui tenait l’arme du gnomold. Celui-ci poussa un hurlement très vite éteint par la seconde griffe qui s’était insinuée dans sa bouche.

« C’est beaucoup plus simple quand on décide de passer par des raccourcis. »

Il venait de dire cela à ceux qui combattaient à ses côtés. Si les gnomolds avaient la peau dure, il ne fallait pas hésiter à passer par d’autres endroits. Qu’ils ciblent les yeux, la gueule, bref des zones moins protégées et qui avaient une bien plus grande efficacité.

Jetant un œil sur le côté, il cherchait à voir si Manelena n’avait pas de problème. Mais bon, comme il s’en doutait, elle était plus qu’apte à se battre et était même surtout très motivée. Visiblement, des adversaires plus coriaces, ça lui manquait. Ou alors, elle en profitait pour se déchaîner après tout ce qui s’était passé dans la capitale ? Difficile à dire.

Dans tous les cas, il était en train d’observer la bataille du mieux qu’il le pouvait. En tant que combattant au corps à corps, il était difficile d’avoir une vision d’ensemble et donc, il ne pouvait que compter sur ses yeux. Est-ce que son armée arrivait à prendre le dessus sur les gnomolds ? Beaucoup avaient déjà expérimenté un combat face à eux mais cela ne changeait pas que les gnomolds étaient toujours galvanisés en affrontant les démons.

« Ils ont vraiment l’air de ne pas les porter dans leurs coeurs. »

Le pire est qu’il avait toujours considéré les gnomolds comme une engeance maléfique pour les différentes nations de ce monde. Au final, il s’avérait que les gnomolds considéraient eux-mêmes les démons comme encore plus mauvais qu’eux. Et dire que lui avait crû que si Ernold était un gnomold capable d’être le grand archimage, il y avait une chance pour tous les gnomolds. Non, il ne devait pas penser comme ça. S’il voulait oeuvrer pour un monde en paix avec les démons, il fallait faire comprendre que les démons n’étaient pas tous mauvais. Et donc qu’il en était de même avec les gnomolds !

Sauf que ce n’était pas le moment de se déconcentrer. Ces gnomolds n’étaient clairement pas là pour chercher ne serait-ce qu’une parcelle de dialogue. Ils espéraient surtout les éliminer et cela sans même avoir envie de dialoguer. Il suffisait de voir ce qui s’était passé avant qu’ils ne les trouvent. Il était hors de question de faire ne serait-ce qu’une seule concession en leur direction.

« Reculez un peu et soufflez pour les plus blessés d’entre vous ! »

Une consigne toute simple mais qui pourtant montrait la difficulté de la situation. S’il devait annoncé une telle chose, c’est que ses soldats étaient blessés plus qu’on ne pouvait le croire. Dans tous les cas, il préférait jouer la précaution et la sécurité.

« Ces gnomolds savent aussi se soigner et sont vraiment de grosses teignes. »

Il avait dit cela aux démons à ses côtés. Certains étaient déjà essoufflés et blessés mais tous étaient encore bien vaillants. Néanmoins, il voulait vraiment que ça soit gravé dans leurs crânes que ces gnomolds ne comptaient pas en laisser réchapper l’un des leurs si par malheur, ils n’arrivaient pas à les battre.

« Vous êtes à nos côtés, chef. Vous ne devriez pas vous en faire pour ça. Nous, on s’inquiète pas, on sait ce qui nous attendait en vous suivant hein ? »

« Et puis, c’est un peu pareil pour ceux de la surface. Ils suivent leur reine Manelena. S’ils s’inquiétaient pour aussi peu, ils devraient alors arrêter d’être des soldats. »

« Ne disons pas cela non plus. Certains sont peut-être juste moins « engagés » que nous dans cette lutte. Enfin, normalement de notre côté, nous sommes en grande partie originaires des familles nobles les moins aisées de la capitale donc nous savons qu’il n’y a pas vraiment de possibilités comme avenir autre que ça. »

« Ouais, et je peux te dire à quel point ma famille était fière et heureuse de voir que j’étais revenu de la surface en vie et surtout avec une personne de celle-ci. De base, nous n’étions déjà pas vraiment une famille importante alors bon… »

« Concentration, les gars ! J’arrive pas à croire que c’est moi qui vient de dire ça ! »

Oui, maintenant qu’il avait lancé un peu le sujet, les soldats étaient en train de discuter. En même temps, ils le pouvaient vu qu’ils n’étaient pas en affrontement direct avec les gnomolds, une autre partie de l’armée étant occupée avec eux.

« Par contre, qu’est-ce que nous devons faire ? J’ai entendu parler d’une créature ailée qui accompagne les gnomolds. Elle est bien plus puissante qu’eux et arrive à martyriser nos troupes. On dirait qu’elle s’amuse plus qu’autre chose. »

« Vous savez par où elle se trouve ? Si tel est le cas, je peux essayer de m’en charger personnellement. Cela sera bien mieux que rien. »

« Sur le flanc droit, vous êtes certain que ça va aller et… »

« C’est plutôt à moi de dire ça ! Faites comme je l’ai dit ! Les blessés en arrière et ne vous faites pas prendre en tenaille ! Soignez un maximum si possible et tout sera bon ! » s’écria Tery avant de se mettre à courir pour s’éloigner.


De toute façon, ils n’étaient pas seuls. Ils avaient Manelena avec eux, ça devrait aller ! Il n’avait pas à s’inquiéter pour si peu ! Maintenant, il allait mettre la main sur cette fameuse personne qui causait bien plus de problème qu’autre chose.

Comment la repérer ? En regardant vers les cieux ? Cela ne semblait pas être une mauvaise idée si on décidait d’y accorder de l’importance. Dans tous les cas, il devait quand même se préparer mentalement à une forte confrontation.

« HIHIHIHI ! Eh bien, c’est tout ce que les démons ont à me mettre sous la dent ? Dire que je pensais que vous seriez plus costauds que les autres vu que vous étiez en un gros grand groupe ! Mais même les gnomolds peuvent vous éliminer ! Hahaha ! »

Une voix féminine. Il n’arrivait pas vraiment à la reconnaître mais il avait quand même la sensation de l’avoir déjà entendue auparavant… mais il y a bien longtemps. Il tourna sa tête vers l’origine de cette voix, regardant en hauteur avant de cligner des yeux.

Une aile de chauve-souris et une autre couverte par les plumes. Une femme provenant de Claudiska ! Impossible de ne pas la reconnaître mais même ainsi… Il y avait autre chose. Il connaissait la race mais cette personne… Il était certain de…

« OOOOH ! OOOOOOOOH ! OOOOOOOOOOOOOH ! »

Un cri strident, accompagné par deux autres et la bataille semblait comme s’être stoppée. Oui, toutes les têtes se retournèrent vers la femme ailée, celle-ci ayant déployé chacune de ses ailes, un sourire parcourant ses lèvres alors qu’il était certain qu’elle était en train de le fixer du regard. Un regard exalté.

« Tu es donc là ! Te voilà enfin ! Tery Vanian ! Je n’ai jamais pu t’oublier ! HAHAHA ! »

« Euh… Euh… Oui ? » dit-il en tentant de rester sur ses gardes.

Le truc, c’est qu’il ne ressentait aucune animosité de la part de cette femme. Elle n’était pas un danger pour lui… mais pour son entourage. Et c’était pourquoi il était encore plus méfiant. Pourtant, il eut juste le temps de cligner des yeux… qu’elle était là.

Oui. Elle était à sa hauteur, son sourire pouvant être presque ravissant s’il n’était pas dérangeant. Oui, il se sentit déglutir, comme pris d’une certaine nausée. Mais pourtant, il était prêt à réagir si elle venait l’attaquer et…

« OOOOOH ! Que ça fait si longtemps ! Tellement longtemps que j’attendais de te revoir ! JE t’ai cherché partout ! Dans toute la surface et dans ce monde souterrain ! Je t’ai enfin retrouvé après tout ce temps ! »

Et le voilà maintenant embrassé par la jeune femme ailée, celle-ci le gardant contre elle alors que ses propres griffes avaient été prêtes à réagir… avant de s’arrêter. Il venait de recevoir une embrassade de la part de cette femme et maintenant qu’elle était collée à lui, il arrivait enfin à la reconnaître ! Mais bien entendu ! Comment est-ce qu’il avait pu oublier ça ?

« Tu es la gardienne du pilier ! Enfin de l’époque ! Du pilier de l’aigle bicéphale ! Krawnia, si je ne me trompe pas ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Et en même temps, accompagnée par des gnomolds ! C’est toi qui… »

« Oh ! Ces gnomolds, ils ne m’intéressent pas le moins du monde, tu sais ! » coupa t-elle en faisant un geste de la main comme pour balayer ce sujet qui ne l’intéressait guère.

« Euh je crois que je vais avoir besoin de bien plus d’explications et informations que ça. »

« Oh mais donc après cette bataille, n’est-ce pas ? Si ce n’est que ça, je vais vous aider ! Ce sont les gnomolds, vos ennemis ? »

« Oui mais tu sais, avec ce que tu as fait et… » commença à dire Tery, encore plus perplexe qu’auparavant tandis que la femme ailée le décollait enfin de ses bras.

« Alors, ça ne sera pas bien difficile. J’ai réussi à en exterminer pas mal avant qu’ils ne viennent m’autoriser à les accompagner. Les gnomolds sont si agressifs et mauvais par nature, c’est à se demander pourquoi ils existent ! »

« Car ils ont le droit d’exister, comme les démons. » dit-il en grognant un peu, mécontent alors qu’il n’oubliait pas qu’ils étaient en plein combat.

« Le droit d’exister ? Hmmm… C’est un peu bizarre comme concept mais d’accord ! Mais pourtant, vous n’hésitez pas à les tuer, non ? »

« Car nous ne faisons que nous défendre. Mais nous n’allons pas les provoquer sur leurs terres pour venir les abattre. C’est là toute la différence. »

Pourquoi est-ce qu’il avait la sensation qu’elle n’avait pas du tout le même mode de pensée que lui ? Est-ce que la solitude dans cette tour lui avait bouffé le cerveau plus qu’il ne le pensait ? Enfin, ce n’était pas à lui de lui donner des cours. C’était une femme adulte, elle pouvait normalement se débrouiller seule sans avoir besoin d’un soutien.

Ou alors il se trompait complètement ? Mais avec tout ça, il pouvait maintenant compter sur une nouvelle partenaire pour ce combat contre les gnomolds même s’il sentait que ce n’était que le début d’une nouvelle source d’ennuis.

« MANIPULATEUR ! Les démons sont tous des manipulateurs ! »

Le cri de rage d’un gnomold venait de briser le cours de ses pensées. Ah… C’était sûrement un des gnomolds qui venaient de tomber sur Krawnia. Ou plutôt l’inverse. Et des manipulateurs ? Il n’avait rien faire pour ça tandis qu’il retournait auprès de Manelena. Celle-ci le regardait avec perplexité en demandant :

« Est-ce que tu veux bien m’expliquer ce qui se passe ? Je crois me rappeler de cette femme ailée mais à part ça, elle est quoi ? »

« Krawnia. Je n’ai pas tout saisi mais elle était avec les gnomolds mais dès qu’elle m’a vu, elle est passée de notre côté. »

« Hmm ? Et tu as décidé de la laisser faire ? Je suis pas certaine de comprendre exactement où tu veux en venir, je dois avouer. »

« Je ne sais même pas ce que je veux exactement non plus de mon côté aussi. » soupira Tery en marmonnant quelques autres mots.

Elle voyait bien qu’il était vraiment embêté par la situation. Oui, il n’était pas ravi de la présence de Krawnia mais surtout de ce changement de camp aussi surprenant qu’impromptu. Comme quoi s’il ne faisait pas attention, cela pouvait vraiment finir… mal.

« Bon, Tery, tu sais ? Ne va pas te mettre martel en tête. On s’occupe d’exterminer les gnomolds et ensuite, on ira interroger Krawnia. Je crois qu’elle a pas mal de choses à nous dire. D’accord ? Cela te va ? »

« De toute façon, je n’ai pas trop le choix, non ? »

Il n’avait pas vraiment dit cela avec ironie mais plus avec dépit. Les gnomolds étaient tous comme enragés, encore plus qu’auparavant. La trahison de Krawnia avait vraiment fait du mal à leur organisation.

« RÉUNISSEZ-VOUS ENSEMBLE ! FAUT LES BUTER ! TOUS ! »

Oh ? Il y avait sûrement un gradé parmi les gnomolds. C’était normal. Jamais cette espèce n’aurait laissé Krawnia les diriger. Ils avaient sûrement utilisé la femme ailée comme elle les avait utilisés. Oui… C’était tout à fait logique.

La voix provenait d’où ? Il n’avait pas eu la possibilité de s’y attarder et il espérait que Manelena pourrait le guider. D’ailleurs, ce fût ce que la femme en armure noire avait comme idée en tête puisqu’elle s’était mise à courir en disant aux soldats de se débrouiller sans elle. Alors qu’il se présentait à ses côtés, elle lui déclara :

« Coupons la tête et le corps tombera. Enfin, ça marche généralement comme ça. »

Pour les groupes, n’est-ce pas ? Mais ici, il s’agissait de gnomolds. Ce n’était pas vraiment la même chose et elle le savait aussi bien que lui. Si un chef tombait, un autre aurait la force et la volonté d’en trouver un autre aussitôt, et cela en plein combat.

Oui, à sa connaissance, il ne se rappelait pas avoir vraiment connu de gnomolds craintifs et effrayés. Non, même s’ils étaient apeurés, ils ne fuyaient jamais. Ils étaient toujours prompts à se battre et à attaquer tout ce qui leur faisaient face.

Et là, c’était exactement ce qui était en train de se passer. Il avait réussi à retrouver Krawnia, Manelena l’ayant guidé jusqu’à elle. Maintenant ? Qu’est-ce qu’il allait pouvoir dire ou faire ? Les gnomolds étaient encore nombreux et Krawnia était légèrement blessée.

« Vous vous vous… C’est vous ! C’est toi ! Le démon responsable de cette trahison ! »

« Ooooooh ! Tery ! Tu es venu voir comment j’allais ? C’est si gentil mais tu n’as pas à t’inquiéter, je vais parfaitement bien, oui ! »

« Non, non, ce n’est pas ça. Enfin, peut-être un peu mais… ces gnomolds. Vous êtes vraiment venus pour moi ? » demanda Tery alors qu’il s’adressait au gnomold qui s’était exprimé avec virulence en le voyant arriver.

« Tous les démons mais surtout celui qui a ouvert ces portes ! C’est toi et toi seul ! »

« Pour autant, Ernold, le grand archimage d’Omnosmos ne semblait pas être plus préoccupé que ça. Alors pourquoi vous autres, vous êtes incapables de réagir comme lui ? »

Il avait posé une nouvelle question, restant sur ses gardes. Oui, il tentait quand même la communication avec ces saletés ! Ces saletés qui n’ont pas hésité un seul instant à tuer des femmes et des enfants.

« Je devrais vous le faire payer, vous le savez bien hein ? Mais je veux une raison ! Je veux savoir pourquoi vous vous focalisez absolument sur moi ! »

« Traîtres ! Tous ces enfoirés sont des traîtres ! Tous des traîtres qui se sont rapprochés des mondes ! Vous êtes des déchets ! Tu les as tous manipulés ! »

« Je n’ai rien manipulé du tout. Manelena n’a pas été contrôlée par moi ou autre. Vous racontez n’importe quoi mais comme bien souvent, avec vous, les gnomolds, il n’y a pas de demie-mesure, hein ? »

« Comment est-ce que tu nous parles ? Saleté ! JE VAIS TE … »

« LA FERME ! » hurla aussi violemment Tery que le gnomold. POURQUOI ?! Pourquoi fallait-il absolument que ça se passe toujours ainsi ?! « J’ai fait des efforts avec Ernold, j’ai fait des efforts avec Rokar ! Et pourtant, il a attaqué mon village natal ! Mais non, vous, vous voulez juste tout foutre en l’air comme si de rien n’était ! »

« Vous ne pouvez pas comprendre ! Surtout pas un foutu démon ! Tes ancêtres ne t’ont donc rien appris ?! Vrai que vous avez été enfermés pendant des siècles ! »

« Heureusement, je suis né à la surface et d’une mère formidable alors que mon père était un démon ! Donc vos excuses foireuses ne marchent pas avec moi. »

« Excuses, excuses, excuses ! FOUTU DÉMON ! »

« Vous pouvez prétendre ce que vous voulez mais ça ne changera rien aux faits. Vous êtes belliqueux et n’envisagez que la manière forte. À partir de là, il n’est pas possible de vous comprendre car vous faites tout pour que l’on ne vous comprenne pas. »

Le gnomold était énervé, les autres aussi. Les démons étaient en train de souffler, les soldats aussi. Tout le monde semblait considérer ce répit comme salvateur mais lui-même continuait d’allumer la mèche qui mènerait à une nouvelle bataille.

Oui… S’il agissait comme ça, c’était la seule récompense qu’il allait avoir mais il fallait percer l’abcès avant qu’il ne soit trop tard. Avant que ça ne dégénère encore plus. Il avait besoin de plus d’explications. Ces gnomolds étaient sur le point de craquer, il le savait ! Et Krawnia était dans le même état d’esprit, prête à tout ravager.

« Tu n’as rien remarqué pour notre race, n’est-ce pas ? Tu en vois même ici présent ! Ils sont tous là ! Il y a de toutes les sortes ! »

De toutes les sortes ? Comment ça ? Qu’est-ce que le gnomold racontait ? Oui, il y avait des gnomolds, mais aussi des shunteriens et autres. Enfin, de son côté, ils avaient un peu de toutes les races sauf des mékalarmiens. Mais les mékalarmiens, pour qu’ils travaillent avec une autre race, il fallait se lever tôt. Comme dépité en voyant Tery se retourner brièvement vers ses camarades, le gnomold reprit :

« Tsss, il fallait s’en douter. T’es complètement aveugle. Et pourtant, je suis certain que d’autres parmi vous l’ont remarqué. »

« Tery, il veut parler des caractéristiques physiques des gnomolds. Comme les honoriens, mékalarmiens et autres, les gnomolds, suivant leur nation d’origine, ont des caractéristiques différentes. Du genre, ceux issus de Mékalarma ont des écailles sous leurs fourrures.  Et ce sont d’ailleurs les plus teigneux à combattre. » chuchota Manelena.

« Ah ! On parlait de ça ! Hmm… Oui, j’étais au courant, hmm… Enfin, je veux dire, j’avais bien remarqué ça mais… quel est le rapport ? C’est juste une race qui arrive à s’acclimater à son environnement, non ? Des animaux en sont capables aussi. »

« AH ! HAHAHAHA ! Ça se voit que vous êtes trop stupides pour comprendre. En même temps, en parlant de ceux qui ont décidé d’abandonner leurs ancêtres, il ne fallait pas s’attendre à quelque chose de plus intelligent de votre part ! »

« Et qu’est-ce que tu veux… Hein ? »

Il s’était arrêté dans ses paroles, interloqué par celles du gnomold. À côté de lui, il sentait que Manelena était dans le même état d’esprit. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Abandonner leurs ancêtres ? Et c’était quoi le rapport avec les gnomolds ? Il manquait une information capitale ! Et encore une fois, les gnomolds la détenaient !